diego ◇ l'essentiel est invisible pour les yeux

01/ les souvenirs d'enfance sont souvent les plus joyeux, les rires, l'innocence, l'insouciance, tout ça ne caractérise absolument pas les premières années de vie du gamin, non, lui il s'est battu pour survivre, pour manger, pour dormir. trop d'enfants, pas assez de place, un bébé qu'on oublie dans un coin malgré ses hurlements, ça lui aura appris la patience à diego, la patience et la persévérance, il sait comment se faire une place dans un monde où l'on ne veut pas de lui.  02/ cielos, pas encore?! les dernières paroles du père, du sien, quand la mère dépassée a annoncé une énième grossesse. il ne voulait pas d'enfant avec elle, il en avait déjà eu un, il ne comptait pas s'embarrasser d'une marmaille défaillante, au revoir papa, bonjour princesa. 03/ il n'a que quatre ans le marmot et pourtant il s'occupe de sa soeur, de ce bébé qui hurle jusqu'à l'épuisement, il la berce dans ses petits bras, il lui raconte des histoires pour qu'elle ait de jolies choses à rêver, il lui promet qu'il sera toujours là pour la protéger, pour l'aimer, parce que ce sont eux contre le monde. 04/ elle a de la peine, la voisine, elle voit ce gamin aux grands yeux bruns qui traîne devant la porte, les boucles qui collent contre ses joues humides, maman n'est pas rentrée et ils n'ont rien à manger. un gamin de sept ans ne devrait pas avoir à se soucier de ce genre de choses, mais il n'est pas seul et ce n'est pas pour sa mère qu'il s'inquiète, non, mama revient toujours un jour, mais livia a faim, alors il doit trouver une solution. la gentille voisine lui donne du pain de mais, du lait et du fromage, ses bras autour du cou de la femme pour seule récompense, il se fraie un chemin parmi les marmots jusqu'à sa soeur à qui il donne tout ce qu'il vient de recevoir, j'aime pas qu'il dit, petit menteur, il veut juste qu'elle mange sans culpabiliser, il se contentera des petits bouts laissés pour remplir cet estomac trop vide. 05/ il comprend pas ce que ces gens font là, pourquoi est-ce qu'ils emportent les enfants un à un, il ne le sent pas, le gamin, alors il se cache dans un coin avec Livia, peut-être qu'ils vont les oublier, peut-être qu'ils pourront rester là ensemble. Ils sont doués à cache-cache les gamins, mais les assistants sociaux aussi, ils veulent emporter Livia d'abord, mais c'était sans compter la tornade Diego, il ne leur aura pas fallut deux minutes pour comprendre que rien ne pourra séparer ces deux-là, ils sont emmenés ensembles et ils seront placés à l'adoption ensembles, ce n'est pas négociable. Enfants indissociables. 06/ voici monsieur et madame henderson, ils veulent vous adopter, ensemble, ses bras autour des épaules de sa petite sœur, rien ne peut rassurer le gamin, pas même le regard bienveillant de l'américaine, pourquoi est-ce qu'ils voudraient deux enfants cassés comme eux ? pourtant, quelques semaines plus tard ils se retrouvent tous les quatre dans un bel avion en direction de new york. l'enfant est impressionné, il n'a pas l'habitude des grandes villes comme celle-là, il n'a pas l'habitude de dormir dans un lit, d'être séparé de sa soeur par des murs, alors il lui faudra du temps pour cesser de se glisser dans la chambre de livia, de dormir à même le sol avec son ours en peluche pour seul oreiller. 07/ l'enfant sauvage devient un adolescent intelligent, brillant dans certaines matières, il ne manque pas d'ambition, il sait qu'il doit travailler pour y arriver et cette chance qui lui a été donnée, il ne compte pas la gaspiller. gosse sans histoire, il se tient loin des embrouilles, il veille sur livia de près comme de loin, casse des gueules quand il le faut, ils doivent comprendre qu'on ne s'en prend pas à elle sans conséquence. ils ont beau vivre dans une jolie maison, dans un beau quartier, porter de magnifiques vêtements, elle reste son plus grand trésor. 08/ la fierté dans les regards de sa famille embrume son regard, il a obtenu son diplôme, il est officiellement kinésithérapeute spécialiste en rééducation traumatologique. s'il a réussi ça c'est grâce à eux, ses parents qui n'ont jamais cessé de l'encourager, le remettre sur le droit chemin quand c'était nécessaire, à force de patience, d'amour et de compréhension, ils ont réussi à ce que ce gamin sauvage fasse quelque chose de sa vie. 09/ diego, j'ai ... j'ai... viens rien n'est pire que ces appels qui laissent la porte ouverte à l'imaginaire. livia a besoin d'aide, et comme toujours, c'est lui qu'elle appelle. la petite copine râle, ils passaient un moment agréable, mais elle sera toujours sa priorité, il promet de revenir rapidement, c'était un mensonge, il ne reviendra pas ce jour-là. sa soeur recroquevillée dans une ruelle, il craint le pire, ce qu'on pourrait lui faire, mais il ne s'attendait pas à ce que ce soit elle qui prenne la vie d'un homme. calme, trop peut-être par rapport à l'importance du moment, il l'embrasse et la serre contre lui rentre, tout va bien se passer, je m'occupe de tout. te quiero princesa, . il faut aimer quelqu'un comme lui l'aime, pour comprendre. il s'est rendu auprès du corps du commerçant allongé, sans vie, il saisit l'arme à pleines mains afin d'y déposer ses empreintes au maximum, des larmes inondant ses joues, il peut se montrer faible puisqu'elle n'est plus là. il sait qu'il tire un trait sur sa vie, son futur, qu'il endosse quelque chose qui ne lui ressemble pas, mais pour elle, il pourrait se faire passer pour un criminel de guerre, alors le meurtre d'un seul homme ? rien ne l'effraie tant qu'elle est en sécurité. du sang sur ses vêtements, sur ses mains, il souille un maximum la scène pour enlever les traces de présence de sa petite soeur, il vérifie si la caméra de surveillance était branchée, mais heureusement, les frais de ce genre de système sont souvent au-dessus des moyens des petits commerces de quartier. quand la police arrive, le mexicain est à genoux à côté de sa victime, récitant une prière pour ce pauvre homme, demandant pardon pour sa famille. il n'opposera aucune résistance, plaidera coupable, un coup de folie diront ses avocats. son comportement exemplaire jusque-là lui permettra de ne faire que trois ans de prison. trois ans. ce n'est rien pour la liberté de sa sœur. 10/ Trois ans, c'est long. Les choses changent, les gens changent. Diego est libre à l'aube de cette nouvelle année, besoin viscéral de respirer, de prendre un nouveau départ, de se sentir libre, le brun prend la direction du Mexique, un retour aux sources discret, mais nécessaire. Il retrouve cette voisine aux traits désormais vieillit, mais qu'il reconnaîtrait entre mille, un regard bon ne change jamais, il voyage, il tente de se reconnecter avec ce garçon qu'il était, mais c'est plus dur qu'il l'imaginait. Road trip, sac au dos, il oscille sur la frontière en levant son majeur vers ces politiques qui imaginent être au-dessus de la valeur d'une vie, de centaine de vie, il fait la fête, il boit, il s'endort dans des draps différents toutes les nuits jusqu'à San Diego. C'est un coup du destin, il échoue par hasard dans la ville qui porte son nom, Diego, il déambule dans les rues avec son sourire et son regard charmeur, il tombe sur des gens sympa, d'autres moins, puis il tombe sur elle, Circé. La déesse semble avoir succombé à ses propres poisons, heureusement qu'il sait quoi faire, c'est probablement grâce à ses premiers soins qu'elle vivra la belle. Ténébreuse, la femme ne pipe mot, gardant les remerciements pour une prochaine fois qu'il croit, il s'engage à la ramener avec lui à New-York, il est temps de rentrer à la maison. Intrigué par cette brune taciturne, il tentera de la revoir, vérifier qu'elle va bien, mais il n'arrive jamais à mettre la main sur elle, fichu vipère. 11/ on peut bien dire que l'Amérique est le pays où rien n'est impossible, mais ceux qui disent ça, ne doivent pas retrouver un job après trois ans de prison. Dénigré, craint, Diego se voit refuser tous les postes pour lesquels il aurait excellé, mais les New-Yorkais sont des fêtards, les touristes ne disparaissent jamais, alors les bars engagent n'importe quel gars capable de remplir un verre et s'il possède une belle gueule, c'est tout bénef. Voilà quatre mois qu'il bosse de nuit comme barman, il s'habitue, mais il ne sera jamais épanoui, pas tant qu'il n'aura pas reprit un semblant de son ancienne vie.