mauvais regards (muse)

traits de caractère / t’es la mélancolique qui traverse le temps avec nostalgie, celle qui étreint la vie avec douceur en attendant que s’éteignent les jours. femme enfant à l’allure candide, requin du monde à la langue trop bien pendue. la verve hagarde, t’es dépassée par les combats que tu mènes. ceux des autres, ceux que tu assures sans assumer. t’es rayonnante à ta manière, tu traverses la vie avec les lèvres incurvées dans un sourire pittoresque. sensible à coeur ouvert. l’ambition comme seul bagage. tu parles trop pour les impatients mais trop polis pour le signaler, ils jouent les intéressés. tu ris, tu danses, tu vis avec une certaine exubérance, une passion pour l’argent. douceur incarnée d'une noté de pureté. fantasque enfant qui rêve trop grand. rusé renard aux connaissances par milliers, enfant des médias et héritière d'un passé belliqueux.

sneakers aux pieds pour l’accessibilité, un empire sous les semelles.
les yeux brillants sous l’émotion, les doigts tremblants sous la pression et vient le premier contact. l’amour d’une vie, l’union parfaite. la promesse de l’éternité. il est papa à sa façon, de la plus belle qu’il connaisse. il te rencontre, il admire vos traits communs et apprend à apprivoiser une nouvelle fois un autre rôle que celui de millionaire. fille à papa dés les premières secondes, unique ascendant qui a payé pour perpétuer sa lignée. les avantages sans les inconvénients. t’imagines encore ses iris embrumés par l’émotion alors que tu caresses la photo. il a l’air cool, serein et apaisé. t’imagines vos premières secondes au travers d’un cliché daté. il a pas changé, juste quelques rides qui se sont ajoutées et un charisme qui s’est affiné au fil des années. toujours aussi grandiloquent, tu reconnais son sourire. l’éblouissant qu’il ne réserve qu’à toi, son aimée et à ton frère, son adoré. t’as vécu votre première étreinte à travers les racontards indiscrets et souvent aussi au fil des images. tu l’as revécu tant de fois que les coins de la page sont cornés. premières secondes immortalisées, la fille à papa qui ne trouvait le repos qu’au creux de ses bras. la page d'à côté occupe les mêmes souvenirs. deux petits bras potelés qui serrent fermement un nouveau-né. un amour fraternel, un amour passionnel. un souvenir fidèle à ta mémoire. un minois toujours aussi parfait malgré les années passées, les difficultés encaissées. les années passent et la page se tourne.

éclat de rire, tendresse toute enfantine et famille improvisée.
tu la reconnais la française au second plan de la page suivante, tu te souviens vaguement de son accent chantant et de sa voix cassée. t'avais trois ans à peine, première d'une longue série. t'as en mémoire sa crinière brune qui caresse tes fossettes plusieurs mois durant avant de t’abandonner à l’étreinte de morphée. t’as le souvenir des éclats de rire de ton frère au rythme des chatouilles de la frenchie, des cabanes inventées pour échapper à l’absence du paternel adoré. et puis tu te rappelles des paroles de ton frère, les discussions suivantes sur les remplaçantes. de celles qui ont défilé dans les draps de votre unique parent, elle est restée l’ultime favorite. la seule à mériter sa place dans l’album familial. tu souris au souvenir de cet après-midi nuageuse et de l'enfance qui a défilé dans les bras d'inconnues passagères. tu es la seule femme à avoir conquis son coeur. la photo est tâchée, entachée d'une fin précipitée. jeanne a disparu pour laisser la place à claudia et aux suivantes. une valse à mille temps, une adolescence marquée par un défilé perpétuel dans les draps de papa. des passagères d'escale inconnues. et la page se tourne sur jeanne pour laisser la place à d'autres gazelles en recherche d'affection.

changement de cap, déception et rafales.
tu reconnais les sourires sur la page suivante et surtout ton absence. tu ne te souviens pas bien de ce jour-là, ni des précédents et encore moins des suivants. t'avais perdu le cap depuis un moment. rupture conventionnelle de contrat familial. l'absente sur papier glacé. t'as le cœur qui remue en hommage à la période maudite. tu ne te souviens plus du moment exact de la descente mais tu sais qu'elle a été amorcée bien avant ce cliché en technicolor. les fréquentations douteuses aux poches pleines de billets verts, le succès qui monte à la tête et la poudre qui comble un déficit d'attention. t'es tombée amoureuse, pas de celui qu'il fallait, mais de celui qui t'aimait. artiste maudit, musicien en pleine lumière. t'étais amoureuse et pleine d'avenir. premières erreurs, début de la fin. vous vous aimiez si forts que c'en était nocif. les débuts chaotiques d'une histoire désastreuse. t'as plus le déroulé exact en tête, t'étais trop souvent ailleurs pour te souvenir des détails. t'étais jolie et pleine pleine d'espoir mais trop souvent demandeuse alors t'as été dépassée par la réalité. poupée désarticulée couvée par l'aura paternelle, choyée par l'attention fraternelle. et puis il y a eu le monde, le vrai avec sa cruauté. plutôt défaitiste, t'as rapidement été happée par les démons de ta moitié. tu ne te souviens plus tellement de comment vous êtes tombés si bas mais tu te rappelles que tu l’as serré plus qu’à ton tour cette frêle silhouette bringuebalante au bout de cette corde, amant devenu fantôme. victime d’un présent trop criant, d’une réalité compliquée à gérer. témoin amorphe d’un système bien rôdé, il s'est laissé dépasser et il t'as abandonné, seule avec vos démons à affronter. t'as coulé un peu plus, serrant son corps inerte pendant de longues heures avant de te décider à l'abandonner et puis il est parti, définitivement au milieu des sirènes hurlantes et parmi les hyènes aux flashs crépitants. laissant la tourmentée dans votre nid entaché par ton absence trop présente. t'as perdu la conscience des réalités après l'avoir trouvé, l'avoir perdu. le compte des litres de larmes écoulées. tu t'es noyée et c'est toujours difficile à avaler alors tu t'es évadée, t'as abandonné votre cocon sali par son souvenir. t'as continué à plonger avant de finir repêchée. tu tournes la page, douloureux témoin d'un passé moins glorieux.

sourires et succès d'un avenir tout tracé.
la page suivante s'ouvre sur un éclat de rire. le premier d'une longue série, le retour à la vie. une carte de voeux datée à l'année passée. un retour aux sources pour la poupée évincée. tu caresses la vue derrière vous du bout de l'index, celle que tu savoures à chaque réveil sur tes buildings adorés. le décor est différent mais la composition familiale reste inchangée, les souvenirs se sont amassés et les rides se sont accumulées mais le lien reste immuable au gré des années. vous avez connu vos passages à vide et vos instants de silences mais vous avez toujours été plus forts que le bordel de la vie. vous êtes encore là après les épreuves affrontées, plus soudés qu'avant. ton frère t'as suivi à l'autre bout de la ville pour s'assurer que t'étais hors de danger, il a construit sa vie à ta portée. fidèle compagnon de route au sourire ravageur et aux conquêtes accumulées dans un hommage familial. ton père t'as laissé partir sous bonne escorte, s'est contenté de vous financer une nouvelle maison loin de celle qui vous a vu grandir, loin de celle qui t'avais vu trébucher. et tu t'es contentée de suivre les traces familiales en rédigeant pour les dirigeants du monde des discours utopistes dans lesquels tu as fini par t'oublier. des monologues sans fin pour des assoiffés de pouvoir, bien loin des considérations que tu prends plaisir à décortiquer. t'as suivi les pas de ton père en exerçant ton pouvoir dans l'ombre. et ton index caresse la mâchoire paternelle que tu prends encore plaisir à embrasser quand il vous fait le plaisir de débarquer. tu ne retiens pas ton sourire face aux possibilités du cliché, aux portes ouvertes et celles qu'il te reste à enfoncer.

et puis, la porte de ta chambre s'ouvre sur ton frère te sommant de te magner. l'album de souvenirs se referme sous la surprise, te rappelant que tu as un présent à écrire et des pages blanches à remplir.