feu régulier (silene)

la machination s'est enclenchée sans t'attendre. et toi, tu t'es retrouvé pris au piège d'un scénario à l'envergure qui te dépassait. il est loin le temps où tu faisais tes propres choix. où t'approuvais avant de désapprouver les parties contestables de la maîtresse du jeu. les cartes n'étaient plus entre tes mains terrence, elle avait pris seule les rênes de ton destin. si ton père était là, t'entendrais déjà son rire mesquin te perforer les tympans. il se gausserait de ta bêtise, de la demie-portion d'homme en lequel tu t'étais muté sous ses doigts. comme à un musicien, elle t'avait appris à suivre la partition, sans fausse note. s'était faîte maestro de ton futur télévisuel, de la symphonie qui te définirait. et peu importe ce qu'on s'acharnait à lui reprocher, elle avait fait de toi la tête d'affiche du programme. malgré tes coups de sang et tes débordements, ta place à l'écran n'avait jamais été menacée. tu lui devais tout, toi petit pantin soumis aux désirs de sa reine. tu t'es emparé du rôle dont on t'avait affublé. le bourreau des coeurs, le don juan pour lequel elles tomberont les unes après les autres. tu n'es pas mécontent de les savoir toutes à tes pieds, prêtes à succomber. la déception t'est plus criarde de ne pas avoir celle qui te fait fantasmer. quand tu étais encore ce pauvre gamin inconscient de sa situation et incapable de la mettre à profit, elle ne te lançait pas même un regard, là où toi tu ne voyais qu'elle. maintenant que tu t'es affirmé et que tu as acquis en prestance, tu n'aimes plus qu'on te résiste. les femmes ne se battent plus pour t'échapper, elles font la queue pour une heure au goût d'éternité. sauf que toi, c'est la sienne d'éternité que tu aimerais consommer. tes allusions se font nombreuses. tes invitations toutes aussi fiévreuses. mais silene y reste de marbre, titillant le loup en toi.
en cet instant t, tu sais que c'est à toi de commencer à jouer. à toi d'alimenter les failles pour y voir émerger les évidences. ton principal concurrent à la conquête du coeur de la belle candidate incendiaire s'est tiré une balle dans le pied. évincé à ton avantage. et tu ne t'es pas fait prier pour lui ravir la couronne. dénué de nuages, ton chemin à l'horizon se révélait sous les meilleurs hospices. bon petit soldat, t'as suivi le scénario à la lettre terrence, et baiser il y a eu. nouveau chapitre qui s'ouvre pour toi, devenu le candidat en couple. tu profites de l'aubaine, toi l'amoureux des femmes aux sentiments frivoles. tu te détaches de ta partenaire pour rejoindre les coulisses et le micro des confessions.
ce que tu n'avais pas prévu, c'était l'intrusion de silene sur ton parcours. la chef d'orchestre de ton récital, à la fois cause et conséquence de tes actes. c'est toi l'interview ? tu n'as aucune idée d'où tu vas mettre les pieds. encore moins des interrogations qui vont déferler sur toi. tu veux échanger sur mon histoire naissante silene ? pour t'entêter à me prouver par a + b combien tu y es indifférente. ça t'irriterait de ne pas la sentir concernée, autant que ça t'agacerait de l'entendre tiquer. coincé au milieu d'un bas-fond dont tu ne sais plus comment te dépêtrer. tu parais bien moins altier et sûr de toi dans ce contexte si singulier. on m'attend où ? tu te retiens de lui confier que tu n'as rien à dire sur celle dont les lèvres t'ont frôlé. tu te retiens de lui dire que tu préférerais être partout ailleurs plutôt qu'ici. tu n'as qu'une hâte terrence, répondre à leurs fichues questions et te tirer. les émotions sont inexistantes et tu détestes ce qu'on te force à faire. ce qu'elle te force à faire.

(@silene valenti )

et si rien qu'une fois les rôles étaient inversés ? et si pour la première fois tu étais celui qui décidait ?
la scène de ton spectacle quotidien te porte sur le système de plus en plus. tu t'ennuies terrence. quand tu les observes se quereller pour les besoins de l'audimat, quand tu les regardes papillonner pour attendrir les spectateurs. tu sais combien tout est pré-fabriqué dans ce genre de programme et t'as la sensation de servir une soupe populaire qui ne te correspond plus. ta mentalité semble dévier à mesure qu'elle te pousse à tricher silene. à prétendre tomber sous le charme d'une jeune femme qui d'ordinaire t'aurait sans doute plu le temps d'une soirée, mais qui dans cette dimension ne te faisait aucun effet. à moins que ce ne soit la présence à proximité de celle qui te faisait réellement vibrer. tu ne comprends pas à quel jeu elle joue. ni si elle s'obstine à t'éloigner par crainte de craquer, ou simplement à te faire comprendre d'une manière camouflée qu'elle n'est pas intéressée. tu ne saisis pas son langage codé et t'as envie qu'elle cesse de se cacher derrière la facilité. mieux encore, qu'elle te supplie de tout arrêter. c'est sur ce terrain-là que tu décides de t'engager terrence, par simple lubie de la bousculer. peut-être qu'elle y révèlera enfin ce qu'elle ressent vraiment et ce qui la fait vriller.
tu te satisfais de quitter les lieux même pour un court instant. tes yeux se poseront sur des visages différents et tes oreilles écouteront d'autres discours que cette vieille rengaine de vaisselle non faite. ce qui t'amuses moins en revanche, c'est de revenir sur ta relation naissante. ce lien qui n'existait même pas, ce lien qu'elle avait inventé de toutes pièces silene. et comme un clébard bien dressé, tu l'as exaucé sans rechigner. aujourd'hui, tu n'es plus aussi enclin à t'en extasier.
tu rejoins les locaux de la production sans savoir où l'on t'attendait. sans prévoir ce qu'on allait te demander. et c'est sa route que tu croises. comme lors de cette soirée où, à toi, elle s'était présentée. tu te forces à masquer les émotions qui t'étreignent, tu n'affiches que des traits blasés. tu rentres dans ton nouveau rôle. cet art qu'elle t'avait appris à maîtriser et qui, contre elle, allait se retourner. oui, c'est moi. un souci ? t'es pas dans ton meilleur jour terrence, et il semblerait qu'elle en soit ta parfaite copie. son ton ne ressemble en rien à celui qu'elle empruntait les autres fois. quand elle s'évertuait à manipuler les mots avec adresse pour te faire plier. un mouvement de recul à peine perceptible, un sourcil qui s'arque de surprise. c'est pas ce que j'ai dit. tu voulais juste qu'elle capte que tu n'avais pas la moindre envie d'être ici. pas pour les raisons invoquées en tout cas. tu peux t'asseoir juste ici. tu ne pipes pas une phrase supplémentaire, essayant de dominer la tigresse que tu sentais couver. il ne s'agissait que d'une question de timing et l'heure n'était pas encore au débordement de sentiments. tu rejoins le siège qu'elle t'avait désigné du regard en attendant la suite. elle n'est pas plus heureuse que toi de se trouver là silene. et l'illustration de vos deux visages fermés en serait presque attirante pour un public averti. tu te recules dans le fauteuil désormais tien et tu ne romps pas même une seconde le contact visuel. tu veux la pousser dans ses retranchements, la forcer à se révéler. t'offrant le luxe de caresser chaque tic d'expression de la sirène. pourquoi je suis là silene ? t'as trop attendu terrence et malheureusement pour elle, tu n'es pas d'humeur patiente. s'il fallait mettre les pieds dans le plat, tu serais le premier à t'y engager sans te retourner. tu veux savoir si je prends mon pied ? tu appuies sur toutes tes questions d'un mouvement de tête. lui signifiant que les interrogations ne s'adressaient qu'à elle puisqu'elle était l'unique à détenir les manettes de ton personnage inventé. toi et moi, on connaît déjà la réponse, non ? tu provoques, de ton aisance habituelle à mettre le feu au poudre. arrête de bluffer silene. arrête de te mentir à toi-même. et arrête de me forcer à mentir moi-même.

(@silene valenti )