(fluorescent adolescent), bart

01/ l'histoire qui se répète, le modèle familial plus que bancale. Mamie a fait un bébé toute seule, pas de père à l'horizon pour ta mère, qui n'a pas su non plus t'en donner un, une descendance fragile, marqué par les absences de figure paternelle. Mamie à jamais voulu se marier, elle a toujours dit que le mariage été comme une prison, meurtrier de la liberté, des chaines aux poignets. M'man était juste inconsciente, incapable d'aimer plus d'une semaine, sans aucune stabilité. pas plus quand tu es née, quand elle a préféré traverser la moitié du pays alors qu'elle était enceinte de sept mois, qu'elle t'a mise au monde dans un appart crasseux au milieu des seringues et des bouteilles de bière.

M 'man savait plus vivre sans la cock, l'héro ou la morphine, m 'man avait toujours une bonne raison de consommer, de préférer la poudre à son gosse qui s'époumoner de l'autre côté de l'appart. et puis un jour m'man a pas su doser ce qu'elle s'injectait. ce jour-là m'man est morte au milieu du salon, la bave aux lèvres, te laissant en couche-culotte. la voisine s'est inquiété de t'entendre brailler, que tu la déranges pour mater la roue de la fortune, confié aux services sociaux, puis expédié chez la grand-mère. M 'man tu t'en rappelle à peine, quelques photos conservées par mamie, des souvenirs froids, un amour volontairement effacé.

élevé par mamie, recueillis pour t'offrir un vrai foyer, une vraie vie, pour réparer ce qu'elle n'a pas su faire avec ta mère, te donner ce que sa fille n'a jamais pu te donner. Elle t'a élevé comme son propre fils, comme si elle t'avait elle-même misé au monde. mamie c'est la douceur, une beauté sauvage, ancienne égérie d'une des plus grandes marques de luxe, longtemps rédactrice en chef pour un grand magazine de mode, avant de tout arrêter pour se consacrer à la nature, au yoga et aux bien-être en général. Mamie a plus un rond, mais toujours autant d'amour à te donner.
02/ comme des gamins qui imaginent leurs prochaines conneries, ça a commencé comme ça entre vous, une rencontre due au hasard, un feeling qui passe bien, et des projets plein la tête. Celui de parcourir le monde, à l'arrière d'un van, de jouer dans une salle différente chaque soir, de signer des autographes, d'entendre son nom scandé par la foule. Parce que vous cultivez la même passion pour la musique, parce que vous avez tous du talent, parce que ça c'est fait sur le coin d'une table, breakfast, le nom lancé à la volée, si tot adopté. le groupe était formé, enchaîné par les répètes dans le garage, les longues soirées passées derrière ta guitare, à composer, écrire, créer. Les premiers concerts donnés devant les potes, les premiers flyers distribués sur le campus, dans les lycées, le succès qui tarde à venir. et les années qui passent, une poignée de représentation par an, dans les quelques bars qui vous acceptent encore. toujours pas célèbre. toujours pas connu. l'apothéose quand vous trouvez de quoi enregistrer une démo, un EP de quelques chansons. toujours pas célèbre. toujours pas connu. et maintenant ? toujours pas célèbre, toujours pas connu, mais toujours ensembles.
03/ Tu l’aimais. T’avais beau le nier, en rire avec tes potes, voire même la traiter de salope, la vérité c’est que tu l’aimais, que t'as pas supporté quand elle t’a dit « Bart je te quitte ». Elle voulait quitter qui ? Vous n'étiez même pas ensemble. Y'avait rien à quitter, aucune histoire à arrêter puisque rien n'avait jamais existé. Pourtant elle l’a fait quand même, elle s’est barrée, pas bien loin, et pourtant déjà trop loin. elle n'est parti sans plus jamais donner de nouvelles, sans plus jamais donner de signe de vie. Elle t’as immédiatement manqué, t’as eu beau dire que non, en rire encore avec tes potes, la traiter de salope, la remplacer par toutes celles qui le voulaient bien, la vérité Bart c’est que tu l’aimais. tu le savais peut-être pas, mais tu l'aimais. Faut dire qu'elle avait débarqué dans ta vie comme une putain de tempête, cyclone niveau cinq, elle a tout rasé sur son passage.  silence radio pendant presque trois ans, pas un signe, rien, jusqu'à ce qu'elle t'appelle ce soir là. tu te souviens encore du sentiment dans ton ventre, des entrailles qui se torde, du gout amer dans la bouche, et des potes qui se marre en te demandant pourquoi tu fais cette gueule. Tu n'as pas décroché. elle a rappelez-a rejeté l'appel. elle a laissé un message. le dernier qu'elle laissera sur cette terre. une bouteille à la mer, un SOS lancé pour que tu viennes la sauver. "j'ai fait une connerie Bart", la voix tremblante, les sanglots qui noie les paroles. elle te hante encore aujourd'hui. tu l'entends parfois dans tes pires cauchemars. elle voulait juste que tu l'aides. elle voulait juste que tu l'aimes.
04/ tu te souviens encore du papier qui dépasse de la boîte aux lettres, de la convocation en lettres noire, on veut te voir. tu comprends pas bien. tu comprends pas bien quand tu vois son nom à elle, quand on te parle de dernière volonté. tu comprends par quand on te dit que tu'es le père de cette gosse que tu ne connais pas, que tu n'as jamais vu. Y a erreur, ce n'est pas toi. Y a erreur, ce n'est pas possible. Ça se bouscule dans ton crâne, la tempête qui fait rage, avant de finalement demander. "et si je refuse ?", si tu veux pas être son père, si tu veux pas hériter d'une gosse haute comme trois pommes, si tu sais pas faire ça. alors on t'explique, le placement en foyer, les familles d'accueil, pas d'autre famille pour la gosse, une tante vaguement présente dans sa vie. tu peux pas faire ça Bart, tu peux pas la priver d'une famille, tu peux pas la laisser entre les mains des inconnus. pourtant t'est pas différent d'eux, toi qui ignorais sa présence jusqu'à ce jour là. mais tu peux pas la laisser sans père, maintenant que tu l'as privé de sa mère. et tu te souviens de ce jour-là, ou tu s venu la chercher, ses grands yeux bleus océan, les mêmes que les tiens, la main qu'elle accepte de tendre vers toi, son petit sac à dos rose sur le dos. Rosa. Rosa petit prénom qui remplit ton coeur d'amour. c'est ça aimé. c'est ça l'amour pur. le véritable. la première femme de ta vie aujourd'hui. Rosa et ses grands yeux sur toi, comment douter encore de ta paternité quand tu la vois là, agenouillé devant la table basse à griffonner des cieux bleus et des soleils. Rosa les yeux océan, les cheveux de blé, la peau claire, la gamine qui t'apostrophe d'un "je sais que c'est toi mon papa", parce qu'elle aura parler de toi, parce qu'elle aura raconté à la gosse que son père est un artiste, musicien, toujours sur les routes, la vérité qu'on rend plus jolie, pour ne pas lui dire que son papa n'a jamais voulu d'elle.
05 / Qu'elles sont belles les amies de mamie, les copines mannequin, les beautés que même les années n'ont pas réussies à faner. Ta pourtant voyait le regard qu'elle avait sur toi, tu ne t'es pas posé de questions quand elle a réclamé tes services de photographe, puis quand elle a voulu te revoir, autour d'un café, puis d'un restau, puis d'un dernier verre chez elle. Tu t'es pas posé de questions quand elle a fait glisser la soie sur sa peau, se dévoilant devant toi, glissant au petit matin un billet dans ta main. gigolo. T'as pas voulu le croire. T'aurais pu arrêter, t'a préféré continué. Ça s'est répété, parce que t'en avais besoin, parce que Mamie avait plus un rond pour t'aider. parce qu'elle était de plus en plus généreuse.
06/ Maestro de la rue, poètes des roulettes, Génie du backflip. Les roulettes toujours greffé aux pieds, comme si tu savais plus marcher, comme si tu savais plus courir, comme si tu pouvais juste rouler. Rouler le jour, rouler la nuit, rouler en ville, rouler à la campagne, rouler sur l'asphalte. Gamin des années 90, élevé par Tony Hawk et les Simpson, tu rêvais déjà de devenir une star du skate, t'as jamais abandonné cette deuxième passion pour les kicks flip, les cannonballs, ou les 360. Le corps meurtris, marqué par les figures ratées, l'équilibre fragile, perdu trop tot, trop vite.