les jours grisw/ @imra st-clairta vie n'était rien d'autre qu'un cauchemar, du passé jusqu'au présent. une suite d'épisodes horrifiques, psychologiquement abusifs, quotidiennement violents. t'étais le pantin d'un homme qui n'avait pas le talent d'un marionnettiste, d'un homme qui ne possédait plus rien. que des cadavres de bouteilles vides et éparses qu'il avait avalé trop vite et laissé trainer derrière lui. ses dernières compagnes en date, les seules à supporter encore sa présence oppressante. t'étais un vulgaire jouet déposé entre les mauvaises mains. un punching-ball sur lequel il se défoulait, de jour comme de nuit. quand la fièvre était trop forte, quand les voisins étaient trop bruyants, quand il pleuvait, quand l'alcool avait coulé à flot ou quand les souvenirs l'irritaient. si les causes variaient, la sentence était inchangée.
toi la victime, soumise aux trempes du coupable.
toi le martyr, acceptant le châtiment du bourreau.personne ne t'avait appris à vivre autrement enzo. à tel point que t'avais finit par croire que la normalité résidait dans ce traitement qu'il t'infligeait. pauvre minot qu'on naît, on ne se raccroche qu'à ce qu'on connaît. peut-être bien qu'il en avait profité. de ton manque de repères, de ta fragilité, de ta si grande capacité à encaisser sans rechigner. et quand ta punition était levée, tu te sentais enfin toi-même enzo. libre, prêt à soulever des montagnes, à te rebeller contre une autorité et un asservissement qui te rabaissait trop souvent. dans ces moments de profonde solitude, c'était toujours elle que tu retrouvais. sans l'appeler, tu savais où elle serait. quand elle savait, où tu serais. vous étiez deux êtres sensiblement différents, à la fois si ressemblants. à ses côtés, tu semblais dompter tes peurs. tu les bravais comme si tu n'avais plus aucune frayeur. imra ou la parenthèse enchantée face à tous tes malheurs.
sauf que tes angoisses te rattrapent toujours.
et la fuite se révèle être ton ultime secours.encapuchonné pour passer outre les caprices de la météo, tu t'aventures à la rencontre d'un passé que t'avais volontairement laissé t'échapper. un lointain souvenir empruntant ses traits à la sauvage imra. étonnamment, tu sembles maîtriser les secousses qui devraient t'habiter face au drame auquel tu prendrais bientôt part. sans doute est-ce l'impatience de la revoir qui étouffe les inquiétudes les plus enfouies. ou sont-ce les années passées qui t'ont appris à relativiser et à te délester du mauvais. jusqu'à croire qu'il serait plus facile aujourd'hui de composer avec sa présence et tout ce qu'elle engendrait. puisque de l'eau avait coulé sous les ponts, vous lavant de toutes vos erreurs et de vos incompréhensions.
c'est ce que tu te bornes à présumer pour ne pas avoir à la repousser.
c'est ce que t'as envie de présumer par simple désir de la retrouver.tu n'étais donc pas un mirage. tes épaules se haussent par habitude, tant tu ne sais plus ce que tu es autorisé à représenter dans les vies que tu as traversé. parce que tu ne restes jamais enzo. putain de courant d'air plus habile pour fuir que pour ressentir.
t'aurais préféré ? la question qui te grillera peut-être complètement t'échappe, quand le déluge qui s'abat sur vous ne semble pas même vous atteindre. plus tôt, t'as osé les mots au timbre supplique. ceux qui ne cadrent pas avec l'addition de tes actes de gamin.
ça y est, tu m'vois, non ? heureux ou déçu ? en vérité, tu te retrouves comme un con, incapable d'interpréter. ça fait du bien autant que ça fait du mal. te rappelant un temps où t'étais aussi soumis que libre.
ta présence a toujours été mon échappatoire. tu ne sais pas répondre clairement aux questions. tu vogues d'un côté puis de l'autre, à la merci des mots. tandis que tes mains s'enfoncent toujours plus dans le fond de tes poches. là où tu préfères les garder à l'abri, toi qui ne saurais quoi en faire. tu ne sais pas décoller tes billes sombres de ses traits que tu redécouvres, que tu réapprends.
moi aussi. moi aussi je voulais te voir… depuis un bail maintenant. j'voulais que tu reviennes de là où tu es parti sans rien m'dire. elle épargne le coeur pour le renverser soudainement. des uppercuts qui ne te blessent pas physiquement, mais qui cognent intérieurement. tant les blessures de l'âme seront toujours plus douloureuses que les hématomes sur le corps.
où t'étais enzo ? pourquoi tu m'as jamais écrit ? pourquoi c'est pas d'ta bouche que j'ai su que tu t'étais tiré ? cette fois, tes pupilles se dérobent. à la recherche d'un point d'appui, un secours que tu ne trouveras pas dans les parages.
t'es seul face à toi-même enzo.
seul face à imra, avec le poids de tes casseroles sur le dos.tu te raidis, ta carcasse trahissant pour toi la confusion interne, la répartie qui te manque.
parce que j'suis qu'un putain de lâche. et que j'aurais pas été capable d'assumer devant toi. ta confession est ainsi balancée à ses pieds. des confidences qui ne pourraient pas te paraître plus véridiques aujourd'hui. elle fut trop de choses pour toi imra. certaines que tu comprenais, d'autres que tu ne comprenais pas. et t'étais définitivement trop jeune pour vivre avec ça. pour digérer une affection qui te dépassait et qui faisait trembler les remparts si difficilement érigés.
on se serait dit quoi imra ? si vous vous étiez écrit.
pardon d'abord. d'être aussi con.
j'te mérite pas. au revoir, et à la prochaine fois.