au revoir là-haut (grisha)

C’est droit et fier que le soleil se tient suspendu au-dessus du Queens ; il y déverse quelques coins de chaleur, des sabres de lumière crève-coeurs qui débordent sur les intérieurs encombrés par la poussière.
Mais il y a un lieu que ses épées n’atteignent pas, un sanctuaire en convalescence aux prémices du jour. Il n’y a que l’éclat des projecteurs pour tenir en joug le décor impérial du théâtre; des balcons texturés, des sièges gonflés d’un épais velours pourpre, la scène encadrée par les oripeaux des tentures. Et les restes de son corps à elle, décharnée par la faim, font peser une ombre sur le parquet rutilant de lumière.
La tête blonde piétine, juchée sur la plante des pieds, retombe sur ses talons, tournoient, le stylo en bouche ou tenu par une oreille, elle marmonne à elle-même les mots transcrits sur ce bout de papier défiguré par l’usage. Elle gratte les pans usés de sa feuille, marmonne à nouveau et y inscrit des passages nouveaux.
Finalement, le bout de papier échoue dans un coin.
Au même instant, une porte claque en rompant avec les vertus du silence cultivé.
« Entends-moi, car ceux-ci sont les derniers mots que je t’adresse » ses lunes cherchent l’ombre qui s’est introduite dans la bâtisse.
« Ils sont, les derniers mots que j’adresse à l’univers. Et je te les donne.
Parce que tu es le seul à n’avoir jamais su que je portais la mort en chaque instant de mon existence.
Je suis, tout ce qui se perd, tout ce qui s’achève.
L’incurable et l’inéluctable.
Je suis morte chaque jour depuis ma naissance. Et à chacune de ses petites morts, ton ombre se tenait au-dessus de la mienne et soufflait la vie.
Tu n’as jamais voulu croire que mourir était désirable, et que tes lambeaux de vie étaient comme des encoches béantes sur le bois de mon coeur.
Je n’ai jamais souhaité autre chose que quitter cette agonie infinie qu’est la vie.
C’est comme ça que je m’en vais; faisant l’économie de paroles et de la raison, à l’endroit où je te suis maintenant inatteignable pour que tu puisses m’insuffler ni oxygène et ni remontrances.
Oui. C’est comme ça que je m’en vais, en te haïssant pour m’avoir maintenu en vie jusque-là »  Elle a les yeux plantés dans les rétines céruléennes de l’inconnu, des perles salées cachées dans le creux de l’oeil. Subitement de sa manche, la blonde hisse une lame et entame sa peau épaisse.

@grisha orlov

Au revoir là haut

Il a rejoint la beauté d’une architecture, l’histoire de cet art orfévré dans l’écrin de salles aux fauteuils carmins. Il s’amuse à s’imaginer empereur ou bourgeois, lui qui a sur les mains la saleté des billets et de la richesse convoitée, la somme rutile sur son compte en banque, des nombres qui grossissent chaque jour. Le théâtre nourrit l’âme du vaurien, nourrit l’esprit de l’érudit et du flâneur. Lui n’aime pas acheter, il préfère gérer, mais, quelques fois, il adore contempler et se bercer de ce que l’homme fait. Mécène, il donne à ce lieu des chiffres adroits pour accueillir les meilleurs des comédiens, les troupes aux voix magiques, les intellects créactives. Il connaît les couloirs et les colonnes, les coulisses et les tapis, il connaît les tableaux, les plafonds, les dorures, théâtre XIX ième, culture américaine. Il songe alors à sa culture, la russe, la rude.
C’est un son dans un son, un ton dans le cristal féminin, c’est une femme qui joue, qui spécule et se passionne, il entend la tirade de cette mère jeune, de loin elle a les cheveux d’or des déesses déchues et les larmes azures dans ses pupilles dorées. Elle possède le visage des maesta, le visage fou de celle qui ne perd rien.
« Tu te lancerais dans les méandres d’Hades, une Perséphone aux armes de pierre et aux paroles amères. Je prends tes derniers mots comme une offrande et m’en nourrirais comme un sacre. N’oublie pas, inconnue, que la vie est fer mais aussi miel. Partir pour l’agonie, un courage que j’admire.»
L’enfant retire de sa manche un fin poignard qu’elle tend vers sa peau de lait, impliquée, elle ne songe pas à la douleur, il regarde, curieux et enivré, cette fille des catacombes, étrange rencontre. Un sourire se dessine, intéressé, réveillé par les effluves de l’acte. Le sang glisse, coule et roule, sur son poignet la purpurine dessine la ligne de la souffrance. Il guette sur son minois la tentation, la séduction, elle semble l’inaccessible dans un endroit de glace.
« C’est une performance joliment esquissée, bien interprétée. As-tu déjà joué Médée ? Je t’imagine férocement dans ce rôle, habillée de coton dans la tunique sacrificielle. Tu tuerai les enfants dont tu aurais la charge, je t’imagine possédée par la transcendance. Comment t’appelles-tu ? »
Sa main dans la sienne, son regard dans le sien, deux vies dans une seule. Elle lui remémore ses regrets qu’il a tassé au fond de son puits solitaire, des regrets d’enfant qui ne souhaitait qu’exister pour les arts, pour la beauté. Il a volé la beauté des femmes, Pygmalion barbare. Doucement, il essuie de son pouce l’ichor qui sèche sur l’épiderme de marbre.
« Te volerai-je pour te garder pour moi ? »

(c) élissan.

@Louison Maillard

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Que m'importe que tu sois sage?
Sois belle! Et sois triste! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage;
L'orage rajeunit les fleurs. Baudelaire

Les mots lettrés d’un inconnu encastré dans les couloirs d’une salle vidée d’existence, se lèvent entre la fin d’un monologue et le début d’un silence. Une altitude littéraire qui désoriente brièvement la comédienne scellée sur la scène, loin de l’anonyme lequel, dans l’ombre, décharge l’extase sur le présent funeste.
Louison maintient cette promiscuité oculaire en même temps que le fer rouillé entre ses doigts, intimant avec sincérité à l’homme de ne point la sauver. Et elle n’a pas mal, gamine, là où la peau a déjà tant souffert de ses démences irrégulières. Elle n’a pas mal et lui dit, tuant un râle suppliant qui ne vient jamais. Le rictus des conquérants s’installe sur des lèvres droites et masculines, et la môme sent une mort tranquille, sans encombre, dans un jeu exécuté avec brio.
C’est l’immense satiété, le charme perfectionné dans le fluide pourpre qui vient teindre le parterre, elle croit qu’il va la laisser se vider en contemplant la vie fuyante, une main glissée dans la sienne, ensanglantée. Mais il lui parle d’avenir, ignore allègrement le temps qui s’épuise sous leurs yeux.
Elle pense, qu’un instant seulement, l’illusion était parfaite.
Des grandes billes bleutées percutent ce visage vorace, un peu rapace. Rencontre exquise. Déjà, elle sent qu’il savoure sa charogne.
« Je ne pensais pas trouver meilleur partenaire pour m’accompagner vers la mort et marcher au milieu du chaos. Mon nom est Louison. Et vous êtes? »
Qu’elle exige d’une voix sirupeuse à celui qui s’empare doucement de sa main, vole tous ses regards, se blottit dans l’absence de décor. C’est un moment dédié à la mystique, à l’oeuvre des oracles qui tiennent déjà la fin.
L’homme tend une requête du bout de ses lèvres serrées entre elles. Louison fait zigzaguer ses grandes iris à la naissance de ses racines, sur ses yeux troublants, l’arête droite et bossue de son nez, puis sur le reste de son visage. Elle sent ses doigts lécher le sang affluant.
« Non » elle ose, déterminée.
« Ce monde est déjà trop petit pour moi, et je crois que le vôtre est encore plus étroit. D’ailleurs, on ne me vole, ni ne me garde. Venez-vous de me proposer une double cage, monsieur? », le sourire des audacieux, peut-être de l’impertinence. Elle nargue, affublée d’innocence.

Au revoir là haut

La curiosité s’ouvre dans ses orbes démentes, ouvertes sur la faim qu’elle aiguise, cette fille étrange, d’où vient-elle, elle n’est pas d’ici, ni d’un pays connu, plutôt sur une terrible planète celle de l’impétuosité naturelle que ses lèvres s’amusent à esquisser. Elle a la confiance aveugle et l’appétit démesuré pour un univers étriqué, Louison dit-elle, tendant la main et l’ogre serre, lentement, pour préserver un instant de dominance. Car celle qui domine présentement cet entretien abracadabrantesque semble une gamine aux prises avec ses amusements, une luciole, une Alice, une créature jaillissant des tréfonds d’un mystère.
« Vous avez raison, je ne suis pas le partenaire idéal, vous seriez écrasée sous mon poids. »
Et dans sa voix, le rire entremêlé de dangerosité, déjà il analyse, inspecte les possibilités, cette gosse du théâtre, rare trésor, inestimable talent, il aimerait en faire un diamant qu’il poncerait et nettoierait de ses provocations, il en ferait sa courtisane, le rubis de sa couronne, à tous ses clients fortunés il montrerait cette Eurydice, il demanderait à cette âme de créer des atmosphères magiques et transcendantes pour ses soldats au goût d’enfer.
Dans ce lieu des arts où tremblent, parfois, la prescience d’un au-delà, il observe cette silhouette menue, elle est avalée par le monument des voûtes et des sièges de velours, là, sur la scène, elle pourrait se sentir intimidée, il n’en est rien. Grisha songe. Mais ne dit rien. Dans ses pensées, l’imagination ; Louison au lit. Car il ne voit pas la femme comme l’homme ni ne se soucie des traumatismes qu’il laisse, empruntes sales dans le cerveau et l’âme de ses filles. Elle…
« Je ne propose pas rien. Un jour je te prendrais, si l’envie m’en dit. »
Il répond à ce sourire angélique d’un ton sucré, la douceur, velouté de sa voix aux accents russe et froid. Elle deviendrait sa princesse de satin, l’une des rares qu’il embarquerait pour son plaisir personnel. Elle cogne dans sa psyché de diable, Louison, si beau nom pour la particulière, la fille des lunes étoilés.
« Que possèdes-tu donc dans ton répertoire ? As-tu joué Judith ? Antigone ? Phèdre ? Roxane ? Joues-tu également d’un instrument ? Dessines-tu ? Ecris-tu ? Ou… oui, certainement tu danses. Et si tu ne danses pas, je t’apprendrais. »
Dans l’oeil du maudit, le désir qu’elle lui appartienne, férocement.

(c) élissan.

@Louison Maillard

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Que m'importe que tu sois sage?
Sois belle! Et sois triste! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage;
L'orage rajeunit les fleurs. Baudelaire

Elle aime, lolita dévertébrée, que l’oeil étranger sur chaque recoin de sa peau et sans oublier ceux de son âme, s’attarde. Qu’il ose en s’affranchissant des convenances, faire déborder sa curiosité sur les cascades de son arrogance. Que l’expérience des années ne l’empêche guère de savourer la midinette à peine distinguée. Elle, qui se force souvent à dresser le menton, conserver cette précieuse hauteur qui préserve du vertige et de la chute, sans posséder l’élégance du Parler et les apparences soignées.
Plus délectable encore est la parole qui lui mord le pelage, puis le rire qui grince dans son sillage. Elle étudie la terreur de près, fait rouler les pupilles sur la sensation horrifique qu’il ait dit vrai. De son poids d’homme illustre, finirait-il par l’écraser.
Le mouvement de ses seins, qui se lèvent et s’affaissent, trahit le broiement de la monotonie par cette bête de délicatesse faite. C’est que les monstres, désormais, savent méprendre les proies même avisées. Mais ses lunes mettent en lumière, perce à jour l’incube dans cette toile d’obscur.
Et sa cire se gèle, poupée se redresse, l’allure majestueuse car elle sent déjà la sienne pétrir son aura. Elle sait qu’il ne ment pas; il prendra s’il le veut, sans demander permission. Louison se tait, pour la deuxième fois consécutives, des mutismes de trop.
Doucement, une lutte féroce s’entame entre une Lilith et un Adam, un combat d’égal à égal au désarroi du second. Alors elle lui dit: “Je joue Judith mieux qu’elle-même, vous savez”, parce que comme elle, je tue bien ceux que j’aime.
“Je crois bien qu’il n’y a que jouer qui soit vraiment gratuit. Combien ça coûte de danser avec vous, une bonne douzaine de servitude? Je n’ai rien à vous donner, tout est déjà à moi.”
Ancrée sur le bois de la scène, plantée là sur le champs de bataille, elle jure à sa cervelle indisciplinée de ne point s’enfuir, de ne point céder à la conquête et faire durer les facéties.

Au revoir là haut

Des regards aux orbes effroyables, deux paires. L’une juvénile d’une féminine et l’autre vieillie par les rides et les cernes ; Grisha arbore le faciès neutre mais dangereux de l’homme moqueur. Pas pour elle cependant, la Louison inconnue mais reconnue, pour sa force, sa verve, son caractère fascinant. Il tombe toujours aux pieds de l’atypisme, ces profils rares et chantants, toujours dénigre-t-il les femmes mais chute quand il s’agit de désir, ah pauvre Grisha enfermé dans sa prison virile ! L’homme n’a conscience que de son pouvoir qu’il exercera sur le corps qu’il déshabille déjà de ses yeux séduits. Et elle s’exclame encore, avec bagout, avec courage, un soupçon d’innocence perlé dans la provocation. Il ne s’empêche plus de rire, non par moquerie comme il lui arrive souvent, par souhait tout entier de la posséder. « Tu me sembles bonne à être dévorer par le loup. » Il répond à côté, se permet de tendre ses cartes, manipulation de la curiosité, il sent que le cerveau de la fillette répondra aux mots mystérieux, elle ne pourra s’en empêcher. Il constate cependant le corps tendu, la silhouette élancée, mutine et souple prête à fuir si elle se sent en danger. La biche n’est pas naïve. Il écoute et le sourire grandit, cette fois d’orgueil à l’idée qu’elle lui appartienne, elle paraît l’oiseau de paradis, libre et fière, digne et indépendante, elle ne le veut pas, elle l’est, chez elle, c’est naturel. Et pourtant, sous le charisme qu’elle possède déjà et qu’elle maîtrise avec talent, se cache les doutes et l’auto-destruction. « Ce serait plutôt à moi de te payer. » Le sous entendu ne se cache pas, il pense à ces filles qu’il a enfermé, piégée et déracinées, quelques unes avaient le profil de cette Phèdre aux rubis dans l’observation. Alors, il décide. « Je peux te payer en expérience si jamais tu es assez curieuse et affamée. » Marque un temps, le temps d’attiser la flamme des promesses charnelles. Son corps protégé d’un costume crème, une chemise blanche relevant la finesse de ses muscles par des heures de sport dans la matinée. Le corps a l’habitude du mouvement, du danger, du dynamisme.

(c) élissan.

@Louison Maillard

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Que m'importe que tu sois sage?
Sois belle! Et sois triste! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage;
L'orage rajeunit les fleurs. Baudelaire

L’oiseau de proie s’extasie, laisse gravir le rire jusqu’au sommet des tentures. Elle remarque que derrière l’ombre elles tremblent, ondoient, frémissent. Désopilée, Louison plisse le nez et ses sourcils ainsi réunis lui donnent l’air indigné d’une enfant. Cet homme qui la surplombe déjà, se sert de l’aplomb de sa voix pour lui soutirer l’espace et les entretenir dans une promiscuité disruptive. Il ricane et elle, se sent fauchée.
“Vous vous croyez loup depuis que j’ai menacé de vous tuer. De bien basses sollicitudes pour un homme de votre acabit, peut-être est-ce parce que je vous effraie?”
Elle se targue de passivité sur un visage déjà suffisant, tout ça alors même qu’elle est ébranlée la première. Une chance qu’elle maîtrise les rôles pour voiler tout ce qui, déjà, est évident.
Et comme s’il s’agissait d’une comédie atrocement exubérante, les linéaments du portrait anguleux forment un énième sourire. Louison l’observe, l’inconnu, parce qu’elle sent qu’il a fini de se taire pour lui laisser la parole, comme si elle, avait accepté cette échange tacite. Des fils qu’elle décèle partout sans pour autant qu’ils existent.
Il profère l’insoutenable, pérore même.
Au discours qu’il entonne, la fierté qui la maintient redouble de beauté. Judith s’emploie au premier coup: à ce que cesse la verve sataniste. La distance s’anéantit, il n’y a plus rien de tel que le mètre cordial, elle exige l’espace restant qu’il ne s’est guère accaparé. Si près, il est encore plus grand qu’un monstre et plus féroce qu’un loup. Le faciès se redresse pour atteindre la hauteur du goujat.
“Je suis la pute d’un seul et il est déjà Dieu. Qu’êtes-vous vous? Sinon un sale riche ennuyé par une existence barbante qui souhaite des choses qu’aucun argent ne pourrait payer. Je suis hors de prix, hors d’emprise. N’importe qui préfèrerait se mettre une balle en tête plutôt que de me faire ce genre de propositions”, désormais sur la pointe des pieds, près de son oreille attentive “je dois pouvoir trouver un flingue si les regrets vous rongent déjà”.
Elle fait tomber les talons, agite son insolence sous les papilles exécrées du bonhomme. Ignorante qui instille le danger, sans être capable de le démasquer.

Au revoir là haut

La tension s’orne de dangerosité, le rouge, le rouge de la passion, le rouge de l’indécence, le rouge sang, tout autour croule, et dans ses yeux le rouge de violence. Grisha se sent enflammé dans ses reins le lever du roi et dans son coeur la lenteur du démon ; c’est que jamais encore n’a-t-il rencontré de fille comme celle qui s’insurge et possède les rôles, talentueuse dans sa candeur, innocente dans sa détermination mais insouciante mais folle quand elle brave et parjure son pouvoir d’homme. Les mouvements de Grisha s’enterrent de lenteur, il a les mains qui caressent la joue, c’est pour mieux te corrompre mon enfant, il a la poigne dans ses cheveux, c’est pour mieux te soumettre mon chaperon. Et les doigts qui serrent, férocement. Il n’est plus temps de s’amuser à écouter les palabres de la Judith mais bien de l’emmener pour lui apprendre le danger, puisque Grisha se sent dieu avec les femmes, femmes créées pour le désir et le plaisir, il prendra et ravira tant qu’elle succombera. Mais d’un mot il prévient « Je t’emmène. » Politesse qui n’en est pas lorsque, d’un regard spectateur l’on se rend compte de la menace de la déportation. Et paroles deviennent actes. Grisha la tire, son poignet serré et marqué par le châtiment, l’homme n’a pas de patience et Louison l’a vexé dans l’orgueil mâle, l’orgueil du puissant invincible. Son chauffeur dévoué lui ouvre la porte de la berline, berline que l’on voit souvent tourner la nuit, des véhicules aux portes de fer et des camions qui s’arrêtent près des maisons où s’engouffrent les indicibles, des vieux et des riches, des êtres damnés à la soif inextinguible. Le silence est d’or pour assujettir la victime, Grisha installe confortablement Louison, prend son temps quand il lie ses mains l’embrasse sur la joue, promesse exécrable de condamnation, de domination. Et, près d’elle, s’assoit. L’ordre ne se dévoile pas aux lèvres, il s’exécute. La voiture s’engage vers les voies de la débauche. « Tu es bien séductrice. » Dit-il dans un rire, rire murmurant la punition à venir.

(c) élissan.

@Louison Maillard

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Que m'importe que tu sois sage?
Sois belle! Et sois triste! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage;
L'orage rajeunit les fleurs. Baudelaire