passion and pain taste the same

@Bianca Rosen & @Côme Bennett

 

Les roues d’la bagnole qu’engloutissent les bandes blanches sur le bas-côté de la route, la vitesse en reflet de tes accès de rage. Un geste violent pour te débarrasser du cellulaire sur le siège passager, en pauvre type commandé par l’impuissance et les sentiments nerveux. Une main gantée dans le crime frotte ta mâchoire, les engeances irascibles, l’âme dépotoir. Des précautions requises pour retrouver ta noctambule favorite.
B i a n c a,
six lettres qui résorbent tes pires facettes, les cauchemars qui t’secouent éveillé.
Cette nana c’est comme un refuge abimé par ton désespoir, quelque chose de branlant qui tient bon juste pour t’y voir un peu plus claquer ta haine. Elle, elle a l’corps comme un abattoir. Laisse gésir les ossements d’tes mensonges comme des reliques dans une cathédrale. Sainte-patronne d’ta folie régulière.
Souvent, elle devient l’souvenir élimé, réfractaire, en des moments où t’oublies d’venir lui ronger le bois et marteler sa charpente fragile. Fichue princesse figée dans sa dentelle qu’t’as fait martyr. L’orgueil qui t’fait croire qu’t’es tortionnaire quand, vraiment, c’est toi l’martyr dans les bras de l’ondine.
Tu viens,
et tu l’encombres, cette spacieuse chapelle, ce refuge aux murs laiteux.
Entre vous, le pacte tacite de se retrouver seulement dans les maux violents. Je te roulerai dans ma douleur, en échange de quoi, tu ne réclameras guère ma pitié. Et tu te rappelleras, à l’occasion d’ce conciliabule démentiel, que t’es pas loin d’être tout ce qu’il y a de pire, lui jetant ses pilules à la gueule.
Pour l’heure, ton pied appuie sur le frein, le moteur et les phares s’éteignent, tu claques la porte au nez d’une ombre qui t’étouffe. Tu jettes un oeil à la fenêtre qui t’implore déjà, visse ta casquette sur le haut de ton crâne en guise de réponse. Les poings s’abattent lentement sur la porte, tu patientes comme tu peux, avec l’envie épouvantable de lui dévorer l’âme en même temps que la bouche.
La porte s’ouvre.
« Salut », tu lui dévores pas la bouche, tu t’contiens, t'tentes de faire comme si poupée n’était pas qu’un putain d’morceau d’chair.

(c) corvidae

@Bianca Rosen & @Côme Bennett

     
Côme est tout orné des liserés de sa rancœur. Un lierre qui s’échappe à l’intérieur, fructifié en ronces lorsqu’il se déploie perçant sa peau. Les tiges épineuses, souvent, traversent les voies de son gosier et le verbiage devient aussi vénéneux que des boutures d’Aconit. Économe en paroles pour lui interdire toute espèce de fuite, il n’exprime pas son ravissement de la voir aussi abîmée qu’il l’a laissée, intacte dans ses tourments et d’une beauté crevée, usée par chacun s’est entiché du velouté de peau. Il observe ce brin de fatigue qu’il perçoit dès qu’elle répond, comme il tire sur sa nuit afin qu’elle éponge de ses baisers faussement alanguis son infâme douleur de gamin maudit.

Il baroude avec flegme au milieu de l’appartement, a traversé l’âme de Bianca en même temps que le chambranle de sa porte d’entrée tout en éludant la première de ses questions. Elle ne rechigne pas parce qu’elle est la seule à savoir qu’il faut du temps à la rage pour se révéler sagement, dans les ébats langoureux qui sapent la volonté de toutes celles qui sont baisées sans être aimées. De plus, son quotidien ne s’arrêtait pas d’être mauvais, qu’importe les méfaits qu’il accomplissait de jour ou de nuit, l’existence ne se lassait pas du goût tiède et insipide de l’insignifiance. L’écoulement du temps, seulement, n’a pas d’effet sur la malédiction fratricide, elle la pénètre, la rend insoutenable.

Côme secoue la tête pour dire non à la boisson. Il attend sans se mouvoir que peut-être elle devine qu’il lui faille exercer sa magie, qu’elle démarre l’enchantement juste pour quelques comprimés salvateurs du moment. De ses prunelles translucides, il dévisage la jeune femme, l’assurance de l’ordinaire placardée sur le minois, les nerfs agités par la cruauté sous-jacente de la contemplation, mais cette incertitude scabreuse qui momifie. Et lui est désespérément attiré par cette attente qu’elle édifie sur son visage, ce silence des tentations qu’ils laissent ensemble suspendues jusqu’à n’en plus pouvoir. Avec une lenteur certaine, Côme s’approche de l’envoûtement. Doucement encore, il lui passe le pouce sur la joue, lui boit les lèvres du regard puis de sa propre bouche. Ça ne lui inspire pas d’horreur car il s’étanche de cette relation factice, que ça lui apaise un peu plus que le corps et l’égo. Il respire tranquillement au travers de ce baiser d’étrangers, la lippe à le parfum sucré des gourmandes et il y entrevoit l’appât qu’elle sert aux clients, fissurant la bulle qui a placé autour d’eux. Il se retire brutalement. “Déshabille-toi, on va sous la douche”, il n’attend pas qu’elle acquiesce, fait volte-face et commence à retirer un à un ses vêtements prenant le chemin de la salle de bain.

L’eau pleut dans le siphon, il tourne un dernier regard par-dessus son épaule pour s’assurer que Bianca est prête, elle aussi, à colmater les brèches. L'un après l'autre, ils se glissent sous la chaleur de l'eau et de la collision des peaux. "Toutes mes journées sont pourries, ne demande plus la prochaine fois", concède-t-il. De dos, il fait glisser son index le long de sa colonne vertébrale, remonte sur l'épaule puis s'arrête sur la nuque. La charogne consomme du regard cette silhouette des diables sans pouvoir se dire que c'est ce corps qui lui implore de venir, encore.

(c) corvidae