day and night. (w/joy)

Arthur esquive de justesse un crochet du droit avant d’envoyer un coup de poing direct dans le visage de son adversaire. Victoire par KO. Il a la lèvre en sang, le visage légèrement boursouflé. Y’a son coeur qui bat à cent à l’heure, l’adrénaline qui vit en lui. Il est en vie Arthur, il est en vie et il a besoin de ça pour se le rappeler. Il a besoin d’avoir peur, d’avoir mal, de faire tomber ses adversaire ou bien de tomber lui-même. Il attrape les billets qui lui reviennent, maigre compensation pour tout ce sang versé. Puis il s’en va, il disparait dans la nuit sombre. Il attrape son t-shirt blanc pour essuyer sa lèvre en sang, puis ses poings abîmés. Il se met en route pour son appartement, cette colocation qu’il occupe pour par soucis de moyens. Mais dans sa poche, y’a son portable qui vibre. C’est Joy. Elle a besoin de lui. Alors qu’importe la nuit, qu’importe le sang qui goutte encore. Joy, elle peut compter sur lui. À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Arthur presse le pas. Il sait pas ce qu’elle a, pourquoi elle a besoin qu’il soit là. Au fond de lui, y’a l’inquiétude qui commence à se faire sentir. Est-ce qu’elle va bien ? Est-ce que c’est sa mère ? Quoi que ce soit, quoi qu’il ait besoin, Arthur sera là. Et même si un jour elle avait un corps à cacher, il ferait ça pour elle. Parce que Joy est la soeur qu’il n’a jamais eue. Il la connait, sait lire ses émotions en un regard, a percé la carapace qu’elle s’est forgée pour se protéger. Elle est la seule à qui il parle à coeur ouvert, il est le seul devant lequel elle baisse sa garde. Il se rapproche, alors il commence à trottiner. Le temps semble s’étirer, lui qui aimerait seulement s’assurer qu’elle va bien. Dernier virage, le sang sur sa lèvre commence à sécher, celui sur ses poings aussi. Il grimpe les quelques marches, deux par deux, avant de se retrouver devant sa porte. Il frappe, deux coups seulement, les poings encore endoloris. Il reprend son souffle, doucement, en attendant qu’elle lui ouvre. Et lorsqu’elle apparait enfin, il laisse glisser son regard sur elle, comme pour s’assurer qu’elle est entière. « Tout va bien ? » Il voudrait lui offrir une étreinte, mais il sait bien qu’il est dégueulasse, son haut tâché de sang, sa gueule abîmée.

Pour elle, il traverserait des océans, franchirait des montagnes. En perdant Thelma, en perdant mamie, Arthur a tout perdu. Joy est tout ce qui lui reste. Elle est sa famille, celle qu’il aime, celle qu’il protège. Alors il a traversé la nuit, le visage en sang. Il a traversé la nuit pour la retrouver, pour s’assurer que tout allait bien. Le visage fatigué, elle est là. « Arthur… Merci d’être venu. Je… ça va, j’avais juste besoin de te voir. » Il laisse échapper un soupir, soulagé. Il imaginait le pire, Arthur. Qu’il lui était arrivé quelque chose, que sa mère allait mal. Il imaginait la perdre, parce qu’il perd toujours ceux qu’il aime. « Je suis là. » Il se veut rassurant, la voix basse, parce qu’il devine que Galatea doit dormir. « Arthur, putain… Tu vas bien ? Entre… » Il en avait presque oublié ses blessures, des blessures qu’il aurait aimé garder pour lui. Il sait combien Joy s’inquiète, combien elle ne supporte pas les combats qu’il mène clandestinement. Elle se glisse entre ses bras, Joy. Pas longtemps, juste une seconde. Juste assez pour le faire sourire. Il entre, doucement, silencieusement. « Tu as mal ? » Elle s’inquiète, il le voit dans ses yeux. Il ne sait pas comment lui dire que ce n’est rien, que la boxe, il en a besoin. C’est grâce à ça qu’il survit. C’est grâce à ça qu’il tient, qu’il s’accroche. La boxe est son défibrillateur. Elle le ramène à la vie. Chaque coup qu’il porte, il le porte à la mémoire de ses amours perdus. Et ceux qu’il reçoit, il les embrasse comme il embrasse la vie qui reste accrochée à ses baskets. Il hausse les épaules. « Je vais bien, ne t’en fais pas. » Il lui lance un léger sourire, avant de regarder ses poings abîmés. « Tu aurais dû voir l’autre. » Il essaie une plaisanterie, même s’il sait que Joy ne plaisante pas à ce sujet. Il finit par attraper sa main, plongeant son regard dans le sien. « Ça va cicatriser, ne t’inquiète pas. J’ai la peau dure. » Il sourit. « C’est pour toi que je suis venu, c’est à moi de m’occuper de toi. »

Arthur est en sang. Mais plus important encore, Arthur est en vie. Il y a les pulsations sur sa lèvre blessée qui le lui rappellent. Les pulsations de douleur, celles qui lui prouvent qu’il peut encore ressentir. Et s’il peut ressentir la douleur, il peut également ressentir tout le reste. Pas forcément aujourd’hui, ni même demain. Mais l’espoir est encore là. Même sans mamie, même sans Thelma. Et lui, il s’accroche à cet espoir. Il s’y accroche presque aussi fort qu’il s’accroche à Joy. Joy, l’éclat de lumière qui égaie ses journées. Joy, son rocher. La constante dont il a besoin. « C’est censé me rassurer ? » À son faible sourire, il acquiesce, souriant également. « Ne te fais pas de soucis pour moi, tu sais bien que j’ai survécu à bien pire qu’à quelques coups dans la gueule. » Et c’est vrai. Joy le sait, évidemment. Mais s’il est venu jusqu’à elle, ce n’est pas pour parler de lui. Il est venu pour elle. Pour l’écouter, l’épauler. Lui offrir tout ce qui lui reste. « Viens, viens t’asseoir. Tu veux quelque chose à boire ? » Il la suit jusqu’au salon, mais reste debout. « Non, toi, assieds-toi. Je vais nous chercher des bières, je connais la maison. » Il la connait même très bien. Parce qu’il l’aide régulièrement à faire les courses, à s’occuper de sa mère. Alors il se rend à la cuisine, décapsule deux bières et revient au salon. Il s’assied à côté de Joy, lui tendant une bouteille. « C’était… juste une dure journée. » Les lèvres d’Arthur se pincent. S’il avait su, il serait venu plus tôt. Il serait prêt à tout pour elle. Quitter son job, partir au bout du monde, faire dans l’illégalité. Et peut-être qu’un jour, grâce à elle, il arrêtera de boxer. « Raconte-moi. » Il sourit, comme pour lui donner un peu d’amour. Et il lève sa bière, à sa santé, avant d’en boire une gorgée. « Tu sais, j’ai des jours à poser. Si t’as besoin, qu’on se barre deux trois jours loin d’ici. »