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 Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï

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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï - Page 2 Empty Sam 24 Nov - 11:41

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Huit années, eut-elle dit. Huit années à se réveiller auprès d'une même personne et recevoir ces mêmes premières affections matinales; se dégradant peut-être au fil des semaines, des mois. Huit années à partager un petit-déjeuner et quelques conversations pour apprendre, au départ, puis pour combler le vide d'un repas routinier. Huit années à se quitter pour s'affairer d'une deuxième vie, professionnelle cette fois-ci, et ne faire que de penser à l'être aimé, cet être seul auprès duquel on s'est engagé; puis, forcément, manquer un peu moins de lui au fil du temps, et se demander simplement ce qu'on préparera à dîner, l'imagination trop épuisée. Huit années à revenir à la maison, s'émerveiller devant quelques présents surprises, ou une table déjà mise; ces choses-là, ça allait bien au commencement de la relation, puis après ça s'étouffe. Huit années à coquiner en soirée, tous les soirs sans exception, à exciter l'autre pour que l'aimé dévore notre peau plutôt que de s'extasier devant un match de football américain; l'envie passant, ces moments qui s'espacent naturellement d'une à deux fois par jour à une fois tous les trente-six du mois. Huit années pendant lesquels les rounds sexuels se sont multipliés, toujours avec l'unique, créant une routine lasse, les positions et idées venant à manquer au sein du couple. Quelle vie écœurante ! Elle semblait tellement vouloir vivre, pour de vrai, que je fus estomaqué de constater qu'elle s'était, une fois, rangée aussi longtemps avec un homme. Huit ans. Personne, dans mon entourage proche, de la même génération qu'elle et moi, ne s'était engagé aussi longtemps. Il y avait bien eu des mariages, mais ils n'avaient pas duré bien longtemps; après le premier né, il avait fallu à peine un an pour qu'ils décident de se séparer; besoin de libertés, de s'extirper des responsabilités aussi souvent que possible. Et puis d'autres qui ne s'aventuraient pas sur ce chemin épineux, bourré de devoirs et peu de droits. Ils se mettaient en couple, les autres, mais ne promettaient rien. Lorsque ça devait casser, ça cassait, et ils en restaient là. Pas d'enfant, pas de biens en commun, pas de projets. Et il fallait croire que l'indépendance leur tendait très souvent la main, telle une libération. Quant à moi... Quant à moi, je n'avais jamais eu l'impression d'avoir lié un lien fort de toute mon existence. Depuis ces huit semaines, lors desquelles j'eus été éperdument amoureux d'une nana au lycée, je ne m'étais plus jamais attaché à une demoiselle. Oh, il m'arrivait bien, par flemme de chercher de la compagnie, de rester une à trois semaines avec une même fille, qui avait de quoi me plaire plus d'une nuit, mais cela ne concernait aucunement des sentiments vrais et réels. Je tendais à penser que je n'avais jamais aimé une femme de tout mon être. Je n'avais jamais promis quoi que ce soit, pas de relations, encore moins sérieuses, ni de vœu de fidélité; engagement qui, selon moi, était toujours voué à l'échec, un jour ou l'autre. Ah, ils étaient beaux, nos parents, à, aujourd'hui encore, toujours s'aimer véritablement, toujours se cajoler passionnément. Le temps avait fait son oeuvre sur leur lien si particulier, les années avaient joué sur leur relation, dégradant quelques parties pour en construire d'autres, plus mâtures, plus adéquates avec leur âge. Malgré ça, malgré tout ça, ils étaient sincères. Et ils espéraient, grandement, que ça puisse arriver à leur descendance. Chapeau bas, Meï. Tu avais réussi là où toute personne que je connaissais eut échoué; certain que ça aurait pu durer bien plus si tu n'avais pas eu à subir, si vous n'aviez pas eu à subir, cette distance que la mort eut décidé de creuser entre vous. Mais, nous aurions-nous, au moins, rencontré ? Si oui, aurions-nous décidé de nous envoler, toi et moi, ce soir ? Ça semblait égoïste, dit comme ça. Je n'eus dit mot à ses réponses, et n'eus fait que l'écouter, les onyx plongés dans le liquide translucide. Ce ne fût que lorsque sa tête rejoignit le haut de mon omoplate, ses cheveux descendant sur mon pectoral droit, que je me défis volontiers de l'alcool doré, un regard sur le rapprochement, sans commentaire. Ma tête se tourna, l'arête de ma mâchoire toucha légèrement le crâne de la soprano et mon souffle, chaud et calme, termina, à chaque expiration, sa course dans sa chevelure foncée. Marchandise décevante, rien que ça, répondis-je, l'ironie facile. Ô non Meï, je ne puis te permettre de détériorer ton image ainsi. Loin d'être une marchandise, tu es une femme, une vraie. De celles qui ont plus d'un tour dans leur sac. De celles qui semblent fragiles et, pourtant, ont tout d'une héroïne aux mille-et-une batailles. De celles qui, sous leur corps sans courbe rebondie, cachent une excitante personnalité, une désireuse experte des touchers qui en feraient bander plus d'un. Tu n'es pas une marchandise, juste une nana brisée qui tente de se reconstruire après un combat de trop. Et c'est ça, qui est difficile à accepter, pour les hommes comme moi. C'est de voir que tu es plus forte que n'importe quel mâle. Ce qui effraie, c'est d'être choisi comme étant celui qui se doit de t'aider à franchir une étape; et quelle étape, après huit années blottie contre un seul homme ! Tu pourrais être enceinte de triplés et fraîchement mariée que ça n'm'aurait pas dérangé de m'occuper d'ta libido, lâchai-je, aussi naturel et sans-gêne. Et celui là-haut, qu'on appelait Dieu, était témoin. J'en avais couché des célibataires, pour sûr, mais je m'étais aussi occupé de fiancées, de mariées, de femmes enceintes ou de mères délaissées. On pouvait me prendre pour un salaud, ils n'en étaient pas moins responsables, ces hommes qui ne savaient comment garder leur bien-aimée. Je reculai mon visage et l'appelai à tourner le visage vers moi, pourquoi pas se défaire de la faible étreinte réalisée par Meï pour une autre, plus à même de lui faire comprendre qu'elle restait sensuelle à mes yeux; veuve ou pas, mam'ange ou pas. Ma main droite se détacha du verre et elle s'engouffra entre son corps et le mien pour venir se poser sur le côté de sa jambe gauche, la plus éloignée de moi, à même niveau de sa mi-cuisse, là où sa robe prenait fin et caressait son épiderme. C'est c'qu'y'a là-d'dans qui change la donne, marquai-je ces mots par un léger coup de boule sur son front, sans mal. Je pouvais baiser tout type de nanas, les satisfaire autant qu'elles s'exécutaient pour me plaire pleinement aussi, mais pas même l'envie ni le désir ne pouvaient rivaliser avec ce si grand organe qu'était le cerveau. Le cœur transmettait des émotions, des sentiments, à ce dernier qui les analysait et les échangeait contre des actions. Concernant Meï, tout me laissait croire qu'elle pourrait apprécier sur l'instant, et regretter par la suite. Pire encore, elle pourrait prendre plaisir les premières secondes et se remettre en question par la suite. La façon dont elle avait réagi devant ce vêtement, ces babioles, me racontait ô combien elle était encore bien trop accrochée à cet homme parti trop tôt. J'émettais ainsi des doutes quant au moment qu'elle eut choisi. Se laisser porter par un inconnu dans un moment intime nouveau n'était pas si aisé; il fallait être pleinement conscient que cela engendrerait des conséquences sur sa vie, qui se devrait d'être à présent inédite, sur la femme qu'elle était, qui se voudrait enfin libre de l'engagement du mariage, sur l'amour qu'elle lui portait, qui se devrait d'être moins présent pour un envol total, sur son avenir, qui se ferait entourée d'un autre ou d'autres, à sa convenance. Je pouvais me tromper, mais dans son cas, j'eus conscience qu'elle pourrait prendre cette volonté de se lier dans des draps comme un adultère, après mûre réflexion. Et ça, c'était loin d'être agréable, pour elle ou pour moi; moi qui la plupart du temps agissait en fonction de l'état même de la relation courte, de quelques heures ou d'une nuit, qui se concrétisait. Même homme à femmes, j'ai des principes, ajoutai-je en laissant un faible sourire s'agripper à mes lippes, mes billes noires plongeant dans les siennes. Principes qui plaisaient, la plupart du temps. Elles adoraient, les nanas, le fait que je n'enfreignais jamais les règles; sauf pour les moins conséquentes, avec leur accord comme, par exemple, lier ma bouche à la leur même si elles étaient éprises, mariées ou veuves. Alors, eus-je posé. Alors, elle se sentait comment, par rapport à tout ça ? Prête, sincèrement, ou indécise, finalement ? Question que j'eus à peine le temps d'exprimer qu'un individu, qui s'était invité, sans que je ne le remarque, entre Meï et le tabouret qu'elle eut assiégé, s'exprime : s'il ne veut pas se charger d'toi, moi j'suis partant. Pardon, tu peux répéter, penchai-je mon faciès légèrement de côté pour le toiser. Le toupet de ce monsieur d'un mètre quatre-vingt-cinq passé m'obligea à en quémander davantage, pour être certain d'avoir bien entendu et compris ses propos. J'veux bien lui faire vivre l'grand frisson à c'te beauté, reformula-t-il. Le brun aux yeux océans, dans lesquels naviguaient une rivière de sang, porta ces derniers sur l'anatomie de l'asiatique qui ne semblait pas lui déplaire, vu le coup de langue qu'il passa sur sa bouche. Affamé. Ma main droite, toujours attachée à la peau de Meï, se plaqua contre cette dernière pour la coller davantage à moi et agrandir la distance entre le chacal et la cantatrice. D'ailleurs, tu caches quoi sous ta jupe ma jolie, demanda-t-il en portant son pouce et son index sur le tissu de la belle, pour tenter de le soulever et obtenir réponse visuelle à son interrogation. Mouvement qui joua sur mes réflexes. Mes doigts se décollèrent de la cuisse de l'orientale et mon avant-bras frappa celui du lourd-dingue pour que ses sales pattes ne puissent s'avancer plus loin dans l'exploration. T'avise pas à recommencer, souris-je jaune, mes agates plantées dans ses topazes. L'addition, tapai-je sur le bois du comptoir, plutôt pressé. Son impertinence me chauffait et je consommais énormément d'énergie à me contenir pour ne pas lui foutre mon poing dans la figure. Oh, je me battais. Souvent. Et ce n'était pas ça, le problème, en soi. J'aimais la baston, et je trouvais un certain plaisir à être de la partie. Il fallait juste que je ne sois pas le premier à cogner pour ne pas m'attirer d'ennuis judiciaires; ça je l'avais compris après quelques batailles entamées par mes soins. Je ne le lâchai pas, du regard, et il semblait ne pas avoir compris l'avertissement. Un p'tit coup d'vant, un p'tit coup d'rrière et elle sera r'faite ta nana, dit-il. Je lui trouvais d'ailleurs un p'tit air bien audacieux. J'hochai alors la tête, le rire faux s'échappant d'entre mes lèvres, difficile à sortir d'ailleurs, parce que coincé dans ma gorge. Ne se sentait-il pas ridicule ? Ma nana, répétai-je, étrangement inoffensif sur le coup, ma - na-na, articulai-je, peut-être un peu moins impassible, finalement. Je détournai le regard, un bref instant, gardant le silence; semblant réfléchir. Très vite, cela dit, puisqu'il ne suffit de quelques secondes pour que ma position sereine auprès de Meï ne la bouscule telle une tornade. Elle se retrouva écrasée férocement contre le comptoir, juste le temps de mon passage. Je me jetai sur l'irrespectueux entreprenant, poignes chopant son haut au niveau de ses clavicules et je le poussai, poussai et poussai crûment. Lui et moi renversâmes chaises, tables et consommations à moitié vides jusqu'à ce que sa colonne vertébrale et ses omoplates ne claquent contre le mur en briques et bois. Je le repoussai d'ailleurs une fois de plus tout contre, après l'avoir reculé du pan solide, histoire qu'il comprenne parfaitement la rage qu'il avait animé en moi. C'est bon, j'rigolais, fit-il, en levant les mains comme si j'avais une arme braquée en sa direction; il fallait dire que le fond de mes diamants noires était bien animal. Tu mériterais que j'te décalque la tronche, sortis-je d'une voix grave et haineuse. A ces paroles, quelques clients se levèrent pour s'assurer qu'une bagarre n'aurait pas lieu dans cet havre de paix qu'était le leur, ils rejoignirent ceux qui avaient perdu sièges et tablées, s'approchant pour intervenir, au cas où. Non, non, pria le plus grand en secouant ses paumes devant moi. Un conseil, sois pas aussi grossier envers les dames accompagnées, lui murmurai-je avant de le lâcher, levant le poing devant lequel il ferma les yeux. Mes phalanges fermées restèrent un instant dans les airs face à sa réaction loin d'être téméraire avant de s'abattre contre le mur, juste au-dessus de son épaule qu'il avait retroussé, non loin de son oreille : t'as d'la chance d'être une poule mouillée. Et j'en restais là. Comme quoi, ce n'était pas une affaire de taille. Son mètre quatre-vingt et des brouettes ne lui servait strictement à rien. Je me reculai de lui, le laissant respirer à nouveau et tournai les talons pour récupérer la veste du défunt mari de Meï. A la hauteur de cette dernière, entourés du chaos du mobilier écroulé et de la vaisselle cassée, je lui tendis son bien. J'te raccompagne chez toi, lui dis-je, sans que ce ne soit une proposition, un dernier regard vers l'indécent. Je m'approchai ainsi du billet qui avait été déposé, entre temps, à nos places, et réglai la somme de billets frais. Me rendant compte de l'ordre dont j'avais menacé la chanteuse par colère envers l'effronté, je soupirai et me repris : à moins que tu veuilles rester ? Eux plutôt que moi. 
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï - Page 2 Empty Jeu 29 Nov - 0:14

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

Paraît que lorsque l’on tombe de cheval, il faut immédiatement remonter sur sa monture. Cela permettrait de contrecarrer l’ancrage d’un éventuel traumatisme, ainsi que de considérablement amoindrir l’ampleur et la gravité des séquelles qui en résultent. Une image avec laquelle se gargarise les professionnels de la santé mentale, pour faire comprendre à leurs patients qu’un revers de fortune n’est pas pour autant synonyme d’apocalypse. Qu’il ne tient qu’à eux de remonter en selle, de poursuivre le parcours et tutti quanti. Oui, car les spécialistes du psychisme sont excessivement friands de ces métaphores filées cousues de fil blanc, qui sont aussi utiles qu’une paire de tongs à la montagne. Mon hospitalisation suite à cette envie désespérée de dire stop, face au mode rouleau compresseur par lequel est passé ma vie en début d’année, m’a amené à côtoyer foisonnement de psychologues et subir leur bataillon d’analogies, toutes plus simplistes et vaseuses les unes que les autres. A croire que les réducteurs de têtes, sont des écrivains ratés et frustrés s’étant rabattus sur la médecine par dépit. Cette image équine est depuis longtemps entrée dans le langage courant. C’est comme « Demain est un autre jour » ou « L’erreur est humaine ». Même si elle s’est depuis indiscutablement vidée de sa substance et dénuée de son sens, on continue de la proférer machinalement. Sans trop savoir pourquoi.

Seule certitude, outre le fait que le premier puits de science ayant contextualisé et théorisé ce brillant concept de guérison devait être un amateur équestre effréné ; il n’a de toute évidence jamais eu à se relever d’une chute du carrousel de l’amour. Si tel avait été le cas, il y aurait alors réfléchi à deux fois avant d’affirmer et d’énoncer un pareil postulat. Dommage. Dommage qu’un tel axiome, ne puisse s’appliquer aux chagrins d’amour, ainsi qu’aux passions trop tôt parties en fumée et réduites à l’état de cendres. Cela serait tellement plus simple. Un peu comme lorsque l’on change le fusible d’un disjoncteur, afin que la lumière soit de nouveau. Hélas, ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons, nous autres êtres de chair et de sang. Il ne s’agit pas de physique. Encore moins de mécanique. Tout n’est qu’une question de chimie. D’endorphine, de sérotonine, de dopamine et tout un tas d’autres hormones du bonheur en « -ine », sécrétées par les glandes du cerveau. Quand une personne ou une chose dont nous sommes éperdument épris disparaît, elles se mettent elles aussi en berne. Sitôt ont-elles quitté le navire, que dès lors tout paraît insipide. Insignifiant. Terne. Plus rien n’a d’importance. Plus rien n’en vaut la peine.

Et c’est ainsi jusqu’à ce que se dresse sur notre route, une motivation ou un être qui nous fasse de nouveau follement vibrer. Un déclic ou une rencontre marquant la reprise du tirage des neurotransmetteurs biochimiques, qui éclatent telles des fusées en un feu d’artifice de joie. D’ici là, il faut apprendre à se contenter du souvenir de l’extase, que suscita jadis un tour sur ce bien cruel carrousel de l’amour. Un magnifique manège, où il faut obligatoirement être deux pour y prendre part. De beaux destriers en bois exotiques précieux, peints à la main et dorés à l’or fin, que seul un tandem peut espérer dompter, apprivoiser et chevaucher. D’élégants palefrois qui se transforment en indomptables furies, ruant et se cabrant à qui mieux-mieux pour éjecter de leur dos les inconscients cavaliers solitaires, pour qui la douce promenade devient un tonique run de rodéo. Pendant huit ans, j’ai eu l’inestimable chance de tournoyer en ta compagnie. Les cheveux au vent et les bras ligotant ta taille. Ça allait vite. Très vite. Toujours plus vite. L’ivresse de la béatitude et de l’euphorie allant crescendo. Dieu qu’on était beaux. Tout deux riant grisés par les vertiges de l’alacrité.

Malheureusement, un grain de sable est venu gripper la machine. La mécanique s’est enrayée et les suspensions de notre bucéphale de bois, ont fini par rendre l’âme. Avant même de réaliser et avoir le temps de dire ouf, nous nous sommes retrouvés expulsés sans ménagement de cette structure gyroscopique. Un vol plané qui se termina dans la boue gravillonneuse. Une chute qui te coûta la vie et dont j’ai toujours grand peine à me relever. Le tour est à présent terminé pour moi. La carrousel n’arrête jamais sa course folle, et n’a que faire des âmes esseulées. Dorénavant sur le bas-côté, je ne peux que rester plantée là et vénérer la réminiscence fuyante du temps passé à bord. Ainsi que les vestiges évanescents des incomparables sensations qui s’y adjoignent. Regarder tristement envoyeuse, les bienheureux encore en selle baignant dans une hyperthymie partagée. Ce soir, un loup solitaire jamais rassasié de chair fraîche, a rejoint la chanteuse de requiem esseulée dans sa contemplation chimérique. Le brasillement dans ses yeux suffit à lui seul pour illustrer tout le mépris et le dédain, qu’il éprouve pour ce spectacle et ses acteurs. Il leur rit au nez et se gausse de leur ravissement, qu’il sait fugitif et périssable.

Serait-ce si absurde et insensé, si la chanteuse n’ayant rien d’une Barbarella ou d’une Diane Chasseresse, vous avouerait qu’elle s’est prise d’affection pour le loup, que trop de blessures ont rendues féroce ? Loin d’elle l’idée de le dompter, l’apprivoiser ou le rendre captif. Elle n’y arrivera pas, et de toute manière ce n’est absolument pas dans ses plans. D’ailleurs, dans son for intérieur elle espère chaudement, qu’aucune trappeuse ne parviendra à le capturer. Et tant pis si pour les désarmer, il doit les écharper et les taillader. Il n’est jamais plus beau et plus captivant, que lorsqu’il est libre. Sa violence, son irrespect, sa roguerie … tout cela chez lui me tente, m’attire, me fascine et me subjugue. Parce que bien que j’en crève d’envie parfois, je sais que jamais je ne serai ainsi. C’est une attitude qui m’est inaccessible. Même en y mettant toute la bonne, ou mauvaise, volonté du monde. Et l’inaccessible a toujours eu cette extraordinaire faculté, d’agir sur moi comme un aimant sur du fer. Ça, tu es bien placé pour le savoir. Toi qui étais un fruit défendu dans lequel je n’aurais jamais dû croquer. Ils nous ont prétendu fous. Ont tout fait pour nous dissuader de ne faire qu’un, en prenant un malin plaisir à faire ressortir et mettre l’emphase sur nos nombreuses divergences.

Si au départ, j’accordais une importance disproportionnée à ce qu’autrui pouvait bien dire ou penser à notre sujet ; toi tu t’en foutais. Tu t’en es toujours foutu. Mieux encore, tu m’as appris à agir de même, en me faisant prendre conscience que la seule et unique chose qui comptait : c’était nous. Ce que nous voulions. Ce que nous pensions. Un seul mot d’ordre ; en prendre et en laisser. Ne surtout pas se formaliser sur les premiers mots durs formulés à l’emporte-pièce. Comme tu le disais si bien : « Les avis, c’est comme les anus : tout le monde en a un. ». Le juke-box en finit avec un titre contestataire et séditieux de Wiz Khalifa, pour immédiatement enchaîner avec un has been et melliflu hit de Kelly Clarkson. Dans le style grand écart, je reconnais que cette transition se pose là. Presque tout autant que l’union entre une cantatrice et un batteur dans un groupe de hard rock. Le loup enfouit son museau et ses babines dans ma chevelure. A l’instant même où la chanteuse blonde entonne le refrain de sa chanson, en nous affirmant que la voici encore une fois déchirée en morceaux. Les yeux fermés, ma tête se meut très faiblement sous les époustouflantes caresses de son souffle frais contre mon cuir chevelu.

Regarde combien tu es ridicule. Espèce de petit chaton quémandant à son maître des témoignages d’affection et de tendresse. Mes épaules accusent un petit sursaut, symptomatique d’un ricanement étouffé, à l’instant où il reprend mes mots avec tout autant, voire plus de sarcasme que je ne les ai prononcée. Les doigts de ma main droite, celle étant la plus proche de lui, se réveillent tout doucement. Le coude glisse sur le comptoir, précipitant le bras dans le vide qui se met dès lors à osciller de droite à gauche, tel le balancier d’une vieille horloge. Indolemment, il se noue et ceinture l’avant de l’abdomen de l’ambulancier. La fermeté et la vigueur des muscles de sa région ombilicale tout contre mon avant-bras, font courir un savoureux frisson qui se propage sur mon épiderme encore plus vite que des ragots dans un salon de coiffure. Ma main s’ancre et s’arrime sur sa hanche et une partie de son muscle fessier. La pulpe et l’ongle de mon index ainsi que de mon majeur, s’engouffrent de quelques millimètres dans la poche arrière de son pantalon. Petite sirène happée par les lames de fond de l’océan déchaîné, tente de se raccrocher à l’impassible et indéfectible roc que rien n’altère.

Sincérité ou simple politesse ? Allez-savoir. Ce qui est certain, c’est que sa façon unique et incomparable de me dire que je suis à son goût, me coûte un éclat de rire que je ne peux cette fois-ci contenir. Un rire franc, massif et vrai, qui n’est pas sans rappeler celui que j’ai un peu plus tôt, lorsqu’il employa ce même ton informel, pour ne pas dire très relâché, qui scandalisa les pudibondes oreilles trustant les places les plus hautes dans les différents classements élaborés par le magazine Forbes. à nouveau, je me réfugie derrière l’autodérision. Sur un ton léger et presque puéril, je réplique une fois mon sérieux recouvré « Tu as oublié borgne et unijambiste. En tout cas, c’est de loin la plus belle chose que l’on m’ait dite depuis bien longtemps. Merci … . ». Qui se meurt en un murmure à peine audible. La paume de ma main assoupie sort de sa torpeur, et se met à gambader sur son flanc. Un frôlement ascendant, qu’alterne un effleurement à revers. Langoureux sac et ressac sévissant durant des poignées de secondes. Jusqu’à une percée du côté de la cage-thoracique. La varappe se poursuit sur d’autres hauteurs. Prise de l’index sur une côte, poussée, appui du majeur sur un espace intercostal, poussée, prise de l’index sur une côté … .

Et ainsi de suite jusqu’à l’établissement d’un bivouac sur son muscle pectoral. Un territoire où s’est déjà établie une tête léonine faite d’encre. Impassible et majestueuse. Les détails de la crinière criants de réalisme. Le fauve se voit offrir quantité de caresses voluptueuses, de lestes cajoleries et autres doux brossages. Le tout entrecoupé par des saisies du muscle plus fermes et énergiques, froissant et maltraitant le tissu le recouvrant. Ressourcée et galvanisée par cette halte, la grimpe se poursuit. Le sommet n’est plus très loin. Victoire, le voici. L’épaule large et robuste. Un traitement similaire à celui du félin résidant quelques étages plus bas, lui est prodigué. Un massage et un malaxage débonnaire, que relaye un pétrissage plus tonique du deltoïde. Nœuds de tension et amas de rage s’évaporent. Toujours plus avide d’exploration, quelques escapades du côté de la nuque et de la naissance des cheveux sont entreprises. Lors de cet aventureux hors-piste, je sens l’os de sa mâchoire se tendre et se crisper contre le biais de mon pouce. Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce que je suis entrain de faire ? Qu’est-ce qui se passe là-d’dans ? Il n’y a plus grand-chose qui vit encore là-d’dans, hélas. Tout n’est plus qu’une erg aride aux paysages désolés et dévastés. Mon oasis s’est tarie. La chimie du cerveau n’opère plus.

Alors … alors lasse de la grisaille et de la monotonie, j’essaye de voir si les couleurs d’origines peuvent revenir. Avec l’aide d’un homme à femmes. Un homme à femmes qui, incroyable mais vrai, a des principes. Et quelque chose me dit qu’il ne doit pas être du genre à y déroger. M’allonger et me prendre ne doit être pour lui qu’une tentante formalité. Néanmoins, son propos laisse à penser qu’une petite voix dans sa tête, celle de ses principes, l’enjoint à mettre la pédale douce et réprimer cette alléchante pulsion. Sans doute doit-il se dire, à raison, qu’en franchissant le pas ; ce n’est pas le plaisir ou le souvenir d’un agréable moment qui subsistera. En particulier en ce qui me concerne. Mes yeux quittent l’obscurité de ses chrysolites, pour s’écraser sur le sol par endroits jonché de brûlures de mégots et de mares encore mousseuses de bière franchement renversée. Gorge sèche et nouée, mes lèvres se plissent tandis que ma tête s’articule mollement de bas en haut. Une manière rudimentaire d’approuver ce qu’il sous-entend et dit en silence. Silence qu’un indésirable et impertinent lourdingue a le culot d’entacher. Un de ces gros bourdons se sentant tout puissant avec leur dard, et qui serait plus inspiré d’aller jouer aux fléchettes, plutôt que de chercher à polliniser toutes les fleurs bordant leur route.

Sa parade nuptiale aussi subtile que celle d’un babouin et ses vers de queutard en chien m’écœurent, et une moue grimaçante de dégoût déforme mon faciès. Un verbiage qui déplaît et incommode également prodigieusement, celui que je noyais sous un flot ininterrompu de caresses il y a encore peu. Ses joyaux noirs rutilent d’un lustre sanguinaire et furieux. Tout dans sa voix n’est que haine, animadversion et véhémence. Il suffirait d’un rien pour qu’il explose et ne réponde plus de ses actes. Soucieux que la situation ne dégénère et que je puisse en pâtir, Chaï m’éloigne de l’homme pour qui le synonyme de femme semble être poupée gonflable. Sa main contre ma hanche me serre et m’attire toujours plus vers lui. Une attitude de mâle alpha, prêt à se battre bec et ongles pour défendre ce qui lui appartient et qu’un autre convoite. Les élans poétiques de celui qui sait comment parler aux femmes, ne semblent pas trouver de point final. Fulminant intérieurement, mon poing se serre un peu plus à chaque mot humiliant et déshumanisant. Ils me transpercent à la façon des banderilles, avec lesquelles un matador abat un taureau à la fin d’une corrida. Mon regard se prend d’affection pour le verre de Sky sur le comptoir quasiment vide, et ne s’en détache plus.

L’idée de m’en emparer et de jeter son contenu sur un point bien stratégique du vicelard, qui ne manquera pas de refroidir ses ardeurs, fait son chemin dans mon esprit. L’ourlet de ma robe se soulevant et un contact intrusif dans la région de l’aine, m’enlèvent à mes divagations. J’accuse un prompt mouvement de recul, comme si ma survie en dépendait, tout en plaquant la mousseline sombre contre mes cuisses pour les couvrir. La moitié gauche de mon corps s’abrite derrière le bastion, qu’est celui très affûté et musculeux de l’asiatique. La crainte succède à la répulsion. L’une de mes mains se raccroche effrayée à la manche de sa veste, tandis que l’autre s’appose sur son omoplate. Tête légèrement penchée vers cette dernière que mes yeux ne quittent plus, j’adjure je-ne-sais-quelle force de mettre un terme à cette dégradante avanie. En vain. Jusqu’à l’affront verbal de trop. Celui qui fait déborder le vase. Ça y est, mon paladin à la chevelure soyeuse entre en croisade. Je le vois à son dos qui se tend. Je le sens à son épaule qui roule sous ma main. Je l’entends à sa voix qui sonne comme le cran de sécurité d’un revolver que l’on ôte. L’arrivée de celui qu’il craignait plus tôt, que je puisse être apeurée de découvrir semble imminente.

En ayant parfaitement conscience, je redresse alors lentement la tête et essaye de lire la fureur dans ses yeux. Malheureusement, impossible de la discerner d’où je me trouve. Mes mains se détachent de la roche en ébullition du volcan, dont l’entrée en éruption devrait se produire d’un instant à l’autre. Sitôt suis-je mise à l’abri, qu’une coulée de lave et de magma déferle sur le risque-tout, qui depuis tout à l’heure n’a de cesse de jeter avec un air de défi des pierres dans le cratère. Mon visage grimace de douleur à chaque fois que Chaï est en mauvaise posture, ou que verres, cendriers, chaises et autres pièces de mobilier se cassent ou se retrouvent à terre. Une agitation moindre accroche ma vision périphérique. De l’autre côté du comptoir, Dwayne décroche le combiné du vieux téléphone murale, jouxtant une non moins vétuste machine café. Avant qu’il ne compose le numéro de la police pour palier d’éventuels débordements dus à une surabondance de grabuge, je l’interromps en levant une main dans sa direction et en demandant sur un ton plus supplicier que je ne le souhaiterais : « Attend encore un peu, s’il te plaît. Cela ne dégénérera pas plus. Il va très vite régler tout ça, sans que personne ne soit blessé. Je … j’ai confiance en lui. ».

J’ai confiance en lui … vraiment ? Bien sûr. Comment ne le pourrais-je pas ? Il m’a sauvé la vie. A fait preuve d’une discrétion exemplaire, au sujet de la mésaventure qui m’est arrivée. N’a pas hésité à faire passer les répercutions que pourraient avoir un rapport plus intime sur moi, avant son propre désir et ses envies. Et maintenant il lave et répare un affront m’ayant été fait. Ou plutôt nous ayant été fait à tout les deux. Peut-être qu’il n’est pas celui en étant le plus digne, mais devant tout ce qu’il a et continue de réaliser pour moi : je ne peux qu’avoir confiance en lui. Je sais qu’il ne commettra rien d’irréfléchi et ne franchira pas le rubicon, en faisant quoi que ce soit de sanguin. Si cela avait été une histoire de supériorité contestée, de fierté bafouée ou d’esprits qui s’échauffent à propos d’un sujet lambda ; il y a sans doute bien longtemps que son poing se serait abattu sur l’arcade sourcilière, le nez ou le coin de la bouche de ce mec. Il se serait lâché et n’aurait fait preuve d’aucune retenue, étant donné que son geste n’impliquerait que lui. Cependant ici, s’il s’emporte et lui fait une tête au carrée, ses actes auront également et indirectement des retombées sur moi : la pomme de la discorde. Celle qui bien malgré elle, est à l’origine de cet échauffourée. Voilà pourquoi il ne plantera pas ses crocs, ni ne balafrera de ses griffes le mâle rival l’ayant défié en tournant autour d’une membre de sa meute.

Il va simplement l’intimider et lui faire passer l’envie de recommencer, en poussant un rugissement bestiale. Du moins, je l’espère. L’espoir rapetisse, au moment où mon sempiternel sauveur plaque contre celui a qui il doit cette montée de hargne, avec une force faisant trembler les verres à whisky alignés sur l’étagère derrière le bar. Nerveuse, j’entame une apnée en rongeant fébrilement l’ongle de mon auriculaire. S’il te plaît Chaï … garde une once de contrôle. Tu ne demandes qu’à extérioriser toute cette animosité qui s’agglutine en toi, et c’est bien normal. Mais je t’en conjure, essaye de canaliser cette énergie et de ne pas ouvrir les vannes. Il ne vaut pas la peine que tu t’attires des ennuis, et … moi non plus. Finalement, le déluge de testostérone décroît et l’électricité se dissipe. Les yeux fermés, je pousse un profond soupir de soulagement, sitôt que l’homme ayant vu rouge à la seconde où mon intégrité a été malmenée, lâche le col du blouson de celui qu’il tient en respect. Les traits du barman se détendent de façon ténue, avant qu’il ne raccroche le combiné du téléphone sur son socle. Ça y est, la tempête est définitivement passée. Mes yeux pétillent d’admiration, et une esquisse de sourire saturée de reconnaissance se peint sur mes lèvres, lorsque le fils Home revient, le regard encore habité par une expression massacrante.

De manière très décidée, il me tend ta veste. Sans le faire attendre, je m’en empare et le remercie de façon so asian, avec une petite inclinaison de la tête. Probablement encore grisé par le rush d’adrénaline suscité par cette opposition musclée, l’ambulancier déclare sur un ton péremptoire que la fête est finie, le couvre feu largement dépassé et qu’il est grand temps pour moi de regagner mes pénates. Dans la foulée, il nuance son propos en ajoutant d’une voix moins impérieuse, que le choix m’appartient et que nous pouvons très bien rester. Ayant eu suffisamment d’émotions pour ce soir, je hoche la tête de droite à gauche et déclare d’une petite voix, en plaçant la chaînette dorée de la pochette translucide sur mon épaule : « Non, tu as raison. Je … je pense qu’il est préférable de rentrer. ». Nous avions déjà attiré la défiance de la clientèle d’entrée de jeu, du fait de nos accoutrements beaucoup trop smart pour l’endroit. A présent nous, car j’estime avoir également une part de responsabilité, venons de mettre le feu au poudre en déclenchant une amorce de rixe, qui aurait pu s’envenimer considérablement plus. Dieu soit loué, il n’en fut rien. Remercions pour cela l’espèce d’obsédé d’avoir eu une lueur de lucidité, qui lui fit comprendre qu’il serait plus sage de lâcher l’affaire.

Lorgnant sur l’addition, je constate que Dwayne nous a fait cadeau de mon second verre aux allures de dé à coudre. Trop aimable mon cher. Prend tout de même garde et mesure tes envols de bonté, ou tu risquerais de fermer boutique en deux-deux. Nos consommations réglées, Chaï m’escorte alors de très près vers la sortie, foudroyant du regard les paires d’yeux insistantes n’ayant pas encore repris le fil de leur soirée. Dehors, l’air septentrional de la nuit me fait l’effet d’un seau d’eau glacé. Les kilos de tension et crispation amoncelés se cristallisent, puis se voient disséminer dès que sévit la première rafale d’aquilon. Respire petite chanteuse. Juste respire. Au plus fort du règne de nyx, il fait sensiblement plus froid qu’à notre arrivée. Mais oh joie, ce bref séjour en ce mastaba imprégné de ton énergie, m’a permis d’acquérir de quoi me couvrir. Jetée sur mes épaules telle une cape sans passer les bras dans les manches, la veste avale mes formes fluettes. Ce soir, comme tu le fit à maintes reprises naguère, tu vas me tenir chaud. Le temps d’un trajet jusqu’à chez nous. Ce pavillon situé dans une portion résidentielle et plus calme du quartier culturel, que les artistes surnomment « le dortoir ». Un petit nid de rêve dans lequel nous souhaitions élever nos enfants. Puis, lorsque les oisillons auraient grandis, nous nous serions rapprochés du foisonnement artistique. Notre écrin.

Tel aurait été « le plan », si les impondérables et les aléas ne s’en étaient pas mêlés. Deux petites sphères citrines remuant vaguement de temps à autres, troublent l’unité de l’opacité au loin. Des yeux. Ceux d’un chat d’aspect un peu malingre siégeant sur le rebord d’une fenêtre. L’extrémité de sa queue pendant dans le vide, fouette l’air en se balançant à la façon d’un pendule de Newton. Arrivée à sa hauteur, j’approche le dos de ma main de son museau, alors que mes lippes s’étirent faiblement en une illusion de sourire. Le félin au pelage de velours frotte joyeusement le sommet de son crâne contre mes phalanges, en ronronnant comme une machine à laver en plein essorage. Puis, nous nous éloignons et poursuivons notre remontée de la rue. Toujours sous son œil d’héliodore placide et souverain. Le silence s’épaissit, et la colère rougeoyante se cryogénise dans le froid. Brisant la glace s’étant formée à grand coup d’ironie, je déclare sur un ton léger en mimant des guillemets à l’aide de mes doigts leptosomes : « C’était le « traitement des stars », ou est-ce que tu aurais agi de la sorte avec n’importe quelle autre demoiselle en détresse ? Hahaha ! ». Dérision. Autodérision. Enrobée dans un rire volatil, s’exhaussant vers la voûte dépourvue de céleste ce soir.

Petite chanteuse n’a nullement la confiance, l’orgueil et la suffisance nécessaires pour se considérer comme une « star ». Dieu m’en garde, d’ailleurs. Je ne suis qu’une vestale au service de l’art. Un médium donnant corps et faisant revivre le plus fidèlement possible, les œuvres des génies de la musique nous ayant précédé. La chasse frénétique de gloire, de notoriété et de fortune est véritablement la dernière de mes préoccupations. Ce que je veux, c’est transporter les gens. Leur faire oublier l’espace d’un instant, toutes les turpitudes du monde autour. Les faire voyager. Afin qu’ils ressentent tout un éventail d’émotions, qu’ils ne prennent plus le temps d’apprécier et savourer dans ce quotidien qui les happe. Les articles élogieux dans la presse, les awards, les passages dans les médias … s’ils n’existaient pas, cela serait du pareil au même. Peut-être même que je m’en porterai pas plus mal. Chanter, voir la joie et le bonheur luire dans les yeux du public, entendre des petites filles me remettant des bouquets de fleurs aussi grands qu’elles dire « quand ze serai grande, ze veux être comme toi ! » … voilà le plus beau beau prestige et le plus inestimable des cadeaux, que je peux retirer de mon travail.

Nos pas engloutissent des mètres de trottoirs, qui par endroits auraient bien besoin de quelques petits travaux de rafistolage. Bientôt, nous arrivons dans une fraction du Queens où l’insécurité et le danger sont incontestablement moindre. Un regard à la dérobée sur le profil gauche de Chaï. L’impulsif ambulancier à la carrure sculpturale semble avoir recouvré une part considérable de son self-control. Reportant mes yeux sur l’horizon urbain, je témoigne ma reconnaissance d’une voix mélodieuse de soprano léger : « Merci d’avoir été là pour moi. Une fois encore. Et … merci d’avoir accepté de me laisser entrevoir une petite partie de celui que tu es vraiment. ». Et non, je n’ai pas eu peur de lui. Avec lui, je me sens constamment en sécurité. Avec toi sur mes épaules, je me sens rassurée. Avec vous deux à mes cotés, je me sens invincible et invulnérable. Vraiment, que cette nuit est belle ! Je voudrais qu’elle ne prenne fin. Que cette parenthèse s’agrandisse et s’éternise. Pour qu’à jamais ces deux constellations trônent dans mon ciel. Hélas, ce n’est pas ce qui se passera. Toi, ma constellation de toujours, tu resteras de mes cieux. Lui, le météore flamboyant filera et illuminera d’autres galaxies. Seul subsistera de son passage, une traînée de poussières d’or condamnée à se désagréger. Car il est ainsi. Insaisissable et fuyant. Sa liberté. Sa liberté que je ne chercherai jamais à entraver. Oh que ta liberté me plaît.
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï - Page 2 Empty Jeu 29 Nov - 12:22

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Je la sortis, sous bonne escorte. Les regards rivés sur nous, comme à l'arrivée. Peut-être ombragés d'une couleur supplémentaire, celle de la colère. Et qu'on ne vous y voit plus, ils criaient presque sur notre départ. Comme s'ils étaient décisionnaires, comme si cet endroit leur appartenait. Ô, ils y passaient certainement tout leur temps, préférant croupir ici que de voir comment se portait le monde ailleurs. L'habitude, la routine. Moi, j'étais l'autre. Celui qui s'extasiait des voyages d'un bar à l'autre; et rares étaient les semaines où je m'établissais dans le même. Je ne me satisfaisais jamais du cercle répétitif. Le changement avait du mal à opérer sur moi, à me faire devenir qui mes proches voulaient que je sois, alors je le trouvais ailleurs. Dans le club huppé une fois, dans la cave d'un bar misérable une autre. Dans une salle de casino coûteuse une fois, dans une pièce de strip-tease illégale une autre. Le Queens promettait bien des variantes aux plaisirs; même ces derniers avaient un goût de nouveau. Plus de quinze ans de ma vie à batifoler dans ce que l'arrondissement avait à m'offrir de plus beau, et jamais déçu. Mes billes, à chaud, transpercèrent la fine buée qui avait recouvert l'allée, fumée des cigarettes et des joints qui envahissait l'espace devant le bar que nous venions de quitter. La bouche à incendie avait été destituée de ses biens; de mes biens. Heureusement, je n'avais compté les récupérer à ma sortie, que celui qui s'en était emparé en fasse bon usage. Un coup d’œil à ma droite, Meï à mes côtés s'habillait du blouson qui lui avait été remis; un doux souvenir du passé envahit ses épaules. Je l'aurais parié. Cet habit eut juste le don de me rappeler que mon flair, celui qui sentait les âmes bien trop attachées à l'amour pour offrir la meilleure censure, était toujours excellent et se bonifiait avec les années. Je plongeai alors mes phalanges dans mes poches avant. Elles eurent tout de même l'exclusivité sur l'épiderme douce et soignée de la cantatrice, ce soir. Ces doigts qui avaient sali d'autres femmes, les précédentes nuits, ces doigts qui avaient cogné bien des hommes, les derniers couchers, avaient eu le droit de la caresser; un peu. La tombée du jour n'avait pas été aussi décevante que ça; même si elle avait pu se finir mieux. Il pouvait toujours y avoir mieux, de toute façon. J’emboîtais le pas de l'asiatique qui était plus à même de nous guider dans l'obscurité. Et je gardais le silence, aussi, retrouvant peu à peu ma sérénité, laissant tomber les pics d'émotions négatives que m'avait valu l'adrénaline. Ah, que j'aurais aimé qu'il soit moins conciliant l'insolent, rien que pour avoir le plaisir de lui foutre une raclée; que je ne l'y reprenne plus. D'ailleurs, la pensée fut automatiquement transmise à Meï qui revint dessus, aussi. Un simple hasard ou une communion parfaite de nos psychés ? J'en sais rien, répondis-je sur le vif, j'réfléchis pas des masses. La faute à l'urgence qui rythme mon quotidien. Quoi qu'il se pourrait que ça soit inné chez moi. Je n'avais jamais donné place à la réflexion lente. Cela m'avait fait vivre des moments forts; bons et mauvais. D'ailleurs, elle aurait pu avoir sa réponse si elle s'était montrée prête à sauter le pas, à briser ses chaînes. Les fonds de teint n'étaient jamais waterproof face aux effluves salées des corps qui se donnaient, qui cognaient. Avec toute la bonne volonté du monde, le liquide qui m'avait été conseillé, par ma tatoueuse au doux surnom félin, se serait échappé de ma membrane cutanée pour laisser entrevoir quelques colorations suspectes. L'arcade, le dessous de l'oeil et le bord de ma lèvre inférieure en avaient pris de sacrés coups, pas plus tard que la semaine dernière. Le devoir de passer pour un bon garçon en cette soirée m'avait obligé à maquiller ces erreurs de parcours. Alors, non, je ne réfléchissais pas beaucoup. J'agissais plus que de raisons et j'accueillais volontiers les dérapages; je les portais fièrement sur ma peau, d'habitude, voilà tout. Je me tus à nouveau, nos jambes avançant par la même alternance, droite/gauche, nos chaussures bien trop claquantes pour cette partie du Queens de laquelle nous nous échappions. Nous filions tous les deux, tous les trois; un homme invisible et pourtant si présent entre elle et moi. Il écrasait mon existence aux côtés de la chanteuse d'une facilité si puissante que je ne pus lui faire offense. Non. Il était impossible de rivaliser avec lui. L'absent agrandissait la distance du duo qui s'était voulu vagabond ce soir, reprenant place auprès de celle qu'il aimait; celle qui l'aimait. Je portais la chandelle, sans rechigner. Ici, et là, dans l'unique but que rien ne puisse arriver aux amoureux qui s'étaient retrouvés grâce à une simple veste vétuste, aux odeurs de renfermé. Il était possessif, le bonhomme; autant que moi. Et ce qui avait joué en sa faveur n'était autre que huit années supplémentaires au compteur. Huit années, seulement. Nous dépassâmes les limites de la zone effervescente pour un paysage plus charmant, plus à même de représenter ce que Meï évoquait aux yeux de beaucoup; loin des tensions illicites d'un Queens des bas-fonds. L'écart se creusa encore plus au moment où nous arrivâmes devant ça. Le pavillon familial des Perkins. Une douceur à en couper le souffle; non pas parce que ça donnait envie, mais parce que les aspirations s'en dégageaient. Bonheur enveloppant une vie de famille sans histoires : une marmaille galopant aux sourires heureux, des parents enlacés suivant de près leurs folichons, autour d'une maison pleine de vie enfermant l'amour; tout ce à quoi je n'ambitionnais pas. Arrête de me remercier, ça d'vient lourd, la suppliai-je, plus par moquerie que parce que j'en étais gavé. Nous nous étions arrêtés devant la bâtisse et je la contemplai faussement en hochant la tête. Belle baraque, dis-je, sans émotion frappante. Sans exclamation non plus. Trop pour moi. Je baissai un court instant les yeux, presque intimidé par les désirs qui avaient motivé Meï par le passé, avant de les poser sur elle, restée plantée à mes côtés. J'vais devoir y aller, l'informai-je en un murmure, non sans pincer mes lèvres, les roulant l'une sur l'autre. Devoir; il en était de mon devoir de la laisser retrouver cet homme qui l'avait abandonné tragiquement pour se faire à une vie à laquelle elle n'avait jamais voulu prétendre. Je lâchai un sourire, furtif mais sincère avant de reculer, de reprendre le chemin inverse en lui faisant, cependant, face. Mes mains s'extirpèrent de l'endroit qui les avaient tenu au chaud et accompagnèrent une posture chevaleresque, distinguée et presque grotesque, le buste penché vers l'avant, ensuivit d'un : Madame, formulé en un ton extraordinaire de la Haute qui contrastait tragiquement avec ma dégaine vestimentaire. Juste de quoi couper court à la froideur de nos adieux; ou de notre au-revoir.    

THE END
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