skinny love (ft.livia)

ils étaient tous aux abonnées absents.
à des années lumière d'elle.
le seul détail qui différait étant qu'il y avait ceux qu'elle tenait délibérément à l'écart. et ceux qui, de leur plein gré, entretenaient cet écart. peu importe ce que pouvait en penser la principale intéressée.
dans l'incapacité d'en vouloir à ceux qui n'étaient que tributaires de son propre éloignement, elle s'en remettait aux autres. et sur eux, passaient ses états d'âme.
ses maux et sa colère.
son incompréhension en bandoulière.
et parmi eux, il y avait aysha. la supposée meilleure amie devenue souvenir. l'amitié en pointillés qui n'avait connu que des hauts et des bas, de son début à aujourd'hui. parce que leur relation est singulière, bien loin de la seule véritable qui aurait dû exister. parce qu'elles semblent en attendre tellement l'une de l'autre, sans véritablement savoir le formuler. parce qu'elles partagent tant de points communs dans les étapes de leur vie, sans être capable de les exposer, de les expier. à l'oreille d'une amie suffisamment attentive pour l'entendre.
et toi t'as tellement besoin d'être aimée livia. t'as tellement besoin qu'on soit là pour toi. qu'arrive bien trop souvent des fois où tu ne la comprends pas. ou tu lui en veux, de tout et de rien à la fois.
comme deux âmes qui sauraient si bien se compléter, si elles savaient seulement se le confier.
elle les compte les jours, la gamine henderson. serait même à deux doigts d'en colorer les cases du calendrier. pour s'en faire une preuve du temps qu'elle avait passé à fuir, à s'éloigner. à trouver mille-et-un prétextes toujours plus importants que de l'appeler.
ça la fait dérailler livia, ça l'irrite. préférant faire face à la vérité, plutôt que d'attendre, dans le vent, un appel qui ne viendrait pas.
et elle l'a trop fait pour continuer sans réagir. si aysha ne venait pas, elle ferait le premier pas.
t'as bien trop peur qu'elle choisisse de t'éviter encore. de ne pas t'ouvrir la porte sous l'obscure raison de ne pas avoir envie de parler. au fond de toi, t'es persuadée qu'elle cache quelque chose, sinon elle ne se donnerait pas autant de mal à te tenir éloignée.
par chance, elle possédait un double des clés livia. une aubaine, pour les jours comme ceux-là. et elle le fait tourner, l'objet magique. jusqu'au cliquetis libérateur.
la luminosité de l'extérieur avait beau avoir percé depuis plusieurs heures, la pièce restait plongée dans l'obscurité. comme si elle avait oublié d'ouvrir les volets. comme si elle s'était endormie, sans se réveiller.
pourtant, elle semble déjà là quand elle actionne l'interrupteur avant sa visiteuse clandestine.
et ce que tu vois quand tu te retournes face à elle te choque. aysha l'arme à la main, qui te regarde droit dans les yeux. tu pourrais presque trembler tant t'as l'impression de revivre le cauchemar de cette nuit-là. pourtant, tu le balayes bien vite quand le pistolet tombe au sol.
tu réponds jamais au téléphone ?
elle s'insurge livia. parce qu'elle voit bien le mobile qui traîne sur la table basse. et comprend dans le même temps qu'elle décidait délibérément d'ignorer ses sms et ses appels. pour une raison qui lui semblait de plus en plus floue.
et soudain, aysha s'écroule à terre, sans qu'elle ne voit rien venir. elle s'interroge, pense à une mauvaise blague, le troisième acte d'une pièce dramatique qu'elle jouerait dans le simple but de faire passer la pilule de son absence.
aysha. tu lèves les yeux au ciel, ta patience mise à rude épreuve. aysha. tu voudrais qu'elle prononce un mot, rien qu'un mot. qu'elle ouvre la bouche ou qu'elle te regarde au moins.
sauf que la bouclée ne semble pas en faire une priorité.
alors elle s'approche en soupirant livia, et elle s'accroupit à sa hauteur, avant de lui relever le menton.
regarde-moi, tu m'fais quoi là ?
t'as la sensation d'être devenue une mère engueulant sa fille et tu détestes ce sentiment-là. presque autant que l'incompréhension qui se répercute sur tous les murs de la pièce autour de vous.