la porte refermée de l'appartement joue comme une barrière. un peu plus apaisé, xinyi se laisse aller à respirer plus profondément, se calmer petit à petit. ce cocon lui fait du bien mais ce qui lui permet de se relâcher est l'ambiance entre shun et lui. en temps normal, n'y aurait-il pas eu des remontrances ? une engueulade ? des reproches ? après tout, ils n'ont fait que se crier dessus ou s'envoyer des pics depuis qu'ils se connaissent. aujourd'hui, pourtant, tout semble si différent. les yeux de shun n'ont pas cette colère habituelle qui le dévore, ses mots sont beaucoup moins acérés et ses gestes plus doux. une surprise pour xinyi qui ne s'attendait pas à un tel comportement. alors il n'hésite pas, il accepte son envie de le soigner, persuadé que le médecin n'arrivera pas assez vite. au fond, ça le rassure d'inspecter la blessure de shun et de n'y voir aucune réelle gravité.
xinyi s'applique. de ses doigts délicats, il désinfecte et panse. savoir que shun a connu pire lui tord quelque peu le ventre. désagréable sensation d'inquiétude. les cicatrices témoins de blessures du passé, il a pu en voir quelques unes mais jamais xinyi n'a tenté de savoir comment et pourquoi elles avaient marqué le corps de shun. missions compliquées, guet-apens ? couteaux, balles ? xinyi ne peut empêcher un frisson de le parcourir alors qu'il tente de s'imaginer la douleur qu'a pu ressentir shun. lui, son corps est immaculé. des petits bobos, oui, il en a eu, comme tout le monde. mais rien de grave. qui sait. peut-être cela arrivera plus vite qu'il ne le pense. ça le stresse.
aujourd'hui, il n'a plus peur que pour lui. protéger shun lui est impossible. il n'a pas la carrure. pas l'expérience. sans lui au cours de cette mission, xinyi ne s'en serait peut-être pas sorti. il espère un jour pouvoir lui rendre la pareille mais sa trouille le rendra sûrement inutile jusqu'à la fin de sa vie.
« t'as encore un long chemin à faire. » shun semble croire le contraire, lueur d'espoir quant à une évolution positive. xinyi lui, se voit à tout jamais comme un peureux. comment pourra-t-il changer s'il ne s'en pense pas capable ?
« et je serai pas toujours là. » c'est bien ça qui le chagrine. si sa présence l'a agacé au plus haut point au début, à présent, xinyi se rend compte qu'il ne peut pas se débrouiller sans lui. impossible. pour l'instant, ses lèvres restent closes. est-il prêt à assumer sa peur du départ de shun ? s'il regarde bien au fond des iris de xinyi, il peut le voir, le sentir.
« content de savoir qu'au moins une personne appréciera la cicatrice. » les joues teintées de rouges, xinyi regrette ses propos. l'air semble un peu plus respirable quand shun enfile enfin le tshirt. la peau exposée finalement recouverte, xinyi réussira peut-être à calmer son coeur qui bat un peu plus qu'il ne l'aimerait. ce n'est pas la première fois que le corps d'un homme le fait réagir de la sorte mais il a toujours mis de côté ces réactions et envies perturbantes. peu intéressé par les relations ou l'amour, xinyi n'a pas voulu voir plus loin. mais la présence quotidienne de shun ramène trop régulièrement des sensations qu'il aurait voulu étouffer. il n'a pas besoin de ça. pas maintenant.
« est-ce que ça va vraiment ? » perdu dans ses pensées, xinyi cligne des yeux, surpris à la question de shun. cette journée entre eux ne ressemble à aucune autre et ça n'aide pas xinyi à apaiser son coeur. les mots de son protecteur lui ramènent à la figure toutes ses craintes comme une violente claque et ses yeux s'humidifient sans qu'il ne puisse se contrôler. l'intérêt de shun à son égard couplé aux évènements passés aura eu raison de lui. de ses mains, le plus jeune appuie rageusement sur ses yeux traitres. pourquoi n'arrive-t-il pas à se maitriser ? «
non... » aveu qui le tue. mais mentir ne servirait à rien, xinyi le sait. son mal-être est trop visible. «
non ça va pas du tout. j'veux plus avoir aussi peur qu'aujourd'hui. j'veux pas que tu sois blessé. j'veux pas qu'on meure pour.. ça... » pour un foutu gang qui ne lui apporte que du malheur, qui gâche sa vie. «
et j'veux pas que tu partes. t'façon... vu comme j'suis nul, tu seras obligé de rester à vie avec moi. hein ? » il tente un petit rire vite noyé par un sanglot. humour masquant une réalité qui le terrifie. bien sûr, il ne mentionnera pas les doutes que shun met sur sa sexualité, il n'est pas prêt pour ça. leur équilibre nouveau est trop précaire pour tout envoyer valser par des désirs qui devraient restés enfouis.
(c) calaveras.