pieces of us / kenza

ce qu'il faut savoir / elle est passionnée, kenza. par la vie, l'amour, la musique, les petits détails du quotidien qui font briller les yeux. elle idéalise son environnement, pour amoindrir les tristes revers de la médaille. élevée à la dure, elle ne connaît que l'éloge de l'excellence. son goût se veut raffiné et sa patience se veut ridiculement mince face à la médiocrité. son agacement est souvent dirigé contre sa propre personne, désireuse de devenir meilleure. la meilleure. la musique dans la peau, comme une malediction qui empoisonne les veines. l'oreille absolue pour pianoter les yeux fermés. une passion en demie teinte, une envie dissimulée de voir autre chose, parfois. mais kenza, elle se veut docile face à ceux qu'elle aime. et capricieuse face aux inconnus. l'hautaine gosse de riche matérialiste à la langue coupante. un cliché ambulant, caricaturé dans ces teen movies. parce que kenza, elle se cache derrière les remarques sarcastiques et parfois mesquines, pour se protéger. pour finalement, faire oublier qu'elle n'est qu'une âme brisée enfermée dans l'utopie dorée d'une cage trop étroite.

01. kenza, kenza, kenza, susurré du bout des lippes. prénom à la symbolique remarquable, remarquée. le trésor, l’envie de l'avoir, de la chérir, elle cette poupée aux traits délicats. l’identité détachée, tâchée, par les exigences d’un père au prestige impeccable. elle se façonne à son image, s’oublie et se perd dans les méandres des relations conflictuelles qui bouffent l’âme. l'abcès est béant, dans la poitrine du paternel. et quand il pose son regard sur kenza, il ne voit que sa femme, celle qui tenait la moitié de son palpitant entre ses frêles mains. il l'aime à sa façon, la protège jusqu'à l'épuisement. 02. l’échine droite, la nuque tendue. les pulpes caressent les touches du piano à l’image d’une plume fragile. la mélodie comme compagnon. et les octaves, qui dansent sur son derme nacré, sur ses paupières closes. l’extase du classicisme aux notes suaves et sensuelles, graves et douces. une palette vibrante, qu’elle joue avec une grâce déconcertante. virtuose aux doigts élancés. le miracle, l’espérance dans les prunelles fières de son père. une passion transmise à coup de cours imposés et de louanges murmurés avec fierté. c'était maman, la musicienne. et kenza, elle ne connaît que ça. un destin de pianiste tracé dès son plus jeune âge. elle joue, l’essence vagabondant sur les vestiges d’une reconnaissance orgueilleuse, d’un amour qu’elle voulait plus fort qu’un baiser sur le front après une représentation. 03. la respiration saccadée, le dos arqué. les premiers émois, les premières gouttes sucrées d'une passion aux notes presque amères. elias, il a le sourire du tombeur, le regard du charmeur. il se joue des mots et de ses courbes, comme un harpiste caresse sa harpe. et kenza, elle se laisse cueillir par les mains calleuses, par les promesses d'une autre nuit, d'une autre journée lovée contre son corps. il y a les sentiments, après. les papillons du creux des reins qui s'agitent autour de son palpitant. et l'amertume, qui s'accroit encore et encore. ils ne se sont pas jurés fidélité, exclusivité, toutes ces conneries que les couples se disent et font. pourtant, kenza, elle en a marre de le partager avec des inconnus aux visages éphémères. elle en a marre de prétendre qu'elias, c'est juste le meilleur pote de son frère. les assiettes volent et se fracassent, s'écrasent contre le mur, s'étalent sur le carrelage, emportant avec elles les morceaux d'un coeur qu'elle lui a bêtement confié. 04. le portrait prône dans l'entrée. un portrait en pied, d'une femme qui porte ses traits, ses cheveux dorés, ses prunelles claires. elle l'admire, kenza, la voit dans ses songes où sa voix mélodieuse apaise ses maux, caresse son visage d'une main maternelle. les rayons qui se reflètent sur le verre du cadre lui donnent cet air angélique qu'elle lui imagine. un sourire contre un autre, puis un trait, un relief au coin de l'oeil. kenza, c'est le fantôme d'une mère qui a perdu sa vie au profit de la sienne. une relique éternelle, se pavanant sous le regard parfois tendre, parfois stricte, de son paternel. parfois, il la déteste de l'avoir perdu. et parfois, elle n'est juste que la concrétisation d'une douleur amoureuse qui l'enchaine au passé. puis il y a tarak. l'aîné, l'enfant roi. celui qui traîne les déceptions d'un père qui le voyait déjà reprendre les reines de sa société. enfant turbulent, perturbateur, cancre, accro aux plaisirs de la vie. tarak, il vit pour vivre, s'octroie un free pass, se moque des règles et des lois. et kenza, elle l'a toujours envié d'avoir cette liberté d'être celui qu'il a envie, et non le businessman en costume qu'il devait devenir. 05. il la frappe à coup de je t’aime. il la désire d'un poing à l'autre, laisse ses phalanges s'encrer sur son derme diaphane et fragile. ses empruntes s’impriment autour d’un poignet, d’une épaule, d’une côte. jamais sur le visage, jamais sur la nuque. les traces noires témoignent silencieusement d’un abus passionnel. il a le visage d’un ange. le gendre idéal, adulé et adoré, accepté au premier sourire. bras-droit, homme d'affaires en herbe, il remplit les critères exigeants de sa riche famille. et kenza, elle pense que c’est ça, l’amour. qu’il suffit d’un regard approbateur de papa, pour forcer son palpitant à l’aimer pleinement. alors, elle porte des manches longues, pince les lèvres et se dit bêtement, que ça passera.