enfants de la nuit. (aodh)

insolence qui coule dans le flot de ses veines satisfaites. sourire mutin figé sur ses lèvres quand elle disparait dans la pénombre des coulisses, là où les clients ignorent tout de ce qu'il se passe. le voile de la poupée brune se volatilise à l'instant où sa silhouette n'est plus qu'un doux songe pour les hommes épris d'un fantôme. la noirceur revient hanter son esprit tourmenté, le sourire n'est plus qu'un artifice qui lui sert seulement à s'approprier les personnes qu'elle croise, toujours un peu plus. fauve elle a cette soif de pouvoir qui la rend malsaine. ce n'est pas une bonne personne, pas un monstre non plus. trop complexe pour intégrer une quelconque case. succube s'étouffant avec ses propres vices. l'air du club vient lui donner la nausée maintenant que le rideau est baissé. sa tenue de strip-teaseuse tombe pour laisser place à des habits de civile. encore une fois, elle passera quasiment inaperçue à l'extérieur. cancéreuse entre ses doigts qui tremblent sous la tension accumulée, elle trouve son unique réconfort dans l'appartement qui lui sert de grotte quand le besoin de faire oublier son nom se fait ressentir. giulia. fauve. il y a de ces soirs où la frontière est perceptible, trop tangible pour le myocarde tailladé. en quelques secondes, un message est envoyé à l'une des rares personnes capables de supporter la tension qui s'agglutine dangereusement. les doigts glissent à la recherche de sa bouteille de grappa, unique souvenir d'une italie reniée. trois verres suffisent à lui brouiller l'esprit, le corps et le coeur. fauve reprend possession de ses moyens, elle est assez bien pour se le permettre sans pour autant que son état ne tourne au ridicule. l'horloge du salon pointe sur la troisième heure nocturne, une habitude pour une noctambule comme elle. le chemin qu'elle emprunte est connu, presque autant que celui du closer. plus le rythme de sa démarche augmente, plus ses émotions se brouillent, bientôt c'est la migraine qui s'invite dans son cerveau embrumé. les portes de l'immeuble ne sont qu'un obstacle simpliste pour la danseuse étoile ratée. troisième étage, seconde porte à droite et la voilà propriétaire en des lieux qui ne lui appartiennent pas. pourtant elle le considère régulièrement comme son gîte, son refuge de secours quand les démons frappent en menaçant de sortir. ce repère qui lui a servi de planque après l'inévitable, à la mort de giulia. « aodh ! » grognement dans le salon vide de toute présence, comme s'il ne restait qu'un fantôme. le mcgrath a le sommeil aussi difficile que celui de fauve, mais pour une fois l'un des deux a gagné la bataille. quelques pas de l'intruse, la porte de la chambre s'ouvre sur un aodh roupillant dans les doux bras de morphée. la brune lève ses iris exaspérés vers le plafond avant de prendre possession du côté du lit libre pour s'assoir en tailleur, ne manquant pas au passage de bousculer l'endormi. « ça te dérangerai de répondre aux messages ? » marmonnement assez fort pour chercher la petite bête. plaisir malsain quand elle voit des traits se déformer sous la colère. fauve elle refuse d'elle seule entre deux états. elle a autant envie de mourir que de vivre. autant envie d'aimer que d'haïr. bataille continuelle entre un calme vain et une tempête grondante.

Un calme étrange semblait s’être emparé de l’appartement du plus jeune des McGrath. Un fait inhabituel pour n’importe quelle connaissance du garçon, bien trop connu pour ses insomnies de plus en plus régulières et ses sorties jusqu’au petit matin. Pourtant, rien ne semblait perturber la quiétude du jeune homme plongé dans un sommeil profond. Morphée veillait sur lui. Les jours où Aodh dormait plus de trois heures d’affilée se comptaient sur les doigts d’une main, en ce moment. La faute à des pensées envahissantes et des évènements compliqués à gérer. Les secrets pourrissaient sa famille depuis toujours, gangrenaient son cœur et l’amour qu’il portait à ses frères. Bordel innommable dont il ne disait rien, évitant de se confier à quiconque, préférant brûler la vie par les deux bouts jusqu’à épuisement comme aujourd’hui. Comme cette nuit alors que les étoiles brillaient dans le ciel et que d’autres accumulaient les nuits blanches dans l’euphorie générale. Les heures se succédaient sans qu’Aodh ne se réveille jusqu’à que des bruits étranges viennent briser le silence nocturne. Pas gracieux digne d’une danseuse étoile, digne d’une personne habituée à la discrétion et à l’agilité, digne de la locataire irrégulière des lieux. La jeune femme prit place à côté de celui à qui elle devait sa disparition et son retour sous une nouvelle identité, secret qu’ils partageait et qu’ils comptaient bien garder jusqu’à la tombe. Belle enfant décidée à tirer le McGrath de son sommeil désiré. Sa question vint vriller les tympans d’Aodh qui se réveilla brutalement. Il se retourna presque aussitôt pour faire face à Fauve. « Putain, Fauve… » Il ferma les yeux avant de les rouvrir et lâcha un long soupir, sentant le mal de tête poindre. A cet instant, il haïssait l’intruse. « C’était trop dur de me laisser tranquille pour une fois ? Personne d’autre à faire chier ? » Elle le savait insomniaque, pourtant. Ils étaient tous les deux victimes de ce mal qui pouvait rendre fou. A peine réveillé et l’irritation se peignait déjà sur ses traits. Aodh ne se demandait même pas pourquoi la Strozzi s’était déplacé jusqu’ici. Il cherchait à se calmer avant tout. Les explications viendraient plus tard. Sans un mot, il la délaissa, se déplaçant jusqu’à la salle de bains pour s’y enfermer à double tour. Il n’était d’humeur pour rien du tout, hormis assassiner ou blesser quelqu’un peut-être. Un inconnu, un abruti… Une chose est sûre, il n’exploserait pas devant Fauve. Jamais il ne s’en prendrait violemment à elle, il laissait ça à des psychopathes, des gens à qui il manquait de sérieuses cases. Le genre de taré bon à enfermer et à ne jamais laisser voir le ciel à nouveau. Aodh revint quelques secondes plus tard, ses yeux foudroyant du regard l’invitée surprise qui semblait jubiler. « Alors, dis-moi, il se passe quelque chose ou t’es juste venu pour pourrir ma nuit ? » Il ouvrit la fenêtre, laissant l’air frais rentrer dans la pièce, et s’alluma une cigarette. Tant pis si Fauve gelait sur place, c’était le cadet de ses soucis à l’instant. Peut-être que bien plus tard, il se reprendrait mais, pour le moment, son seul désir, c’était de voir l’emmerdeuse qui lui faisait face disparaître comme elle le faisait si bien. Encore une de ses manies qui l’exaspérait personnellement.