toby ∇ thunder

Toby n'en croyait pas ses oreilles. Cette accusation dépassait l'entendement. Comment pouvait-on accuser de la sorte un homme innocent? On avait pris ses empreintes et sa salive... Et il ne se faisait pas trop de soucis quant au résultat. Notre trentenaire restait persuadé qu'il serait négatif. Il avait dit au revoir à Isa, qui avait eu la bonté de l'accompagner au poste de police, et était rentré chez lui. Le lendemain, cette pensée tarauda notre abbé toute la journée. Pourquoi, puisqu'il n'avait rien à craindre?
Alors qu'il rentrait d'un cours de catéchisme, donné dans des locaux voisins, il entra doucement dans sa chambre. Quelle ne fut sa surprise d'y trouver son frère, Lukas, assis sur le lit, à l'attendre sagement. Lukas avait quelques soucis en ce moment, depuis qu'il était entré dans le deuil de son meilleur ami. Il faisait le fou, et trouvait que c'était une bonne façon de profiter de la vie. Il ne se canalisait plus, et avait jeté même son emploi. Toby avait tenté à plusieurs reprises de lui en parler, mais cela ne s'était jamais terminé comme prévu. "Salut Lukas! Quelle surprise! Je ne t'attendais pas..." s'exclama-t-il simplement, affichant un sourire sincère sur les lèvres. "Bien sûr..." indiqua-t-il ensuite. Si son petit-frère venait lui parler, c'était un bon signe, n'est-ce pas? D'autant qu'il n'avait pas l'air hostile, cette fois-ci et il n'y avait donc aucune raison de se méfier de l'eau qui dormait. Toby s'installa aux côtés de Lukas, lui sourit de nouveau, et finit par reprendre la parole. "Alors? De quoi veux-tu me parler?" l'invita-t-il à la confidence. Il ne se doutait guère de la tourmente qui allait abattre sur ses épaules.

Toby s'assit silencieusement et avec confiance à côté de son frère. Lorsque ce dernier reprit enfin la parole, Toby arqua les sourcils. "De moi?" répéta-t-il, avec peu de conviction et une certaine crainte dans le regard. Il savait que son frère n'avait jamais été d'accord avec son choix de vie, et qu'il avait mal pris le fait que son frère soit parti de la maison, mais le flot de paroles qui s'en suivit le laissa un instant sans voix. C'était une masse de violence, et de mots irréfléchis, placés les uns derrière les autres. Bon, il pouvait au moins lui donne raison sur un point: il aurait pu le prévenir pour les accusations portées envers lui, c'est juste qu'il n'en avait pas encore eu le temps... Cela voulait dire qu'un journal ou un site internet avait déjà parlé de l'affaire.
"Déjà, on ne m'accuse pas de pédophilie...c'est une femme qui a porté plainte.." déclara-t-il calmement. Il était en colère, mais surtout déçu par le comportement de Lukas. Cependant, Toby tentait de ne pas élever la voix, ce n'était pas absolument nécessaire. Son frère disait des choses complètement fausses, mais, après tout, il avait le droit de s'exprimer... Même s'il parlait de quelque chose qu'il ne connaissait pas le moins du monde et qu'il se méprenait de bout en bout. "Et ensuite, tu t'entends parler?" demanda-t-il en se levant d'un bond. "Qu'est-ce qui t'arrive?" demanda-t-il en plissant les yeux... Puis, il s'approcha de son petit-frère, pour le regarder attentivement dans les yeux. "Tu as pris quelque chose?" demanda-t-il, plutôt calmement, bien que la panique était présente dans son regard alors qu'il vérifiait celui du jeune homme assis sur le lit. Mais les pupilles de son interlocuteur avaient l'air normales... Toby en avait vus, des drogués, et Lukas n'avait pas l'air de s'être shooté à quoi que ce soit. "Et pourquoi tu me balances tout ça, d'un coup?" ajouta-t-il ensuite. "Tu n'y connais rien!" poursuivit-il. "La vie pour moi... Ce serait quoi alors?"finit-il par demander un sourire malicieux sur les lèvres. Puisque Lukas semblait savoir ce qui était bon pour lui, il avait hâte de l'entendre... Lukas se croyait le roi du monde, et c'était bien cela son problème actuellement.

Toby s'attendait à ce que Lukas soit venu faire le premier pas, afin d'améliorer leur relation, et surtout d'expliquer son comportement impulsif. Il s'était trompé, terriblement trompé. A la place, son frère entama un flot de paroles plus violentes les unes que les autres.
"Heureusement que tu ne te drogues pas, qu'est-ce que ça serait sinon!" rétorqua Toby. Oui, il était en train d'entrer peu à peu dans un énervement non contrôlé. Il était calme, mais dans cette situation, il perdait le contrôle. Parce que c'était son frère, qu'il tenait à lui, et que l'autre ne le comprenait pas. C'était douloureux, surtout vue la situation qu'il était vivre. Il aurait espéré un soutien de la part de ses proches, et à la place, il avait le droit de servir de punching ball. "Et quoi? Quelle prison? Je suis innocent, je te rappelle!" indiqua-t-il. Voilà qu'il se mettait à hausser le ton. Il poussa un large soupire, serra les poings pour se calmer quelques instants. "Ce n'est pas un endroit pourri. Regarde autour de toi, il y a exactement ce qu'il faut." Ce n'était pas du luxe et Toby avait peu d'affaires personnelle, mais juste ce qui suffisait pour vivre. Il ne sombrait pas dans le consumérisme, bien au contraire, c'était un minimaliste dans l'âme, ce qui expliquait son unique paire de chaussures abîmées, outre celle qu'Isa lui avait offertes, mais qu'il n'enfilait que le dimanche. "Je peux très bien faire la fête, même si c'est pas de la même façon que toi... Et on a pas besoin de boire ou d'être marié pour être heureux." dit-il, sereinement, cette fois. "Regarde-toi, tu n'auras jamais de 'meuf' ni de 'gosses' non plus. On est pas tous destiné à être marié, le célibat est un choix de vie aussi légitime qu'un autre.. Et ce n'est pas nécessairement subi." expliqua-t-il. Il savait que, dans sa mauvaise foi, Lukas ne serait pas d'accord avec ces évidences. "Et ce n'est pas parce que toi, tu n'arrives pas à Le voir ou à L'entendre, qu'Il n'existe pas... Arrête avec ton baratin. Je ne cherche pas à me faire remarquer, je fais ça par amour des autres. Tu n'as même pas cherché à savoir, à comprendre. Tu es juste resté dans l'ignorance, alors tu n'as aucune leçon à me donner.... Tu vas changer de ton. Je suis pas stupide." indiqua-t-il, leva un doigt devant le nez de son petit-frère. "Et c'est mon choix, c'est tout... Je comprends que tu puisses t'inquiéter, parce que tu penses différemment, mais tu n'as aucun droit de juger, alors que tu ne sais pas de quoi tu parles!" s'exclama-t-il pour conclure.

Toby hocha la tête face aux explications de son frère. "Je suis certain que ce n'est qu'un quiproquo, et que cette affaire sera vite réglée!" déclara-t-il en souriant légèrement, même si son humeur n'était pas à rire. Lukas l'avait énervé, et c'était peu dire. Lui qui ne haussait que très rarement le ton, voilà qu'il était dans l'une de ces phases expressives. "Non, tout ce que je dis, c'est que ton exemple n'a pas de sens, fonder une famille, ce n'est pas pour tout le monde, et ce n'est pas une fin en soi. Et ça reste un choix comme un autre..." dit-il. Bien sûr qu'il n'avait pas voulu blesser son frère, mais celui-ci était allé trop loin et l'avait fait sortir de ses gonds, il disait donc des mots qui pouvaient heurter, sans même réellement s'en rendre compte. Toby poussa un soupire et reprit sa respiration. Finalement, Lukas avait l'air de se calmer et voilà qu'il se lançait dans les questions, plutôt que de hurler sans chercher à comprendre. C'était un pas. "Oh, Lukas..." souffla Toby, avec beaucoup plus tendresse cette fois. Il vînt se rasseoir aux côtés de son frère et lui attrapa la main, avec délicatesse. "J'ai décidé cette vie par Amour. Tu peux le comprendre, ça?" déclara-t-il doucement. "Et arrête de t'en faire pour moi. Je ne suis pas seul, comme tu sembles tant le penser." Il sourit, avec sincérité, et douceur. Et il sentait que Lukas souffrait toujours de la mort de James, son ami. C'était cela, son véritable trouble, celui qui le hantait, celui qui nourrissait cette colère. "Je suis certain que James était un gars bien. Mais aucun de nous n'est immortel, c'est notre condition. La vie est prêtée et il faut en faire quelque chose de merveilleux..." expliqua-t-il. "Je sais que c'est dur pour toi, je comprends ton deuil.. Mais si tu extériorisais tout ça, plutôt que de te transformer en volcan à force d'emmagasiner les choses ?" Il passa alors une main dans les cheveux de son interlocuteur, comme il le faisait lorsqu'ils étaient enfants.

Toby sourit face à la remarque de son frère. Il posa délicatement une main contre sa joue pour le rassurer, le regardant dans les yeux. "Je ne suis pas dans un monde de bisounours, Lukas. Je vois la douleur, la souffrance, les difficultés, la colère, l'envie. Mais je vois surtout l'espoir, le positif, l'Amour, la beauté. Et s'ils me veulent du mal, on verra... En attendant, ce n'est qu'un quiproquo. A chaque jour suffit sa peine, Lukas." déclara-t-il, avant de déposer un petit baiser contre la joue de son frère, comme il le faisait lorsqu'il était enfant et qu'il mangeait sur ses genoux, à la table familiale. "Lukas, si vraiment le tatouage, c'est ce que tu veux faire, si tu penses que ça peut te rendre heureux, alors fais-le... Mais ne le fais pas pour les mauvaises raisons. Ne le fais pas pour rendre hommage à ton meilleur ami. Il faut que ce soit, ce que toi, tu veux... Ton ami voudrait que tu fasses ce qui te va, à toi. Pas à lui. Et si tu sais que tu regretteras, alors arrête, trouve autre chose. Mais si ton métier précédent ne te plaisait pas, il n'y a pas de mal à changer..." expliqua-t-il. Il voulait calmer les ardeurs. Retrouver son frère, et non cette boule de colère. "Et toutes ces fêtes, ces.... Je veux dire, ne te noie pas dans les plaisirs rapides et futiles, mais cherche le vrai bonheur." Il ne voulait pas le braquer, alors il préféra ne pas émettre de jugement sur les activités actuelles de son petit-frère. "J'ai peur pour toi, Lukas... Je veux juste que tu sois heureux." finit-il par conlure. "Et ne t'en fais pas pour moi, je ne regretterai jamais ce qui a été, même si le futur est incertain. Un jour, tout peut changer, mais ce jour-là, sera un autre temps. Pour le moment, je suis épanouie. C'est ma vocation, Lukas... Ca veut dire que je ne peux rien faire d'autre. J'ai été appelé, je le sens au plus profond de mon être... C'est vital." Sur ce coup-là, il était plutôt en train de dire à haute voix ce à quoi il songeait, plutôt que de tenter de convaincre son interlocuteur. Il savait que son frère ne croyait pas en Dieu, et d'ailleurs, c'était quelque chose de pas facile à vivre non plus. Il savait que Lukas ne comprendrait jamais.