blurry lights (ashley)

elle se rappelait encore en détails de chaque seconde qui avaient précédé et suivit l'annonce de la nouvelle à son amie la plus proche. elle se rappelait encore du goût amer dans sa bouche quand le test de grossesse avait dévoilé au grand jour le pot-aux-roses. elle se rappelait encore de la boule qui s'était formé dans sa gorge et qui avait refusé de s'en extraire des jours durant, quand le ciel lui était tombé sur la tête. elle se rappelait encore de son coeur qui s'était serré trop fort quand la seule pensée qu'elle avait eu fût pour cosimo et leur vie gâchée. elle se rappelait encore le nombre de fois où elle s'était questionnée quant à savoir ce qu'elle avait fait pour en arriver là. elle se rappelait de l'avant, elle se rappelait de l'après, elle se rappelait de tout ainhoa.
ce n'était pourtant que bien plus tard qu'elle avait réfléchit intelligemment, qu'elle avait rassemblé ses idées jusqu'à accepter qu'elle n'était pas la seule personne impliquée dans l'équation. et c'était précisément à cet instant qu'elle avait décidé qu'elle devait en parler avec le principal intéressé. celui-là même dont elle ne savait rien, dont elle se remémorait tout juste les traits qu'elle n'avait pas tant pris le temps de détailler. cette nuit-là, elle avait l'esprit et le coeur moroses, ajoutés à ses neurones en pagaille qui avaient été bien secoués à l'aide d'un nombre conséquent de verres ingurgités. plus rien ne fonctionnait comme d'habitude, alors elle s'était contenté de laisser parler ses sens. l'erreur fatale qu'elle s'était désormais promise de ne plus réitérer pour ne pas laminer son existence et le fruit de ses efforts en à peine quelques heures. quand elle revoyait la scène à ce comptoir de bar, cet homme sur le tabouret juste à côté d'elle et ses manières de femme dévergondée, elle se faisait pitié ainhoa. elle se trouvait même plus que minable, parce que rien ne justifiait un tel comportement.
évidemment qu'elle avait vu son futur s'envoler en fumée quand il avait pris le large loin d'elle, mais elle aurait pu se contenter de souffrir en silence pour s'éviter le calvaire de ramener une vie supplémentaire dans ce désastre déjà quasi-irrécupérable. ce pourquoi elle pensait chaque jour et chaque nuit à cet enfant qu'elle portait. cet être qu'elle ne savait même pas encore comment considérer. puisque ses sentiments à son égard étaient pipés d'avance. les circonstances avaient joué en sa défaveur, pauvre petit foetus qui avait tiré les mauvaises cartes avant même sa mise au monde. quand elle se pose pour remettre les choses dans l'ordre, elle comprend très vite que ses options sont bien maigres, qu'elle a peut-être bien une chance sur mille de retomber sur cet inconnu un jour, que c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. elle en soupire d'avance, se torture l'esprit à la recherche de solutions sur lesquelles elle ne mettra jamais la main. et c'est pour cela qu'elle mise sur la seule porte qui s'ouvre à elle. la chance pour que ça fonctionne est plus que minime mais quand on n'a plus le choix, on fonce tête baissée, quitte à le regretter.
elle n'est pas très sûre de son effet quand elle se pointe à l'endroit exact où avait eu lieu le coeur de l'intrigue finale. quand elle reconnait le visage d'une des serveuses de ce soir-là, elle se dit qu'il se pourrait que les dieux soient de son côté finalement. mais ses espoirs se tirent bien vite quand la demoiselle ne semble pas du tout comprendre ce qu'elle essaie de lui dire, ni même se souvenir d'un homme qu'elle était incapable de décrire correctement. non sans la remercier, elle rejoint son tabouret, commande exactement le même cocktail, comme s'il pouvait avoir des vertus qui lui feraient remonter le temps.
plus elle y pense et plus elle se trouve ridicule d'attendre ainsi un miracle qui n'arrivera sûrement jamais. qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? que l'homme était du genre à se rendre dans le même bar, à la même heure, chaque soir de la semaine ? la vie des gens n'était pas millimétrée aussi parfaitement. elle allait devoir se faire une raison et admettre qu'elle était désormais seule à bord de ce bateau prêt à prendre l'eau. que le droit d'existence de cet embryon reposait uniquement sur ses épaules. et d'un seul coup, elle prit peur ainhoa. parce que ça devenait beaucoup trop réel, beaucoup trop pressant et beaucoup trop énorme pour les pensées ravagées qu'elle accumulait déjà.
elle était sur le point de faire demi-tour quand une ombre venant se placer sur un siège tout près la surprend. il ne lui adresse pas même un regard, il ne la voit sûrement pas. un verre lui est servi, en attendant sûrement de se remettre en chasse. stéréotype. ce genre de mecs qui ne cherchaient qu'à combler ses nuits de solitude. j'prends rien ce soir, elle affirme en repoussant ce liquide coloré qu'elle avait commandé plusieurs minutes plus tôt. un moyen de signifier qu'elle ne referait pas la même connerie deux fois, elle s'en voulait suffisamment pour toute une vie. alors j'en conclus que c'est une habitude plus qu'une erreur de parcours, elle siffle, tirant des conclusions au vue de la situation. pas que ça la touchait plus que ça, mais elle n'avait été qu'un nom de plus à ajouter à sa liste de conquêtes. tu en étais donc là ainhoa, quelle jolie évolution dans la vie. tu n'étais désormais plus qu'une femme parmi tant d'autres qui ne se respectait même plus assez pour choisir les bonnes personnes. triste constat.

des jours et des jours qu'elle retournait le problème dans tous les sens, qu'elle tentait de retarder l'échéance, de trouver une solution qui n'inclurait pas l'inconnu du bar. des jours et des jours à perdre son temps pour ne mettre le doigt sur aucune solution.
aucune qui ne l'arrangeait.
pas l'ombre d'une lueur dans un tunnel sombre.
à bas son envie cinglante de prendre à bras le corps la situation, pour en venir à bout sans éclabousser personne. sans y laisser un bout d'elle-même.
force était de constater que le karma ne lui voulait aucun bien. pas aujourd'hui, pas sur ce point.
alors elle part en croisade, contre elle-même. dans l'unique but d'offrir une chance à un embryon qui lui pesait, plus qu'il ne la comblait.
parce qu'il n'est rien de ce que tu voulais. rien de ce que tu attendais. il est ce poids en plus, à peser sur tes jours. à peser sur ta chance de réparer. de vous réparer. il est ce boulet constamment attaché à ta cheville, ce pauvre gosse même pas encore né. déjà indésiré.
le sol du bar qu'elle foule à nouveau, la boule au ventre. le coeur presque battant. à la rencontre de son destin ou de ce qui y ressemblait.
ses pensées positives semblaient anéanties quand s'ouvrit enfin un chemin. une route à emprunter vers elle-ne-savait-où, mais une route qu'elle se devait de fouler.
au moins pour savoir, au moins pour ne plus se le reprocher.
le verre d'alcool qu'elle repousse soudainement. comme si la vision de ce type lui rappelait les erreurs de cette nuit-là. une erreur qui lui avait déjà trop coûté. qui l'avait suffisamment écrasée, pour lui passer l'envie de recommencer.
et il est là, l'homme sans nom. comme avant, comme hier.
de cette même nonchalance, traversé des mêmes vices. copie conforme de celui contre lequel elle avait espérer se réchauffer pour oublier.
peine perdue. espoir déchu.
l'acidité lui pique si fort la langue qu'elle se sent forcée d'expier. ce qui sont pourtant ses propres péchés, mais qu'elle illusionne pouvoir, contre son imposante carcasse, se délester.
et j'en conclus que tu es l'une de ces erreurs de parcours... les propos piquent autant qu'elle envisageait de piquer. retour de flamme, pour celle qui s'imaginait au-dessus de ça. intouchable puisque, le pire, elle l'avait déjà touché du doigt.
sauf que t'as rien d'une amazone en armure à cet instant ainhoa. t'es recroquevillée sous le poids de tes échecs. de celui que tu porteras toute ta vie, si dieu le veut. s'il le veut. ou plutôt, si toi, tu le veux.
classe. très classe. les mouvements de tête miment le dégoût face à ses mots. face à la représentation qu'il fait d'elle-même. la désignant comme un vulgaire numéro de plus à rajouter à son tableau de chasse.
dans l'idée, la vérité était là. à ses pieds, aussi repoussante soit-elle. parce qu'elle avait succombé comme une pauvre brebis égarée. n'avait pas pesé le pour, négligeant totalement le contre. foutu cerveau fondu en mille morceaux, sous les assauts des liquides alcoolisés.
tu me rappelles ton prénom ? fais pas comme si ça t'intéressait. et épargne-moi le petit numéro de la dernière fois, ça n'marchera pas. une, mais pas deux fois.
t'avais trébuché. et au lieu de te ramasser, il t'avait achevé un peu plus. tu ne lui ferais plus la fleur de croire à ses inepties. t'avais retrouvé tes esprits. et avec, la ferme intention de ne plus te laisser piétiner par lui.
appelle-moi comme il te plaira, ça ira très bien. qu'il se fasse une raison immédiatement, parce qu'ils ne seront sûrement pas amené à se croiser davantage dans le temps.
dis-moi, ça porte toujours aussi bien ses fruits ton petit jeu ?
t'as conscience de te rabaisser au rang des trop naïves femmes se laissant manipuler par les guignols de sa trempe, mais t'as simplement besoin de comprendre. d'en savoir plus sur ces objectifs dans la vie. si c'est un type bien, enseveli sous une bonne couche de fard pour ne pas flancher face à quiconque. ou bien si c'était un abruti fini qui n'irait jamais plus loin que le bout de la rue. t'as besoin de réponses, avant de dévoiler tes propres vérités.

elle n'a aucune idée de ce dans quoi elle met les pieds ainhoa.
aucune idée de l'accueil qu'on lui réservera, des détails sordides dont on la bombardera.
ou elle aurait déjà reculé, se serait rendue compte combien son intervention auprès de lui était tout sauf une nécessité.
pourtant, elle est là. à diffuser un venin qu'elle mijote seule depuis des jours. qui n'existe que par ses propres erreurs, ses propres excès. elle lui en veut éperdument de ne pas l'avoir repoussée, de ne pas lui avoir offert une porte de sortie.
de toute évidence, il n'était qu'un profiteur, qui se délectait de la misère d'autrui. qui saisissait chaque opportunité pouvant lui rapporter. il s'était joué de celle qui n'avait plus les idées claires, et le procédé semblait être une détestable rengaine.
alors elle jette sur lui ses reproches, se déleste de tout son ressentiment quand elle était celle qui était à blâmer dans toute cette histoire. elle et son coeur en berne qui n'avaient su que répondre aux appels de l'alcool qui avait tout embrumé. le bon comme le mauvais. ne lui offrant plus qu'une dimension où plus rien n'avait d'existence réelle.
l'allure froide qu'elle tente de garder, la distance qu'elle tente de maintenir. pour espérer avoir un contrôle sur la situation. celui-là même qui lui avait échappé la fois dernière. et là où elle l'attaque, il ne prend qu'à moitié la peine de se défendre étrangement. comme s'il n'était pas touché par les propos qu'elle pouvait tenir à son égard. par les sous-entendus qu'elle ne masquait même.
t'es sûre d'avoir vu juste sur son compte. parce qu'il ne se donne même pas la peine de te contredire. comme s'il semblait satisfait d'être ce qu'il était. ce que toi, tu détestais pourtant dans sa personne.
son prénom, elle le garde pour elle. bien trop personnel pour une relation qui ne passerait sans doute jamais le stade d'une nuit. et qui pourtant allait la suivre tout le long de sa vie.
c'était pas le plan à l'origine. tout comme cette rupture qui lui était tombé dessus comme le ciel s'écraserait sur vous.
sans crier gare. sans même le voir venir.
depuis, elle nage dans les incompréhensions ainhoa. se débat avec des souvenirs, se mélangeant à des certitudes ayant tout assombri. dans sa tourmente, elle ne sait plus à qui se raccrocher, ni même à quoi. quand le seul en qui elle croyait avait décidé de l'abandonner.
d'accord. alors, tu veux boire quelque chose, laura ? reprendre ton souffle, avant de m'incendier un peu plus ?
et il se permet d'en rajouter. de l'huile sur le feu. auprès de celle qui fulminait déjà.
en prime, il l'affuble d'un prénom totalement hideux. ou peut-être qu'elle pense uniquement parce qu'elle refuse d'être interpellée par lui. quoiqu'il en soit, si elle devait avoir une fille, jamais elle ne la nommerais ainsi.
non rien. je n'ai pas envie de recommencer à m'sentir planer. pas loin de croire que c'était lui qui l'avait délibérément mise dans cet état. que c'était peut-être même lui qui avait glissé ce qu'elle ne savait pas, dans sa boisson. un procédé assez répandu de nos jours.
écoute, laura. ça t'plaît, laura ? j'sais que c'est probablement pas ton prénom. mais, comme je t'ai dis tout à l'heure, je m'en souviens pas ! ce serait plus simple si t'acceptais d'me rafraîchir la mémoire, non ? sinon, c'est pas si mal, laura. ça t'vas même plutôt bien, d’ailleurs !
elle lève les yeux au ciel, entendant qu'il ne s'arrête pas. qu'il parle sans discontinuer de choses et d'autres, de détails insignifiants qui ne l'intéressent même pas. et plus que tout, il répète inlassablement ce prénom qui l'irrite. ça lui déplaît parce que ce n'est pas le sien et qu'elle n'aime pas se faire appeler autrement finalement.
bon, appelle-moi ainhoa, parce que c'est plus que je n'peux en supporter. elle lâche en soupirant.
le plus triste, c'est qu'elle a capitulé. et que dans un certain sens, il a gagné. il a joué avec ses nerfs, sans s'arrêter et elle a finit par flancher.
l'art et la maîtrise de mener son monde.
la patience est effritée depuis déjà de longues minutes. ce n'est que d'une oreille distraite qu'elle s'emploie à percevoir les sons pouvant sortir de sa bouche. pas loin de se demander si venir lui parler n'avait pas été une pire erreur que celle de coucher avec lui.
l'addition est salée pour la kiné.
mon petit jeu ? d'abord, c'est pas que ça m'intéresse pas, c'est juste que j'ai pas d'mémoire. j'parie que tu ne te souviens pas non plus du mien et que tout comme moi, ça t'embête pas plus que ça ! ensuite, je sais pas ce qu'tu veux, mais, moi, j'ai pas envie de sérieux. c'est pas pour moi. j'sais pas si t'as cru que ce serait différent, que j'te trouverais extraordinaire au point d'avoir soudainement envie d'te rappeler, alors que j't'avais bien précisé que ce serait qu'une nuit. possiblement la meilleure d'ta vie, mais, la seule !
elle s'est perdue en route ainhoa. au beau milieu d'une tirade qu'elle n'attendait pas et qu'elle ne demandait même pas. le regard qui volait ici et là, se replace enfin sur son interlocuteur.
oh j'suis désolée. c'était sans doute très intéressant, important et encore un tas d'autres adjectifs censés gonfler ton égo déjà surdimensionné, mais j'ai perdu le fil avant que tu termines.
un haussement d'épaules.
pardon. elle glisse, mimant une moue gênée quand elle ne l'était pas.
qu'est-ce que t'as cru ? que j'étais tombé amoureuse ?
ce type se portait vraiment beaucoup trop d'importance. et ça avait le don de l'exaspérer. ce n'était pas une histoire digne d'un conte de fées qu'elle était venue chercher. la sienne avait déjà pris l'eau. elle voulait seulement un père pour l'embryon qui se développait en elle. et ce qu'elle apercevait de cet homme lui passait l'envie de le mêler à ce pan de sa vie.
c'est vrai que t'es une très belle femme, que la nuit a été très agréable. et si j'prenais le temps d'te connaître, j'me dirais sans doute qu't'es géniale, sauf que, j'en ai pas envie... j'vais pas m'en excuser, parce que j't'ai rien promis... mais, j'peux t'offrir un verre, par contre.
elle hoche la tête aux propos qui l'irritent plus qu'ils ne la touchent. des compliments de sa part était bien la dernière chose dont elle avait besoin.
je déteste la flatterie. et non, je n'veux toujours pas d'un verre. elle insiste, espérant qu'il comprenne qu'elle avait déjà donné. dis-moi plutôt, t'as une femme ? des enfants ?
plutôt célibataire aguerri qui se noie dans les relations d'un soir et dans les whiskey ou homme l'alliance au doigt qui s’adonnait à des plaisirs coupables dans le dos de son épouse ?
les paris étaient ouverts. ne serait-ce que pour comprendre si elle avait pêché le plus gros poisson de l'océan, en une nuit de débauche isolée.