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| Sujet: shameful company / ysée Ven 16 Oct - 13:37 |
| Le téléphone est vulgairement abandonné sur la table basse, entre le cendrier à moitié plein et le paquet de tabac à moitié vide. Vi le fixe un instant, deux, trois, comme si elle attendait de voir Ysée apparaître, de la sentir à quelques centimètres d’elle, d’entendre le son de sa voix, pas à travers un écran, mais bien là, là, physiquement, près, aussi près qu’elles ne l’ont jamais été. Un soupir s’échappe de ses lèvres et elle se redresse contre le dos du canapé, ses prunelles voyageant maintenant jusqu’au plafond de son appartement. Elle se concentre sur les fissures qui le parsèment, les défauts de peinture au-dessus de sa tête, la tâche d’humidité qui ne cesse de s’agrandir au niveau de sa kitchenette, tout ce qui peut faire dévier son esprit sur autre chose, sur un ailleurs, loin de cette peur paralysante de ne pas être assez et celle d’être abandonnée de nouveau, encore plus loin de cette solitude grandissante dans laquelle elle s’engouffre, encore, toujours, à jamais en asphyxie. Vixen se noie dans le silence, le cœur tambourinant pourtant bruyamment dans sa poitrine. Elle tente de contrôler sa respiration, de se battre contre l’angoisse qui ne fait que de s’accroître à l’intérieur. La panique est là, tout le temps, à la réveiller en pleine nuit, le corps trempé d’un mélange de sueur et de larmes, à la faire sursauter à chaque bruit, à chaque voix qui s’élève par-dessus les autres, chaque fois qu’elle entend les pas d’un individu derrière elle, à la submerger à chaque instant où ses pensées se posent sur Blaise, sur l’abandon qui crame le myocarde et fait dérailler la boîte crânienne, puis quand elle pense à Ysée aussi. Elle a le pouvoir, Ysée. Elle a le pouvoir de lui arracher le cœur de ses mains et de tout briser avec sa voix, juste sa voix, celle que Vixen pourrait écouter pendant des heures sans jamais s’en lasser. Et quand cette dernière y pense, c’est la première fois qu’elle accepte, sur une si longue période, de baisser les armes. C’est la première fois depuis que Blaise est arrivé dans sa vie, qu’il lui a offert un foyer et donné une identité, tout ça pour terminer par tout détruire d’un revers de la main, comme si ça n’avait jamais compté pour lui, qu’elle n’avait jamais eu d’importance à ses yeux. Cette seule pensée lui fait mal, atrocement mal, parce qu’il reste Blaise et que sa vie est à son image, que son être tout entier l’est aussi. Tu ne seras jamais rien sans moi, que son spectre lui répète d’une voix aussi tapageuse que le silence autour d’elle. Et parfois, souvent, Vixen y croit. Et parfois, souvent, c’est le visage dessinée d’Ysée qui lui rappelle sa valeur. C’est sa voix qui remplace celle de Blaise. Ce sont ses mots couchés sur le papier qui offrent un sens à sa vie maintenant qu’elle est seule, esseulée par ses propres actes. Alors Vixen s’y raccroche comme elle s’accrochait à Blaise, à l’image d’une personne sauvée de la noyade par une bouée de sauvetage, tout en attendant la chute qu’elle sait inévitable. Et cette chute, elle l’accepte. Elle accepte d’en souffrir en se donnant à Ysée, d’abord à travers un écran, puis dans des lettres qui laissent transparaître son identité, la vraie, pas celle modelée par celui qu’elle considérait presque comme son père. Et cette chute, elle la guette depuis le début et encore plus aujourd’hui, à moins de vingt-quatre heures de cette rencontre que Vi attend depuis plusieurs mois. Sa nuit est longue, presque douloureuse. Elle dort à peine, s’allume une clope à deux heures, termine son paquet de tabac et en entame un autre en seulement quelques heures. Vêtue d’un sweatshirt oversized, Vi observe le soleil se lever entre les immeubles du Queens, le vent venant fouetter son visage déjà rougi par la froide nuitée passée sur son balcon. Elle part travailler à huit heures, rentre chez elle à dix-huit heures et se prépare à l’arrivée d’Ysée. Tous ses vêtements lui paraissent laids, loin, trop loin d’être à la hauteur de cette dernière. Elle attrape un de ses plus beaux jeans et un pull en coton noir, se coiffe rapidement, tente de se faire un trait d’eyeliner, abandonne, puis s’essaye à cuisiner, abandonne aussi, se dit qu’elles pourront commander quelque chose, panique à l’idée que ça ne plaise pas à Ysée, s’allume une nouvelle cigarette pour décompresser, fait les cent pas dans son appartement, puis s’arrête finalement lorsqu’on termine par toquer à sa porte. Elle se mordille la lèvre inférieure, se regarde dans le miroir de l’entrée et se recoiffe un peu. Après avoir pris une grande et longue respiration, Vixen ouvre la porte. La vérité est qu’elle ne sait pas à quoi elle s’attendait, peut-être à voir Ysée partir en courant ou tomber nez à nez avec un homme qui se serait fait passer pour une femme de vingt-six ans et aurait poussé le vice jusqu’à trafiquer sa voix. Mais Ysée est là, juste devant ses yeux, à quelques mètres d’elle. Il y a son cœur qui manque un battement, deux, peut-être même trois. Elle est peut-être au sol, Vixen, et on peine à la réanimer. Ses doigts resserrent la poignée alors qu’elle se tient bêtement devant Ysée. Il lui faut quelques instants pour réagir et ouvrir un peu plus la porte. — Je t’en prie, entre, dit-elle d’une voix presque étouffée. Une fois toutes les deux à l’intérieur et la porte fermée, elles se retrouvent face à face, les yeux de l’une plongés dans ceux de l’autre. Le mutisme se glisse entre elles, presque brisé par le bruit de leurs deux cœurs battant contre leur cage thoracique. Vi ne sait pas quoi dire et pourtant, pourtant, elle a tant de choses à lui dire, tant de mots à lui glisser à l’oreille. Ça, ce n’est pas si différent qu’un appel téléphonique et ça ressemble pourtant à tout sauf à l'acte innocent de deux oreilles collées à un téléphone. Je — Je quoi ? J’sais pas c’que tu me fais. J’comprends pas ce pouvoir que t’as sur moi. J’crois bien que je t’aime. Ça me fait si plaisir de te voir, Ysée. |
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| Sujet: Re: shameful company / ysée Dim 25 Oct - 18:14 |
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tu n'as pas idée d'à quel point tu me manques aussi... trop essoufflée pour répondre, encore haletante de cette courte discussion, elle n'ajoute rien. c'est une impatience vibrante et impertinente qui résonne dans son corps, l’angoisse qui perle à ses lèvres et paralyse ses mots. elle aurait aimé ajouter un de ses je t'aime habituels, ces simples paroles provoquant en elle le fracas d'un orage. mais rien ne sortit. ysée avait rapidement pris goût à leurs appels devenus quotidiens. c'était un rituel qui s’est immiscé lentement dans sa vie jusqu’à devenir une habitude. c'était une voix sur laquelle elle avait appris à se reposer en l’écoutant rire, pleurer, voire rêvasser quand elle parlait d’aventures et de désillusions, de décisions, de toutes ces choses qui lui faisait peur. jour après jour, les nuances dans les tons de la voix qu'elle écoutait, avaient forgé une image de vixen dont elle estimait la rare bienveillance. elle balayait d'un éclat de voix ses larmes, leurs deux coeurs qu'elle imaginait battant à l'unisson, leurs respirations entrechoquées à l’autre bout du téléphone. « à demain. » qu’elle murmure au silence pesant s'engouffrant dans son corps. assise à même le sol, les jambes trop faibles pour la porter, elle songe, plusieurs fois, à saisir son téléphone pour y taper quelques mots d’excuses bancals et annuler une nouvelle fois leur rencontre – sans s’y résoudre. les rares rendez-vous avortés avaient été des absences provocatrices, forçant l’une à revenir vers l’autre, un jeu aussi surprenant que spontané, attestant toujours plus du lien les unissant. le secret d’une mécanique redondante mais singulière, ne faisant qu’accroître l’anxiété d’ysée. avec elle, avec vi, la sensation de n’avoir personne à ses côtés avait disparu.
le temps semble s’étirer face à ses appréhensions grandissantes et ce n'est qu'à la nuit mourante, qu'ysée trouve le sommeil dans la pâleur du matin. elle s’enfonce dans un sommeil léger dans lequel elle rêve. elle rêve de vixen et de ses traits illusoires. elle se tient droite et fière, l'avenir offert au creux de ses bras chauds tendus vers elle. réconfortants, ils sont l'appel d'une caresse. en s’y engouffrant, ysée tombe et perd pied. ses mots ne lui appartiennent plus - elle s’y noie emportée par la vague de maux troublants de vérités, esquissés par toutes ces confessions en rimes engagées. elle sombre avant de se réveiller en sursaut, moite d’angoisse, paralysée, l’envie de fuir loin du queens battante dans sa poitrine.
la journée file, les heures qui les séparent se transforment en minutes. happée par l’effroi vibrant en son coeur, elle glisse en silence devant son miroir, caressant secrètement l’espoir de se trouver jolie. ses yeux tombent sur une silhouette fanée, fatiguée par ses nuits agitées. elle a les lèvres gercées par la fumée inhalée et ses cheveux détachés encadrent de vilaines cernes violacées. ses joues qu’elle rosie par un rouge lui redonnent un peu d’épaisseur mais ne saurait effacer ses crises de larmes trop nombreuses. elle ne veut en faire trop, comme elle ne veut pas paraître trop peu. elle tangue entre l’envie d’être belle seulement pour vixen et l’envie de laisser transparaître ses imperfections, puisqu’après tout, c’est ainsi qu’elle la connaît vi, imparfaite. elle craint, quelque part, que son apparence pourrait déteindre sur tous ces mots qu’elle ne lui dirait pas. sur le langage irrépressible et muet de son corps face au sien. toutefois, elle ne sait pas, ysée, ce qu’elle attend de cette rencontre, de vixen. son amie. son amante. une relation amoureuse allégorique à demi-mots, tarie par l’envie inépuisable d’affection physique. un soutien débordant et feutré dans l’intimité d’une chambre. des paroles et promesses ne dépassant la réalité tangible de leurs deux vies parallèles. elle ne pouvait plus compter les fois où elle avait songé à chaque centimètres de son corps rencontrer le sien. un fantasme où de la pulpe de ses doigts, elle pourrait découvrir sa silhouette se mouvant par l’inquiétude. elle lui dessinait honteusement le contour de sa bouche, le galbe de sa poitrine, si bien que ses propres émotions lui paraissent étrangères.
dehors, des cris de joies la frôlent dans la rue. elle les interprète comme un signe évident que tout se passera bien. ses pas se font plus grands, réduisant chaque mètres qui la séparent de vixen. le désir de la découvrir la consume d'envie, supposant que trop rapidement elle sentirait son souffle dans son cou pendant que ses mains seront accrochées à ses cheveux. les derniers mètres sont lourds et longs, elle ne peut plus fuir. son ventre est noué par la simple appréhension de sa propre réaction. elle porte trois petits coups à sa porte, se voit courir en arrière mais le visage de vixen lui apparaît si soudainement qu’elle songe avoir rêvé éveillée. elle se balance de gauche à droite, le pas hésitant avant de franchir le seuil de son appartement. son monde paraît voler en éclat, ou bien se reconstruire doucement. elle a devant les yeux celle dont elle a imaginé nuits et jours le son du palpitant derrière sa poitrine. l’excitation brille au fond de ses iris. elle a tant à lui dire, et devine qu’elle également, mais si peu se risque de franchir la barrière des ses lèvres. ses yeux se dérobent aux siens trop intenses dans leurs espoirs et leurs attentes. elle tente de se focaliser sur sa voix qui chante à ses oreilles. elle est une explosion d’échos qui viennent siffler à ses oreilles – un chant et un cri à la fois « moi aussi vixen. ». le silence reprend le pas, lourd de leurs souvenirs brûlant. alors, elle tend la main et attrape la sienne. regarde leurs doigts, terrifiés mais entrelacés. ysée se fend d’un sourire sûrement trop ambigu pour une première rencontre, la peau parcourue de frissons visibles à l’oeil nu. « tu sais, je suis encore désolée pour hier, c'était certainement pour mieux te découvrir aujourd'hui. » sa gorge est sèche, sa respiration rapide. « t'es encore plus belle que dans mes pensées » et pourtant, la vi qu'elle avait dessiné dans son esprit était d'une beauté surréaliste, si bien que sa version chimérique paressait fade face à la vraie vixen. « pourtant j'ai l'impression qu'à tout moment tu vas m'échapper » le contact de sa main dans la sienne la calma, la ramenant à leur réalité. ysée se sent pleine et pourtant si confuse, perdue au confluent de ses relations, dévorée par la passion d'une liaison qu'elle pensait impossible. elle l'avait si souvent submergée qu'elle s'était transformée en un chagrin d'amour.
ysée se sentait si vulnérable. si fragile. mais elle avait enfin trouvé un point d’ancrage.
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| Sujet: Re: shameful company / ysée Mer 28 Oct - 18:22 |
| Il y en a eu d’autres, des cœurs fracassés contre le sien, des nuits à tanguer sur l’océan des amours imaginaires, à retenir son souffle sous la vague des sentiments déprédateurs, les doigts à la découverte de courbes encore inconnues, les lèvres nomades voyageant de contrées en contrées, des plus arides aux plus humides, goûtant à tout ce qui est offert par la désirée, la chérie, l’adorée, mais aucune âme n’a jamais complété la sienne avec tant d’exactitude, comme si celle d’Ysée était destinée à trouver la sienne à l’autre bout de ce pays ruiné par les caprices humains, peut-être même au-delà des mers et des océans qui recouvriront un jour la Terre entière. Son myocarde s’est souvent emballé sous les regards enflammés et les sourires timides, les mains satineuses et les langues expertes, toujours par désir ou tendresse, parfois les deux en même temps, jamais par Amour. Et elle se défend en disant qu’elle n’avait tout simplement pas la place d'aimer plus qu’elle n’aimait Blaise, son être tout entier trop occupé à lui plaire, à faire d'elle celle qu’il voulait, tout cela avec le naïf espoir qu'il resterait à ses côtés si elle se pliait à ses moindres désirs. La vérité est qu’il obscurcissait les plus belles nuits étoilées et annihilait d’un seul regard les chimères d’une autre vie, ailleurs, de bras autres que les siens autour d’elle. Vixen n'avait pas d’autre choix que de l’aimer, lui, seulement lui, de se contenter d’amantes cachées de la vue de tous par peur que sa poigne ne laisse les mêmes traces sur leur chair, de prétendre, à elle-même et au reste du monde, être uniquement capable de les désirer. C'est Ysée, ses doigts de fée dansant d’abord sur le clavier, puis sa plume caressant le papier, qui lui a appris que Blaise n’avait pas le monopole de son amour. Ysée et ses mots doux couchés aux cours d’échanges épistolaires, Ysée et ses lettres conservées par Vi depuis la première reçue à Portland, Ysée et sa voix à l’autre bout du fil, son rire, sa respiration, tout ce qui fait d’elle Ysée, son Ysée, sa moitié jusqu’alors jamais rencontrée qu’entre les lignes d’écrits dans lesquels Vi s’est réellement ouverte pour la première fois, glissant même le prénom d’Enis entre un je vais mieux et un que crois-tu que nous ferions, là, maintenant, si nous étions ensemble ? Vixen se l’est souvent posée, cette question, entre les murs austères d’appartements vides d’âme. Elle est tant de fois revenue lors de ses nuits d’insomnie, les traits d’Ysée remplaçant ceux de Blaise, la sensation imaginée de ses lèvres échouées sur les siennes et de son corps collé contre le sien venant effacer les marques décolorées de ses doigts à lui malmenant sa chair comme du papier. Comme ces papiers balancés à la corbeille à chaque rature, lorsque ses tournures de phrase ne lui plaisaient pas, qu’elle en disait trop ou pas assez, qu’un je t’aime caressait la page impudemment ou que le prénom de Blaise sortait du bout de sa plume. Le désir a maintes fois consumé son être, la laissant essoufflée et humide entre des draps froissés recouvrant à peine son corps nu, le myocarde compressé par la puissance de cette ardeur vite, trop vite peut-être, mêlée à cet amour aussi électrifiant que transcendant. Les mois se sont écoulés et avec eux le passé s’est réduit à un fantôme translucide, réveillé à la nuit tombée, mais toujours étouffé par la voix séraphique d’Ysée. Ça n’a pas tout de suite été une évidence, le pourquoi, le comment, la raison pour laquelle c’était sa voix, ses mots, ses lettres, son écriture cursive, jamais celles et ceux d’une autre. La réalisation a grondé comme un coup de tonnerre en plein milieu d’une douce journée d’été. Vixen s’est retrouvée piéger entre les croyances inculquées par Blaise et les battements incessants de son cœur. Pour la première fois depuis aussi longtemps qu’elle se souvienne, elle a choisi de s’écouter elle, pas lui, plus jamais lui. Elle a vogué autour du terme amour, effrayée à l’idée de faire fuir Ysée, certainement aussi de se faire fuir elle-même, et mis des mots bancals sur ces sentiments nouveaux, interdits, libérateurs et asservisseurs à la fois. Ysée a réciproqué, usant de cette douceur qui lui est propre. C’est ainsi qu’elles en sont arrivées là, à se questionner sur ce qu’elles pourraient être, si chacune avait le courage de rencontrer l’autre, à se dire que peut-être, peut-être que ce jour sera le bon, peut-être qu’elles arrêteront aujourd’hui de fuir, de retarder le moment où il faudra faire face à la réalité, de mettre en péril ce qu’elles ont construit par peur de ne pas être assez, d’être trop, tout à la fois, comme si leurs lettres n’étaient que des mensonges et que leurs appels ne reflétaient pas ce qu’elles sont individuellement. Nombreuses ont été les tentatives avortées et les excuses trouvées pour y échapper. Cependant, Vixen ne veut plus courir dans la direction opposée à cause de craintes infondées, d’angoisses hors de sa portée et d’incertitudes qui ne peuvent être éclairées qu’à force de discussion et de temps. Ce qu’elle veut, c’est Ysée. C’est l’aimer maladroitement, mais l’aimer quand même. C’est risquer de tout perdre, mais risquer de gagner davantage encore. C’est se donner une chance – à elle-même, à Ysée, à elles deux, ensemble, au-delà des écrits qui les a liées. Dans une autre réalité, la distance entre leurs deux corps aurait déjà été annihilée et leurs lèvres heurtées dans un baiser passionné. Ce n'est pourtant pas de cette manière que Vi se l’est imaginée, les prunelles fixées sur son plafond craquelé, seulement éclairé par les lumières artificielles new-yorkaises, parce qu’elles n’ont rien de ces couples préfabriqués que l’on peut voir à la télévision. Elles sont imparfaites, presque défectueuses. Leur histoire est incertaine et leur amour inusité. Vixen s’est représentée leur rencontre comme une copie conforme de ce qu’elles sont, ne souhaitant tout simplement pas autre chose. Les mots, pourtant maîtres de leurs échanges et rois de cette relation qui n’aurait pu jusqu’alors n’être qu’un conte écrit de ses doigts, sont comme étranglés au fond de sa gorge. Ysée est d’une beauté dépassant l’entendement, de celle qui ferait pleurer les Dieux et Déesses de l’Olympe. Sa simple présence la paralyse, clouant ses pieds au sol comme ceux du Christ sur la croix. Vixen est crucifiée par son affection gargantuesque, le myocarde gonflé au creux d’une poitrine qui le contient à peine, douloureux de la plus douce des manières. Les mots qui s’échappent de ses propres lèvres semblent venus de loin, de contrées où elle n’a encore jamais mis les pieds, d’une bouche étrangère et inconnue. Elle croit un instant avoir imaginée ces syllabes échappées, mais la voix d’Ysée lui répond et son être entier fond sous l’effervescence de ces sentiments qui s’évadent toujours avant qu’elle ne puisse mettre les mains dessus. — Moi aussi Vixen, qu’elle laisse glisser entre elles, à l’instar de ses doigts qui entrelacent les siens. Ce prénom s’est échappé des centaines des fois, murmuré à l’autre bout du fil, crachoté sous les interférences. Néanmoins, il ne lui a jamais paru aussi intense sortant de la bouche d’Ysée. Vixen ne sait pas s’il est la raison de ce frisson soudain, si puissant qu’il fait trembler le corps entier, ou si c’est ce contact inattendu mais désiré jusqu’au plus profond de son être. Ysée chante à son oreille des mots, des syllabes tant de fois couchées sur le papier, comme une mélodie qui transcende et transporte dans un autre monde, là où la nature est encore intouchée par la perversion des Hommes aux cœurs charbonnés. — Tu sais, je suis encore désolée pour hier, c’était certainement pour mieux te découvrir aujourd’hui. Un sourire s’étire sur ses lippes dont la couleur rappelle celle qui pigmente maintenant ses joues de marbre. Elle secoue doucement la tête, ses doigts serrant un peu plus leur emprise sur ceux de son interlocutrice. — Ne t’excuse pas. Ce n’était juste pas notre jour. Comme tous les autres ne l’étaient pas non plus. Oh Ysée, dis-moi qu’aujourd’hui est le bon, que tu ne glisseras pas d’entre mes doigts pour disparaître entre les corps pressés des rues new-yorkaises. Dis-moi que tu resteras ce soir, demain, tous les jours qui suivront. — T’es encore plus belle que dans mes pensées. Vixen y répond par un rire nerveux, si loin de l’image confiante qu’elle se donne depuis qu'elle en a l’âge. Il y a son pouls qui s’accélère et les battements de son cœur qui se font plus puissants dans sa cage thoracique. Elle est de nouveau cette gamine qu’on embrasse entre deux rondes de gardes, ses joues empourprées sous le trop-plein d’émotions qui prend possession de son être tout entier. Les syllabes se coincent à la frontière de ses lèvres. Ysée les évince sans difficulté. Pourtant j’ai l’impression qu’à tout moment tu vas m’échapper. Ses sourcils se froncent légèrement. Mais c’est toi, Ysée. C’est toi qui vas m’échapper. Vixen puise dans ses ressources, à la recherche d’un courage qu’elle prétend détenir face à toute épreuve, et lève les jointures de son amante à ses lippes, les embrassant l’une après l’autre. — J’suis là pour rester, Ysée. Son corps s’approche du sien, d’un pas, de deux, jusqu’à ce qu’elles soient si proches que le parfum d’Ysée emplisse ses narines et l’enveloppe jusqu’à ce qu’elle oublie où, quand, comment. Elle lâche l’une de ses mains pour remonter la sienne à sa joue, la caressant délicatement, ses prunelles à jamais plongées dans les siennes, dans l’impossibilité de les détourner. Est-ce que – Est-ce que c’est ok ? Qu’elle demande, ne souhaitant ni brusquer Ysée, ni faire quelque chose qui la gêne ou lui déplaise d’une manière ou d’une autre. Vixen veut qu’elle sache que ses limites seront respectées – et que jamais elle ne la blessera volontairement. |
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| Sujet: Re: shameful company / ysée Lun 9 Nov - 17:00 |
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elle s’était souvent demandée, ysée, si l’on pouvait tomber amoureux de mots. si leur force était suffisamment importante pour rivaliser avec de banales actions et oser s’abandonner totalement à une personne. deux fois, au cours de sa petite vie, elle s’était posée cette question avec plus de ferveur qu’il n’en faudrait. la première fois, c’était avant de rencontrer sonia. elle l’avait abreuvée de douceurs, de discours à faire tourner les têtes, dont les déclarations et autres promesses enjolivaient l’ombre aiguisée et fallacieuse de ce qu’elle était vraiment. alors elle s’était promis de ne jamais retomber sous le charmes de paroles hasardeuses, parce que les paroles n’étaient pour elle plus que du vent. elle s’en était alors remise aux histoires qu’elle écrivait. les seuls mots qu’elle s’autorisait, les seuls lui faisant sens. ainsi, ysée avait grandit sur internet. elle avait croisé de drôles d’individus par le biais de quelques lignes lues en diagonales, des timides maladifs, des opportunistes maladroits, des amazones du web dont l'audace lui faisait perdre la tête et la rendait envieuse. elle s’était abreuvée de cette passion virtuelle, jusqu’à se noyer tout entière dans cette réalité alternative. un monde qu’elle cherchait à façonner à son image, ne répondant qu’à ses propres lois sans qu’elle n'interagissent sur sa propre existence.
et puis il y a eu vixen. pour la seconde fois, ysée s’était reposée cette question. pouvait-elle tomber amoureuse de mots ? derrière ces lignes sacrifiées dans la nuit tardive, celles d'une sincérité brillante sur le fond noir de ses appréhensions, vi avait appris à connaître aimée, le double latent d’ysée à travers ses lignes désespérées recrachées sur un chat. un appel à l’aide qu’elle avait entendu pour le transformer en lettres griffonnées discrètement sur papier. puis vixen avait rencontré ysée. sa propre personnalité qu’elle gardait jusqu’alors pudiquement pour elle. elle ne l’avait jamais vu, et pourtant, elle s’était raccroché à ysée. à ses histoires et ses peines. elle lui contait des promesses auxquelles jamais elle ne voulait plus croire. jusqu’à ce qu’elle se retrouve devant elle.
ysée avait amassé leur relation dans un carnet. un manuscrit sanctuaire de leurs premiers balbutiements d’histoire jusque leurs interdits tacites brûlants. des voluptés caressant l’espoir intelligible d’une rencontre rythmée par les battements de leur coeur. elle aimait les imaginer grandes poétesses, main dans la main et coeurs rejetés sur papier. c’était un récit parmi tant d’autres, celles de leurs nombreuses lettres aux destinations hasardeuse: new york, louisiane, géorgie, attestant de leur passé commun par des mots inscrits précieusement sur le papier. des bribes d’histoires dont témoigne l’encre plus foncées à certains endroits. les mots parfois raturés, mélangés les uns aux autres par les larmes éplorées au-dessus de ces feuilles aujourd’hui cornées bien que trop précieuses aux yeux d’ysée. les courbes des lettres soigneusement tracées supposant des déclarations silencieuses mais tellement plus fortes. les mots de vixen étaient devenus son refuge, l’endroit où elle pouvait être elle-même. c’était l’essence de leur présence simultanée.
après avoir conjugué durant trop longtemps ses fantasmes naissants et inassouvis derrière les personnages de fictions à l’aura un brin érotique, elle en a passé des nuits, ysée, à se fracasser contre les corps d’inconnus. des soirées sauvages, improvisées au milieu de ces courbes callipyges. d’abord inexpérimentée, à ne pas comprendre ses propres sentiments contre sa peau, mais pleine d’envie — jusqu’à rechercher la présence de ses amis. c’est à leurs côtés qu’elle se sent le mieux, à l’ombre de tout jugement. à jouer avec l’équilibre des liens les rattachants dans un moment présent. elle titille les occasions du bout d’une langue affûtée mais audacieuse l’envie imperceptible mais presque interdite d’un autre chose parfois espéré ou compris en filigrane de leurs paroles. et elle ne se laisse approcher que très rarement, ysée, l’empreinte de son traumatisme enfoui trop présente sur son épiderme. ce sont ses mains qui prennent les initiatives volages, ses doigts qui offrent de fragiles invitations éphémères. face à elle, vixen l’éclabousse, de son sourire, de sa chaleur corporelle. la distance les séparant est électrique. elle la calcine par son intensité et le calme dont elle fait preuve, son corps si proche de celui ysée. l’envie dans son corps se fait grandissante ; elle rêve se jeter à ses lèvres et de couvrir son visage de baisers pour les parsemer contre son corps. mais ysée s’affole tout bas. elle redoute que plus rien de soit pareil après avoir parcouru son corps. elle craint qu’elle ne remarque, vixen, à quel point elle est abîmée derrière les sourires qu’elle grave sur son visage fatigué. lorsque la main de son amante attrape sa joue, ysée n’est qu’à peine consciente de sa propre existence face à ses grands yeux. elle est en feu, si bien que tout lui parvient à travers des yeux troubles. une perception floutée, et une respiration tremblante qu’elle ne sait maîtriser. J’suis là pour rester, Ysée. ses mots s’ancrent dans sa tête. elle les utilisera pour s’en nourrir plus tard lorsqu’elle se sentira affablée par son immense solitude. alors ysée, peux-tu tomber amoureuse de ses mots ?
le temps semble s’étendre un infini nouveau, aussi bref qu’une fraction de secondes. un battement de cil durant lequel elle a oublié de respirer, de reprendre de l’air. la mécanique vitale de son corps lui faisant défaut, cherchant à s’unir plus que tout à vixen. alors elle oublie, ysée. elle oublie tous ces flirts en cours, ces relations par intermittence, ces conversations en suspens pour s’offrir un instant de pérennité. « je pense que ça me plaît bien, oui. » qu’elle murmure d’un sourire timide et décidé, avant de glisser une de ses mains sur ses hanches, l’autre derrière son cou. tête à tête, leurs fronts désormais collés, ses yeux se ferment un moment, pour apprécier l’intensité de leur moment. elle savoure le mélange de leur souffles empli d’appréhension, quand le désir nouveau vint lui chatouiller l’estomac. elle hésite, ysée, avant de réouvrir les yeux et de l’embrasser pour la première fois, trop égoïste, peut-être, pour attendre l’approbation de vixen. il lui semble, qu’ensemble, elles glissèrent vers une petite éternité qu’elles créent de leurs doigts voyageurs se faisant plus pressants contre leurs corps. les secondes s’enchaînent à mesure que leurs coeurs tambourinent si fort que leurs mélodies accaparent l’esprit tout entier d’ysée. elle sent son ventre bouillonner d’une impatience libératrice. elle n’avait jamais cherché à se lier avec quelqu’un mais avec vixen, après ces longs mois d’attente et d’émois, elle était avide de son contact physique. elle voulait brûler sous ses mains fougueuses desquelles elle se languissait, d’un désir cultivé et entretenu par une ambiguïté où la frontière de leurs écarts se fait fine. une relation tolérante venant mêler d’autres sentiments appartenant à d’autres personnes. des sentiments leurs appartenant à présent.
elle prit le temps de se détacher de ses lèvres, reprit son souffle et chercha à rassembler maladroitement les morceaux de leur histoire commune avant de lui autoriser un regard. « je crois que j’ai envie de ça depuis plus longtemps que je me l’imagine. » la visage d’ysée révélait la timide victoire sur ses désirs martelant plus intensément encore son corps, comme si la tristesse qui se lisait naguère sur son visage n’avait été qu’un masque. elle voudrait s’autoriser à l’aimer à en perdre la tête. que la singularité de leur lien devienne leur force commune. qu’elles deviennent un nous. « tu es divine. » et cette fois, les mots sur papiers avaient laissés place à un je t’aime à sa manière.
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| Sujet: Re: shameful company / ysée |
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