le bleu de ses iris accroche le même azur de ces vagues qui s'agitent sans aucune cesse sur l'écran en veille du vieil ordinateur qu'elle n'éteint jamais.
cinq minutes se sont écoulées - dix peut-être.
et les paupières ne se rabattent pas. le regard suspendu ne quitte plus l'image animée jusqu'à ce qu'elle se demande, brynn, si elle avait même un sens. ce n'est que lorsque plus tard, son reflet s'impose sur le petit miroir de l'entrée habilement nettoyé par la manche en grosse maille de son pull qu'elle comprend ; tout fait toujours sens.
pour quelqu'un.
d'une façon.
quelque part.
il y avait dans la houle de ces vagues les vents et les tempêtes qui accompagnent ses colères quand plus rien n'épargne les maux et les faiblesses, piqués à vif par l'ignominie d'un trop bas monde.
il y avait dans la pureté de ces vagues toute la candeur qui rendait son esprit trop léger parfois et enrobait son coeur déjà naïf d'insensés espoirs, cotonneux et réconfortants.
il y avait dans l'écume de ces vagues tous ses souvenirs faussement oubliés, toujours pelotonnés pourtant au creux des bras presque maternels de cette triste mélancolie qui berce parfois ses blues quand vient la nuit.
et par dessus tout, il y avait dans leurs remous les hauts et les bas d'un
soi qu'elle ne partageait qu'avec elle -
o p a l e
la soeur et le reflet de l'autre côté du miroir.
elles étaient les mêmes - victimes des bonheurs démesurés et des rages abusives qui ne savaient les mener que trop près du précipice.
et parfois, elles tombent.
opale, cette fois-là, elle a trébuché un peu trop fort, un peu trop bas. et brynn, elle n'a pas tendu le bras. pas uniquement parce qu'elle n'a pas pu, mais aussi parce qu'elle n'a pas voulu. elle était trop fragile pour recevoir ses colères injustifiées, et elle ne savait plus encaisser ces cris qui résonnaient ensuite dans son crâne comme autant de mélodies assassines faites de fausses notes, d'octaves accusateurs, d'aigus insoutenables et de graves endolorissants.
et quand elle entend toquer à la porte, elle reconnaît déjà la mesure.
le geste est hésitant, mais elle ouvre pour découvrir le visage de celle qui faisait, dans sa vie, la pluie et le beau temps.
« je suis désolée… »ses yeux se plissent tandis qu'elle s'appuie machinalement contre le mur de l'entrée.
«
mh, bien sûr. »
hochement de tête singulier.
«
mais pour quelle partie de ce qui s'est passé exactement ? »
car la flamme n'était pas solitaire ; elle faisait naître dans son sillage des incendies de fureur qu'opale avait entretenus jusqu'à brûler son alter-ego.
et brynn, elle portait encore sur le coeur les cloques de la conflagration.