La manipulation est un art . Cassey

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{ snake charmer }
crédit/ tumblr ☆ w/@Luis Santiago

Instant de flottement, dont elle profite, après l’effervescence. Il y a peu de monde à la boutique à cette heure avancée. L’ébullition a eu lieu l’heure précédente, lorsque la plupart de ses clients sont sortis du travail. Ceux qui se promènent simplement entre les rayons, puis ceux qui ne sont pas là par hasard. Elle a fait quelques bonnes affaires, Cassey, mais de manière générale, la journée a été plutôt calme. Elle n’a pourtant pas eu le temps de beaucoup s’ennuyer, entre l’acquisition de nouveaux objets d’art et sa comptabilité. C’est bien ce qui lui prend le plus de temps, sa comptabilité. C’est ce à quoi, justement, elle est en train de s’affairer. Mais elle a l’esprit ailleurs, comme souvent, un brin trop rêveur. Elle pense à sa fille qui ne sera pas à la maison ce soir. Elle s’inquiète pour elle, indéniablement, depuis qu’elle est au courant de l’existence de cette femme dans la vie d’Arya. Seulement elle s’efforce de ne pas trop y penser, comme souvent en réalité. C’est un peu son mécanisme de défense, à la jolie blonde. Elle fait tout pour repousser tout ce qui peut la préoccuper. Tout ce qui ne pourrait que trop bien la hanter. C’est facile, en journée, lorsqu’elle a l’esprit accaparé. C’est facile, aussi, quand elle décide de sortir, se vider la tête, jusqu’au bout de la nuit. Mais c’est plus compliqué lorsqu’elle se retrouve devant ce qu’elle déteste le plus au monde, sa comptabilité. Nouveau soupir qui s’échappe de ses lèvres, la jeune femme passe distraitement la main dans sa longue chevelure dorée avant de se forcer à s’y remettre. Et cela aurait pu continuer encore longtemps comme ça. Jusqu’à ce que vienne l’instant de fermer la boutique et, par miracle, celui de remettre ce moment à plus tard. Mais ce n’est pas l’heure avancée qui vient la sauver, c’est la voix de cet inconnu qui vient la sortir de ses pensées. Encore dos à lui, l’antiquaire ne s’y attend pas, quelque peu prise au dépourvu, elle sursaute à peine. Les restes certains des angoisses pas si lointaines. Les souvenirs évacués, ceux qu’elle n’arrive pourtant pas à oublier, ils reviennent trop vite la submerger. – Bonjour. En personne. le salue-t-elle à peine retournée vers lui, de sa voix courtoise, le temps de reprendre contenance. Et puis de reprendre, le sourire plus enjôleur devant l’homme tout en prestance. – Ou bien dans le cas contraire, je crois qu’elle m’a gentiment laissé les clés. ajoute-t-elle, tout en légèreté, de cette insouciance qui sait si facilement charmer. Charmer, c’est un peu son métier. Elle doit promettre un peu de rêve à ses clients pour mieux leur vendre tout ce qu’elle souhaiterait. Un peu, finalement, comme son deuxième travail, celui dont elle est beaucoup moins fière. Mais elle n’a pas besoin de forcer beaucoup, Cassey, elle aime trop jouer. Elle aime trop envoûter, les hommes, pourtant si facile elle-même à faire chavirer.

Et tu ne sais pas, qu’il s’est déjà renseigné sur toi,
tu ne sais pas ce qu’il commence déjà à entrevoir,
tu ne sais pas que tu te plonges déjà dans de beaux draps.

La jeune femme est loin de se douter de toutes les pensées qui ont bien pu accaparer celui qu’elle considère déjà comme un client potentiel. D’autant plus que ses prunelles bleutées ne voient que le charme qui lui est présenté. L’homme qui se tient en face d’elle a tout pour plaire à toute personne normalement constituée. Il est beau, grand, élégant. Peut-être même un peu trop pour celle qui préfère ceux aux allures de mauvais garçons. Elle n’a aucune idée, cela dit, de celui qu’il est derrière les faux-semblants. Sa tête penchée sur le côté, la belle le contemple avec plus ou moins de discrétion. Il a la voix grave, suave. L’allure ténébreuse malgré le sourire qu’il affiche sur le coin de ses lèvres. Il doit en intimider plus d’une mais, Cassey, elle n’est pas de celles que l’on peut intimider. – En quoi puis-je vous aider ? demande-t-elle enfin, de sa voix d’antiquaire, professionnelle et à la fois sensuelle. Elle est prête à lui donner le conseil qu’il attend peut-être. À moins qu’il ne veuille simplement une information, une indication sur toutes les merveilles qui peuvent bien les entourer.

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crédit/ tumblr ☆ w/@Luis Santiago

L’esprit en permanence sur le qui-vive, c’est naturellement qu’elle sursaute, sans doute un brin trop fébrile. Elle n’est pas aussi facile à effrayer, d’ordinaire, elle est même de celles qui n’ont peur de rien. Mais tout ce qui lui est arrivé ces derniers mois, la situation périlleuse dans laquelle elle s’est retrouvée, tout cela l’a quelque peu changée. Même si elle refuse pourtant, Cassey, de se l’avouer. Devant le bel étranger qui l’a fait sursauter, l’antiquaire reprend facilement contenance alors qu’il est déjà en train de s’excuser. L’air rassurant, elle secoue la tête négativement, comme pour chasser toutes les craintes qui pourraient le submerger. – Je vous en prie, c’est moi, j’étais perdue dans mes pensées. laisse-t-elle échapper, presque trop facilement, sans s’en rendre compte. Même les épreuves vécues récemment n’auront pas su lui apprendre à faire preuve de méfiance. Mais elle n’a aucune raison de se méfier, elle se retrouve juste face à un client intéressé. Client intéressé mais aussi très intéressant à regarder. Il doit avoir approximativement le même âge qu’elle. Brun, ténébreux, il dégage quelque chose de mystérieux. Sombre malgré le sourire qu’il affiche sur le coin de ses lèvres. Sombre, comme elle aime. Mais l’antiquaire sait se montrer professionnelle, ou presque. Elle le taquine en évoquant la propriétaire qui lui aurait laissé les clés. Le compliment détourné de son interlocuteur vient déclencher naturellement un sourire sur son visage enjoué. – Il paraît qu’elle l’est un petit peu… mais je ne vous ai rien dit. Elle lui adresse un petit regard complice, le sourire un brin charmeur. Non, elle n’est pas en train de flirter avec un client potentiel, elle le met à l’aise. Ou pas. Peut-être même que c’est le contraire. Mais c’est ainsi qu’elle fonctionne, Cassey. La belle retrouve toutefois son sérieux pour lui proposer enfin son aide. Soudain bien plus consciencieuse, elle retrouve cette allure professionnelle et à la fois sereine. Attentive, elle écoute les demandes de l’homme, tentant déjà de réfléchir à ce qui pourrait bien capter son regard. Il veut un objet avec une histoire. Mais tous les objets, ici, ont une histoire. C’est le principe même de son métier, c’est clairement ce qu’elle peut tant aimer. Le sourire entendu, la jeune femme reprend avec assurance la parole pour lui affirmer. – Vous êtes au bon endroit dans ce cas. Elle contourne le bureau qui les sépare pour se rapprocher de lui. Elle le laisse observer les antiquités qui s’offrent sous ses iris. – Hum… l’histoire la plus dingue… répète-t-elle, comme si elle réfléchissait à voix haute. C’est là une question qu’on ne lui a jamais posée. Une question qu’elle ne s’est elle-même jamais encore demandée. Elle fait quelques pas, de sa démarche légère, le papillon virevolte d’un coin à un autre avant de s’arrêter devant l’objet convoité. – Si vous êtes sentimental, vous apprécierez ces petits chaussons de baptême. Ils ont été portés par le roi de Rome quand il était bébé. Mais son regard de lynx a bien retenu l’attention portée, à la grande épée. Alors elle se recule un peu plus loin pour désigner dans un geste gracieux un chapeau bien particulier. – Ce bicorne a appartenu à l’empereur français, Napoléon Bonaparte. Il est en castor noir, et comme vous pouvez le voir, il a conservé  intacte sa coiffe intérieure, ce qui est relativement rare.  Pour la petite anecdote, il n’y a pas de pourtour sur le cuir car le pauvre Napoléon y était allergique. elle lui adresse un sourire mutin à ses dernières paroles. – Il en a usé cent vingt en quinze ans d’Empire. Plutôt impressionnant, n’est-ce pas ? Elle pose ses prunelles emplies d’étoiles sur le chapeau en même temps qu’elle prononce ces mots. Elle aime son métier, Cassey, elle est même passionnée. Elle pourrait parler des heures de tous les trésors emmagasinés ici.

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crédit/ tumblr ☆ w/@Luis Santiago

C’est par un sourire rassurant qu’elle balaie les inquiétudes du bel étranger. Il ne l’a pas tant effrayée, elle était seulement perdue dans ses pensées. Mais la voilà totalement disposée à le conseiller puisqu’il détient toute son attention désormais. Les prunelles azurées plongées dans les siennes, l’antiquaire n’hésite pas à user de ses charmes pour le mettre à l’aise. C’est sûrement un trait de sa personnalité, il fait partie de son tempérament, quelque part entre la séductrice et la commerciale. Elle sait comment parler à ses clients, Cassey, elle sait surtout comment les envoûter. Car, si ses produits sont estimés par les plus grands connaisseurs, la majorité des personnes qui entrent dans sa boutique sont influencées par elle. Elle et les histoires qu’elle peut raconter. Elle et les sourires charmeurs qu’elle peut accorder. L’inconnu semble apprécier son petit manège, il entre même dans son jeu avec elle. – Je vous fais confiance alors. continue-t-elle, encore un peu, la voix malicieuse, avant d’entreprendre les choses sérieuses. Son client ne paraît pas avoir d’idées bien précises sur ce qui lui ferait envie. Elle les reconnaît, ceux-là, ils désirent surtout être surpris. Qu’elle leur conte mille et une histoires qui pourraient les faire rêver. Alors elle commence naturellement, Cassey, par les petits chaussons qui attendrissent si facilement. Mais, sans qu’elle ne soit réellement étonnée, l’inconnu lui confie vouloir quelque chose de plus marquant. Plus prenant, plus impressionnant, elle entend. C’est là qu’elle pense au chapeau ayant appartenu au célèbre empereur français. Impérieux, puissant, tout ce qui pourrait attirer un homme célibataire – pourquoi célibataire ? Elle n’en sait rien, sans doute l’instinct féminin – qui voudrait être admiré. Le regard de son client se pose sur le bicorne plusieurs secondes durant, avant qu’il ne reporte son attention sur elle. Il a l’air amusé par elle, plus intéressé par elle, même, que par ce qu’elle peut lui raconter. Un sourire mutin apparaît sur le visage de la belle alors qu’il fait remarquer combien elle est passionnée. – Je plaide coupable. confie-t-elle alors que ses prunelles se perdent un bref instant dans ces deux grands océans. Elle a cette passion en elle, Cassey. Son métier la fait vibrer, c’est vrai, mais elle a ce côté fougueux dans tout ce qu’elle est. Les émotions démultipliées, elle prend la vie à cœur, l’existence en permanence exacerbée. Avec un certain intérêt, elle écoute le ténébreux lui apprendre ses origines françaises, un bon point pour lui auprès de celle qui a toujours été fascinée par le pays de la baguette. Elle laisse échapper un rire léger, cristallin, qui éclairerait les ténèbres les plus sombres. – Vous pourrez totalement vous la raconter. Il y a l’épée datant de la même période, juste ici, si vous avez envie de compléter la collection. précise-t-elle en lui désignant la fameuse épée d’un léger geste de la main. Toutefois, bientôt, c’est à la demoiselle qu’il s’intéresse, lorsqu’il lui demande plus d’informations. Ce n’est pas rare qu’elle doive répondre à certaines interrogations. Étant donné les prix de tout ce qui se trouve dans sa boutique, elle peut facilement le comprendre. – J’ai commencé il y a douze ans, mais je possède cette boutique depuis la moitié à peu près. Indéniablement, même avec les moyens dont elle disposait, elle n’a pas pu se lancer tout de suite dans sa propre affaire. Elle a dû faire preuve de patience, Cassey, ce qui n’est pas ordinaire. Mais le résultat en valait largement la peine. – Et vous, dites-moi, qu’est-ce qui vous fait craquer ? À quoi ne pouvez-vous pas résister ? Et elle lui sourit, Cassey. Et elle le regarde, Cassey. Comme si elle ne parlait plus d’art, mais bien de manière générale. Comme si elle jouait avec lui, à peine, l’air de rien. De la flamme, le papillon n’est jamais bien loin.

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crédit/ tumblr ☆ w/@Luis Santiago

Le charme paraît doucement opérer. Comme un chant envoûtant dont elle connaît les notes par cœur, l’antiquaire se charge de l’apprivoiser. Le surprendre, l’étonner, l’émerveiller. Sous des allures d’enchanteresse, elle ne fait qu’exposer avec passion les histoires les plus folles qu’elle peut connaître. Elle ne cherche pas à séduire l’homme, en vérité, mais le client. Pour autant, le petit jeu qu’elle installe trouve preneur qu’il se laisse entraîner bien facilement. C’est simple pour elle de trouver ce moment intéressant. Elle ne fait que parler de ce qui la passionne quotidiennement. C’est plus simple encore de le faire avec un homme aussi charmant. Il a le sourire charmeur et malicieux, mais le regard beaucoup plus ténébreux. De ces regards qui peuvent si vite la détourner. Mais elle reste professionnelle, Cassey, elle n’oublie pas son métier. Lui, en tout cas, paraît se rendre compte qu’elle est bien impliquée alors qu’il affirme qu’elle pourrait vendre n’importe quoi, à n’importe qui. Un sourire en coin, presque trop innocent, apparaît sur ses lippes. S’il savait, le bel inconnu, combien tu es capable de bien plus. Combien tu es capable de pousser n’importe qui, à suivre tes envies. Doux papillon qui approche constamment des flammes, tu les consumes souvent autant qu’ils te brisent. – Je vous remercie pour le compliment. le remercie-t-elle en toute sobriété. Car elle sait comment s’arrêter avant d’en faire trop, Cassey, en tout cas quand elle est en train de travailler. – Je suis ravie que vous ayez trouvé votre bonheur ! Je vais me charger de vous emballer ces deux trésors. déclare-t-elle avant de s’exécuter aussitôt. Elle prend soin de retirer chacun des objets avec délicatesse pour les empaqueter comme il faut. Et, en même temps, la jolie blonde s’autorise à poursuivre sa conversation avec lui. Ses derniers mots la font même sincèrement rire. – Je vous assure, vous n’avez rien d’un vieux croulant. Non, certainement pas. Il est des plus attirant, mais cela, il doit déjà le savoir. Les hommes comme lui, savent. Tout en emballant une à une les deux antiquités, la jeune femme parle un peu plus d’elle à son client. Tu te dévoiles facilement, sans doute un peu trop, sans doute en dépit de toute prudence. Comme si tu ne savais pas apprendre de tes erreurs. Ou peut-être que tu as juste trop tendance à écouter, plutôt que ta conscience, ton cœur. Devant sa question, elle ajoute. – J’étais sur Los Angeles jusqu’à l’année dernière, je travaille toute seule ici. Elle ne va pas entrer dans les détails mais l’antiquaire ne peut plus vraiment avoir le luxe de garder un employé avec elle. Luxe qu’elle avait autrefois, mais que ses problèmes d’argent l’ont obligée à arrêter. Mais, évidemment, elle ne peut pas dire une chose pareille à un client. À nouveau, elle lui adresse un beau sourire, après ce dernier compliment. – Vous êtes très gentil monsieur… ? demande-t-elle, lui laissant la possibilité de donner son nom. Elle en aura besoin, de toute manière, pour les certificats. Elle se tourne justement jusqu’au comptoir de la boutique pour s’y atteler, mais elle prend la peine de poursuivre la conversation. Elle paraît l’avoir gêné, si elle se fie à ses mots, à ce rire embarrassé. La tête légèrement penchée sur le côté, la belle le contemple, silencieuse, avec un certain intérêt. – Un sentimental alors… répète-t-elle en le contemplant quelques secondes avec intensité. Elle glisse sa main dans sa chevelure dorée d’un geste distrait avant d’ajouter. – Vous avez bien fait de passer cette porte dans ce cas. Et, elle aussi, peut aussi bien parler d’art que de bien plus de choses en matière générale. Se tournant finalement vers le comptoir, elle se faufile de l’autre côté pour s’occuper cette fois des certificats d’authenticité. Elle lui tend les papiers qui font de lui le propriétaire de ces merveilles. – J’espère que je pourrais avoir la chance de vous revoir dans le coin. déclare-t-elle enfin de sa voix sucrée alors qu’il n’a pas encore payé. Un client aussi généreux, elle ne saurait le laisser filer. Surtout pas s’il est aussi séduisant que l’est le bel étranger.