Double trouble

Postée devant la porte, tu passes en revue les clés de ton trousseau à la recherche de celle qui te permettra d’ouvrir la porte de ton appartement. C’est la troisième que tu testes sans succès. Un soupir agacé s’échappe de tes lèvres au moment même où la porte de l’ascenseur s’ouvre au bout du couloir. « Tiens tiens tiens, Beverly Fawlkes daigne nous honorer de sa présence… » La voix railleuse de ta colocataire résonne dans le couloir. Son sourire moqueur chasse ta frustration et tu esquisses un sourire tandis que tes épaules s’affaissent. T’es soulagée de la voir arriver elle plutôt que tes parents. Tu t’imagines mal leur expliquer qu’après près de huit mois hors du foyer familial, tu n’es toujours pas en mesure de te rappeler quelle clé ouvre la porte du logement dont ils payent la moitié du loyer, simplement parce que tu n’y mets quasiment plus les pieds. « C’est la plus longue, celle de forme octogonale… Tu le saurais si t’avais dormis ici plus de… deux jours d’affilée ? » Elle sourit de plus belle et tu lèves les yeux au ciel même si tu te gardes bien de dire quoi que ce soit. Après tout, elle a raison. « Alors, qu’est ce qui t’amène ? Vous vous êtes séparés toi et… Comment il s’appelle déjà ? Cameron ? » - « C’est Camden, pas Cameron… » Tu la reprends tout en cherchant la fameuse clé sur ton trousseau que tu brandis finalement avec un sourire victorieux avant de la glisser dans la serrure. « Et non, on est pas séparés. Il est allé voir son frère et du coup j’en ai profité pour venir récupérer quelques affaires » - « Oh, tu veux dire que tu comptes emmener plus d’affaires chez lui ? Il te reste quoi ici, une petite culotte ? » Tu lui lance un nouveau regard faussement réprobateur et elle t’adresse un sourire avant de te tirer la langue tandis que vous faites quelques pas dans l’appartement. « T’exagère... » Tu jettes un œil à la grande pièce à vivre mais force est d’admettre que cet endroit n’est pas chez toi. Il ne t’es pas familier, ne te ressemble en rien. Tu t’y sens comme une parfaite étrangère alors qu’en réalité, tu payes toujours la moitié du loyer. Tu déposes ton sac sur la console près de la porte d’entrée et tu te diriges vers la cuisine d’un pas assuré à la recherche d’un verre d’eau. Pourtant, quand tu arrives devant les placards qui s’étendent au dessus du plan de travail, tu es bien incapable de savoir dans lequel les verres se trouvent. T’en ouvre un au hasard. Raté. Same player, shoot again. Tu tentes ta chance avec un autre placard quand Avery te rejoins. Appuyée contre l’encadrement de la porte, elle te juge clairement du regard, moqueuse. « Et donc, son frère, t’as fini par le rencontrer ? Il existe vraiment ? » Elle demande les bras croisés sous la poitrine. « Troisième porte à gauche, les verres… » Tu lui adresse un sourire de remerciement et t’empares d’un verre dans ledit placard que tu remplis d’eau au robinet. « Oui, il existe… Et non, je ne l’ai pas encore rencontré… Mais ça ne veut absolument rien dire… Après tout, ça ne fait que six mois… » T’ignore si c’est à elle que tu tentes de faire croire ce que tu es en train de dire ou si c’est toi-même que tu cherches à convaincre. Tous les mardis, Camden disparais pour aller voir son frère. Un frère dont il est suffisamment proche pour lui rendre visite chaque semaine, mais qu’il n’a pas encore jugé utile de te présenter… Toi aussi tu trouves ça étrange, mais tu n’oses pas aborder le sujet avec Camden. Tu lui fais confiance pour te présenter sa famille, du moins ce qu’il en reste, quand il se sentira prêt à le faire. « Et puis, il n’a pas rencontré mes frères lui non plus, ni mes parents… » - « Ca c’est normal, une fille ne peut pas présenter n’importe qui à ses parents, et puis…Tes parents sont tellement strictes que j’ai peur qu’ils finissent par me punir un jour moi aussi…Mais s’il est si proche de son frère… Franchement, je trouve ça bizarre. Si ça se trouve c’est un psychopathe… » Elle pouffe et même si tu souris toi aussi, ton sourire ne s’attarde pas sur tes lèvres. Sans doute parce que l’idée que le frère de ton petit ami puisse être un psychopathe n’a rien de vraiment rassurant…Si seulement tu savais…