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 Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï

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Message Sujet: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Jeu 1 Nov - 23:23

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Les portes s'ouvrirent sur une salle où les verres s'entrechoquaient, tout autant que les conversations se multipliaient. Un after digne de ce nom s'organisait pour une partie du peuple new-yorkais, les privilégiés; de ceux nés une tétine incrustée de diamants dans la bouche, de ceux qui avaient su augmenter exponentiellement leur business. Chaï, laisse-nous te présenter... Pour la énième fois, je souriais à une personne que je ne connaissais pas, hochant la tête poliment en signe de salutations formelles. Je ne me rappelais déjà plus des précédents noms que mes parents avaient articulé finement, ni même de ce qui avait fait leur importance et expliquait leur présence ici; et je savais aussi que je n'allais pas me souvenir de celui-là non plus. L'espace était immense, illuminé de nombreuses perles accrochées à des lustres dont le prix se comptait en milliers de dollars, j'avais cependant l'impression de ne pas avancer. Un pas, un tout petit pas, et mes parents stoppaient déjà leur ascension, reconnaissant quelques gens qu'ils ne côtoyaient pourtant pas des masses. Les paroles s'échangeaient tantôt la bourse, parfois le commerce. Et le monde semblait bien se porter, tant que l'argent continuait d'affluer. Collé aux basques de mon père et de ma mère, les suivant comme leur ombre plus par devoir que par envie,  je m'autorisais quelques regards dans la salle et observais. Oui, j'observais tous ces pingouins qui peinaient à s'esclaffer sincèrement, une main plongeant systématiquement sur leurs lèvres. Je regardais ses plein aux as et leur gestuelle mondaine où le corps se désarticulait en douceur et parcimonie. Et ces dames qui se montraient enchantées bien qu'elles portaient des robes qui leur écrasaient les poumons et les empêchaient de respirer. Deux heures d'un spectacle théâtral soporifique pour, à présent, devoir me coltiner de riches personnages, j'avais l'impression m'être fait dupé par papa et maman. Une agréable soirée entre amis, ils avaient dit. Bons vendeurs qu'ils étaient. Tu vas tout de même nous faire honneur de ta présence cette fois-ci, qu'elle avait tenté, ma mère, pour me faire culpabiliser de toutes ces fois où je n'avais pu être présent. Elle avait le don de prendre par les sentiments. Tourné vers le buffet, -parce que mon ventre commençait à crier famine-, une serviette en tissu brodée vint orner ma paume, gentiment déposée par un maître en la restauration, là où quelques fines mise-en-bouches vinrent se juxtaposer; à croire que les essuies-tout n'étaient pas assez bien pour les gens de la Haute. Je n'eus pas le temps de déterminer si je préférais prendre un canapé de foie gras pain d'épice poivré élevant quelques morceaux de poires confites ou un canapé de foie gras confiture de dattes relevé à l'orange que ma mère vint me prendre par le bras, pressée. Elle m'enleva donc de la seule motivation qui me restait et m'emmena quelques dizaines de mètres plus loin, là où mon père semblait féliciter honorablement pour la ixième fois. Trajet pendant lequel j'eus tout de même le temps de fourrer deux amuse-bouches entre mes lèvres. Chaï, enfin, où étais-tu passé, s'interrompit lui-même le sexagénaire, posant une main dans mon dos pour me rapprocher de lui et de..., je te présente Meï Perkins. Ma cavité buccale arrêta de se mouvoir un instant, dès lors que j'eus porté mon regard sur le visage de cette femme. Mon père continuait de faire son éloge, lui donnant tous les mérites, l'encourageant à persévérer, mais je n'écoutais rien, plus rien. Chaï, s'inquiéta ma mère. Mon faciès se tourna vers cette dernière, un peu étourdi, les sourcils interrogateurs, avant de me rendre compte de mon impolitesse. Pardon, oui. Excusez-moi. Je suis enchanté de faire votre connaissance Madame Perkins. Elle. Je l'avais déjà vu, dans d'autres circonstances. Mon père s'exprima à nouveau, évitant ainsi un silence incommodant de ma part. C'est de ce jeune homme dont je vous parlais, fut-il fier de me présenter comme son fils. J'étais persuadé qu'il avait raconté ô combien j'avais été difficile à l'adolescence, à quel point je leur avais donné du fil à retordre aussi. Le gamin qui, malgré la chance qu'il avait de devenir un homme d'affaires comme son père adoptant, avait préféré foutre la pagaille et devenir ambulancier. L'urgence plutôt que la sérénité financière. Il avait encore du mal à comprendre ça, papa. J'espère qu'il ne vous a pas importuné avec mon histoire, me moquai-je de mon paternel, bon enfant, il a toujours tendance à en faire trop, soulignai-je sa facilité à communiquer avec les autres. Nous disions simplement à Madame Perkins que nous étions fiers de toi, s'enquit à dire ma mère en portant une main bienveillante sur mon bras. Je souris à ce mensonge. Si elle semblait se voiler encore la face, mon père comprenait doucement quel genre de vie je menais lorsque j'étais loin de leur monde, loin de la maison, loin d'eux. Ils me vendaient, comme à chaque fois, pour que je puisse retrouver cette voie qu'ils auraient aimé pouvoir dessiner pour moi. L'hypocrisie de cette vie ne m'intéressait pas. Désiriez-vous un verre, Monsieur, me demanda l'un des serveurs en s'approchant de moi muni de son plateau, bien en équilibre sur sa paume. Tous étaient occupés à choisir la coupe qui leur conviendrait quand je les regardais, dépité. Vous n'avez rien de plus fort, me risquai-je à demande à l'homme de salle qui, stupéfait, ne dit mot. Il me fallait au moins ça pour supporter la discussion qui allait suivre; parce que oui, je me doutais ô comment mes parents avaient bien tâté le terrain avant de m'y appeler. Nombreuses paires d'yeux se tournèrent vers moi, certaines choquées, d'autres intriguées. C'était une blague, me rattrapai-je en prenant le premier cristal que je n'attendis pas pour porter à ma bouche asséchée.
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Ven 2 Nov - 15:42

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

« Neuf mois après le braquage de la Banque Centrale de New-York, Jackson Hall, le complice présumé des trois braqueurs interpellés par les forces de police, demeure à ce jour toujours en fuite. Ces derniers seront jugés demain, au tribunal de grande instance de New-York, pour braquage à main armée et homicide. Rappelons que la seule victime de cette agression, le batteur Lars Per… .». La présentatrice Mary S. Bright, ne put en dire davantage. En toute hâte, j’éteins la télévision puis me laisse choir dans le fauteuil cabriolé en cuir beige. Les coudes appuyés sur mes genoux, j’enfouis le visage dans mes mains franchement ointes d’une lotion à base d’iris au vertus soit disant hydratantes, et tente de ne pas me laisser submerger une énième fois par l’émotion. Je n’y arrive pas. C’est encore trop tôt. Je pensais être capable de pouvoir enfin entendre la triste réalité de la bouche d’un autre. Force est de constater que non. Je ne me l’explique toujours pas, et suis incapable d’accepter. Ce n’est pas juste. Ca fait si mal. Comme une opération à cœur ouvert sans anesthésie. Avec le temps, les affres de l’affliction tendent à s’atténuer. De jour en jour, ils régressent. Deviennent plus supportables. Plus gérables également. Seulement aujourd’hui … . Aujourd’hui, la douleur se fait béante et inextinguible. Encore bien plus qu’à l’occasion ce funèbre jour de Février, où mon monde tout entier a implosé en un milliard de bribes. Aujourd’hui, si les facéties du destin avaient été toutes autres, nous serions trois à entonner notre version de l’Ode à la Joie. Au lieu de cela, la soprane demeure seule sur la scène. Inexorablement seule. Avec pour unique répertoire la Marche Funèbre de Chopin. Pourtant, on ne l’a pas oublié.

Le bristol d’invitation glacé et cartonné, posé négligemment sur la table basse en verre du salon, en est la preuve. L’âcreté du patchouli de synthèse avec lequel il a été abondamment aspergé, embaume dans toute la pièce. En plus de me piquer la gorge et m’irriter les sinus. J’exècre ces pince-fesses autant les gens que l’on y rencontre. Ils sont faux et hypocrites. Obséquieux et rampants. La plus insignifiante bagatelle est à leur yeux matière à s’extasier. Les ronds de jambes et les salamalecs sont leur came. Malheureusement, je ne peux me soustraire à cette pompeuse et ronflante réception. Il s’agit d’un dîner annuel où tout les grands pontes bien pensants, les huiles et les sommités de la grosse pomme se réunissent. Ces nantis se balancent leur réussite à la figure, et cherchent par tout les moyens à faire enrager untel ou unetelle. Au cours des éditions précédentes, les organisateurs m’ont convié par deux fois. Et par deux fois, j’ai prétexté une excuse fumeuse pour décliner l’invitation. Trois fois, ça risquerait de faire beaucoup. Même si je n’aspire désormais qu’à me couper du monde et m’enfermer dans un univers fait de souvenirs et vestiges d’un temps à jamais révolu, la solitude m’apparaît plus comme étant un supplice qu’un refuge en ce jour bien singulier. Renouer avec le monde des vivants s’impose presque comme une nécessité.

Voilà pourquoi je m’affaire donc à revêtir quelques atours pour la circonstance. Aux prises avec le zip de ma robe en mousseline, je me dandine et me contorsionne sur le fauteuil afin de le fermer. Un exemple typique du quotidien, où son aide me manque cruellement. Lui et ses mains expertes recouvertes d’encre. Lui qui m’a dévêtu fiévreusement et avec empressement, plus de fois que je saurais le dire. Une petite robe en mousseline noire. Comme celle que la regrettée Coco Chanel adopta à la mort de son grand amour. Pour unique fantaisie : deux médaillons aux allures pièces romaines incrustées sur chacune des bretelles, desquels pendent telle une étole jusqu’à mi-mollet, deux bandes de crêpe couleur corbeau. Une grosse ceinture dorée digne de Wonder Woman, pour cintrer et marquer la taille. Le bras de fer avec la fermeture éclair remporté, je poursuis en chaussant une paire de spartiates assorties à l’accessoire ceignant mon tour de taille. Avec juste ce qu’il faut de talon, pour élancer hardiment et cambrer mon mètre quatre-vingt deux. Un soupçon de rouge aux lèvres. Rien sur les yeux. Je doute que quiconque sera amené à les apprécier ce soir. Un chignon haut un peu rétro à la Audrey Hepburn, dans lequel est emprisonné un petit peigne en perles et en nacre aux reflets irisés. Fruit d’un long et complexe échafaudage de laque et d’invisibles réalisé en amont. Avant de partir, je n’omets pas de me munir du must have pour ce soir : une paire de lunettes de soleil, qui pour l’heure sommeille au fond d’une pochette en plexiglas translucide à monture et chaînette dorée. Un peu dépassée et démodée, mais qu’importe.

Dehors, je hèle le premier taxi à l’insigne allumée fendant l'obscurité et battant le macadam. Par la vitre très légèrement encrassée, les feux nocturnes de la ville défilent sous mes yeux hagards. Petit à petit, je m’évade, pars dans un ailleurs chimérique et me déconnecte. Plus rien ne parvient à me maintenir dans cette réalité blafarde. Pas même le très suranné et désuet So emotional de Whitney Houston, que crache l’autoradio crépitant. « Madame ? Nous sommes arrivés. » informe la voix à l’accent cubain chantant, glissant et coulant dans l’oreille du chauffeur. Déjà ? A en juger par l’architecture victorienne, richement ornée de frontons sculptés et de bas-reliefs tarabiscotés ; il semblerait bien que oui. Plusieurs battements de paupières et un retour abrupt au tortueux instant présent. Un soupir comme le sanglot long d’un violon, si cher à Verlaine. Lunettes de soleil sur le nez. Arrogance ? Non. Suffisance ? Pas moins. Simple nécessité. Impossible de me tenir dans une salle baignée par des cascades lumière, autrement qu’avec ces épais verres teintés devant les yeux. Quelques excuses pour pardonner mon inattention. Je m’acquitte du montant de la course et laisse au passage un généreux pourboire au conducteur. Suffisamment conséquent pour qu’il puisse s’offrir un de ces paquets de cigarettes mentholées, dont l’odeur de tabac froid tapisse l’entièreté de l’habitacle de son véhicule.

Les robes chatoyantes de créateurs et les smokings hors de prix valsent, tanguent et se mélangent dans un ballet déstructuré. La brillance des trois rangs en perles de ces dames et la phanie des Rolex que ces messieurs arborent fièrement au poignet, s’évertuent à éclipser et rendre jaloux l’éclat des lustres en cristal de Bohême. Tout ici n’est que débauche et profusion de luxe ostentatoire. Un faste tapageur, indécent et oppressant. L’atmosphère est saturée par un mélange chaotique de fragrances de musc, d’ambre et de bigaradier dont se sont allégrement humectées les matrones de la haute. Une association capiteuse qui vous soulève le cœur et attise la nausée. J’adresse un sourire de façade et quelques politesses aux personnes m’abordant, me saluant et déployant des trésors de flagorneries à mon encontre. Mes molaires viennent broyer l’intérieur de mes joues et mes paupières ploient sous le poids de l’exaspération, lorsqu’une voix de ténor léger m’alpague. Une seconde de mezzo soprano lui fait écho.

Les époux Home. L’un des couples les plus puissants et influents de toute la côte est des états-Unis. Des fanas et mordus d’opéra, doublés de généreux mécènes. Sans eux et leur contribution à l’économie culturelle de la ville, il est fort probable que je sois au chômage technique à l’heure qu’il est. Si l’art lyric ne devait compter que sur les subventions que daigne accorder au compte-goutte le Maire de la ville, il serait très certainement à l’agonie au moment où je vous parle. étant donc plus ou moins redevable aux très collets montés Monsieur et Madame Home, je m’échine donc à ne rien laisser transparaître de mon agacement, et veille autant que faire se peut à leur offrir un faciès radieux. Monsieur me gratifie d’un baise-main surfait, archaïque et venu d’un autre temps. Madame quant à elle, me donne une furtive accolade. Une de celles que les femmes de sa condition s’échangent pour se saluer. Le tout servi dans un « très chère », affreusement prononcé et accentué à outrance. De mon côté, je m’incline légèrement en affirmant que c’est un réel plaisir de les voir ici. Des reliquats tenaces de ma très raide, stricte et révérencieuse éducation sino-chinoise.

Madame s’excuse et prend momentanément congé de nous. Désormais seule avec son assommant mari, ce dernier me noie sous une logorrhée verbale clairsemée d’actions, dividendes et autres fusions/absorptions. L’écoutant sans l’écouter, sa voix ne devient rien d’autre qu’une succession d’ondes sonores, à laquelle je rétorque par intermittence dans un hochement affirmatif de la tête ou une illusion de sourire, sans pour autant comprendre un traître mot. Par chance, sa femme ne tarde pas à revenir, me sauvant ainsi d’un naufrage dans les profondeurs abyssales de l’ennui. L’homme qu’elle traîne à sa suite est aux antipodes des convives nous entourant. Imaginez, un rebelle et majestueux dahlia noir au milieu de l’unicité d’un vaste champ de boutons-d’or. Plus jeune que la majeure partie des invités, sa musculature développée fait la nique à toute la cohorte de ventripotents aux cheveux grisonnants. Sa nonchalance affichée sans complexe, le mépris sous-jacent pour ces mondanités, ce petit côté je m’en-foutisste et « je vous crache dessus », sa peau bardée de tatouages … . Bien des choses chez lui me font penser à toi.

Le très seigneurial Monsieur Home me présente, avec bien trop d’égard à mon goût, au dénommé Chaï. Après une micro absence souciant la très digne femme d’âge mûr à ses côtés, le jeune homme fleurant bon le souffre volcanique émanant des salauds et des mauvais garçons, m’adresse quelques politesses en y mettant pléthore de formes. Un exercice de style ne lui seyant absolument pas, mais auquel il se plie bon an mal an. De toute évidence pour faire plaisir aux aînés l’encadrant de part et d’autre. Cette voix … . Mes lèvres se scindent subrepticement, quand dans le même temps une fugace et imperceptible inspiration de stupeur s’insinue dans ma gorge. Derrière les verres opaques des Ray-Ban, les yeux aux pupilles constamment dilatées par l’intolérance à la luminosité excessive s’écarquillent. Le coeur crevé et criblé de banderilles se met à battre la mesure et faire d’inexplicables loopings. Un shoot de stress déferle dans mes veines et génère un frisson saisissant mes os.

Rassemblant les fragments de consistance me restant, je me courbe une nouvelle fois et parviens laborieusement à aligner trois malheureux mots, de manière moins formelle et guindée que l’homme me faisant face : « L-le … le plaisir est partagé Chaï. ». Chaï dont la gestuelle indique sans nul doute qu’il préférerait de loin être à cent mille lieues d’ici, et revêtir quelque chose de plus confortable et moins endimanché. Une seconde chose que nous semblons indéniablement partager. Sur un ton se voulant léger, l’homme aux ascendances extrêmes-orientales ajoute qu’il ose espérer que le second représentant de la gent masculine composant notre petit quatuor, ne m’a pas rebattu les oreilles à son sujet. Cette désinvolture contribue à me détendre quelque peu et à égayer mon faciès d’un fin rictus. La pimpante femme au brushing implacable et un teint trop blond se pâmant dans son tailleur griffé Dior, n’a cependant pas l’air de percevoir l’ironie et la légèreté contenues dans ces propos. Prenant la chose au premier degré, celle-ci s’empresse de rassurer l’homme au torse taillé en v dont elle se tient au bras, en déclarant qu’ils n’ont rien fait d’autre que l’encenser et chanter ses louanges.

Ce à quoi Monsieur Home rétorque par un concis claquement de langue. Une manière subtile et silencieuse de nuancer et contrebalancer le propos de son épouse. Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit. Un serveur ressemblant à s’y méprendre à un limonadier de la Belle Epoque parisienne, nous propose emphatiquement un rafraîchissement à base de champagne de la vallée de Napa. L’homme étant le plus proche de moi en âge, demande sur un ton magnifiquement blasé et insolent, s’il n’aurait pas à tout hasard quelque chose de plus costaud à lui proposer. Des mots bruts de décoffrages qui suscitent l’indignation ainsi qu’un tollé général. En ce qui me concerne, ils me décochent un sourire. Le premier de la soirée qui soit sincère, spontané et authentique. Un sourire auquel vient s’ajouter un franc éclat de rire cristallin. Le premier depuis des mois et des mois. J’en avais presque oublié la prodigieuse sensation de bien-être que cela procurait. Aussitôt, les yeux ronds convergent vers moi et me sondent pour savoir ce qui me vaut cet élan d’hilarité. Mon sourire se fige et je baisse alors les yeux en direction de mes pieds, telle une petite fille qui aurait fait un bêtise et que l’on réprimanderait, afin de retrouver un semblant de sérieux.

Les personnes aux alentours n’étant pas pourvues d’un sens de l’humour panoramique et comparable au mien, l’impertinent aux amandes sombres au fond desquelles scintille une lueur de défi, que je ne connais que trop bien, se sent obligé de préciser qu’il faisait preuve de dérision. Dans un dépit certain, il s’empare d’une flûte en cristal de baccarat contenant le pétillant et démesurément onéreux nectar de Californie. Nos interlocuteurs l’imitent. Je refuse dans un très affable « non merci », que j’agrémente d’un minimaliste mouvement de la main. Notre petit cercle de nouveau refermé, la conversation reprend. Ou plutôt le monologue de Monsieur Home. L’homme d’affaire avisé aborde une myriade de sujets. Il passe de l’un à l’autre du coq à l’âne par association d’idée. Sporadiquement, sa femme ajoute un « Oh très cher, parlez nous de ... » ou « Sans oublier que ... ». Une fois de plus je dis amen à tout de la tête et multiplie les sourires cordiaux, sans y trouver un quelconque intérêt. L’athlétique jeune homme aux airs de caïds et de rappeurs, semble quant à lui trépigner sur place. Sans doute cherche-t-il un prétexte à avancer pour quitter ce prétentieux et grandiloquent gala. Ou peut-être attend-il simplement l’occasion opportune.

Les époux Home eux l’ont trouvé. Repérant une de leur connaissance au loin, ils finissent par nous abandonner aimablement, non sans omettre de me souhaiter une bonne soirée. En guise d’au revoir, ils réitèrent le même cérémonial ampoulé que lors des salutations, puis partent sans plus attendre à la rencontre de je-ne-sais-quel banquier d’affaire plein aux as ou politicard pourri et corrompu jusqu’à la moelle. Me voici donc seul à seul avec Chaï. Chaï et sa cravate au nœud desserré, laissant entrevoir les lignes d’un tatouage serpentant sur un côté de sa clavicule. Chaï et son regard chargé de dédain, qui fustige et assassine les crésus qui se gaussent pour des broutilles. Chaï et son empreinte vocale unique qui trouve une résonance toute particulière en moi. N’y tenant plus, et souhaitant en avoir le cœur net, je me risque à poser la question qui me brûle les lèvres. En mettant au rebut le solennel vouvoiement et les tralalas superflus. « Je … . Pardonne-moi si ce que je vais dire te paraît étrange et stupide, mais ta voix … . Je suis quasiment certaine de t’avoir déjà entendu. Est-ce que … . ».

Peinant déjà grandement pour m’exprimer, je me vois dans l’obligation de marquer une pause. Afin de ne pas flancher ni craquer, je penche quelque peu la tête et me pince l’arête du nez, à l’aide du pouce et de l’index de ma main manucurée mais exempte de tout vernis. Des flashs déferlent et me reviennent en pleine figure dans une violence fulgurante. Tout est flou. Lointain. Cotonneux. Au milieu du raffut incessant et strident des sirènes de l’ambulance, il y a cette voix. Cette voix qui se démène pour me garder ici bas. Cette voix qui fait tout son possible et qui ne ménage pas sa peine, pour repousser la dame en noire et sa large faux. « Elle collabe ! ». « J’appelle la cardio et les préviens que l’on arrive avec une urgence de stade trois. ». « Accélère putain ! ». Un petit florilège des paroles dont je me souviens, durant ce court laps de temps où je n’étais plus tout à fait ici et pas encore totalement là-bas. De plus en plus convaincue d’être en présence de cette voix salvatrice, j’opine du chef pour parachever de m’en convaincre et conserver le si peu de contenance qu’il me reste. Relevant la tête, je poursuis en demandant à voix mi-basse et de façon laconique : « Tu étais là, n’est-ce pas ? ». Des mots aux accents sibyllins et nébuleux, mais dont il saisira parfaitement l’allusion. A condition qu’il soit bien celui à qui je pense, et que mon oreille ne me joue pas des tours. Quand bien même il s’agit en effet de lui, rien ne dit qu’il se remémore de cette nuit. Depuis le temps, les urgences ont dû se multiplier. Les visages se succéder. Les astreintes et la fatigue s’accumuler. Les courses contre la mort sur le bitume s’enchaîner. Il a sûrement dû oublier. Grâce à la force des choses ou avec un petit coup de pouce illicite, qui sait. C’est une éventualité. Une éventualité qui hélas me traverse l’esprit bien trop tard. Intérieurement, je me blâme d’avoir posé cette question. Sombre idiote que je suis. Alors dans l’expectative d’une potentielle réponse, je me mets à torturer et maltraiter mes mains. Le souffle et le corps en suspension. Que puis-je faire d’autre de toute façon ?                                    
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Sam 3 Nov - 0:09

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Le verre à pied tangua légèrement pour déverser en ma gorge une large goulée du breuvage pétillant; un peu trop doux à mes papilles, peu fort en caractère. La gorgée de Champagne m'arracha d'ailleurs une grimace, peu convaincu par la touche fruitée qui, pourtant, en expliquait sa valeur exorbitante. Ma lèvre supérieure s'éleva, comme un chien grognant de mécontentement, ma narine suivant le mouvement, faisant dandiner le piercing posté sur l'une de mes ailes nasales. L'acier, vêtu d'une fausse pierre précieuse, qui disait sans pudeur merde aux diamants portés ce soir. Et la conversation reprit. Ma tête penchée vers mon paternel, les yeux rivés sur ce qui se passait autour, les oreilles fermées aux divers sujets, tentant de s'évader dans une chanson qui me vint à l'esprit, à l'instant. Mon faciès hochait positivement, parfois, un semblant de reconnaissance envers les si bonnes recettes de celui aux cheveux blancs qui inculquait les notions fondamentales pour devenir riche. Il me faisait bien rire, intérieurement. J'y comprenais rien à son baratin économique, à tous ces taux qu'il avait appris par cœur et qu'il tenait de son conseiller financier, à toutes ces transactions dont il faisait référence. Puis il parla des nombreux dons dont il était extrêmement fier, et là, il se tourna vers moi, attendant un quelconque soutien, une quelconque fierté à son égard. Mon regard fixa intensément le sien, bleu comme la mer. Elles se confrontèrent nos prunelles, un court instant qui dut paraître une éternité pour les deux femmes qui nous faisaient honneur de leur présence. Je ne bougeais plus, lui non plus. Il ne semblait pas vouloir me tirer d'affaire, cette fois-ci, et voulait que je puisse prouver à quel point j'étais le digne fils de son père. Je souris, loin d'être mal à l'aise pour autant et haussai les épaules en disant : ouais, c'est simple, en fait. C'comme le don d'organes. L'genre de commerce déguisé en bonne action, quoi. Il ne broncha pas, assombrissant son œillade sur moi sans que cela ne puisse me déstabiliser. Ils n'aimaient pas ça, les riches, qu'on dise ouvertement que toutes ces générosités financières n'étaient que des pots-de-vin à acquérir plus de pouvoir et de notoriété. Mais je m'en moquais,, moi. Je disais ce que je pensais. Échec et mat, papa. Une vie pour une vie, n'est-ce pas, surenchéris-je. L'argent pour l'argent. Il racla sa gorge, baissant enfin les yeux sur le cristal qu'il tenait entre ses doigts habiles à compter les billets, uniquement. Un doigt représentait un bon dizaine de millions, bien sûr. Ma mère tenta un rire forcé qui s'écrasait dans ses parois gutturales, comme tous les autres. Il n'y avait rien de vrai dans tout ça. Ils changèrent de sujet, ne m'adressant plus une quelconque parole. Ils savaient que je n'étais désireux d'être comme eux. Je parfaisais la révolution débutée adolescent. La différence était qu'ils n'avaient plus aucun pouvoir sur moi, aujourd'hui. Je me pris d'affection pour un lustre, d'ailleurs, que je n'eus cessé de reluquer une bonne partie de la conversation, les yeux rivés sur le plafond finement décoré pour ces messieurs-dames, et pour bien d'autres avant, et pour tout autant d'autres après. L'air était devenu lourd et j'avais l'impression de me faire étrangler par le bouton du col de ma chemise, un peu plus chaque seconde. Étouffé par l'ambiance, oppressé par les bienséances. Aucune discussion sur les conditions de vie de l'Homme du Monde, sur la pauvreté qui ravageait des peuples entiers, les divergences sociales qui se creusaient, sur l'absence d'aide réelle sur le terrain de ceux-là, présents, qui pourraient faire bien plus que de multiplier exponentiellement le nombre de dollars dans leur compte en banque. Pour en faire quoi, d'ailleurs, si ce n'était mourir sans avoir eu assez de temps pour les utiliser jusqu'aux derniers ? Ils me tuaient, à l'intérieur. Les investisseurs immobiliers et actionnaires de firmes internationales s'échangèrent le mot quant à la présence d'un couple d'amis qui venait de rejoindre la salle. Encore, j'eus pensé.  Un sourire en coin se dessina sur mes lèvres, moment où je préférais venir y tremper le bout de celles-ci dans l'alcool plutôt que de piquer une fois de plus. Mauvais que j'étais. Ils s'en allèrent, me laissant seul avec Meï Perkins. Vexés comme deux enfants de cinq ans qui auraient découvert que le Père-Noël n'était que supercherie. Ils reviendront. Oui. Bien vite, ils reviendront. Comme à chaque fois que je les décevais. Ils revenaient toujours. Une main prise par la coupe en cristal, l'autre portant toujours quelques mignardises sur le tissu de soie, je n'eus d'autre choix que d'approcher ma main pour venir cueillir de mes lippes l'un des amuse-bouches présents en ma paume. L'élancée asiatique prit la parole et un regard interrogateur en sa direction émana de moi. Ce que je trouvais de plus bizarre, là, était que, malgré la délicatesse et le raffinement de son apparence, elle m'eut tutoyé. Ma voix, répétai-je, d'un ton inquisiteur. J'allais me moquer, une fois de plus, ô terrain de jeu que j'appréciais plus que tout, prêt à lui promettre qu'il était préférable de ne pas me faire pousser la chansonnette pour le bien de tous, de ses oreilles, des miennes et du temps, mais me ravisai lorsqu'elle émit la possibilité que je sois Celui. Mes mouvements de mastication se firent moins prononcés, soudain et mon regard s'éternisa dans le fond de ses iris, les investissant entièrement de mes pierres minérales, plongeant dans ses souvenirs qu'étaient les miens, aussi.

<Chaï, elle tiendra pas si on ne s'arrête pas pour la stabiliser>.<Chaï!>.<Le pouls va remonter après ça, tension à 9, j'te jure elle va pas nous lâcher.>. S'obstiner à croire en l'autre...  <On doit s'arrêter Chaï.>. <Roule putain.> Une piqûre, rien qu'une de plus. <Tu vas la tuer.>. <La ferme, j'sais c'que je fais!Et croire en soi. Les gouttes de sueur qui perlent sur le front, attendre la réaction -bonne ou mauvaise- les yeux rivés sur le moniteur cardiaque de l'ambulance qui continue son ascension et...  <Elle se stabilise.> Les sourires qui se dessinent. <Bien joué.> Crier victoire mais... <Merde ! Elle saigne de fou. > Les sourcils qui se froncent les uns après les autres en quête de raisons plausibles. <Hémorragie interne ?> La tête qui se secoue, les doigts qui tâtonnent doucement le ventre de la victime, et la seule cause possible qui vient aux esprits. Des soupirs qui se scellent au silence. <J'préviens la gynécologie.> Avoir deux vies entre les mains et ne pouvoir en sauver qu'une. 

J'en étais, répondis-je simplement. L'unicité de chaque intervention faisait qu'il était impossible d'oublier. Ce n'était pas au point de pouvoir situer l'épisode dans le temps, mais tous ces gens faisaient intégralement partie de ma vie, dont elle. Et le malaise qui s'installa suite à ça. Je n'en ai parlé à personne si ça peut vo... te rassurer, me corrigeai-je moi-même. Je relevai ma paume vers ma bouche qui aspira le dernier feuilleté légèrement dressé et fis quelques pas de côté pour poser la serviette ouvragée de dessins faits main sur l'une des tables agencées. Tu fumes, questionnai-je la soprano élevée dix centimètres du sol de plus que moi. J'ai b'soin d'prendre l'air, l'avertis-je de ma fuite. Je levai mon verre à mes lèvres pour terminer le champagne restant en deux longues gorgées qui firent jouer ma pomme d'Adam contre l'épiderme de ma gorge. Je profitai qu'un homme de salle se dirige dans notre direction pour lui laisser le cristal en cadeau avant de suivre la direction de quelques hommes, le cigare déjà au bec, ou la cigarette électronique en mains; nouvelle mode qui semblait se répandre chez les fortunés qui troquaient la pipe majestueuse à cet objet chimique. Un dernier coup d’œil vers mes parents, pour m'assurer de ma disparition inaperçue, et je me faufilai par la porte qui menait à l'extérieur; loin d'être certain d'être suivi par la chanteuse tant estimée. A peine eus-je le corps au-dehors qu'un vent frais me frappa l'épiderme en pleine face. J'eus l'impression de respirer à nouveau. Mes narines, d'ailleurs, en profitèrent pour s'ouvrir et bénéficier d'une inspiration intense, gonflant mes poumons au maximum de leur capacité de volume. Je me libérai de la veste de costume en quelques à-coups de bras agressifs, comme si j'avais été prisonnier d'un mauvais sort qui m'obligeait à garder cet habit contre mon gré. Je m'approchai en même temps d'une rambarde pour l'y déposer. Mes phalanges se hâtèrent pour défaire le nœud papillon, laissant les deux côtés du tissu traîner sur la chemise blanche, de part et d'autre de mes clavicules. Mon pouce et mon index s'affairèrent à retirer ce fichu bouton qui me serrait le gosier, le suivant aussi, par la même occasion avant que ma main droite ne plonge dans la poche avant de mon pantalon pour y dégoter le fameux sésame. J'en sortis la boite de cigarettes, en glissai une entre mes croissants de chair avant de proposer le paquet à ma gauche, là où une silhouette vint se dessiner.    
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Sam 3 Nov - 23:13

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

En près de quinze ans d’un exil contraint et forcé au pays de l’ogre capitalistique et de la libre entreprise, j’en ai ouï des speechs et des laïus pontifiants de parvenus, ayant la fatuité de croire qu’ils font tourner le monde. Tous, sans exception, sont convaincus de détenir le secret de la recette miracle qui, usitée sur le long terme, permettra de booster l’économie et accroîtra considérablement le train de vie des plus modestes. Elle n’a pas bougé d’un iota en plus d’une décennie. Ceci dit, pourquoi modifier un procédé d’enfumage qui a fait ses preuves ? D’autant plus s’il demeure efficient et continue de mystifier les infortunés, ayant commis le crime d’être mal-nés, ou n’accordant pas deux sous d’attention à ces malversations politiques et économiques grimées en bienfaits. On ne change pas une équipe qui gagne, pas vrai ? Hmm ? Oui, désolé. Associer politique, économie et malversations dans la même phrase relève du pléonasme. Autant pour moi. Où avais-je la tête … . Je la connais par cœur et sur le bout des ongles la sonate du businessman. Celle qu’ils composent sur une partition de billets verts. à l’encre de la sueur des âmes d’en bas, qu’ils maintiennent sous leur joug. Allez-y. Matraquez et rabâchez tant que vous voudrez ; jamais ô grand, cette ignominie ne s’incorporera à mon répertoire. Pour rien au monde je ne serai le doux rossignol, qui déclamera à gorge déployée votre nauséabond et fétide hymne à l’avilissement. N’ayez crainte, vous la trouverez votre valkyrie vénale. Les divas arrivistes aux dents rayant le marbre et faisant feu de tout bois : croyez-moi, ce n’est pas ce qui manque. D’ailleurs, je pourrais vous en présenter à l’occasion, si la planche à billet qui vous sert de cœur vous en dit.

Pitié Monsieur Home, gardez votre salive et de grâce, épargnez-moi votre homélie miteuse de marchand de sable. J’en ai soupé du système up to down, que brandissent orgueilleusement tel un étendard tout les pseudos Robin des Bois de la finance. Des prêches sur la redistribution des profits au plus grand nombre. De la circulation des capitaux dans tout les secteurs d’activité. Du prodigieux concept visant à réinjecter les bénéfices engrangés, dans les différents circuits de l’économie locale. C’est toujours la même chose. La même tirade impersonnelle, prévisible, bien rodée et déblatéré mécaniquement. Froidement. Sans âme et dans une souveraine indifférence. Oh, que c’est vendeur ! Dieu que c’est beau ! Soyez bénis saints hommes vouant vos vies à une si noble cause ! Oui petite fille, c’est très beau en effet. Chamarrée, somptueux, mirifique. Autant de beauté réunie ... on en pleurerait presque, n’est-il pas ? Vas-y approche toi. Gratte donc le vernis et fait craqueler les jolies couleurs. N’aie pas peur. Bien. Vois les ombres au tableau désormais. Maintenant tu sais pourquoi tu pleures. On s’en reparlera dès que tu auras fait le deuil de tes illusions. Une seule chose les anime, les fait vibrer et prendre leur pied. Faire du fric. Encore et encore. Et qu’importe si pour cela, il faut détrousser « la populace », la vampiriser et lui tondre la laine sur le dos. Les scrupules ne sont pas prêts de les étouffer et de les arracher aux plumes du sommeil.

Les propos de Monsieur Home ne sont que mensonges éhontés. Des mensonges enrobés dans un cynisme des plus abjects, et livrés dans un aplomb à vous glacer le sang. A plusieurs reprises, mes incisives capturent la pointe de ma langue. Un manière de me museler afin de maintenir captive une riposte épidermique, acerbe et corrosive qui ne demande pourtant qu’à sortir. Bien des passages de cette abondante faconde ulcèrent et écœurent l’immigrée que je suis. Cette gamine de dix-sept ans qui a fui un mariage forcé. Cette être éprise de liberté qui est arrivée sur le sol de la patrie à la bannière étoilées, en ne connaissant rien ni personne. Avec pour seuls bagages des rudiments précaires d’anglais, un accent mandarin à couper au couteau et trois-cent cinquante Yuans en poche. Soit environ cinquante dollars us. Plus le mania des affaires laisse libre cours à son flot de paroles, et plus je cuis sous les feux de la colère qui me consument de l’intérieur. S’en est tel qu’il me faut empoigner fermement la chaînette de la pochette, trônant sur mon épaule à moitié dévêtue, pour empêcher ma main de venir s’abattre sur la joue de l’homme à l’œil bleu glacier. Bien sûr, on n’oublie pas de copieusement mettre l’accent sur la tripotée d’œuvres caritatives, à laquelle s’adonne Madame pour occuper ses longues journées. Ni les chèques aux sommes rondelettes et généreuses, que Monsieur dans son infinie bonté, fait régulièrement don à telle ou telle fondation. Bien sûr que c’est par bonté et que cela lui tient à cœur ! Comment pouvez-vous seulement penser, que cela puisse avoir un quelconque rapport avec d’obscures motivations en lien avec de l’exonération et du dégraissement fiscal … ?

Devenue partiellement sourde à la petite musique de ce concerto d’auto-congratulation pour duettiste, je finis par retrouver toutes mes facultés d’écoute dès qu’un silence commence à s’enraciner. Le patriarche accroche les dragées d’hématites de son fiston, l’enjoignant à étayer ses déclarations. Chose qu’il réalise, mais dans un style que le chef de famille, si on en croit son faciès s’affaissant, juge trop cru et grinçant. Un style qui fait mouche. Comme un tir à brûle-pourpoint. Un style incisif et acéré de guérillero, que je lui préfère de loin à celui de ses augustes parents, qu’il a tenté d’émuler tout à l’heure. Mon regard s’échoue dans les prunelles ténébreuses et irradiantes de provocation, de l’homme friand de modifications corporelles. Une expression de rayonnante nostalgie pare mon visage à la carnation du levant. Cette image n’est pas sans me rappeler celle du titre « poisoned gift », que tu as coécrit avec Jans le chanteur du groupe, et qui a contribué à vous révéler au grand public. Ses mots pourraient être les tiens. Je peux t’entendre. Presque te voir en lui.

Curieuse de prendre le pouls du côté du père, je tourne la tête dans sa direction et arque les sourcils en arborant une fine esquisse de sourire. Un manière muette et quelque peu effrontée de dire : « Qu’avez vous à répondre à cela … ? ». Les yeux qui dégringolent et se noient dans le breuvage gazéifié. Le silence radio. C’est ce que je pensais. Mes lippes s’avancent en une moue narquoise, et les débris d’un rictus avorté s’expriment en un « hmm ! » sardonique. Pour meubler cet exquis moment de flottement et de malaise ambiant, madame nous fait l’honneur de son délicat rire de tourterelle. Un rire aussi jaune que les dorures ornant les moulures clinquantes du plafond. Vos impressions Messieurs Dames ? Sur la vérité servie dans tout ce qu’elle a de plus livide et blême. Sans artifice, ni fioriture. Plutôt disgracieuse, n’est-ce pas « très chère » ? Constatant qu’ils n’arriveront pas à me rallier à leur cause, et que mon silence n’est autre que la preuve de mon adhésion à la vision franche de leur fils sur ce sujet, les époux Home se résolvent à sauver la face en nous abandonnant afin d’aller narrer la liste de leurs hauts faits, à qui veut bien l’entendre.

C’est juste lui et moi à présent. Chaï. Probablement l’unique personne présente dans cette monumentale salle de réception au faste tapageur, qui connaisse la femme et se foute de la personnalité de notoriété publique. Le seul avec qui je veuille bien être ce soir. Pour n’être rien d’autre que la femme, et laisser « la Callas de l’Orient » dans les coulisses. D’accord, mais est-ce bien lui ? Résolue à le savoir, sa rétorque dissyllabique cassante me fait cependant hésiter, et une petite voix dans ma tête me siffle qu’il serait sûrement préférable de se raviser. Au même titre que les fragments de souvenirs embrumés qui virevoltent dans mon esprit. Vestiges des heures les plus sombres de ma piètre existence. Finalement, la curiosité l’emporte et me donne le cran de poser cette hermétique interrogation. Interrogation dont il semble aussitôt saisir le sens. Malgré le silence, je sais qu’il n’est pas entrain de sasser sa mémoire. Il a parfaitement saisi l’allusion. Sa mâchoire un tantinet saillante sautille légèrement sous l’effet de la mastication, tandis que ses orbes de tourmalines me jaugent. Il estime et évalue si je serais en mesure d’encaisser ce qu’il dira, sans pour autant m’effondrer. Ou peut-être cherche-t-il une formulation qui me ménagera et ne m’accablera nullement ?

De son timbre rauque et suave entretenu par le tabac, il confirme mon pressentiment en rétorquant de manière toute aussi succincte et abscons. Une longue et silencieuse expiration. Les lèvres qui s’étirent modestement. Qui tentent de témoigner une gratitude allant au-delà de l’entendement, et qu’aucun mot ne pourra jamais décrire avec exactitude. Oscillant entre vouvoiement et tutoiement, Chaï ajoute qu’il est resté muet comme une tombe, au sujet de ce que j’appelle pudiquement « ma mésaventure ». Des mots somme toute anodins, mais qui m’apportent un réconfort colossal. Ma bouche habillée d’une teinte tirant sur l’hémoglobine dessine un croissant de lune. Puis il s’évanouit, à mesure que ma rétorque s’étend. « Merci. Pour tout. Dommage qu’une infirmière à l’hôpital n’ait pas eu une once de ton sens de l’éthique. Si tel avait été le cas, elle n’aurait sûrement jamais cru bon d’envoyer des photos volées des instants ayant suivis l’opération, à des journalistes de la presse à scandale en échange d’une poignée de dollars. ».

Encore aujourd’hui, je me demande combien elle a réussi à se faire, en jetant en pâture aux charognards les tessons de dignité qu’il me restait. Je n’étais même pas revenue à moi, que déjà l’on placardait ma détresse à la une des choux gras du journalisme de caniveaux. Allongée de tout mon long sur ce lit médicalisé. Vêtue de cette blouse caractéristique des hôpitaux. L’encolure baillant et offrant à la vue de tous, une partie du large pansement recouvrant les sutures au niveau de ma poitrine. Reliée à toute une batterie de machines, un tube enfoncé dans la gorge. La moitié du visage tuméfié, des suites de la chute. L’intégralité des détails furent porter à la connaissance de la population. Dans tout les kiosques du pays, les gros titres plus racoleurs et graveleux les uns que les autres s’étalaient. « Meï Perkins : entre la vie et la mort. » ; « La descente aux enfer de la Callas d’Orient ». Un frénétique emballement médiatique qui se propagea comme une traînée de poudre. Mes malheurs sont devenus le feuilleton favoris des torchons de la presse people de février à avril. Exploiter et s’enrichir sur la vulnérabilité d’une femme inconsciente, et n’ayant strictement aucun moyen de se défendre. Vous trouvez cela révoltant ? Attendez, vous n’avez encore rien vu. Certains ont poussé l’horreur et le sordide jusqu’à son paroxysme.

Fixant la trace autour de mon annulaire gauche, là où se trouvait jadis une alliance, j’inspire profondément puis relève la tête en direction de cet homme à qui je dois tant. Avec une force me venant de dieu sait où, j’ajoute d’une voix qui vacille mais ne rompt pas. « Ils … ils sont allés jusqu’à soudoyer des employés, pour avoir accès aux déchets biologiques et photographier le … le fœtus. ». Cela a été le cliché de trop. Le cliché qui a indigné tout un peuple. Dire qu’il a fallu en arriver à de tels extrêmes, pour qu’enfin cesse le pilonement de l’infernal rouleau compresseur. Pour que l’on réalise que comme tout à chacun, j’avais moi aussi le droit à un peu d’intimité et de tranquillité pour exorciser ma peine. C’est la première fois que je me risque et m’autorise, à mettre des mots sur l’acharnement que ces vautours jamais rassasiés de chair fraîche, ont instigué à mon encontre durant d’interminables semaines. En terme de souffrance, revenir sur cet épisode équivaut à inciser une plaie à peine cicatrisée, pour y déverser du sel. Un mal pour un bien. D’une certaine façon, l’intériorisation relève du déni. En parler, c’est accepter que plus rien ne sera comme avant. En parler, c’est apprendre à vivre sans. En parler, c’est poursuivre le chemin.

D’une main tremblante, je pince la monture d’un des verres des lunettes de soleil et stoppe leur lente glissade, en les repositionnant correctement sur mon nez. Le recours à un petit raclement de gorge guère élégant, se révèle nécessaire pour réfréner et refouler une montée de perles lacrymales. Le climat déjà lourd et pesant, régnant dans ce pédantesque cocktail mondain, s’amplifie subitement. Un caldarium. Une fournaise. Un avant-goût des feux de l’enfer. La question de Chaï habille les traits de mon visage d’une heureuse mélancolie. Un sourire qui fuse, telle une étoile filante fendant les cieux de velours. Et une réponse aux notes folâtres. « De manière passive depuis huit ans. ». Une réplique qui détonne des traditionnels « oui » ou « non ». Ma voix ; c’est mon gagne pain. Je ne peux décemment pas compromettre son timbre et sa tessiture, en cédant aux sirènes du tabac ou d’autres excès divers et variés. Pourtant, dieu sait que j’apprécie l’arôme de la fumée. Ta fumée. De tout tes panaches, c’est incontestablement celui de la marijuana que tu expectorais après que nous ayons trouvé la mort, que je préférais. Enlacée nue dans tes bras. Entre les draps. Dans toutes ces vagues de plis.

La tête reposant sur tes pectoraux. Ton cœur battant fort et lentement contre le creux de mon oreille. Et mes longs doigts filiformes qui tentaient de capturer tes volutes, et scindaient les ronds blanchâtres que ta bouche vorace de baisers réalisait. On revenait doucement à la vie. A nous. Puis, sitôt le mégot écrasé dans le cendrier sur la table de chevet, tu sonnais le second assaut, qui me rendait à mon tour stone. Il y avait aussi nos jeunes années. Celles où les dérives et les folies du rock and roll s’invitaient dans notre lit. Ces sillons de poudre que tu étalais entre mes seins et sniffais d’une traite. Sur mon bas ventre. Le long de mon épine dorsale. Au creux de mes reins. D’ailleurs, cela me fait penser qu’il y a toujours un kilo de « locale » et de neige, qui végète dans le tiroir de la table de nuit. Oui, on a eu de bon moments. Des moments que je désespère connaître à nouveau un jour … . Dans un phrasé malmené qui le sublime et lui apporte toute sa quintessence, l’ambulancier m’informe qu’il aspire à justement respirer un grand bol d’air frais. Encore passablement prisonnière des souvenirs, il me faut quelques secondes afin de renouer avec l’âpre réalité et emboîter le pas à Chaï. Telle son ombre, je le suis. Marche dans ses pas. Emprunte le sinueux chemin qu’il nous fraye au milieu des invités, en jouant de temps à autres des coudes.

L’air frais de cette nuit automnale de novembre sonne comme une délivrance inespérée. La brise légère taquine subtilement mes narines. Je m’en imprègne. La fait mienne afin qu’elle refroidisse mon sang en ébullition. Ces messieurs s’attroupent en petits cénacles. Les anciens empattés et leurs barreaux de chaises estampillés la havane d’un côté. Les jeune louveteaux ambitieux de wall street vapotant leurs gadgets made in china de l’autre. Chaï et sa captivante aura de noirceur en solitaire. De retour dans mon habitat de prédilection qu’est la pénombre, je fais alors tomber les demi-lunes opaques, qui retrouvent le confinement de mon sac. De son côté l’homme au morpho-type thaïlandais, cambodgien, ou peut-être bien malais, se débat avec sa veste de smoking. Les cliquetis de mes talons font chanter les pavés de la terrasse, et se joignent aux rires gras des richards pensant tout connaître du monde. Postée à la gauche de mon sauveur, ce dernier me tend un rectangle cartonné rouge contenant plusieurs bâtonnés nicotinisés. Aimablement, je décline et déclare sur un ton ragaillardi : « Je te remercie, mais je vais me contenter de respirer ta fumée. ».

En ponctuant mon propos, je plonge l’index et le majeur dans mon décolleté et attrape habilement un zippo gravé à tes initiales. Calé contre mon sein gauche et rivé sur ma peau grâce à la bretelle de mon soutien-gorge. Offrande faîte au séditieux fils Home, avec l’impatience de contempler et de humer les vapeurs de la cigarette coincer entre ses lèvres, condamnée à se consumer. Le tout accompagné accessoirement, d’un premier vrai contact visuel avec mes billes de jais, aux pupilles constamment dilatées par la photophobie. Un geste que j’effectue machinalement et sans réfléchir, à chaque fois que je me retrouve en compagnie d’un fumeur. Un geste qui surprend, déroute et choque les esprits étriqués. Un geste dont tu raffolais. Oui, tu adorais quand je t’allumais. Dans tout les sens du terme. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour continuellement t’avoir au plus près de moi. Juste là. Tout contre mon coeur qui bat encore, grâce au délicieusement impétueux caïd, qui me fait l’honneur de sa compagnie. Ma tête bascule vers le firmament sertis des plus beaux diamants de la soirée que sont les étoiles. Paupières verrouillées, j’intercepte par une profonde inspiration quelques arabesques de fumée ascendantes.

Courbée vers l’avant, les avant-bras appuyés sur la balustrade et les mains entremêlées. Les prunelles contemplant au loin, les halos de lumière diffus du Queens effervescent. La brise soulevant les étoffes de crêpe ruisselant des bretelles de ma robe. Moment propice pour délester de quelques kilos le fardeau sur mes frêles épaules. Alors, j’interromps avec outrecuidance et sans vergogne le règne du silence, en fixant la ligne d’horizon : « Ce n’était pas une solution. Ce n’est jamais une solution. J’en ai bien conscience désormais. Seulement, le problème lorsque l’on a touché le fond et que l’on n’a plus personne … c’est que l’on en arrive à se dire « à quoi bon ? ». A quoi bon lutter et œuvrer pour regagner la surface. Pourquoi le ferait-on. Et pour qui le faudrait-il, surtout. Je suis navrée de t’avoir créé un surplus de travail inutile, et d’avoir monopolisé inutilement toute une équipe d’intervention ainsi qu’une ambulance. J’aurais dû mieux gérer la pression. ». Des excuses avec l’ironie en toile de fond. Un fugitif rire d’autodérision teinté d’un zeste d’impudence vient clôturer mes paroles. Quoi ? Vous préféreriez que je me complaise des les lamentations et fasse pleurer dans les chaumières ?

Autant en rire à présent. Rire de ma bêtise. Se moquer de ma fragilité. Tourner en ridicule la petitesse de ma force de caractère. Cela sonne comme une justification, non ? Pour qui, pourquoi ? Aller savoir. Sans doute pour que Chaï n’ait pas une opinion trop négative et dépréciative de moi. Car son avis et ce qui peut bien penser, importent énormément à mes yeux. Oui, certainement. Me redressant doucement, je me tourne de trois quarts et observe ce qui se trame derrière nous. Les conclaves de fumeurs se sont désépaissis. Un rapide coup d’œil en direction des imposantes fenêtres, me permet de constater que l’ambiance à l’intérieur continue battre son plein. Une folie. Un coup de tête. Un bras d’honneur aux apparatchiks. Posant doucement une main sur le poignet du tempétueux homme à l’épaisse chevelure couleur charbon, je lui dis alors telle un gamine espiègle se réjouissant à la perspective de faire une bêtise : « Viens. Partons. ». Oui, laissons les à leurs petites raisons. Qu’ils s’étouffent avec leurs futilités ! Crevez donc bouche ouverte dans vos frivolités ! Retrouvons le monde qui est le nôtre. Celui qui se trouve en bas de ces escaliers en marbre et onyx jaune. Ce monde de liberté que quadrillent les rues bitumées du Queens. Un monde sans faux-semblant. Un monde d’une brutalité radieuse. Un monde qui nous fait souffrir. Un monde qui nous comble de bonheur. Celui qui se suffit à lui même. Le seul dans lequel la vie vaut le coup d’être vécue.                                                                          

                                   
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Mar 6 Nov - 12:26

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Prendre l'air, oui. La pollution de la Grosse Pomme, les gaz toxiques des bagnoles et la cigarette ne pourraient tuer plus que cette hypocrisie maladive des gens de la Haute. Je fuyais, et fuirai sans cesse, comme on s'éloignerait de la peste, ces événements capitalistes. Et puis ces tenues dispendieuses qui étriquaient les bustes et empêchaient de respirer; empêchaient même de hurler disgrâce. Brigands et immondices. Tas d'merdes bourgeoises regroupées en un seul et même lieu. La beauté du Palace ne pouvait que montrer ô combien l'égocentrisme régnait ici. Chaï a de la chance d'être tombé sur un couple aussi plaisant, disaient-ils, souvent. Vous avez fait un heureux, répétaient-ils, sérieux. Quelle jolie action que vous avez fait là, applaudissaient-ils, toujours. Ils pensaient, énormément, parlaient, intensément, mais réfléchissaient, imbécilement. Comment pouvait-on croire faire un enfant heureux lorsqu'on l'enlevait à ses racines ? Comment pouvait-on être assez stupide pour penser un seul instant que l'adoption était tout, tout sauf tristesse ? S'étaient-ils, un jour, imaginés être arrachés de leur terre, de leur coutume, de leurs amis, de tout ce qu'ils connaissaient, de fait ? Mon histoire n'avait peut-être pas été la plus tendre, mais elle m'avait permis de me construire un début d'identité, bafoué par ces blancs friqués. J'avais été chanceux de pouvoir traîner mes pieds dans la boue, d'avoir eu ce droit de revenir les vêtements tâchés; mieux de n'en porter que le strict minimum pour aller travailler dehors, caressé par les rayons d'un soleil rayonnant. Au lieu de ça, les bonnes manières m'avaient été inculquées, les cours de danse de salon s'étaient ajoutés à mon planning si bien organisé, entre quelques leçons de rattrapage pour devenir un véritable petit Américain. Le piège, la prison. Les barrières se rapprochaient, petit à petit, et étriquaient peu à peu mon espace de vie. Elles se refermaient sur la personne que j'étais destinée à être, se voulant directives à me forger à l'égard des autres, des riches, d'eux, mes parents.  M'éloigner de la pièce empruntée de milliardaires, me défaire de cette peau que j'étais obligé de vêtir en l'image de cette veste, de ce col trop fermé et du nœud trop étroit. Retrouver la simplicité, la -presque- solitude à regarder les étoiles qui brillaient dans l'obscurité de la nuit déjà bien entamée. Cigarette au bec, le paquet retrouvant la poche avant du pantalon cintré, fait main et le silence qui s'éternisa, me permettant de penser à ces phrases auxquelles je n'avais répondu. Madame Perkins avait, semblait-il, eu son lot de malheurs aussi. Oh, ils persistaient. Toujours, ils persistaient. Mais le temps réussissait à forger le caractère, si bien que l'avis des autres, on apprenait à s'en défaire pour se soumettre à la propre opinion que nous nous renvoyions à nous-même. Les personnes, qui lui avaient fait du mal, elles paieront le prix des repentirs. Elles avaient déjà pris conscience de la gravité de la situation qu'elles avaient engendré; tôt ou tard, la pénitence leur tombera dessus. D'ailleurs, l'épée Damoclès devait déjà tourner au-dessus de leur tête. Ce n'était qu'une question de temps. Fouillant dans les pochettes de la veste de mon costume, posée sur la rambarde de la terrasse, l'apparition du zippo de Meï devant mes yeux me surprit. Elle ne fumait pas. Elle se contentait d'humer les odeurs nicotiniques qui venaient à elle et pourtant, pourtant elle était munie de quoi allumer les clopes. Mes sourcils s'étonnèrent avant que je ne m'approche de l'objet, un remerciement rapide dessiné par un hochement de tête léger. Son pouce actionna l'objet et une flamme apparut, fit griller le bout du bâton. La première bouffée toxique rejoignit ma cavité buccale en une inspiration et le nuage suivit mon expiration. Mes billes obscures s'arrêtèrent un instant sur les initiales gravées. L.P. L'objet n'appartenait en rien à Meï Perkins, mais la curiosité s'effaça lorsqu'elle le reprit pour qu'il puisse retrouver sa place, dans sa robe, frôlant son sein. Mes agates noires se levèrent vers son regard qu'elle eut stoppé de cacher de ses lunettes opaques et je découvris sa particularité. Je savais qu'elle n'était pas aveugle et m'étais souvent demandé pourquoi la présence de binocle sur son nez. Il était difficile de distinguer la pupille de l'iris puisque son regard était foncé, presque autant que le mien, mais mon observation médicale eut raison du "fils de" que j'étais censé être aujourd'hui. Le diamètre de son fond ténébreux était bien plus grand que la normale. Elle était ainsi donc très réceptive au degré de lumière. Mes paupières se fermèrent un instant en prenant conscience que j'avais été trop insistant face à sa différence, et une grimace suivit. Je replongeai instantanément vers le ciel majestueux, ne m'arrêtant nullement sur les conversations qui fusaient autour de nous, fermant les écoutilles pour paraître loin, plus loin, toujours, toujours plus loin. Il n'y avait que la voix de Meï que j'interceptais, me concentrant sur son intonation, faisant abstraction des autres. Ma tête se tourna vers elle dès lors qu'elle eut terminé. Sérieusement, fis-je d'un ton aussi interrogatif sidéré. Je ne comprenais pas. Pourquoi s'excusait-elle ? Pourquoi ressassait-elle ce moment douloureux ? Pourquoi se punissait-elle ? Pourquoi ? Je ne pensais pas l'y avoir invité. En avait-elle besoin ? Partager ce souvenir avec une personne qui l'avait, un temps soit peu, vécu avec elle lui faisait-elle du bien ? Cela la guérissait-elle ? Je secouais la tête, tirant une fois de plus sur le mégot. C'est la première fois qu'une patiente m'informe ouvertement être désolée d'avoir failli, commençai-je, repompant encore une bonne dose de la substance, pire encore, s'excuse tout court. La plupart du temps elles sont heureuses de sombrer pour m'avoir à leur côté, ris-je à mon tour avant d'englober de nouveau le filtre de mes lippes bombées. Pouvait-elle deviner le nombre d'appels non-urgents que la centrale recevait; conversation pendant laquelle certaines anciennes demoiselles que j'avais été cherchées me réclamaient ? Moi, comme d'autres pour lesquelles elle avait eu un coup de cœur. On n'peut pas plaire à tout l'monde mais j'aurais été ravi de pouvoir me déplacer une fois d'plus pour vous,... Toi, me rattrapai-je tout en arborant un sourire en coin fort malicieux, le regard volontairement plongé dans ses yeux dilatés. Intense échange oculaire, infime partie de ce qui me caractérisait; drague, franc-parlé, pêchés, avant que mes cailloux ne plongent vers le quartier, au loin, tournés vers la partie agitée du Queens. Les pensées qui m'envoient aux endroits les plus animés, petits établissements ne payant pas de mine mais toujours plus festifs qu'ici. Les rues criblées de différents gents qui se côtoient. Les corps qui s'épousent et s'agressent au fil des affinités créées. Les musiques qui rythment la folie des uns et cassent la descente des autres. Sans m'en rendre forcément compte, mes paupières s'étaient closes pour me rappeler des soirées vécues de la semaine, la bouche légèrement entrouverte pour me rappeler de celles qui s'en étaient accolées, fiévreuses et sensuelles, des saveurs goûtées de verres en verres, des formes touchées dans quelques recoins; à se demander s'ils n'étaient pas faits exprès... Et les ongles manucurées de la chanteuse qui touchèrent mon épiderme, glissèrent dessus pour encercler mon poignet de ses phalanges graciles. A son contact, mon attention avait évolué jusqu'à son faciès. Visage qui avait pris une expression éveillée et maligne. Viens. Partons. Inconsciemment, mes dents avaient agrippée le bord de ma lèvre inférieure, mon champ de vision passant de son œil droit à son œil gauche, tenté. J'sais pas, fis-je, faussement indécis. Ils m'en voudraient pas mal, articulai-je en tournant ma tête en direction des fenêtres illuminées par la lumière artificielle qui resplendissait à l'intérieur, là où les violons, pianos et autres instruments de musique s'accordaient. En avais-je vraiment quelque chose à faire ? Ce n'était pas comme s'ils étaient fiers du fils que j'étais devenu. J'essaie de faire des efforts ce soir, j'en ai pris la résolution, comment une inconnue pourrait me détourner du droit ch'min, hein, la taquinai-je, toujours avec cette même esquisse coquine plantée sur les lèvres. Ce n'était pas compliqué. Le seul fait de pouvoir m'échapper des contraintes de la vie mondaine pouvait me détourner des obligations familiales. J'avais pourtant encore énormément de personnes à rencontrer, auxquelles me présenter et séduire. Je tirai une fois de plus, une dernière bouffée, longue, avant d'écraser le mégot sur le fer nettoyé, le jeter après l'avoir placé entre mon pouce et mon index, envolé. Je laissai mon corps glisser sur le côté, mon flanc touchant le garde-corps. Un court silence pendant lequel je me permis de la dévisager et de suivre les formes de son anatomie sans réserve, sans retenue, impertinent que j'étais. T'as pas peur de découvrir qui j'suis vraiment, lui demandai-je en fixant l'emplacement où elle avait rangé le zippo pour relever mon attention sur ses lèvres qui se mouvèrent en quelques mots. Simples, efficaces. Elle avait été la première partante à cette folie, celle qui en avait même fait la proposition, comment pouvait-elle se rétracter ? J'hochai la tête, alors, en déviant vers les portes par lesquelles nous étions sortis prendre l'air. Elle ne se rappelait que de bribes informations concernant l'homme qui s'était acharné à lui redonner vie, à la motiver à se battre pour ne pas chuter plus en avant vers le désespoir. Je m'étais toujours promis de ne pas allier ma vie professionnelle à ma vie nocturne, celle qui effaçait mes responsabilités, mon engagement envers les autres. Pouvais-je me permettre de lui faire découvrir l'autre ? Douze secondes furent nécessaire à ma réflexion. Juste douze secondes. Mes doigts, tatoués, agrippèrent la main de la chanteuse connue et reconnue à travers le monde entier, les autres s'emparèrent de ma veste laissée à l'abandon sur la balustrade, mes pas se pressèrent successivement en haut de l'escalier et je lui fis descendre à ma suite, courant presque. Les yeux curieux des mondains se posèrent sur notre duo en fuite. Mille questions devaient germer dans leur crâne dégarni, mais nous... Nous, nous levions la main à la demande d'un taxi. Nous, nous faisions route vers l'effervescence d'un Queens enflammé.
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Mer 7 Nov - 22:21

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

« Pourquoi le ferait-on, et pour qui le faudrait-il ? ». Deux questions en une, et si peu de réponse. Pourquoi ? Neuf mois soufflés et ballottés au gré de l’amertume plus tard, je cherche encore une raison qui en vaille la peine. Ou ne serait-ce qu’un embryon de raison. Promis, je saurai m’en contenter. Les fadaises, les lapalissades et les platitudes sont certes très faciles à débiter, mais elles ne contribuent nullement à vous apporter un quelconque réconfort. Ni ne sauraient vous aider à trouver ou donner un nouveau sens à votre désormais morne vie. Des locutions prosaïques qu’affectionnent psychologues et psychiatres. Y compris ceux s’étant entretenus avec moi à l’hôpital. Les mêmes qui ont eu l’outrecuidance de dégorger à mon chevet, une overdose de déférence et de compassion fallacieuse. S’énorgueillant d’avoir fait Médecine à Columbia, Yale ou Harvard. Tant d’années passées à bûcher si assidûment sur les bancs des plus prestigieuses universités, pour finalement en arriver à proférer d’ahurissants truismes, n’étant absolument d’aucun secours pour « la patiente ».

Glorieux gâchis. Débauche toute aussi superflue qu’infructueuse d’efforts. Inéluctable et incontournable également. Une sorte de rite de passage, auquel l’on soumet tout les rescapés du suicide. Cadeau que l’état de new-york, et à une plus large échelle l’Amérique chérie, offre gracieusement aux pauvres et pitoyables âmes torturées et brisées telle que moi. A toutes ces petites choses embourbées dans des marasmes de solitude. Sans personne vers qui se tourner, dans toute l’immensité de ces océans d’âpreté. Pour toute atteinte à votre vie manquée, vous gagnez, en plus du droit de rejouer ultérieurement pour les plus résolus, un joli prix de consolation. Un forfait tout frais payés et all including d’heures en psychanalyse. Un dispositif temporaire mis en place, pour tenter d’endiguer cette lente dérive en aval sur les flots du Styx. Celle qui chaque jour que dieu fait, vous rapproche toujours un peu plus des tréfonds de l’enfer. Délicate attention faîte par les services hospitaliers de ce pays, aux êtres en proie à une indicible souffrance émotionnelle. Mesure de précaution pour se dédouaner de toute responsabilité, si d’aventure le patient venait à passer avec succès à l’acte, sitôt sorti de l’enceinte de l’hôpital ? Protection en cas de procès intenté par les membres de la famille ? Oui, il doit certainement y avoir un petit peu de cela aussi.

Oh, loin de moi l’idée de remettre en question l’efficience de cette béquille thérapeutique. Le travail réalisé par les réducteurs de tête doit sans nul doute porter ses fruits, avec bon nombre de personnes sujettes à des idées morbides. Seulement, encore faut-il que les dites personnes soient dans des dispositions un tant soit peu optimales, pour se prêter à cet exercice. Ce qui n’était clairement pas mon cas. Tout ce à quoi j’aspirais juste après : c’était être seule. Être seule et avoir tout à loisir de crier, hurler, pleurer et m’époumoner. Sans réserve ni retenue, et aussi longtemps que cela ce serait avéré nécessaire, pour décimer la douleur. Un souhait auquel on préféra un traitement jugé considérablement plus efficace. D’interminables heures de palabres, à raison de deux fois par jours. Des confessions faites bien malgré moi à toute une flopée de petits gros dégarnis. Avec des allures de ministres ou de nouveaux riches, nippés dans leurs gilets en laine, et leurs pantalons en velours cotelé hors d’âge. Les regards intrusifs et désagréablement scrutateurs. Adressés par dessus leurs culs-de-bouteille aux montures en écailles dorées. Il n’y a rien qui bouge, rien qui dépasse.

Immobilisme sur fond de néant. Des plantes vertes dont l’unique conception du risque et de l’aventure, commence et s’arrête à la phénoménale hardiesse, de déguster un yaourt ayant dépassé de deux petits jours, la date imprimée au cancérigène bisphénol A sur l’opercule. Ils sont là. Dans leurs pantoufles, persuadés d’avoir la science infuse. De la maternelle au cimetière, leur vie n’est rien d’autre qu’un long chemin de roses. Sans heurt, ni vague. C’est à croire qu’ils sont nés pourvus d’une espèce de bouclier déflecteur, repoussant les turpitudes qui auraient l’irrépressible envie de venir les percuter de plein fouet. N’est-ce pas ironique ? Que de sémillants Docteurs aux bagages émotionnels aussi minces, et au si peu de casserole tintinnabulant à leur suite, puissent prétendre détenir la panacée pour soigner les bleus de l’âme. Une guérison à grand renfort de mots sur des maux. Trois trimestres vont chevauchant plus tard, permettez-moi d’accorder toujours aussi peu de crédit à vos poncifs verbaux. Non, elle n’est pas immuablement « belle » la vie. Allons messieurs, je vous en prie.

Osez me dire que la vie est belle quand vos parents, désireux de se faire un joli pactole de yuans sur votre dos, escomptaient instamment proposer votre main au plus offrant, sans que vous n’ayez votre mot à dire. Vous, blancs tout puissants et privilégiés que la cruauté semble avoir oubliée, pensez-vous raisonnablement un seul instant que chaque jour est un cadeau, lorsqu’il vous faut essuyer des injures xénophobes ou des avanies chargées de racisme et de haine ? Quels sont-ils, hein ?! Dîtes-le moi ! Quels peuvent être « ces formidables projets qui ne demandent qu’à être assouvis », une fois que l’homme que vous aviez dans la peau … celui que vous avez épousé contre vents et marées, celui à qui vous avez juré fidélité … d’aimer et de chérir tout au long de votre vie, dans la santé comme dans la maladie … que peut-il y avoir de « formidable » à entreprendre, une fois que la mort vous a séparé de cet homme ? Rien. Nous sommes bien d’accord. Si encore je n’avais eu qu’à souffrir de ces foutaises, cela aurait pu aller. Plus ou moins.

Seulement, ils ont aussi eu l’audace et l’aplomb de parler en ton nom et de troubler ton repos. De pincer sans retenue cette corde horriblement sensible. A grands coups de « Lars n’aimerait sans doute pas … . » ou « Pensez-vous que Lars aurait voulu ... ». Si tu savais combien j’ai pu les honnir, à chaque fois qu’ils prononçaient avec autant de familiarité ton nom, comme s’ils étaient de vieux potes avec lesquels tu aurais fait la bringue et les quatre-cent coups. Combien j’ai rêvé de leur arracher des mains, le stylo avec lequel ils gribouillaient des kilomètres d’inepties sur des rames de papier, pour le leur enfoncer rageusement dans l’œil, jusqu’à ce que la mine ressorte de l’autre côté de leur abominable cavité crânienne. Certes, ça n’aurait strictement rien résolu, mais je pense que sur le coup ; cela m’aurait fait un bien fou. Néanmoins, et sentant que ce n’était pas ainsi que je regagnerai la liberté du dehors, je me suis abstenue d’un pareil coup de sang. Alors, je me suis contentée de dire ce qu’ils voulaient entendre. M’agrippant et me cramponnant fermement au tissu rêche de l’alèse, à chaque fois que l’égout leur servant de bouche, éructait des amas d’absurdités qui m’horripilaient en silence. Unique solution pour décrocher la signature de mon bon de sortie de l’hôpital. Inestimable Oscar ardemment prisé et convoité.

« Pour qui ? ». Pour qui se battre, lutter et continuer d’avancer ? Eh bien, pour la vie qui grandissait en toi. Sombre égoïste que tu es. N’était-ce pas là une raison amplement suffisante, Juliette d’opérette ? Une raison qui t’aurait gardé de tenter de retrouver ton Roméo, en te jetant du haut d’un escalier aux arêtes tranchantes. Méthode qui entre nous soit dit demeure moins théâtral, que le shakespearien poison siroté sous les cieux méditerranéens de Vérone. Moins concluante aussi. Oui, pour lui ou elle j’aurais pu. Hélas, lorsque l’on est déchiré par le chagrin, on est loin d’avoir la présence d’esprit nécessaire pour penser à cela. Pour se projeter dans l’avenir. Pour voir à moyen et long terme. On veut du tangible, du concret, du réel. Avoir quelqu’un ou quelque chose à quoi l’on puisse se raccrocher, pour ne pas définitivement sombrer. Qui plus est, je ne voulais pas d’un enfant. Pas de cette façon en tout cas. Certes il y a pire, mais il y a également incontestablement mieux comme départ dans la vie, que de naître orphelin de père. N’importe quelle mère sensée qui se respecte, désire plus que tout au monde offrir à son enfant ce qu’il y a de meilleur. C’est humain.

J’ai trente-deux ans, un travail chronophage qui accapare mes journées et une partie de mes nuits. Peut-être que les joies de la maternité ne sont tout simplement pas faites pour moi ? De toute manière, la question ne se pose même plus, maintenant que mon ventre n’est plus qu’un cimetière. Car aussi brillant soit-il, le chirurgien obstétrique n’a malheureusement pas pu faire de miracle. Une nouvelle qui a fini de m’achever. L’hallali que porte le chasseur à la biche blessée. C’est comme pour tout le reste. Cela fait infiniment mal. Qu’est-ce que l’on peut bien faire après cela ? Oh, pas grand-chose. Apprendre à vivre avec, tout en acceptant le fait que ce sera désormais à jamais sans. C’est tout. Je me demande si Chaï connaît la suite de l’histoire. Ce qui est advenu après qu’il ait remis ma carcasse subclaquante, entre les mains de toute une brochette de chirurgiens. S’il a eu accès à mon dossier médical et a pris connaissance des comptes-rendus post-opératoires ; je serais alors tentée de dire oui. Désolé. Désolé de t’avoir infligé cela. De t’avoir appelé au secours. De m’être arrogée tes soins et tes efforts, alors que dans le même temps, abondance d’individus ne s’étant pas sciemment blessés les méritaient bien plus.

« Sérieusement ? ». Oui. Ma tête s’articule lentement de bas en haut, prouvant ainsi à cet homme providentiel que je maintiens à la virgule près mes déclarations. C’est donc cela qui te vaut tant d’hébétude ? Le fait qu’une ancienne patiente se confonde en excuses, pour avoir peser sur ton activité professionnelle ? Hmm, je veux bien croire que cela puisse relever de l’inédit. Tout comme j’arrive aisément à imaginer, que des demoiselles jadis en détresse voient en lui ou ses collègues des sauveurs, et qu’elles projettent sur eux monts et merveilles de fantasmes. Allant du simple et bestial coït à l’arrière de l’ambulance pour les plus frivoles, à la conviction d’avoir trouvé l’homme de leur vie et le père de leurs futurs enfants, pour les cœurs d’artichauts les plus romantiques. Ou les esprits les plus perturbés victimes d’érotomanie. Au choix. Je suppose que pour eux c’est comme la loterie : ils ne savent jamais si cela va leur rapporter gros. Des propos qui exhalent la vantardise et la hâblerie. A tel point qu’elles pourraient s’illuminer et clignoter. Pas à la façon des gyrophares bleutés accompagnant les sirènes de son ambulance. Non, plutôt comme un néon rouge bordant l’enseigne trônant au-dessus de la vitrine, d’un commerce sulfureux de la bienheureuse Amsterdam.

Paroles détestables et haïssables dans la bouche d’un tiers, qui deviennent terriblement ravissantes et délicieuses dans la sienne. Parce que cela lui va bien. Parce que dans le fond, je crois deviner qu’il est comme toi. Une somptueuse ordure, qui ne s’en cache pas, et étant censée agir en véritable repoussoir sur la gent féminine. L’archétype parfait de l’homme qui attire le stupide papillon de nuit que je suis, tel un brasier autour duquel il virevolte et danse jusqu’à s’en immoler les ailes. La crânerie qui précède la gentillesse parsemée d’un soupçon de drague. Mes sourcils se dressent faisant ondoyer des vagues sur mon front, et un heureux sourire illustrant lui aussi ma divine surprise se peint sur mes lèvres. Sauf erreur et inadvertance de ma part, je crois bien que c’est la première fois depuis mon récent veuvage, qu’un homme me gratifie de mots aussi enjôleurs. Oui c’est facile, non ce n’est probablement pas sincère, non ce n’est pas innocent et oui ce n’est pas complètement désintéressé : mais dieu que ça fait plaisir à entendre. Qu’il est bon de constater que je ne suscite pas seulement chez autrui des torrents de pitié ou de compassion. Qu’il existe toujours des hommes capables de me regarder avec les mêmes yeux que les tiens.

Toujours penchée et accoudée à la balustrade, je répartis le poids de mon corps d’une jambe à l’autre, puis tourne et lève légèrement la tête sur la droite. Sur ce parfait spécimen que les dames paradant ici ce soir, qualifieraient avec pudibonderie de « mauvais garçon ». Je m’accorde le gourmand caprice d’une nouvelle dégustation olfactive de volutes de tabac, avant de répliquer sur un ton faiblement mutin. Un ton qui tranche radicalement avec le sourire, qui lui en regorge. « Eh bien, j’imagine qu’il faut un début à tout, comme on dit. Vraiment ? Tu m’en vois ravie. Ne m’en veux pas si j’aurais préféré faire ta connaissance dans des circonstances, disons … moins tragiques et plus reluisantes. Tout comme j’aurais aimé te revoir dans un cadre plus simple et moins codifié. ». Ceci dit, les retrouvailles ne font que commencer. Il n’est donc pas trop tard pour remédier à cela. Nous pouvons encore regagner ce monde fait de bruit et de fureur, auquel nous appartenons. Il est juste là. Tout près. Il nous tend les bras.

Cendrillon n’a aucune envie d’être au bal. Elle a toujours abhorré cela. Danser une valse viennoise, chipoter des petits-fours confectionnés par le meilleur traiteur de toute la ville et tremper ses lèvres dans un champagne dont le prix comporte cinq zéros. Elle veut que minuit sonne et que le sort soit rompu. Pour retrouver le charme et le foisonnement de vie d’en-bas. Pour côtoyer de nouveau des new-yorkais. Des vrais. Ceux qui ont la passion qui coule dans les veines et l’esprit du queens tatoué sur la peau. Elle veut rapper avec eux sur un tube de Travis Scott, se déhancher en leur compagnie avec nonchalance au rythme d’un son lascif de Drake et boire vodka tonic sur vodka tonic, jusqu’à ce que crève l’aurore. Alors, elle veut donner un bon coup de pied au cadran cendrillon. Briser ses pantoufles de verre pour que galope l’aiguille des heures, et tintinnabulent enfin les cloches de la délivrance. Elle se fait donc Ève en éden Cendrillon. Elle tente et insinue le pêché chez l‘Adam vêtu de pied en cap à ses côtés. Qu’on lui pardonne de n’être que femme. Une de ces créatures par qui tout les maux de la terre sont arrivés, dit-on.

Mais Adam joue au sage. Adam a la tête sur les épaules. Il demeure sourd aux tentations persiflées par le serpent, et qui semblent déjà avoir conquises Ève. Il veut partir dans un tripe « j’me rachète une conduite », Adam. Non ! Pas ça. Mon Dieu, gardez-moi d’être une honnête femme, mais ne faîte pour rien au monde de lui un honnête homme. Ma main lâche son poignet et lui rend sa liberté. Un pas en arrière, pour avoir un meilleur aperçu du personnage. Mes pupilles dilatées de toxico défoncée en permanence, imbriquées dans l’éclatante obscurité des siennes. Elles vagabondent jusqu’au petit strass incrusté et ornant sa narine. Dégringolent jusqu’à sa bouche crachant de la fumée. Bifurquent dans son cou pour en admirer l’astrolabe tatoué. Skient sur sa largeur d’épaules. S’aventurent vers le creux séparant ses pectoraux. Lèchent ses obliques. Dardent ses transverses. S’appesantissent sur la ligne blanche délimitant le eight-pack. Courent sur ses ischios. Dévalent ses tibias. Pour finalement s’écraser, à l’unisson avec un fragment de cendres incandescentes, sur ses métatarses emprisonnés dans le cuir vernis d’une paire de mocassins d’excellente facture. Des métatarses qui seraient, selon moi, plus à leur avantage dans une paire de Jordan.

Après l’aller, le retour. Terminus dans ses deux puits de pétrole. Bras croisés et petit rictus railleur au coin de la bouche, je rétorque à l’ambulancier sur un ton aux embruns facétieux : « Sauf ton respect, tu ne m’as vraiment pas l’air d’être de ceux qui en ont quelque chose à foutre, de ce que l’on peut bien penser d’eux. J’espère sincèrement que jamais tu ne rentreras dans le moule que l’on t’a réservé et ne deviendras l’un des leurs : quelqu’un d’assommant et d’ennuyeux. Reste comme tu es. La révolte et la noirceur te vont si bien. ». Et c’est peu dire. Adam en modèle de vertu et ange nombriliste soucieux de son image ? Un mot, sept lettres : barbant. Comme j’aime à le dire trivialement, « la perfection, c’est chiant ». Tout comme les princes charmants avec lesquels on abrutit les petites filles. Adam orageux, pernicieux, imprévisible voire toxique ? Voilà qui est déjà nettement plus digne d’intérêt et captivant. La beauté singulière des défauts et des travers d’un être est toute aussi plaisante, si ce n’est plus, que la pureté de ses bons côtés.

J’ignore pendant combien de temps encore, j’arriverai à honorer ce bal des hypocrites de ma présence. Guère longtemps je présume. Ne comptez pas sur moi pour m’ensevelir vivante dans ce mortel ennui ambiant. Quoi qu’il arrive, je vais partir incessamment sous peu. La question en suspens étant : vais-je parvenir à délivrer un captif de ses fers et lui offrir la possibilité de s’évader à mes côtés de cette prison dorée ? Même si le visage de Chaï se voile de temps à autres derrière des cumulus nicotinisés, je peux clairement sentir son regard qui me scanne. Me détaille. Comme s’il s’agissant de la lame glacée d’un scalpel, qui courrait du sommet de mon front à la pulpe de mes orteils, pour m’autopsier et me disséquer. C’est de bonne guerre, n’est-ce pas ? Un juste retour à l’envoyeur. Peur ? De quoi ? De découvrir ce que l’homme peut renfermer de plus vil, sombre et infâme ? De le voir se comporter comme le dernier des enfoirés ? Mon cher ami, j’ai passé les huit plus belles années de ma vie au côté d’un homme fait de ce bois là. Alors, tu penses si j’ai peur de toi … . Dès que ses saphirs noirs assoupis sur mes attraits daignent accrocher les fenêtres de mon âme, je renchéris sur un ton empli d’une assurance à laquelle je ne l’ai pas encore habitué. Englobé dans un sourire saupoudré par des notes d’impertinence : « Pas le moins du monde. Quitte à vivre, autant le faire dangereusement. Non ? ».

Il est des erreurs somptueuses. Des erreurs que l’on ne demande qu’à commettre. Des erreurs que l’on réitérerait encore et encore. Qu’importe l’issue. L’ambulancier sous-entendant à demi-mot ne pas être quelqu’un de très fréquentable, semble évaluer la situation. Il pèse le pour et le contre. Estime si je suis sérieuse. Ou juste inconsciente, de faire ainsi fi de sa mise en garde. Un dernier regard en direction de ce qui se joue à l’intérieur du vaniteux palace. Tire. Crache. Écrase. Puis l’inespéré exhaussé. Sa main ferme et puissante qui enserre vigoureusement la mienne. Un sourire béat et évanescent, dessiné puis gommé de mes lèvres. Enlèvement exquis. Eve a gagnée. Elle y est arrivée. A faire craquer et céder Adam. Tels Bonnie et Clyde qui viendraient de dépouiller les nantis de leurs richesses, nous nous faisons la belle et quittons les lieux du crime. En dévalant quarte à quatre les escaliers à je-ne-sais-combien de millions de dollars, pour regagner le trottoir jonché de fondrières. La trépidation et l’impatience exacerbées d’être bientôt loin de cette dystopie, au moment nous cueillons un taxi. Celle qui me fait serrer davantage sa main.

La suite ? Je n’en sais rien. Laissons-nous porter et voyons. Une nuit pour apprendre à le connaître. Une seule. Assise sur la banquette arrière du véhicule, je m’empresse de faire quelque chose que je rêvais de réaliser depuis d’interminables minutes. Défaire ce chignon de torture tiré à l’extrême, et mettant à mal l’épiderme recouvrant mon crâne. Au point d’en avoir des maux de tête. L’archangélique sensation des cheveux en bataille déferlant sur les épaules et la nuque, m’arrache un profond soupir de soulagement ainsi qu’un sourire extatique. Le petit peigne en perle et nacre part tenir compagnie aux lunettes de soleil dans la pochette. Mes lèvres font du playback sur un tube de 21 Savage que pulsent les baffes à l’avant, tandis que l’ongle de mon index dessine de huit lents sur la vitre de la voiture. Adieu joyaux lumineux des beaux quartiers. Bonsoir ténèbres des bas-fonds. Territoires de gangs. Micro état dans l’état. Zones de non-droit où seule la loi du plus fort prévaut. Au loin, l’enseigne d’un bar crépitante et en fin de vie. Repère des criminels et délinquants de tout poils.

Un de ces établissements recelant des salles de jeux et de paris clandestins. Un cloaque où des filles, accordent leur charmes dans des alcôves ou des toilettes crasseuses, contre quelques billets. Billets qu’elles se hâtent de dilapider en blanche ou en herbe, auprès du dealer accoudé au comptoir. Microcosme à part entière. Économie souterraine fleurissante. Et ma voix de soprano transperçant le silence : « Arrêtez-vous ici, s’il vous plaît. » Un endroit que les membres du groupe et toi connaissiez bien. Vous l’appeliez d’ailleurs votre « QG ». L’inspiration pour les textes de vos chansons, c’est ici que vous la puisiez. Dans ce maelstrom de chaos. Là où se trouve, selon vous, la véritable essence du monde. Je ne compte plus les fois où je suis venue te ramasser ici complètement bourré et défoncé, afin de te ramener chez nous. Mes doigts empressés ouvrent avec dextérité dans la pénombre le fermoir de mon sac, et attrapent quelques petits papiers verts rectangulaires. Pliés en deux pour certains et en quatre pour d’autres.

La monnaie acceptée par le chauffeur, j’agrippe la poignée de la portière. Avant de l’ouvrir et quitter le véhicule, je me tourne vers le transgressif Chaï et reprends ses mots dans un parfum d’impudence : « Fais-moi découvrir « celui que tu es vraiment » autour de « quelque chose de fort ». ». Car je sais qu’il n’y a qu’ainsi qu’il montrera son vrai visage. Celui qu’il me tarde de connaître. En étant immergé et imbibé dans son élément favoris. Un élément fait de tumultes et de rage. C’est tout ? Vraiment ? Non, je le confesse. Il y a également quelque chose qui relève du pèlerinage dans cette démarche. Découvrir, ou redécouvrir, les coins et les recoins de cette ville que tu affectionnais tant. Parce que depuis qu tu n’es plus là, je fais n’importe quoi. Je me mets inconsciemment en péril et en danger. Pour à mon tour périr et te rejoindre ? Peut-être. Non. La vérité, c’est je suis devenue une junkie en manque et prête à tout pour avoir son shoot d’adrénaline. Ne m’en veux pas. Défier la mort est la seule chose qui me fasse sentir vivante.

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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Jeu 8 Nov - 15:09

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Nos chaussures claquèrent sur les pavés de la rue que nous descendions, main dans la main. Nous nous pressâmes, fous de cette liberté; mais surtout de cet affront que nous faisions à l'infime partie de la société à laquelle nous appartenions, pourtant. Si les conversations soporifiques m'avaient fait tirer la gueule toute la soirée, ce moment laissait une exquise et maligne amorce ravageuse sur mes lippes. Ô oui, j'aimais cette fuite. Ralentissant le pas, je me mis de côté, anatomie tournée vers la route. Mes doigts s'échangèrent le tissu coûteux d'une poigne à l'autre, la glissant entre la paume de Meï et la mienne, puis ils s'élevèrent vers le ciel resplendissant de milliers d'astérisques. Je hélai un taxi dont la pancarte allumée me fit de l’œil et il s'arrêta, quelques mètres plus loin. J'ouvris la portière arrière pour laisser passer la princesse qui se voulait insolente aux bonnes mœurs. Je fixai ses yeux dilatés de mes sombres artefacts, si bien qu'une fois à ma hauteur, elle s'immobilisa un instant, assez pour que je puisse lui gratifier d'un sourire aguicheur. Elle entra à l'intérieur, plongeant jusqu'au siège du fond de la banquette. J'eus un dernier regard vers les hauteurs de la rue, tapotant silencieusement mes longues phalanges contre la carrosserie du véhicule et me mordis la lippe inférieure. Je faisais peut-être une connerie mais, étrangement, cela n'avait plus grande importance. Cela en avait-il déjà eu, d'ailleurs ? Le bon et censé Chaï n'avait jamais été présent ce soir, auquel cas je n'aurais eu besoin de me sentir forcé à faire le moindre effort. Oui, c'était ça. J'avais endossé l'homme du crépuscule dès lors que l'obligation de mon assiduité, ce soir, avait été clairement stipulée dans le contrat. J'entrai alors, sans remord, ni regret. Mon fessier glissa jusqu'au milieu de la longue place arrière. Jambes écartées, je portai mes avant-bras de chaque côté des sièges avant, la veste sur l'une de mes cuisses. Les directions furent pointées de mon index. Je connaissais les divers trajets qui menaient aux quartiers malfamés mieux que mes propres poches; qui portaient souvent, pourtant, le poids de mes poings. J'étais bien plus serein que lorsque j'eus à esquisser des salutations faussement enjouées, des séductions involontaires. Comment pouvais-je, d'ailleurs, seulement imaginer me retrouver dans les draps d'une de ces guenons que mes parents m'avaient gentiment proposées comme étant de bon parti; et déjà charmées ? Ô bien sûr, les demoiselles bien éduquées étaient facilement attirées par les hommes aux nombreux vices transgressifs des règles de bonne conduite. A bon entendeur, elles ne savaient jamais dans quel type de relations elles s'engageaient, pardi. Il y en avait bien eu certaines qui m'avaient donné leur corps, laissé à mes mains devenues expertes. Elles avaient adoré l'expérience, avaient gémit jusqu'à l'agonie de leurs cordes vocales; elles avaient pensé leur avenir, moi à leurs côtés. Et j'eus ri. Tellement ri.  J'eus ensuite limitées ces expériences, jusqu'à les bannir à jamais. Adieu rêveuses et pucelles de la Haute; elles étaient bien trop têtues, tenaces, et ma patience avait bien trop de limites pour que je ne puisse vivre et revivre cet engouement. Casse-pieds. Elles étaient bonnes proies à succomber, mais je n'étais pas bonne poire à marier. Arrêtez-vous ici, s'il vous plaît. Mes yeux dévièrent de la route pour prendre connaissance des environs. Mes sourcils se dressèrent lorsque je découvris où nous étions. Cette rue était loin d'être de celles préférées des habitants des quartiers frénétiques du Queens; même moi j'y mettais rarement les pieds. Ce n'était lorsque j'avais besoin de décompresser que je m'aventurais en ces lieux sordides où chairs, drogues et combats étaient de mise. Cette galerie, je n'y venais que pour trouver "de la bonne". Filles, herbes ou bastons; parfois les trois. Je la laissai descendre en premier et lui emboîtai le pas de très près. Ici, les nanas n'étaient regardées que comme gibiers à exaucer les fantasmes des mâles, des vrais. J'étais un peu étonné qu'elle ait décidé de stopper le véhicule ici, elle que je pensais être ingénue. fais-moi découvrir celui que tu es vraiment autour de quelque chose de fort. Dit ainsi, cela parut quelque peu sensuel, et j'hochai la tête en portant un regard autour de nous, pinçant encore et encore ma lèvre du bas. Cette fille était on ne pouvait plus séduisante; si innocente à l'extérieur, si sauvage à l'intérieur. Tiens-moi ça, lui tendis-je ma veste. Mes index et pouces s'activèrent ensuite autour des boutons qui emprisonnaient encore mon buste, les retirant un par un pour laisser voir mon maillot de corps clair à grosses bretelles et à l'encolure basse. Le vêtement glissa ensuite de mes épaules et quitta mes bras; mes doigts le récupérèrent pour mieux m'en séparer, sur une bouche à incendie du trottoir -au même titre que le nœud pap'. La chemise faisait bien trop formelle pour ce genre de lieu et je n'avais pas envie d'être pris à partie pour avoir ressemblé à l'un de ses bourges qui piquaient dans l'assiette des plus pauvres; ceux qui venaient se réfugier ici, du coup. Je repris le haut de mon costard pour l'enfiler, parce que la nuit était fraîche, malgré tout. C'parti, nous propulsai-je à l'intérieur du bar qu'elle avait elle-même choisi.  Les portes s'ouvrirent sur notre duo cousu d'or; bon gré mal gré. Regard après regard, nous fûmes reluqués, ou plutôt Meï, ce qui fût assez déroutant. Habitué à ce qu'on reluque les donzelles avec lesquelles j'entrais dans un lieu, je posai ma main à plat contre sa colonne vertébrale, la suivant, collés-serrés, comme un garde-du-corps le serait auprès d'un personnage populaire. Je lui pointai un coin du comptoir qui n'avait pas été encore grappillé par les habitués et la coinçai sur un tabouret, le seul qui restait, m'interposant entre la bande de messieurs à ma gauche et elle, tournant le dos aux mâles. T'prends quoi, lui demandai-je faisant abstraction des murmures à semi-audibles de la pièce, qui la concernaient probablement. Je la laissais commander auprès du serveur qui vint à notre rencontre presque aussitôt, le chiffon s'agitant dans un verre qui venait d'être nettoyé, dans l'attente d'un client supplémentaire qui déposerait sa bouche sur son rebord. Un double, demandai-je à mon tour. Il fallait bien ça pour faire passer la pilule du Champagne et des conversations ennuyeuses auxquelles j'eus dû assister plus tôt. C'est parce qu'ils te connaissent, ou parce que ta robe est trop longue pour cet endroit, que tout l'monde te mate comme ça, interrogeai-je Meï, le sourire en coin s'ajoutant à la question. Oh, elle était jolie, je ne pouvais me permettre de dire le contraire au risque de me mentir à moi-même, mais je n'avais jamais connu une insistance aussi intense. J't'avoue que, pour le coup, tu m'épates assez, confiai-je à l'asiatique, même si tu n'aimes pas le genre de réceptions que nous venons tout juste de quitter, j't'imaginais tout d'même squatter des lieux un peu plus raffinés que c'lui-là, ajoutai-je à ma déroute. Les hauts-parleurs postés tout autour de la pièce centrale boomaient des chansons qui n'avaient aucun rapport de style. De rock alternatif, nous passions à un slow pour s'ensuivre sur de la pop, -probablement un peu de chansons latines pour chauffer les "couples" en formation sur la piste- tous mixés sur un genre de nightcore pour aider les verres à se vider vite, et se remplir tout aussi rapidement. Pousser à la consommation ainsi était une sacrée bonne idée. Bande de vicelards qu'ils étaient dans le Queens enflammé. Nos boissons ne tardèrent pas à arriver à nous et mes doigts serrèrent le verre de whisky aussitôt qu'il fut posé sur le bois du comptoir autour duquel nous étions installés. Je le levai, vers Meï, le coude planté sur le meuble : on trinque à quoi ? Notre évasion, proposai-je plongeant intensément mes pierres noires dans celles de la fausse domptable qu'était la chanteuse d'opéra. Un des points positifs à ce bar était qu'il n'avait pas lumières assez agressives pour m'empêcher de tenter de lire ses pensées gardées précieusement au fin fond de ses iris exceptionnelles. Cette échappée dont nous n'étions peu fiers. A nos retrouvailles, énonçai-je à nouveau. Inespérées. Combien avions-nous de chances de nous recroiser ? Le Queens était peuplé, la ville populaire, le pays tant convoité, le continent toujours pris d'assaut, le monde si grand. A la soirée, soumis-je en laissant le coin de mes lèvres se rehausser, séducteur. Bien entamée, déjà, elle laissait peu à peu la place à la nuit. Et à ce qui pourrait en résulter, fus-je mystérieux avant de porter le liquide au bout de mes lèvres sans lâcher prise ses roches des miennes. Cette proposition voulait tout dire et ne rien avancer à la fois; énigme qui avait de quoi susciter un peu d'excitation, non ?      
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Dim 11 Nov - 22:30

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

New-York, terre de contraste. Petite pépite cosmopolitique aux facettes disparates et bigarrées. Il suffit d’un battement de cils pour vous retrouver catapulté des cimes aveuglantes, à la bassesse des fanges. Sans liaison, ni transition progressive. C’est prompt, brutal et foudroyant. Resplendissante barbarie. Sur les traces de ton souvenir, et désireuse d’entretenir ta résurgence, voilà près de dix mois que j’arpente épisodiquement by night, dans une furieuse et inconsidérée insouciance du danger, des coupe-gorges comme celui dans lequel je me tiens présentement avec « mon ravisseur ». Ravisseur auquel je n’ai opposé strictement aucune résistance. Pire, ou mieux encore, tout est une question de point de vue, je lui ai moi-même soufflé l’idée, devenant ainsi l’instigatrice de mon propre rapt. Grisant. Une taffe d’adrénaline prodigieuse. Amorçant doucement mais sûrement, l’ascension vers le pinacle de cette défonce atypique et dans laquelle je me complais. Pour anesthésier temporairement les élancements de tristesse, engendrés par ton absence. Sentir le cœur de la vie battre. Pour rayer graduellement « nous » et réapprendre à écrire au singulier.

Telle Alice, je traverse le miroir et m’octroie le luxe d’une périlleuse escapade au Pays des horreurs. Puis je regagne l’insipidité de là d’où je viens, dès que pointent les première perles de rosée. Complètement saoulée et enivrée par les effluves de la violence. Et cela continuera ainsi. Jusqu’à la fois de trop. Jusqu’à l’aller sans retour. Jusqu’à ce que la Reine de cœur appréhende Alice et lui coupe la tête. Jusqu’à ce que l’on retrouve mon cadavre pourrissant contre une benne à ordures. Dans une ruelle sordide à l’arrière d’un bar comme celui-ci. Le théâtre des deals et des passes hardcores pour dernière demeure. Festin de roi pour les rats et les asticots nécrophages. A demi-dévêtue. Les vêtements déchirés. Violée. Le corps perclus d’hématomes et d’ecchymoses. Voilà à quoi ressemblera le chant du cygne de « la Callas d’Orient », si sa truculente addiction prend le dessus et la pousse à l’overdose. Son ultime requiem. D’ici là, je persévère dans ma quête de toi. Une quête précise et ciblée. Celle de tes côtés les plus nuisibles, néfastes et nocifs.

Tu as toujours déployé des trésors d’efforts pour les bâillonner et me prémunir de leurs saccages. Seulement, il est arrivé à de nombreuses reprises que je sois l’heureuse spectatrice, de leurs manifestations tumultueuses et dévastatrices. Notamment lorsque tu étais sous influence et totalement raide. Amour de salaud. C’est cette partie de toi que je recherche, quand l’astre Sélène trône en majesté dans son baldaquin de velours, et inonde New-York la belle de sa lumière glacée. La seule que je supporte. Ton versant Mister Hyde, je le retrouve dans la haine qui flamboie au fond des yeux des zonards. Dans les insultes et les invectives qu’ils s’aboient et s’envoient à la figure. Dans les coups qu’ils s’échangent et qui pleuvent pour des histoires de came, de fric ou de fille. Ce soir sonne comme un curieux rendez-vous tripartie. Entre toi, mon délectablement provoquant et urticant sauveur et moi-même. Un homme de chair, d’os et de muscles. Un souvenir, une réminiscence, une image fuyante. Expérience aussi déconcertante que palpitante.

Cendrillon, Ève, Bonnie, Alice et désormais funambule évoluant les yeux bandés sur un filin d’acier tendu. Morceau de femme oscillant entre passé et présent. On dirait bien que ce soir je peux être ce que bon me semble, quand l’envie m’en prend. Every woman, comme dirait Chaka Khan. Un caméléon instable et imprévisible. J’opère une mue aussi rapidement que lorsqu’il me faut changer de costume en toute hâte, entre deux actes d’un opéra en comportant trois. Chaï et sa voix à la tessiture perdue quelque part dans les limbes de la basse et du baryton, se joignent aux rugissements du taxi démarrant sur les chapeaux de roues, et ne souhaitant visiblement pas faire de vieux os dans ce quartier malfamé. Une demande tenant en trois mots. Mieux qu’une requête ; un ordre. Son ton impérieux, sec et rude se reproche en effet plus de la savoureuse injonction. Ca y est, le voilà. Il est entrain de doucement se réveiller. Le « vrai Chaï ». Cet oukase en marque les prémisses. Tout bonnement magnifique.

Le simulacre de fils de bonne famille, bien sous tout rapport et ne bougeant pas une oreille, regagne les coulisses. La boule de rogne et d’agressivité entre en scène. Le masque de cire se craquelle, s’effrite et tombe peu à peu. Il s’échauffe et fait quelques vocalises, en vue d’entonner son dissonant et pourtant si harmonieux solo. Une sommation que feulent les mâles alpha, et qui tend à chosifier et rabaisser les individues dites du beau sexe. Ignoble, immonde et infâme pour les ultras féministes qui ne rêvent que de castrer tout les hommes de la terre. Exaltant et vivifiant pour toutes celles étant sensibles, aux hommes sûrs et fiers de leur phallocratique virilité. En ce qui me concerne ? Ce n’est pas totalement pour me déplaire. Après tout, je n’ai pas épousé un rockeur pour être constamment vénérée telle une déesse, ou traitée comme une princesse. Des rapports parfois rêches, abrasifs et frontaux ; ça peut avoir du charme. A condition bien sûr, qu’ils soient savamment distillés.

Croyez-moi, lorsque vous épousez un batteur, il n’y a pas de place pour la routine, la tranquillité ou l’inertie. Le nec plus ultra pour la fana du grand frisson et de l’aventure que je suis. De ce côté là, on peut dire que j’en ai eu pour mon argent, au cours de ces huit dernières années. Enfin, si j’ose dire. Alors … c’est dur. Oui, c’est dur quand tout s’arrête si soudainement. Quand la monotonie et la grisaille chassent la frénésie et la surabondance de dynamisme. Comme un sevrage radical et draconien. Avec des symptômes de manque terrassants, effroyablement lancinants et sans commune mesure. Sans tergiverser ni même regimber, je donne satisfaction à l’indocile fils Home en levant lentement le bras, afin de nouer mes doigts fuselés autour du col de la veste de tuxedo, qu’il me tend de manière splendidement coercitive. Un vêtement cossu et de qualité supérieure. D’un bleu très foncé tirant sur le noir. Sans doute conçu en un mélange de laine et de coton. Difficile à dire en ayant uniquement recours au toucher. Je crois reconnaître la patte de Massimo Dutti. Pas donné, mais quoi qu’il en soit abordable. Même pour le parfait quidam. Sous réserve de raboter sur d’autres dépenses, et se serrer d’un cran ou deux la ceinture.

Le viscose de la doublure intérieure de ce blazer haut-de-gamme, mignarde l’épiderme de mon avant-bras nu, sur lequel il est grossièrement et mollement posé. Un peu comme l’étaient les serviettes en tissu, sur les manches des serveurs, maîtres d’hôtel et autres majordomes au ronflant cocktail que nous venons de fuir. Me voici désormais à l’affiche dans le rôle du longiligne porte-manteau doué de raison. Même si au vu de mes divers choix et propositions émises au cours de cette soirée, on est en droit d’en douter. Mes prunelles de cachemire noir dansent avec ses doigts prestes, dans une chorégraphie où les boutons de chemise valsent. Dans tout les sens du terme. Des gestes pressés, empressés et parfois même brusques, lorsqu’il tombe sur un élément lui donnant du fil à retordre. De minimalistes claquements de langue contre le palais raisonnent dans ma bouche, ponctuant ainsi le déboutonnage de ces petits disques de corne. Le tissu d’une manche coulisse le long du bras et laisse la place à une manchette d’encre, habillant sans discontinuité sa peau de sable de l’épaule au revers de la main.

Une rapide œillade en direction du débit de boisson, dont le charme réside dans l’absence de charme. Hmm, quelques petits ajustements vestimentaires s’imposent en effet. Bien qu’aucun dress code ne soit étiqueté et exigé pour entrer dans ce genre de tripot interlope, il serait sûrement préférable de ne pas jouer la carte de la provocation outrancière, en ayant l’air de deux nababs pleins de fric envers lesquels les mecs de passage et les habitués vouent un mépris viscéral. En soi, cette robe peut très bien coller avec l’esprit régnant dans ce bouge. Après quelques petites et rapides retouches, évidemment. Elle ne porte pas la griffe d’un grand couturier. Longueur mi-cuisse. Un peu longue comparée à toutes celles que ces dames revêtent, et qui offrent à ces messieurs un délicieux aperçu du plaisir qu’ils peuvent en retirer, si toutefois ils consentent à y mettre le prix fort. Mieux vaut cela qu’un atour qui dégueulerait jusqu’aux chevilles et ferait serpillière, non ? Du noir. Simple, adéquat et idoine. Pas de fanfreluche, ni de fioriture très m’as-tu-vu qui traduirait un étalage de richesse ostentatoire.

Le seul petit bémol réside dans la matière, un brin trop noble. Si j’avais su que la soirée prendrait une pareille tournure, j’aurais de loin préféré du synthétique à de la mousseline. Qu’importe. Ils me prendront pour une pute de luxe de Manhattan, pratiquant des tarifs exorbitants pour eux et devant laquelle ils ne pourront que baver, telle une fashionista sans le sou face à des escarpins Chanel dernier cri dans une vitrine sur la Cinquième Avenue. Paradoxalement et atrocement flatteur. Une petite friandise que les jeunes traders de Wall Street spéculant des millions, carburant à la coke et n’ayant de considération pour rien ni personne, ramassent sur Upper West Side quand vient la clôture de la bourse, pour se vider les leurs. Oui, car pour la clientèle de ce type de bar : femme égale nécessairement travailleuse du sexe ou objet servant à assouvir un besoin primaire. Soit. Ce ne sera jamais qu’un rôle de plus à ajouter au long répertoire de cette œuvre qu’est ma vie.

Nonne et petite fille sage comme une image sous l’autorité parentale. Muse lors de tes bouffées de fièvre créatrice. Ange qui te réveillait au petit jour en douceur et à grands coups de voluptueuses caresses. « Invitation permanente au pêché », pour reprendre tes mots. Sur les planches depuis bientôt un an, dans le personnage de la veuve éplorée et anéantie. J’ose espérer que vous ne m’en voudrez pas cher public, si je diversifie les tours de chant et varie les plaisirs, en donnant une nocturne de « La putain était en noir ». Incarner des portraits de femmes divers et variés, est une chose qui m’a toujours énormément plu. Au point d’en faire mon métier. Délesté de sa chemise en coton d’égypte, le bouillonnant ambulancier récupère sa veste, que je lui propose avec une pincée d’irrévérence en la tenant par le col uniquement à l’aide du majeur et de l’index. Dans un geste un peu trop théâtral, les deux longues bandes de crêpe noir partant de chacune des bretelles, se voient tour à tour arrachées de la tenue qu’elles ornent. Nouées entre elles à la va-vite en une espèce de grand ruban, qui s’enroule autour d’un lampadaire produisant une lumière très ténue.

Un peu de doigté et de dextérité plus tard, la pièce de mobilier urbain se drape d’un nœud volumineux, qui n’est pas s’en rappeler celui de Minnie, d’un œuf de pacques ou d’un cadeau emballé avec un trop grand zèle. Un ready-made qui ravirait feu Marcel Duchamp, s’il était toujours de ce monde lui aussi. Urinoir grand luxe contre lequel pourront allégrement se soulager, les pitbulls et autres rottweilers des dealers du coin. Idéal également, pour la foultitude de petites frappes ayant voulu jouer au-dessus de leur catégorie, et qui se retrouvent à dégobiller tripes et boyaux. Tuteur pour toutes les belles plantes défoncées jusqu’à la moelle, et qui sont bien incapables de mettre un pied devant l’autre sur leurs talons de douze. Celles que les gros durs traînent jusqu’à chez eux, dans la perspective de prendre encore et encore, dans le clair-obscur de leur piaule pouilleuse. Des cris qui s’élèvent et se meurent, jusqu’à ce que la lassitude l’emporte, quand le soleil darde ses premiers rayons sur les taudis. Très vite, on jette la belle plante sur les roses et repart vaquer à quelques sombres méfaits.

Un bref mouvement de recul stoppé net, lorsque l’épine dorsale heurte le flanc gainé, au prix de maintes heures de musculation, de mon ancien codétenu au pénitencier des mondanités avec lequel je me suis fraîchement évadée. Rapide appréciation de ma petite création. Un bras ceint sous la poitrine, la tête inclinée sur le côté, l’index soutenant la pommette et une petite moue d’enfant tantôt songeuse tantôt boudeuse. Puis l’entrée dans l’arène que Chaï et sa somptueuse gouaille, intiment dans une détermination presque palpable. L’arcade qui effleure sa tempe, où saille d’ailleurs une petite veine, quand je reporte mon attention sur le bar. Une réponse affirmative mutique sous forme d’acquiescement de la tête. L’heure est venue de se vautrer dans l’immoralité. Sitôt le seuil de la porte passé, le contraste thermique me mord les chairs et m’éteint temporairement le souffle. L’accoutumance aidant, l’imprégnation de l’ambiance cataclysmique se fait alors. Un amalgame chaotique d’odeurs qui s’imprime de façon durable dans les narines.

La sueur qui s’évacuent par les pores des peaux tatouées, le houblon émanant du goulot des bouteilles de bière, l’arôme fort et typique des Benson & Hedges qui rapetissent au bout des lèvres ou agonisent dans les cendriers pleins à craquer. Sans oublier toutes ces petites pointes olfactives fétides qui vous soulèvent le cœur, à chaque fois que la porte des toilettes s’ouvre et se ferme. L’acidité des vomissures récemment régurgitées, l’urine, le foutre et autres fluides corporels dont je tairai le nom. Tout cela dans un charivari et un vacarme assourdissant. Les verres qui chantent et s’entrechoquent en duo avec les insultes vociférées. Plus loin, on devine le bruit des boules de billard qui se cognent sous les coups de queues, ainsi que les stilettos des belles de nuit battant le parquet et accompagnant leurs déhanchements chaloupés, contre l’entre-jambe des machos qui ne vivent que pour cela. Un tourbillon phonique écrasé par une playlist de musiques hétéroclites, s’échappant de haut-parleurs rivés au quatre coins de l’établissement.

Ajoutons à cela les regards fort peu discrets et très insistants. Des regards suintant la concupiscence et la luxure, que membres de gangs et marginaux m’adressent, tels des loups se pourléchant les babines devant une biche inoffensive. Ils brûlent ma poitrine, enflamment mon abdomen et mes hanches, flambent mes jambes sur toute leur longueur, mais jamais ô grand jamais n’embrasent mes yeux. Chaï passe un bras autour de ma taille plaque sa main sur ma hanche. Ferme, en propriétaire. Histoire de dissuader les porte-flingues d’entreprendre quoi que ce soit, et de refroidir leurs ardeurs croissantes. Pari réussi, puisque les regards jadis emplis de stupre m’étant adressés, se parent de convoitise et d’inimité en se braquant sur l’homme au sang chaud, marquant son territoire en apposant sa griffe pour mon bien. Une version asiatique de Kanye West et Amber Rose dans leurs jeunes années. La vulgarité et le mauvais goût en moins. L’élégance et la classe en plus. Mes orbes de suie s’affaissent en direction de la prise de l’homme m’aidant à tuer la nuit et l’ennui. Hmm, j’ai comme qui dirait l’impression d’avoir déjà vécu cette scène.

Les lippes s’étirent en un fin filet bienheureux, et je me prête de bonne grâce au jeu afin de rendre la chose encore plus crédible aux yeux de l’assistance. La première, et à vrai dire unique chose, qui me vient à l’esprit est de me lover davantage contre l’homme visiblement soucieux de ma sécurité. L’improvisation ? Une qualité non négligeable pour une cantatrice, et d’une manière plus générale, pour un ou une artiste. Si d’aventure un aléa ou un impondérable survient sur scène, mieux vaut être réactif et inventif. Il s’agit bien sûr de meubler au mieux l’inattendu et de raccrocher les wagons, si je puis dire. Si le public n’y voit que du feu et pense que cela fait partie du spectacle, c’est dans la poche. Ce petit manège suffit à convaincre les spectateurs du soir et leurs mines patibulaires, qui se replongent tour à tour d’un air désabusé dans leur verre de sky. Ne souhaitant guère attirer plus longtemps l’attention sur nous, Chaï me conduit vers une petite portion libre du comptoir. Assise jambes croisées sur l’unique tabouret de bar encore vacant, le plexiglas de ma pochette fait la connaissance du bois usé et baptisé un nombre incalculable de fois, si l’on en croit les multiples auréoles de verre le constellant.

M’adossant contre le mur par endroits poisseux, j’esquisse une moue pensive avant de répondre à l’interrogation de l’ambulancier. Un doute m’envahit quant à la prononciation de cette boisson. Finalement, j’accroche le regard du barman et me hasarde à demander dans un accent très berlinois. Fruit de longues heures passées à déclamer du Mozart et du Wagner : « Un Jägermeister. ». C’est ce que tu prenais à chaque fois que tu venais ici. Tu empestais tellement cette liqueur allemande, quand je passais pour te ramener chez nous toutes les fois où tu en étais incapable, que je suis persuadée qu’en approchant de toi la flamme d’un briquet, tu te serais transformé en torche humaine. C’était à croire que tu passais des heures à nager la brasse coulée dedans. J’ai le souvenir tenace et très précis d’une fragrance particulièrement aigre. A tel point, que je me suis toujours demandée ce que tu pouvais bien trouver de si exceptionnel et délicieux, dans ce breuvage à base d’herbes médicinales fermentées et macérées. Quel meilleur endroit que ton ancien « qg », pour le découvrir ?

Le barman opine du chef et remplit le verre qu’il vient tout juste d’essuyer, d’une rasade d’alcool contenu dans la bouteille au bandeau orangé et au logo à tête de cerf. Ma commande arrive sur un sous-bock. Privilège que le propriétaire des lieux réserve visiblement aux ladies, étant donné qu’aucun petit carrée de liège n’accompagne la consommation des lords du ghetto. L’homme d’une petite quarantaine d’années se tenant de l’autre côté du comptoir, me scrute en fronçant légèrement les sourcils, puis part concocter un double scotch on the rock. Choix très révélateur et qui en dit long sur le caractère ardent du trentenaire à l’épaisse tignasse ébène, se tenant debout devant moi dans cette lumière tamisée transcendant celui qu’il est vraiment. Sur le côté, je sens les coups d’œil à la dérobée du barman reprendre de plus belle. Mon pauvre Dwayne, une chance que tu te targues d’être physionomiste et de ne jamais oublier un visage. Qu’est-ce que cela serait sinon … . Un à un mes doigts effilés se ligotent autour du verre contenant la substance made in germany, à la teinte ambrée tirant sur l’ocre.

Etre un trophée que l’on exhibe pour faire enrager les mafiosi, n’est pas vraiment ce que je qualifierais de rôle de composition. En revanche, cela a au moins le mérite de tenir éloignés les spectateurs les plus fervents, et d’offrir à notre duo d’acteurs le luxe de jouir d’une paix royale. Soucieuse de la justesse de mon interprétation afin de ne pas commettre de faute de quart, j’avoue n’avoir eu d’yeux que pour le je-m’en-foutiste de bonne famille à la carrure puissante. Comme une escorte avec un client ayant sollicité ses services, et qui lui aurait fait miroiter une grosse liasse de billets. Ce n’est qu’à la suite de la verbe badine de l’homme au sourire lui conférant une expression incroyablement juvénile, que je m’autorise à regarder les soudards attablés ou accoudés au comptoir. De facto, moult de soupiraux oculaires convergent dans notre direction. Détricotage de jambes, suivi d’un tissage dans l’autre sens. Le pied qui se balance paresseusement au rythme du Jägermeister ondulant. Un haussement des épaules désinvolte, une contorsion labiale alliciante et une rétorsion aux écorces matoises :

« Sans doute un peu des deux. J’imagine qu’ils ont besoin d’un certain temps, pour se faire à l’idée que je suis bien celle qui les a habitué à toute une collection de sweats à capuche triple XL et de joggings informes. L’asiate qui venait chercher le batteur de leur groupe préféré, lorsqu’il planait à quinze-mille et tanguait sur les rives du coma éthylique. ». A l’instar de Dwayne le barman, ma tête revient à certains mais ils peinent à me resituer précisément. Chez d’autres, je ne perçois que de la lubricité et des envies bestiales de fornication. En épouse complètement fondue d’amour que j’étais, jamais je n’ai râlé toutes les fois où j’ai dû ramasser la viande saoule et fumée à la weed que tu étais, quand la fête touchait à sa fin. Au contraire, j’étais même ravie. Cela me permettait en effet de m’éclipser des dîners gastronomiques maniérés, que le metropolitan opera offrent aux frais de la princesse, à une poignée d’invités triés sur le volet et aux chanteurs, au sortir d’une représentation. Des réceptions du même acabit, que celle dont nous nous sommes soustraits. à deux poids deux mesures près. L’équivalent d’un pass à destination des backstages pour rencontrer les artistes. Pour bourges et en plus huppé certes, mais dans le fond, le principe est sensiblement le même.

Je n’arrêtais pas de lorgner discrètement sur mon portable, attendant que ton grand ami de toujours Jans, m’envoie un de ces textos loufoques marquant la fin de votre récréation et le début de la mienne. J’ai souvenir d’un « SOS. Le skieur de combiné nordique finnois réclame sa basketteuse chinoise », qui m’avait fait bigrement rire intérieurement. Ni une ni deux, je quittais alors la table et m’excusais en prétextant qu’il s’agissait là d’une « urgence familiale de la plus haute importance ». Sur le parking d’un restaurant multi-étoilé et sous les yeux éberlués des passants, j’abandonnais alors robe de soirée et escarpins vertigineux pour « une tenue de combat », que je gardais toujours dans le coffre de ma petite Lotus au cas où je devais m’improviser taxi. Lookée comme une délinquante maquillée en mode red carpet. Telle une Lewis Hamilton lancée à trois-cent quatre-vingt à l’heure sur le Marina Bay Street Circuit de Singapour, je fusais vers l’autre bout de la ville au volant de mon petit bolide profilé. Parfois, j’en arrivais à croire que tu le faisais exprès pour m’éviter le supplice d’avoir à dîner avec toutes ces huiles.

La bouche gourmande de Chaï s’anime, quand il me fait part de son étonnement concernant le saisissant contraste entre l’image que je dégage et mon caractère. Aussitôt, une montée de nostalgie me submerge. L’expression mutine et guillerette se métamorphose tout doucement en navrance et spleen. Les amandes couleur corbeau qui s’échouent sur les glaçons voguant dans une mer de Jäger’ et l’index suit les pourtours du verre. Je pourrais très bien choisir la facilité. M’en sortir avec une pirouette, une formule toute faite ou une maxime. Du genre « L’habit ne faut pas le moine » ou « Il ne faut pas juger le contenu d’un livre à sa couverture. ». Seulement, je n’ai pas envie de me cacher derrière des faux-fuyants. Pas ce soir. Pas avec lui. Une gorgée nerveuse pour se redonner un sursaut vaillance. Le méthanol qui carbonise l’œsophage dans sa descente et me coûte une grimage. L’arrière-goût persistant de l’amertume herbeuse. Comme un mauvais sirop pour la toux. Vraiment pas fameux. Je me demande bien comment tu as fait pour en boire des jéroboams durant toutes ces années.

Renouant avec le regard de velours embrasé de mon « frère asiatique », je réplique dans un soupir plein de vague à l’âme à en faire pleurer les anges. Un peu hésitante, un peu étranglée, un peu trop bouleversée. Quittant le mur faisant office de dossier, je me rassieds convenablement et m’éclaircis un peu la voix. Instant à cœur ouvert : « Tu sais, quand on aime quelqu’un au-delà de la déraison … on ne cherche pas à le changer. Ses mauvais côtés, ses défauts, ses manies qui nous insupportent … . Au pire on les accepte. A la rigueur on apprend à les connaître. Au mieux on finit pas les apprécier. C’est exactement ce qui s’est passé pour ces « endroits pas très raffinés ». J’ai appris à les apprécier parce qu’il les appréciait. ». Et si c’était à refaire, je le referais de a à z. Je te redirais « oui » une fois, dix fois, cent fois, mille fois. Je redécouvrirais ce monde underground et alternatif qui était le tien. L’aventure, le risque, tes excès, les hauts, les bas : je garderais tout. Revivrais tout. Les joies, les peines, les bonheurs et les souffrances. Ad vitam æternam.

La page émotion se tourne et le livre des souvenirs se referme. La rédaction à deux mains de notre historiette d’aventure reprend. Après avoir dû gérer des esprits qui s’échauffent et étouffer les balbutiements d’un imminent pugilat, le barman finit par enfin honorer la commande de l’homme ayant livré un âpre combat contre la mort, pour m’extraire de ses griffes. Une transposition moderne de Orphée ramenant Eurydice des enfers. L’épilogue tragique en moins. Il rit au nez des dieux croulant au sommet de l’Olympe l’Orphée 2.0. Il est superbement arrogant et ne se soumet pas à leurs diktats. C’est un chef d’œuvre de sauvagerie, d’ire et de férocité. Il est fort aise de constater que malgré ses airs de jolie statue de cristal, Eurydice a du tempérament ainsi qu’une inclinaison coupable pour le mal. Qu’elle est ambivalente. Contradictoire. Totale. La femme bcbg se prêtant du mieux qu’elle peut aux simagrées des fortunés côté pile. La sulfureuse et subversive compagne de la rock star aux innombrables frasques et actes de dépravation côté face.

Positivement surpris, Orphée empoigne donc sa coupe d’ambroisie. Une pose de rouleur de mécaniques sur le comptoir au vernis élimé. Le bras musculeux que s’élève doucement, pour un toast. Simple, concis, parfait. Quatre notes. Quatre accords et arpèges. Un crescendo suave régalant l’oreille, proposé par un soliste enchantant le plaisir de l’œil. Mes lippes roulent avec indolence l’une sur l’autre. Un peu comme lorsque nous autres mesdames, cherchons à répartir une noisette de gloss. Les verres communient et se télescopent. Dans le même temps, mon pied gigotant avec paraisse effleure sa rotule. Un murmure alanguie pour toute réponse. « Pas mieux. ». Tout y est. Que demander de plus ? Le reste est totalement inutile. Alors laissons passer les anges et leur symphonie du silence. à la vie aussi. Cette seconde vie qu’il m’a offert que je dois encore m’approprier. Puisse-t-elle être aussi remplie, rocambolesque et fantastique que la première. En espérant que je n’ai pas totalement « épuisé mon forfait », et qu’il ne me faille désormais pas apprendre à conjuguer avec l’incertitude, le doute et l’isolement.

Merci Chaï. Vraiment. Merci de m’offrir cette merveilleuse parenthèse éphémère. Ce frisson d’exaltation avec lequel je vivais quotidiennement, avant que tout ne parte en vrille. Cela fait du bien ; une petite période d’accalmie entre deux orages. À toi. À l’homme extraordinaire enseveli sous les terrils de rancœur, de haine et de bassesse. Un sourire d’enfant agouant, puis j’agis par mimétisme en tendant le cou et bombant vaguement la poitrine, afin de moi aussi me désaltérer d’une lampée. Nouvelle moue grimaçante. Non, on ne peut définitivement pas dire que je raffole de ce tord-boyaux germanique. Peut-être que noyé avec autre chose, cela pourrait être bon ? Parce que pur, c’est encore plus décapant que du White-Spirit. Il faudrait que je demande si … . « Enkeli ? P’tain, j’ai failli pas te r’connaître ! Ca fait plaiz’ de voir que tu tiens le coup malgré … ‘fin tu sais. On espère tous que ces enculés vont prendre cher pour l’procès de demain. Ah, tant que j’y pense. J’étais pas sûr qu’tu te repointerais ici, mais au cas où, j’ai préféré le garder quand même. Euh … s’tu veux que je le bazarde pour toi, il n’y a pas de problème. ».

Cela aura mis le temps qu’il faut, mais finalement Dwayne m’a reconnu. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit. Pour lui, comme pour tout les autres loubards ayant élu domicile dans ce bar, je réponds au doux nom de « Enkeli ». Ange en finnois. C’est le petit sobriquet que tu me donnais, normalement, dans l’intimité. Cependant, quant tu étais rectifié et torché comme pas permis, tu ne trouvais rien de mieux que de scander ce petit nom affectueux à tue-tête, et rebattait les oreilles à qui voulait bien l’entendre que j’étais ta femme. Le tout en me désignant de ton index tatoué d’un « U » sur la phalange. Et tandis que tu t’affalais allégrement sur moi, alors que je suais à grosses gouttes pour te ramener à la voiture, tu marmonnais sur un ton extatique que tu m’aimais. Dans toutes les langues que tu connaissais. Et Dieu sait qu’il y en avait beaucoup. Avec le temps, et un peu grâce à la force des choses, j’ai sympathisé avec Dwayne. Parfois, c’est lui qui me prévenait que tu n’étais pas en état de partir, quand Jans n’était pas avec toi.

Le fringant quadra se baisse afin d’ouvrir un placard aux allures de niche, sous une étagère rivée au mur où sont entreposés à la file indienne des demis de bière. Il en sort une veste. En jean délavé. Bi-matière, avec les manches en cuir. Mon coeur se retrouve comme broyé dans un étau, sitôt que je la vois. Une profonde inspiration tremblotante se révèle nécessaire, afin que je ne me repende pas en sanglots. Elle était donc là depuis tout ce temps. Mettre la maison sens dessus-dessous pour la retrouver, lorsque j’ai fait du tri dans tes affaires, n’était donc rien d’autre qu’une perte de temps. Péniblement, je parviens à redéposer mon verre sur le petit sous-bock avant de nouer mes doigts gourds autour du col du vêtement. Dans un hochement affirmatif de la tête et un sourire forcé par le spleen, je rebondis sur les propos de l’afro-américain d’une toute petite voix : « Merci Dwayne, ça ira. Tu es une crème. Comme toujours. ». Le barman aux tempes commençant à grisonner me gratifie d’un sourire navré mais compatissant.

Puis, avant de reprendre le cours de son service, sa large paume de colosse s’abat à deux reprises sur mon épaules, en guise de petite tape amicale. Enfin petite … . Ce n’est pas vraiment le qualificatif le plus approprié, au vu de mon épiderme rougissant presque instantanément. Un mouvement de franche camaraderie, qui me décoche tout de même un bref éclat de rire. Un baise-main poussiéreux et une tape gaillarde sur l’épaule dans la même soirée. Grandeur et décadence. C’est pour cela que j’aime New-York. Mes pouces roulent sur le jean rappé et un nœud commence à se tisser au fond de ma gorge. Blottissant la veste contre ma poitrine, j’enfouis mes narines et m’imprègne de son parfum. Tu n’es plus là … . Il n’y a plus qu’une odeur de renfermé et d’humidité mêlés. De très timides et menus relents de shit aussi. La pulpe de mes doigts courent le long de la couture piquée sur l’une des manches. Procédant à l’inventaire, je plonge une main dans une poche. Un sachet de beuh avec deux joints ne demandant qu’à partir en fumée. De la marocaine, je suppose. Ton pêché mignon. Qui vient se caler entre l’extrémité du pouce et de l’index.

L’exploration se poursuit. Seconde poche, seconde surprise. Petit ballotin de sniff. Qui semble d’ailleurs n’avoir jamais été ouvert. Intercalé entre l’index et le majeur, l’autopsie de tes poches reprend de plus belle. Troisième paquet surprise : des pilules de je-ne-sais-quoi frelatées. Un œil est ciselé sur chacune d’entre elles. Sans doute la marchandise de ce dealer se faisant appeler « cyclope », auprès duquel tu t’approvisionnais régulièrement. Mon dieu, ce que tu as dû m’aimer. Toi qui affirmais m’aimer plus « que toutes ces merdes » … . Dans une esquisse de sourire, mon poignet s’écrase bruyamment sur le comptoir au bois fatigué. Doucement, l’annulaire, le majeur et l’index font riper ces trois fées du bonheur chimique vers Chaï. En quête d’un soupçon de consolation, je m’inhume vivante dans ses billes d’orage. Tente de trouver du réconfort en m’emmitouflant dans ses ténèbres. Ca marche. Un peu. « Si ça t’intéresse … . Avec moi, ils seraient condamnés à moisir et se transformer en pénicilline. ».

Un rire filant comme une étoile vient ponctuer mon offrande. Les rires sont là, mais hélas le cœur lui n’y est pas. Il vient de se mettre sur liste rouge et est désormais aux abonnés absents. Rideau. D’ailleurs en parlant de rideau ; un voile entreprend d’embrumer ma vision. Souhaitant dissiper cet instant pesant sur le plan émotionnel, j’examine le contenu de la dernière poche. Intérieure gauche. C’est … froid, métallique, petit, rectangulaire. Un zipo. Identique à celui dormant contre ma poitrine. à l’exception des initiales gravées. M.P. Tu … tu les avais acheté et fait parapher peu de temps après notre mariage. Affirmant que c’était là « nos vraies alliances ». Alors, toi aussi … ? Toi aussi tu me gardais en permanence au plus près de toi. Tout contre ton cœur. Un souffle long et annonciateur d’une déferlante de larmes imminente. Non ! Tête baissée, je prends sur moi et me fais violence pour tout contenir et refouler. En closant les yeux. Serrant avec hargne la mâchoire à m’en péter les dents. Empoignant fermement le briquet à en faire trembler mon poing et briser les ongles. Puis quand tout se tait, s’éteint et s’éloigne, je me risque à relever la tête. D’un mouvement vif et nerveux, j’agrippe le verre vide au trois quarts et le termine d’une traite, en levant le nez en direction du plafond orné de taches d’humidité. Troisième grimace, associée cette fois-ci à un grognement de hargne. « Un autre, s’il te plaît. ». Requête formulée au barman, et qui se joint au bruit sourd du verre reposé lourdement sur le comptoir. Oui encore. Il faut bien cela pour bastillonner la douleur. Remplis. Jusqu’à l’emprunte rouge en forme de demi-lune. Celle qui scelle le rebord. Unique chose que mes lèvres peuvent espérer embrasser désormais.

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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Mar 20 Nov - 14:40

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price  ----

Chaï ---- / Meï ----

Cette jambe qui se balançait. Ce pied, décoré d'une sandale, qui effleurait l'os de mon genou. Ces douces caresses détournées en actes involontaires et l'acquiescement indirect laissé envers le lâcher prise que j'eus proposé, il ne me fallait davantage pour m'autoriser à la reluquer. Sa chevelure, tout d'abord, qui ne demandaient qu'à être remise en état, peignée de longues phalanges qui s'introduiraient entre chacune des mèches, divisées grossièrement. Ce front qui aurait besoin de lèvres délicates pour en aspirer les migraines dues à l'alcool fort ingurgité; bien assez tôt. Ces yeux dans lesquels il était intéressant de plonger, fantastique d'y rêver, original de s'y accorder; la lumière au fond des ténèbres imposantes. Ses joues qui n'implorait qu'à enlever la fine couche du masque obligatoire en soirée, la pulpe d'un pouce adorable supprimant les particules restantes pour un rendu plus naturel, plus adéquat. Ce nez qui, dans le prolongement de la ligne recevrait sur l'arête quelques faux amoureux baisers, tendres pourtant, jusqu'à ce que le bout de celui d'un homme vienne le titiller; léger et animal à la fois. En même temps, quelques parties de cette chevelure seraient venues rejoindre l'arrière de ces oreilles, petites mais toute aussi expérimentées des doigts masculines les détaillant au passage. Et cette bouche, l'obsession même de tout homme se respectant, endroit premier que l'on désire, que l'on aimerait s'octroyer, malheureusement interdit pour appartenir ou avoir appartenu à un autre encore logé là-haut, dans le crâne de la belle, et installé à jamais là-bas, dans son muscle vital. Parce que oui, cette dame était bien éprise d'un autre, n'est-ce pas ? Ô grâce, comment se puisse-t-il qu'elle ne se rende pas compte, totalement, de la soif, de l'appétence, qu'elle anime, rien qu'en penchant sa tête en arrière, longeant le cou ainsi, de tout son étendue, pour en boire un, de coup ? Un sourire, faible, et pourtant empli de malice lui fut adressé une fois la gorgée passée, avant de porter mon verre sur le bois. Mes gemmes intenses s'éloignèrent un instant de l'addiction qu'elle semblait représentée pour ces dernières qui, d'ailleurs n'eurent d'autres choix que de se porter à nouveau sur Meï. Le faciès examiné, déjà, ce fut sa bretelle légèrement tombante de son épaule qui eut raison d'une deuxième vague d'imagination. Habitué à ce que la perversion échauffe le fêtard, j'eus une pensée pour la jalousie que devait éprouver sa jumelle, coincée bien au milieu, trop proche de la clavicule à son goût. Et puis, la chaleur montante de la pièce donnait tous les droits à la première de vouloir déshabiller sa maîtresse; j'étais de tout coeur avec elle. Des doigts habiles devaient s'en charger. Trois d'un côté, trois de l'autre, pour faire tomber le tissu de trop sur la peau de la cantatrice, le faire glisser en douceur tout contre son épiderme jusqu'à ce qu'il ne touche le sol. Oui. Puis remercier ces épaules de ne pas être larges par quelques à-coups de lippes humides. Délivrer la poitrine enveloppée d'un soutien sans bretelle, ces seins enfermés et écrasés par un push-up dispensable; la liberté, le dessous de la main leur redonnant forme et prestance, les gonflant par l'excitation, les faisant pointer pour plus de charme. Ce dos, trop tendu par les exercices de respiration qu'elle avait à subir longuement depuis trop longtemps pour donner à ses performances quelque chose de meilleur; la détente. Et offrir à ces fesses une assise confortable entre les paumes d'un homme qualifié. Ces images défilèrent les unes après les autres, laissant ma bouche s'entrouvrir peu à peu à force d'illusions créatives. Ces fantaisies me procurèrent une certaine délectation qui se retrouva dans un court soupir passant presque inaperçu. J'avançai alors de quelques petits pas, les voulant discrets, ces petits pas. Mes mi-cuisses se collant à l'une des rotules, celle dont la jambe supportait le poids de l'autre et ma main contourna son corps pour agripper le petit dossier du tabouret sur lequel elle était assise. Un rapprochement confiant, comparable à une certaine possession plus intense; comme si je voulais la cacher aux autres et être le seul à qui il était offert de la regarder, de visuellement la revendiquer comme étant mienne ce soir. J'eus bien l'envie de me pencher pour le lui faire savoir d'ailleurs, ô combien je n'aurais jamais imaginé m'éprendre, -pour une soirée, l'omettant-, d'une chanteuse d'opéra pleine aux as, habituée aux mondanités. D'accoutumée, je raffolai des sauvages au caractère tempétueux contre lesquelles je devais me battre pour obtenir gain de cause. Celles avec qui il fallait être rusé et combatif pour devenir le maître du jeu. J'y revenais, sans conteste, vers elles. Bien plus souvent que vers les nenettes fragiles, éprises au premier regard et à jamais de l'homme qui les avaient fait rencontrer le septième ciel. Oui, j'avais commencé à plonger mon faciès, tempe contre tempe, les lèvres prêtes à mouver, après avoir mordu l'inférieur de mes dents, désireux, pour articuler que... Stoppé. Non sans rouler des yeux, je me reculai pour prendre connaissance de l'identité de celui qui se permettait de me casser dans mon action. Enkeli, répétai-je d'une prononciation probablement incorrecte. Interrogatif, je me demandais qui était cette Enkeli dont il parlait. Tout du moins, il ne fallut pas grand temps pour que la scène entière qui suivit ne me donne, non pas un, mais plusieurs indices sur la personne qu'était Enkeli. Meï Perkins. Cette même jeune femme qui était prête à recevoir quelques rentre-dedans de ma part. Je me reculai, soudainement, comme pour laisser place à l'échange entre le quadragénaire et ma partenaire de soirée. Je n'étais pas convié à cette discussion et préférais même ne pas l'être, finalement. Cela ne m'empêchait pas, pourtant, de prendre part de loin à la situation et de découvrir certaines informations qui m'étaient jusqu'alors inconnues de l'asiat'. Perkins était donc son nom marital, plus que son nom de jeune fille. Elle semblait être encore amoureuse, quand bien même veuve. Elle était dans l'attente d'un procès pour lequel tous espéraient l'inculpation de fautifs. Je ne pus en deviner plus, mais c'était déjà pas si mal. Trop, même, parce que je me sentais soudainement mal à l'aise. Ce n'était pas que sa bouche qui m'était interdite jusqu'à ce qu'elle ne décide de faillir en premier, c'était tout son corps endeuillé de deux pertes successives qui m'était banni. Quel con. Mes avant-bras se posèrent sur le comptoir et mes mains encerclèrent toutes deux le verre d'alcool pour ne plus m'imposer de visions intimes, de dessins sexuels, qui me semblaient à présent dégueulasses. J'étais, moi même, dégueulasse. Mes paupières se fermèrent et mes sourcils se froncèrent un instant; comme si j'avais été pris d'un foutu mal de crâne. Et je ne revins qu'à la réalité une fois que Meï s'eut adressé à moi, me proposant ces fameuses trouvailles. Mes billes s'aventurèrent d'une manière différente sur elle, remarquant son faux sourire, son rire contre-façonné; c'était pas une Chinoise pour rien, hein ! Et je lui répondis, avec le même. Car asiatique un jour, asiatique toujours. Je me mis à jouer avec les sachets, comme si je les étudiais; alors qu'en fait, je m'en contre-foutais de la qualité de ces merdes que je consommais. Fréquemment pour certaines, de manière plus espacée pour d'autres. Je ne relevai pas la tête, parce que j'eus ressenti la peine qui, d'un coup, piqua notre duo. Si je savais agir dans l'urgence de par mon métier, si je savais soigner les bobos bénins, graves aussi, j'étais complètement nul à chier pour réconforter les autres. L'empathie s'arrêtait dès lors qu'on dépassait l'ordre médical et je savais que je passais pour une personne sans cœur lorsque ça ne concernait aucunement mes patients et leurs problèmes de santé. Je la laissai s'en remettre, à sa manière, en ravalant ses larmes, commandant un deuxième verre de cette horrible boisson; celle qu'elle n'appréciait pas. Elle l'avala d'une traite sans penser aux conséquences, juste pour ne plus ressentir cette tristesse la pénétrer. Il était bon avec toi, lui posai-je alors qu'elle était encore accrochée à la veste et à ce même briquet aux initiales simplement différentes. Il m'eut fallu du temps pour délier mes lèvres, mais je l'eus fait. Bien sûr qu'il devait être bon pour qu'une vague d'émotions la submerge à la vue d'un simple vêtement et quelques babioles personnelles à son époux décédé. Il était certain que je ne chialais pas devant quelques culottes retrouvées lors d'un grand ménage saisonnier de mon appartement. Je ne me mettais encore moins dans tous mes états en me rappelant du bon souvenir auquel il me faisait penser; bah ouais, je ne m'en souvenais de toute façon pas. Cette mémoire était probablement l'un des points divergents que nous avions, elle et moi. Je ne savais d'ailleurs si elle pouvait me penser égoïste à ne pas réagir face à son chagrin alors, naturellement -ou pas- : j'suis désolé pour toi, sortis-je. En fait, si je ne savais pas ce qu'était de perdre un concubin chéri et aimé, j'avais tout de même perdu mon pays, mes frères et sœurs, et mes parents. Le lien n'était probablement pas le même mais la douleur avait certainement été semblable. Accident de la route, fis-je semblant de m'intéresser.  Savoir la raison de sa mort ne changerait de toute façon pas la fatalité qui lui était arrivé, mais je peinais à retrouver le dialogue avec Meï, à cause d'une gêne qui s'était invitée en un claquement de doigts. Si bien que, cette distance qu'il eut créé, ce malaise, invita un autre bipède en rut à, bientôt, se manifester. Une question de quelques secondes...
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Message Sujet: Re: Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï   Better not belong a place where everybody's got a price ft. Meï Empty Jeu 22 Nov - 18:33

17 November. Palace ---- /Better not belong a place where everybody's got a price ----

@Chaï Home ---- / Meï Perkins ----

Arpenter des endroits encore gorgés de ton essence. Est-ce que cela me fait du bien et m’aide à avancer ? Sincèrement, je ne saurais le dire. C’est un peu comme être branchée sur courent alternatif. Quoi que non, ce n’est pas tout à fait cela. C’est beaucoup plus … chaotique. Instable. Et fluctuant aussi. Un interminable tour de montagnes russes. Oui, voilà une comparaison en tout point parfaite, pour illustrer le hourvari émotionnel qui s’empare et secoue toutes les fibres de mon être, chaque fois que je te sens si proche et à la fois si loin de moi. Un grand huit comme celui dans le générique de cette série qui passait à la télévision quand j’étais gamine. « Notre Belle Famille ». Mes parents étaient parvenus, grâce à je-ne-sais-quel tour de passe-passe dont eux seuls avaient le secret, à capter et recevoir certaines chaînes de télévision américaines, qui étaient totalement prohibées à l’époque en Chine. Ce qui est toujours plus ou moins le cas aujourd’hui, vous me direz. Peut-être dans une moindre mesure quand même. Pour être tout à fait franche, je n’en sais trop rien. Voilà bien longtemps que j’ai quitté l’Empire du Milieu, en me faisant la promesse de ne plus jamais y remettre les pieds. Quinze ans, pour être exacte.

L’eau a dû couler sous les ponts depuis, et certains aspects du quotidien ont dû s’assouplir. Du moins, j’ose l’espérer. Je me doute que les libertés individuelles doivent encore être allégrement bafouées, mais je peine à croire que cela puisse être pire que ce que j’ai connu jadis, au plus fort de la fièvre post-maoiste. Pour en revenir à mes parents, la vie exhalant l’american dream de Patrick Duffy et toute sa smala, représentait un idéal à la fois fabuleux et hors de portée. C’était leur rendez-vous d’access prime time favoris. Juste avant le journal d’informations relaté par une présentatrice en habits et coiffure traditionnels. Le choc des cultures. Ils en étaient vraiment mordus. à tel point que ma mère a adopté la mise en plis à la Suzane Sommers. Le rendu sur des cheveux asiatiques, aussi raides que des baguettes, était loin d’être top et laissait gravement à désirer. Pour vous donner un ordre d’idée, on était plus proche de Morticia Adams que de Carol Foster Lambert. Digression close. Le fait est que depuis que les belles et redoutables valkyries en armures, habitant les sagas nordiques ayant bercé ton enfance, t’ont accueilli au valhalla … ma vie est dès lors devenue une perpétuelle et infernale succession abrupte de hauts et de bas.

Tantôt euphorique, hyperactive et électrisée par mille-et-une envies créatives. Tantôt léthargique, prostrée et sans la moindre étincelle. Une véritable bipolaire, sans les signes cliniques nécessaires pour poser et établir un diagnostic. Errer dans la salle de sport où tu soulevais des kilos de fonte, tandis que j’enchaînais les exercices de fitness. Déambuler dans les allées du magasin de disque, où le vieux disquaire t’aidais à dénicher des vinyles collectors dont tu étais féru. Revêtir ton blouson de cuir. Etre assise à l’arrière du siège de ta Yamaha prenant la poussière dans le garage. Enlacer le vide à défaut de pouvoir me cramponner à ta taille et apprécier le fruit de tout ces séjours dans la jungle des appareils de musculation. Diverses actions que j’exécute machinalement, voire somnambuliquement, sans être certaine de la finalité escomptée. Quête illusoire de la plénitude qui découlait des opulentes heures d’un bonheur pluriel à jamais anéanti ? Démarche masochiste d’aviver le manque et décupler l’absence, dans une optique d’autoflagellation pour ne pas avoir été immédiatement là quand tout s’est enténébré ? Je dois t’avouer que je ne sais pas. Je ne sais plus. Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’aurais-tu fait à ma place ? Si j’eusse été celle qui part et toi celui qui reste.

Tu aurais choisi de chérir et choyer l’ultime trésor encore en ta possession. Celui dont nous sommes tous riches : la vie. Jamais l’idée ne te serait venue de l’inhumer et l’ensevelir à six pieds sous terre, comme j’ai eu la faiblesse, pour ne pas dire la débilité, de désespérément l’ambitionner. Tu aurais continué de l’embellir, l’accroître et l’enjoliver. Sans pour autant oublier et négliger le souvenir de tes prises de guerre d’antan. Ce précieux et inestimable butin qui t’aurait si injustement été ravi. C’est ainsi qu’il me faut voir les choses. Tels que les yeux de la force de caractère que tu étais, les auraient perçus. On ne va pas se mentir, il m’est encore bien difficile d’apposer le point final à l’excipit de cette somme romanesque, que nous avons pendant huit ans coécrit. Je n’y arriverais que lorsque j’aurais intégré et intellectualisé le fait, que ce n’est pas la fin avec un grand « F ». Celle qui tombe comme un couperet. L’invariable se déclinant à tout les temps et tout les modes de la fatalité. Non, il n’est pas encore venu le temps de conjuguer avec elle. Comprendre que ce n’est pas la fin, mais le commencement d’autre chose. Un autre tome. Un manuscrit rédigé cette fois-ci en solo. La continuation et le prolongement du voyage.

Seule et sans escorte. Sur un chemin escarpé et tortueux débouchant sur de nouveaux horizons inconnus. Un ailleurs où de non moins nouvelles perspectives m’attendent. Des envolées lyriques de pacotille, clichées, simplistes et sonnant magistralement creux. Difficile de le nier ou de plaider le contraire. Certes, mais … aussi curieux que cela puisse paraître, je crois bien que cela m’aide et m’apaise d’une certaine façon. Oh, guère bien longtemps. Un peu à l’instar d’un placebo, le mal revient au triple galop sitôt les effets de la voie de suggestion estompés. Quand l’esprit se remet au diapason avec les souffrances du corps. Même si l’accalmie n’est que de courte durée, il n’empêche qu’elle est bel et bien là. Voilà pourquoi je m’agrippe mordicus à ce credo mièvre et sirupeux à outrance, tel Sisyphe à son rocher. C’est un travail de longue haleine requérant beaucoup d’efforts sur le plan psychique. Ainsi qu’une vigilance de tout les instants renforcée. Sans quoi, il est tellement facile d’abdiquer et de se laisser sombrer, en cédant aux sirènes de l’inertie et de l’atonie. Vivre sans toi, c’est comme devoir respirer avec seulement cinquante pourcents de ses capacités pulmonaires. Éprouvant et laborieux, mais faisable quoi qu’il en soit.

Un petit peu plus chaque jour qui passe. Avec le temps, tout finit tôt ou tard par guérir et cicatriser. Parait-il. Je suis loin d’être de nouveau complètement sur pied. Sans doute ne le serais-je plus jamais totalement. Néanmoins, et probablement pour la première fois ce soir depuis des mois, je ne survis plus. Je vis. Tout simplement. Les sens, l’instinct, le désir et l’envie ont momentanément repris le dessus. À croire que je viens subitement de me souvenir qu’avant d’être veuve, je suis aussi et avant tout femme. Les ailes se défroissent et se déploient tout doucement. Celle que tu as aimé jusqu’aux confins de l’insanité semble timidement sortir de sa torpeur. Comme naguère, elle a balayé d’un revers de la main le bonheur en toc que convoitent avec une insatiable avidité, toutes celles et ceux dégainant la World Elite Mastercard plus vite que leur ombre. Dans un camouflet subtil et d’une discrétion à toute épreuve, elle leur a adressé un joli pied de nez et s’est faite la belle en dérobant le diamant de la soirée le plus prestigieux et éblouissant qui soit à ses yeux frappés par la nyctalopie. Un diamant brut, nullement poli, taillé ou ciselé. Avoir l’outrecuidance de le soumettre à un travail d’orfèvre pour le sertir en bague ou en pendant d’oreille, relèverait du crime de lèse-majesté.

Ce minéral plein d’aspérités et de rugosités. Un agrégat de carbone prisonnier de la roche en fusion du volcan où il s’est épanoui. Même avec tout les bâtonnets de dynamite de la terre, personne ne peut l’extraire de cette armure géologique. Surtout pas moi. Pourtant, dieu que son éclat obscur est apaisant. Ensorcelant et captivant. Familier aussi. Et paradoxalement sécurisant. Alors, je flirte. Je flirte ? Oh mon dieu … que je dois être ridicule ! Cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas adonnée à cet exercice. En dehors des planches, évidemment. Même si vous me direz que feindre de séduire un chanteur sur scène, lui même simulant d’être réceptif à des avances factices, n’a strictement rien à voir avec un numéro de charme dans la vraie vie. Eh puis fort heureusement, la parade nuptiale d’aujourd’hui a beaucoup évolué et ne ressemble plus en rien, à celle qu’il était de bon ton d’employer à l’époque de Rossini et consort. Est-ce trop tôt ? Que cela soit aujourd’hui ou dans dix ans : cela sera toujours trop tôt pour le cœur. Devrais-je avoir honte ? Si nous nous trouvions en Chine : oui, certainement. Là-bas, il est toujours très mal vu pour une femme de laisser libre cours à sa féminité et sa sensualité.

Une chinoise bien dans son corps, le mettant en valeur, l’assumant et en étant fière a très vite fait de passer pour une fille volage et de mauvaise vie. Pour ne pas dire autre chose. J’ai été élevée pour être une épouse modèle. Autrement dit, une bonne à tout faire dont l’univers commence et s’arrête à la cuisine. Corvéable à merci, soumise et devant obéissance à son mari. Un canon de passivité, allongée sur le dos et réfrénant sa jouissance en regardant le plafond et priant dieu, pour que cela s’arrête au plus vite. Agir comme « une occidentale dépravée », rimerait là-bas avec déshonneur. Je vous laisse donc imaginer le sacrilège que cela serait, si une veuve sinophone aurait le malheur de vouloir poursuivre sa vie, comme bon nombre de femmes aux quatre coins du monde le font, après le décès de son regretté mari. Même si j’ai pris le parfait contre-exemple de ce que l’on m’a inculqué, je n’ai jamais été une séductrice née. Pour plaire et stimuler la libido de ces messieurs, il faut de l’assurance et de la confiance en soi. Deux choses qui font cruellement défaut à la grande complexée que je suis. Cependant, et en dépit de ces lamentables essais à demi-conscients pour paraître un minimum désirable, prodigués avec autant de témérité que la démarche bringuebalante dans la savane d’un girafon de deux heures ; je vois resplendir au fond des yeux de Chaï une lueur qui sublimait l’azur des tiens.

Celle de la volupté que l’on ne peut contenir. La seule qui parvienne à me convaincre, que je puisse potentiellement être belle. Que je l’aime cette petite dragée d’onyx qui pétille, frise et frétille d’exaltation. Qu’elles ont de la chance ces incisives, de pouvoir se planter dans cet arc de chair. Beaux sont les pectoraux se dessinant sous le maillot. Gonflant et se mouvant au gré d’une ardeur lascive. Elle danse la pomme d’adam sous les nombreuses déglutitions que rapproche l’aridité de la lubricité. Tant pis si c’est trop tôt. Tant pis si c’est définitivement toucher le fond. Et tant pis si demain dès l’aube, je me réveille avec le sentiment de n’être qu’une abjecte veuve joyeuse doublée d’une putain à salaud. Cela me manque follement. La chaleur d’un autre corps. Je voudrais … simplement me rappeler de ce que cela fait. Juste une fois. Avant qu’il ne soit trop tard et que je n’oublie définitivement. Quelques heures suffiraient, si une nuit paraît démesurée. Des bras qui m’étreignent, des mains qui courent et gambadent fiévreusement sur mon corps, des lèvres qui couvrent de mille-et-une attentions chaque centimètre carrée de mon épiderme. Suis-je un monstre méritant d’être mise au banc des accusés, pour aspirer à ces monts et merveilles ? Ou est-ce ma situation qui fait que ces pensées sont immorales, déplacées et inappropriées ?

Je m’en fous. Le trappeur rêvant d’agrémenter son tableau de chasse avec le trophée d’une soprano n’en a cure également. Déjà, il se met en joue. Assiégeant sa proie et la privant de tout échappatoire. Mes prunelles admirent le piège se refermer, en suivant la trajectoire qu’empreinte ce bras robuste et puissant. La tête pivote vaguement sur le côté pour juger et apprécier la distance me séparant de l’athlétique plastique de Chaï. Encore trop importante à mon goût. Souhaitant instamment y remédier, la pulpe des doigts agrippe la ceinture de son pantalon, ainsi que ce qui a tout bonnement l’air d’être l’élastique d’un boxer. Quelques poils glissent sous les ongles et flattent les extrémités palmaires. Dans un mouvement de traction somme toute empressé, le voici au plus près de moi. Joue contre joue. La poitrine goûtant la fermeté d’un torse développé. Ma prise se dénoue tranquillement. Puis, cette main fougueuse s’aventure sous le tissu immaculé de son t-shirt sans manche. Elle se délecte de cette peau incandescente et finement ambrée. L’aventurière explore langoureusement de somptueuses contrées. Par endroits lisses. Clairsemées d’un léger duvet pileux à d’autres. Mutine, elle décide de s’appesantir et s’établir sur ces abdominaux de fer proéminents. Les six se voient adulés et abreuvés d’oisives caresses et autres petits pincements suaves.

Une formidable exploration des reliefs de l’anatomie masculine. Entrecoupée par d’onctueuses glissades dans les courbes creuses délimitant ces divines collines. Une besogne qui lui arrache des soupirs extatiques. Des bourrasques d’un agréable zéphyr, qui heurtent le cartilage de mon oreille et soulèvent quelques mèches épars de cheveux. Sensation des plus grisantes. Envie pharaonique de frémir. Le genou pris en étau qui se réveille et se meut soudain, contre la face intérieure du haut de sa cuisse. La main qui sinue, serpente et zigzague le long de cette taille vigoureusement façonnée et sculptée. Toujours plus désireuse de savourer l’ivresse des cimes, elle reprend donc son irrésistible ascension. Ainsi enrobée dans une délicieuse promiscuité, mes paupières s’abaissent quand dans le même temps, ma tête lourde et encombrée de pensées discordantes s’incline vers mon épaule. Le creux du cou en offrande. Libre à lui d’en faire ce qu’il veut. Le lutiner malicieusement. Le butiner espièglement. Le mignarder expertement. L’embrasser voracement. Le mordre sauvagement. Qu’importe. Vas-y. Fais ce que bon te semble. Rien ne t’en empêche. Rien si ce n’est un ange. Un petit Enkeli exempt de toute sonorité résiduelle de finnois, qui avait le chic pour me faire vibrer.

Il n’y a qu’un accent bien américain. Malmené, morcelé et caractéristique du Bronx. Une apostrophe de là-haut, qui me ramène illico presto et dans une violence inouïe sur terre. Les yeux qui s’ouvrent et s’écarquillent brusquement. Le cœur qui loupe un battement. La main qui pile et s’arrête net, à l’image d’un cheval refusant le franchissement d’un obstacle. Juste ici. Dans la région du sternum et du plexus solaire. Le choc de cette surprise auditive d’outre-tombe, vaut à mes ongles de s’incruster dans l’enveloppe cutanée, protégeant la cage-thoracique de Chaï. S’en suit un mouvement conjoint et hâtif de recul, qui lui coûtera sûrement les stigmates d’une griffure involontaire. Instantanément mon corps, hier encore fondant et s’abandonnant au lâcher prise, se raidit et rigidifie. À la façon de la corde d’un arc tendue jusqu’au seuil de son point de rupture, et prêt à décocher une flèche. C’est alors qu’il arrive. L’absurde et grotesque sentiment de culpabilité, qui découlerait d’une prise en flagrant délit d’adultère. Ou du démantèlement d’une planification adultérine. Ce seul petit mot suffit pour engendrer un virulent et aigu élancement, transperçant mon être de part en part. Aurais-tu prié ton ami Thor de me châtier et m’occire de ses foudres, afin de torpiller ce qui allait advenir ? Et qui t’aurait soit dit en passant fortement déplu.

Passablement abasourdie et groggy, un étrange abattement que talonne de très près un vif accablement, me percutent de plein fouet. Laisse-moi deviner. Une requête formulée auprès de ton pote Odin, visant à me cogner à l’aide de son marteau pour me faire passer l’envie de m’offrir sans réserve ni condition à un autre que toi ? Finalement, cette histoire de rendez-vous du troisième type auquel j’ai narquoisement songé tout à l’heure, n’était peut-être pas si saugrenue que cela tout compte fait. Est-ce un hasard si tu as décidé d’indirectement te manifester à ce moment très précis ? A l’instant même où un pétulant nemrod braconne sur tes terres et brigue ta chasse gardée. Ton enveloppe charnelle n’est plus, mais ta jalousie dévorante et ton tempérament extrêmement ignifiable semblent toujours hanter ton « QG ». En un clin d’œil, l’époustouflante euphorie aux exhalaisons de concupiscence est retombée de façon fracassante tel un soufflé. La faute à un fantôme ayant jeté un froid sibérien, en s’interposant inopinément entre nous. Se voir remettre un ossuaire textile recelant des reliquats narcotiques, à un moment qui était tout à fait propice à autre chose. Quelle cruauté ! Et ton briquet. Ton alliance.

Que tu décides de me remettre à cet instant lourd de sens où je suis à la croisée des chemins. A moins que ce ne soit le destin, qui s’amuse à me faire une énième farce douteuse et à me jouer un coup pendable. Est-ce … est-ce la preuve de ta bénédiction, pour que je continue à mener ma vie de femme ? La façon que tu as trouvé depuis l’au-delà, pour me signifier que tu consens à me rendre ma liberté ? En me restituant la matérialisation du lien qui nous unissait ici-bas. Peut-être. En tout cas, j’aime à le croire. Tout comme j’aime ouïr la voix délicieusement rauque du vigoureux ambulancier, et accessoirement fumeur de diverses plantes herbacées séchées aux vertus psychotropes. Excellente question. As-tu été bon avec moi ? Je suppose que oui. À ta façon inimitable et bien à toi. Mon regard se perd sur le poster du groupe trônant au-dessus du juke-box. Tu es assis derrière ta batterie, les baguettes brandies et prêtes à s’abattre sur la peau tendue les toms. Torse nu et offrant à la vue de toutes et tous ces innombrables tatouages, dont je ne me fatiguais jamais de dessiner les pourtours du bout des doigts ou de pétrir de baisers. Quelques mèches d’or folles obstruant la luminescence de tes saphirs. Petit sourire nostalgique et timoré, avant d’accorder de nouveau toute mon attention à Chaï.

« Oui, il l’était. Excessif et accro également. Dans le sens où lorsque je partais en tournée à l’étranger et qu’il restait plus de deux jours sans me voir et m’avoir ... il partait en vrille, pétait les plombs et multipliait les frasques ainsi que les incartades. Quand je l’ai rencontré, il avait tellement dégusté côté cœur qu’il s’était blindé en muselant ses sentiments. Je pensais n’être pour lui qu’une passade de plus. Comme il en avait eu pléthore par le passé. Encore aujourd’hui, j’ignore ce que j’ai fait, ou n’ai pas fait, pour avoir été pendant huit ans « la seule », comme il le disait si bien. ». Pourquoi moi ? Le mystère reste entier. Qu’est-ce que je pouvais bien avoir de plus à tes yeux, que les autres n’avaient pas ? Dieu sait qu’il y en avait pourtant. Des autres. De belles roses odorantes et épineuses, n’aspirant qu’à être cueillies de ta main experte. Tout un essaim de demoiselles virevoltant autour de toi, comme des papillons se prenant dans des abat-jours. Ai-je vraiment été la seule au cours de ces huit années ? Officiellement, oui. Officieusement, je ne serais pas aussi catégorique. J’émets en effet quelques doutes quant à ta fidélité. Oui, il y a dû y avoir quelques petits coups de canif dans le contrat. Notamment au tout début de notre relation.

Lorsque nous étions dans cette zone grise précédant l’officialisation. A l’époque, les gars et toi meniez des vies de barreaux de chaises. Alcool, drogue, sexe et tout ce que peut bien comprendre la panoplie du parfait rockeur. A la fin d’un concert, vous aviez pour habitude de faire venir dans les loges, quelques groupies s’étant époumonées dans la fosse. Je ne serais donc pas étonnée d’apprendre, que tu te sois à l’occasion laissé tenter par quelques petits amuse-gueules. Tu étais loin d’être de bois, mon chéri. La pureté et la volupté des courbes de la gent féminine, était sans doute ta plus grande addiction. Rassure-toi mon amour, je ne t’en veux point. Je te pardonne tout tes écarts. Y compris tes errements, tes moments de faiblesse et tes sorties de route. Car je sais que j’étais la seule à avoir accès au carrée VIP qu’était ton cœur, et qu’aucune fille au monde n’aurait été en mesure de prendre ma place ou de m’en éjecter. Au cas où tu en douterais, sache que de la première à la dernière seconde : tu as été le seul. Et à vrai dire l’unique homme que je n’ai jamais aimé de toute ma vie. Jamais je n’aurais imaginé que tu ne sois plus là au midi de ma vie. Naïvement, j’ai cru que je pourrais te garder jusqu’au soir. Ou au crépuscule, dans le pire des cas.

Pour tout t’avouer, j’ai toujours cru que je serai celle qui s’éteindrait la première. Pas l’ombre d’un instant, je n’ai envisagé la vie sans toi. Hélas, c’est à présent devenu une nécessité. Une nécessité qui ce soir ne paraît plus aussi inconcevable qu’auparavant. Parce que j’ai en face de moi l’incarnation de la rage de vivre. Un chef-d’œuvre d’unicité nommé Chaï. Au moment où je pends la veste en jean sur le dossier minimaliste de l’assise sur laquelle je siège, sa mélodieuse voix de mêlé-cass énonce des mots qui me contristent et m’aigrissent évasivement. Mélancolique de la proximité que nous partagions jusqu’à il y a encore peu, mon buste raide et d’une trop grande verticalité s’avachit et fléchit dans sa direction. Réduisant ainsi piètrement le fossé physique s’étant creusé entre nous. Un hochement négatif de la tête qu’agrémente un sourire las mais attendri : « Il ne faut pas. Ce n’est pas cela qui corrigera le cours des choses. Et puis … tu en as déjà tellement fait pour moi, que tu n’as pas à être en plus navré ou désolé. ». Tu m’as sauvée. Tu m’as ramené à la vie. M’as offert la chance d’effacer mes erreurs et d’en faire de nouvelles. Tu t’es employé pour me garder en ce monde. Tout cela alors que strictement rien ne t’y obligeait.

Quelle genre de garce serais-je pour accepter, revendiquer ou exiger le fait que tu puisse avoir pitié de mon sort ? S’il y a bien une personne en droit de se contrefoutre de ce que je dois endurer, et qui n’a pas besoin de faire preuve de compassion : c’est incontestablement toi. Des kilomètres de témoignages de soutien, des pelletés d’encouragements, des strates de mots lénifiants, des cortèges de condoléances : je n’en ai pas manqué. Honnêtement, j’en ai été inondée et ai bien failli me noyer dedans. Il y a vraiment eu de tout. Des démonstrations sincères d’affection, ô combien précieuses et réconfortantes, de la part d’amis. Des déclarations inestimables, poignantes et touchantes de milliers d’anonymes qui ne nous connaissaient pas, et nous estimaient pourtant grandement. Des niaiseries hypocrites, écœurantes et nauséabondes de gens illustres de tout poil, surfant sur ton trépas pour faire le buzz, tirer la couverture à eux et se mettre dans la lumière. Sans oublier la tripotée de petits billets haineux affirmant « que je n’ai eu que ce que je méritais » ou que je pouvais à présent « retourner croupir dans ma rizière », pour ne citer que ceux-là. Je ne dis pas qu’un « je suis désolé pour vous », n’est d’aucune consolation.

Au contraire, les semaines et les mois ayant suivi ta disparition, c’était sans conteste le plus beau des cadeaux que l’on puisse m’offrir. À présent, les commisérations me désabusent quelque peu. J’ai légèrement avancé depuis, et ai dépassé le stade où le partage de ma peine m’aidait à remonter la pente. Que doit-on me souhaiter à présent ? Tout bêtement, le meilleur pour la suite. Un simple « bonne continuation » suffirait à égayer mon cœur et me redonner un certain allant. Un verre à demi-plein glisse sur le bois noueux criblés de rainures et stoppe sa course folle sous mon nez. En le relevant, le visage ébène finement buriné de Dwayne m’apparaît s’articulant de gauche à droite. L’air de dire que c’est tout sauf une bonne idée ou une solution, et que je n’aurai pas une goutte de plus. Soit. Chaï de son côté ne décroche plus du regard son breuvage ambré. Sans doute est-il mal à l’aise et gêné par le caractère singulier de la situation. En tout cas, il y a de quoi et on peut le comprendre. Peinant pour faire atterrir de nouveau ses deux joyaux de tourmaline sur moi, l’impérieux asiatique s’enquiert de savoir comment tu t’en es allé. Le zipo chante sur le noyer usé. Tantôt sur la base. Tantôt sur la tranche. La base. La tranche.

Puis, lorsque je mets un terme à cette harassante chansonnette, je rétorque d’une voix morgue et éteinte en secouant la tête : « C’est triste à dire mais … je crois que j’aurais préférée. Le braquage de la banque centrale, il y a neuf mois. Il faisait parti des otages. Quand … quand la police est intervenue et a ouvert le feu, ça a été le chaos. Plusieurs personnes ont essuyé des tirs de balles perdues. Heureusement, leurs blessures n’étaient pas d’une gravité absolue et ont très vite été prises en charge. Seulement … il n’a pas eu autant de chance que les autres. Quand les secours sont arrivés … c’était hélas déjà trop tard pour lui. La balle avait perforé l’aorte et … il baignait dans près de trois litres et demi de sang. ». Et moi épouse indigne que je suis, je n’étais même pas là les instants qui suivirent l’expiation de ton dernier soupir. J’étais retenue à plus de six-mille kilomètre de là, au Wiener Staatsoper de Vienne pour une représentation de « Norma ». à mon retour, mes bagages étaient alourdis par une petite layette achetée dans le quartier de Wieden et une heureuse nouvelle. Nous allions être trois. C’est du moins ce que je pensais, jusqu’à ce que ces deux policiers en uniforme m’accueillent avec un air grave. La suite il la connaît.

Tête basse, l’ongle de mon index suit les courbures du « M » et du « P » au style gothique, gravés sur le métal du Zipo. Le pouce ankylosé parvient à ouvrir le petit clapet. Bientôt, le voilà qui roule sur la pierre et fait jaillir la flamme. Une petite flamme qui vacille et menace à tout instant de mourir elle aussi. Elle danse, ondule, chaloupe au gré de l’air chargé de tabac froid et de vapeurs d’alcool. L’infime chaleur qu’elle dégage me fait regretter celle émanant du puissant corps de Chaï. Son image ondoie derrière l’aigrette jaune. Le regard fixe, l’obturateur se referme dans un geste plus leste. La main troque le briquet contre le verre devant moi. Une infâme lichette de Jager’ plus tard, je descends alors de mon perchoir et fonds telle un perdrix kamikaze sur le chasseur. De nouveau au plus près de lui, le chef ploie soudainement sous le poids de la confusion et du désarroi. Rattrapant alors le coup comme je peux, le dos prend alors appui sur le bois et la barre oxydée et naguère dorée du comptoir. Les coudes arrimés à son soumet, adoptant une pause de bad girl en total décalage avec la robe. De l’hésitation. Une petite oscillation de la tête. De nouveau l’hésitation. Finalement, et dans une lenteur à en faire pâlir une tortue, ma tempe et ma joue viennent à la rencontre de son trapèze saillant.

Ainsi blottie et nichée sur son épaule, mes amandes ardoises se perdent dans le vague avant de se poser sur un couple dissimulé dans l’ombre, non loin d’une sortie de secours. Les leds vertes du néon « EXIT » donnent à leur épiderme un aspect reptilien. Eux aussi explorent à tâtons l’anatomie de l’autre. Avec moins de langueur, de délicatesse et de souplesse que nous. Mais avec indéniablement plus d’impudeur et d’impudence. J’en fais des notes. Et un soupir. Un fin sourire zoïle éclot sur mes lèvres. « Une veuve ayant mis un terme à la vie qu’elle portait en se jetant du haut d’un escalier. Pas de doute, il doit y avoir plus excitant. Navrée que l’emballage ait été aussi attrayant, et la marchandise à ce point décevante. ». Petite chanteuse vient se briser en un éclat de rire. Un rire jaune. Comme moi. Un rire nerveux. S’il eut été un jour affriolent, ce corps de salamandre est aujourd’hui aussi glacé qu’une pierre tombale. Aucun homme ne pourra en retirer de la jouissance. Du dégoût et de la révulsion à la rigueur. Mon quart d’heure est passé. Celui d’autres malheureuses peut commencer. Comme cette jolie petite hispanique en mini-short moulant et débardeur émeraude attablée seule là-bas, et qui regarde l’homme me prêtant son épaule avec autant d’appétence qu’une chatte lorgnant sur un pot de crème. Elle a tout pour elle. Des formes généreuses, pulpeuses et plantureuses qui doivent rendre fous les hommes. A elle les rondeurs faisant chavirer les cœurs, à moi les longueurs qui les intimident. Jeunesse … . Ton quart d’heure s’éternisera ma jolie. Profite-en tant que le carrousel tourne encore. Quand il s’arrêtera … oh, tu le découvriras bien assez tôt.
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