nécrose

traits de caractère /
(( poison )) ouvre les yeux et j'te dirai qui tu es. astrid, c'est la plaie béante qu'on oublie de désinfecter, l'odeur nauséabonde des ennuis à venir, c'est le doigt d'honneur qui s'invite dans les conversations un peu trop houleuses. elle bouffe, elle arrache, elle mord - n'en reste que des os, pauvres gamins ignares. astrid c'est le poison qui vous nécrose le coeur de l'intérieur. dites adieu au paradis, elle est votre putain d'enfer.
(( venin )) astrid, elle ne parle pas - elle injure, des syllabes barbares crachées à la gueule, provoc comme un besoin. malsaine, qu'elle est - elle vous rappellera à quel point vous êtes minables, vous susurrera à l'oreille que si la terre ne tourne plus rond, c'est parce que vous êtes là. elle vous prendra par les sentiments, elle vous aura à l'usure.
(( damnation )) elle vous ensorcèlera, peu importe le prix. les marginaux, les mal-aimés, les arrogants, elle les ramasse tous d'une main habile et les tient près d'un cœur qui ne bat pas tant que ça. ils tombent tous, les pauvres ; un minois pour lequel on tombe, un tempérament ravageur qui apporte les regrets. les hommes, elle les séduit - les femmes, elle les jalouse. animale, possessive, sans doute qu'elle les déteste parce qu'elle les veut à s'en arracher le cœur.
(( bohème )) y a pas cet air de mélancolie sur son visage, rien qui indiquerait qu'elle partie de ces âmes désabusées qui traînent les pieds. le malheur sous la peau, rampant comme une maladie, astrid a cherché tous les moyens pour s'en débarrasser. la débauche. la drogue. la fugue. elle a même envisagé le pire, caressé l'idée du bout des doigts avant de faire demi-tour. elle pleure quand elle est seule, et dieu qu'elle est seule, pauvre gosse qui s'auto-détruit à merveille.
(( deuil )) au début, y avait pas qu'elle. y avait joy, et joy c'était l'univers, joy c'était tout ce que ses parents égocentriques avaient toujours désiré. l'enfant prodigue, la réussite d'une génération vouée à l'échec. difficile de dire si astrid et elle s'entendaient vraiment derrière les sourires usés et les remarques cinglantes. il fallait bien admettre que joy était une bonne rivale - mais née avant elle, astrid n'avait pas la moindre chance. elle l'en a détestée, sauvagement, à prier pour qu'elle disparaisse. et puis un jour, elle a disparu.
(( acerbe )) astrid elle a jamais vraiment réussi à partager quoi que ce soit. sans doute parce qu'on lui a toujours offert que la moitié du monde. joy elle semblait tout avoir, un clignement d'yeux et voilà, fille gâtée fille pourrie. alors elle s'est accrochée au peu qu'elle avait. aux trucs. aux gens. quand ils avaient la mauvaise idée de l'approcher, elle les laissait plus partir. un amour-menotte, un contrat sans issue. elle vous aura — et elle vous gardera. là, près du cœur, où tout est interdit. gare à vous.

j'ai l'amertume au cœur, moi. et ça sert pas à grand-chose d'autre que cracher sa haine et prier pour que tout aille dans notre sens. sauf qu'y a jamais rien qui marche comme il faut, jamais rien qui se passe comme on l'aurait voulu. j'aurais pas su dire ce que tu voyais en elle. à vrai dire, j'ai longtemps cherché. j'me suis demandé si c'était sa beauté — c'est vrai qu'elle était jolie. plus jolie que moi, selon l'univers. joy elle avait ses putains d'astres alignés en permanence, des ange-gardiens horripilants qui surveillaient ses moindres faits et gestes comme pour s'assurer qu'elle arriverait à tout. et toi elle t'a eu. comme tout l'monde autour d'elle, des oh et des ah murmurés comme si c'était le christ revenu à la vie. mais c'était qu'elle, que joy, la fille au cœur fragile que tu promettais souvent de jamais lui briser. j'entendais tout, moi, une souris dans les murs, perçant l'intimité de ceux qui pensent l'avoir protégée. c'était morbide, au début. l'envie de te voler toi pour qu'elle soit malheureuse. puis ça m'est passé — parce que toi, tu me répugnais. t'as été con, tu sais, à tomber pour elle pour pas grand-chose. gentille, qu'tu disais, comme si tu voyais pas à quel point elle nécrosait mon existence. première arrivée, première servie, c'est ce qu'on dit. elle elle a tout eu à cause d'un timing de merde, même toi elle t'a eu. dis-moi, qu'est-ce qu'elle a dû faire pour t'agripper le cœur ? t'es vraiment naïf. tout le monde l'est. parfois j'ai l'impression d'être la seule à y voir clair, lucidité dans les putains d'veines comme une malédiction.

j'aurais voulu, tu sais. bien l'aimer. j'aurais voulu qu'on soit complices et qu'on s'échange de ces oeillades qui disent tout en silence. elle m'aurait natté les cheveux, j'aurais verni ses ongles. on se serait chuchoté à l'oreille des ragots à propos de toi, à propos des autres. parce qu'y en avait, tu sais, cez. elle t'a choisi toi, va savoir pourquoi. c'est peut-être ton air un peu perdu, comme si tu savais plus vraiment si tout ça c'était réel. sans doute qu'les gars comme toi ils espèrent que non. joy elle a dû voir, que t'étais un peu cassé, et comme elle l'aurait fait avec un chien errant elle s'est dit qu'elle avait le pouvoir d'te réparer. c'est ma théorie. à l'heure qu'il est, c'est la meilleure que j'aie. sûrement que c'était pas prévu qu'elle te garde près du cœur. mais elle elle était faible, elle avait l'âme fragile, alors elle a fait l'interdit : elle s'est entichée d'toi, et t'es plus jamais parti. y a eu des bas et des hauts, j'les entendais depuis ma chambre. des disputes houleuses, des coups d'téléphones qui finissent mal. parfois elle t'ignorait des jours durant comme si c'était de ta faute. peut-être que ça l'était. mais putain, j'aurais voulu la secouer pour lui dire d'arrêter son manège, parce qu'au fond, toi tu revenais toujours. qu'est-ce qu'elle avait de si spécial ? hein, cez ? et p't'être que si je dis ces horribles trucs, c'est parce que personne m'a jamais aimée comme toi tu l'aimais. que j'trouvais pas ça juste. qu'au fond, j'aurais vendu ma propre soeur pour goûter à cet étrange paradis dont vous vous vantiez en sourires déments. dans une autre vie, ç'aurait été facile, de dire que j'aime les filles, de dire que moi aussi j'suis cassée au fond. mais la vie c'est ce que c'est, alors on fait avec ce qu'on a, et clairement on n'a pas grand-chose.

alors, ouais, va savoir pourquoi j'vous ai toujours détestés. l'un comme l'autre. aussi sauvagement. impitoyablement. j'avais beau chercher, je comprenais pas pourquoi vous y aviez droit et pas moi. pourquoi, quand j'ouvrais les yeux l'matin, je réalisais qu'il y avait pas une seule âme rattachée à la mienne. personne pour me pleurer. plusieurs fois j'ai voulu qu'elle foute le camp, qu'elle s'en aille, disparaisse. et puis les astres m'ont écoutée, pour la première fois d'puis toujours, et ils l'ont fauchée avec le sourire. un instant, elle était là — le suivant, y avait plus personne. c'était comme si elle avait jamais existé.

au fond c'était pire qu'avant. maman chialait dès qu'on réalisait qu'il manquait un set de table. papa il s'enfermait dans un mutisme prétendument courageux, un brave type pensant donner l'exemple. et puis y avait moi. intacte et indemne, au début. parfois même honteusement soulagée, comme une épine qu'on m'aurait retirée du pied. le silence. le vide. et toi, t'étais plus là. plus vraiment. et les jours ont passé, à voir tous ces visages aigris en vouloir à la terre entière comme si leur seule raison d'être avait soudainement pris la fuite. j'avais envie de les secouer, de leur cracher à la gueule que j'étais toujours là, moi. que j'les attendais. que j'étais même prête à les pardonner s'ils promettaient de se souvenir de moi. mais même morte, joy elle me prenait tout et rien, un parasite se nourri à la colère. j'aurais juré qu'elle était là, dans un coin, qu'elle prenait un malin plaisir à m'observer. le plus écoeurant, c'était de me rendre compte que joy n'aurait jamais fait ça. forcée d'admettre qu'elle était perfection. une poupée de cire au cœur lourd, une fille qui savait rire même si j'étais de loin la plus amusante. et un jour, elle m'a manqué. c'était pas grand-chose, un petit rien, comme un silence devenu suffocant, comme un besoin viscéral d'avoir quelque chose sur quoi passer mes nerfs. je l'ai appelée. suppliée. sans doute qu'elle a fait exprès de pas m'entendre.

pourquoi elle serait revenue, cez ? un paradis, c'est un paradis. nous on a quoi — des mains qui tremblent à force de prier, un cœur qu'ose plus espérer. des existences poussière, un petit rien qu'il serait si facile de piétiner. et tu sais c'qu'on dit : c'est plus dur d'être celui qui reste. celui qu'on abandonne. celui qu'a pas d'autre choix que de rester là et d'attendre, même s'il sait que le vent a tourné, la chance avec. mais j'étais là. toi aussi. on a fait le calcul — il était bien rapide, faut dire. j'aurais dû te dire d'aller te faire foutre ; c'est ce que j'avais toujours fait, avant. mais toi t'avais le cœur au bord des lèvres et plus tu m'regardais, plus j'avais la sensation d'exister. palpable, curieusement vivante. j'renaissais de mes cendres et toi t'as commencé à faire attention. au reste, à moi, comme s'il avait fallu que joy disparaisse pour que t'ouvres vraiment les yeux. il a pas fallu plus que ça. j'étais là. toi aussi.
c'est tout ce dont on avait besoin.