blurred lines. (setsi)

Seth et sa présence régulière parfois. Seth et ses longues absences aussi. Il n'y avait aucune règle ni aucun statistique auquel vous puissiez encore vous soumettre. Même le vent et les marées ne sauraient vous diriger. Seule la houle de la relation que vous aviez vous-même initiée était capable de vous mener tantôt à bon port, tantôt à la dérive. Trop souvent à la dérive. Mais toi bb, tu te refuses à partager la bouée avec lui. Tu préfères de loin le voir se noyer, peut-être pour mieux le sauver un jour où le coeur t'en dirait. Aujourd'hui, tu ne sais pas encore ce qui te dit ; rien d'anormal pour une gamine qui tangue si souvent sur les remous d'une inconstance probablement trop assumée. Tu sauras peut-être tout à l'heure, quand ses propres intentions auront finalement été trahies devant tes yeux avisés. C'est drôle Betsi, toi qui t'imposes si souvent comme une femme de tête bien loin de l'image du roseau qui plie sous le poids du vent, tu te trouves toujours à adopter l'attitude du caméléon quand il s'agit de Seth. Et qu'il te cherche bb, tu te camoufleras. Et qu'il te fuie bb, tu le suivras. Et qu'il soit fier bb, tu l'enterreras. Et qu'il reste de glace bb, tu l'enflammeras. Et qu'il se refuse à toi bb, tu te feras proie. Et qu'il ne soit que lui bb, tu le voudras à toi. Mais jamais ô grand jamais tu ne le laisseras gagner, qu'importe le jeu. Tu te plais à penser que tu mènes la danse. Et c'est pour cette raison que tu ne laisses rien au hasard, que tu charbonnes tes yeux de biches, que tu fais briller tes lèvres jusqu'à ce qu'elles n'en deviennent outrageusement pulpeuses. Et tu mets en avant toutes les courbes qui feraient de toi une femme désirable ce soir.
La démarche chaloupée annonce la couleur de la soirée, sans doute autant que l'endroit qu'il avait choisi pour vous retrouver. L'heure de ton arrivée quant à elle, laisse augurer presque trop clairement que ce sera toi la reine de la soirée. Tu préfères avoir les cartes en main parce que Seth, il sort bien trop souvent des atouts de sa manche, et toi Betsi, tu détestes être prise au dépourvu quand tu n'es pas en position de répliquer. Tu es toujours en position de répliquer... normalement. « Si tu pouvais garder ce genre de démarche pour le moment où tu partiras, ça m'arrangerait. Histoire de profiter un peu de la vue. » Le premier coup d'oeil que tu portes sur lui semble déjà l'interroger. Sourcils arqués, tu laisses délibérément échapper un rire qui se veut moqueur. « Parce que tu crois que cette démarche t'était exclusivement réservée ? Que je l'ai travaillée pour te l'offrir le temps d'une minute et dix secondes, sur ce vieux trottoir ? » Bien sûr que oui Betsi. Tu contrôles tout, de A à Z, et cette manière si significative de te déhancher ne faisait pas exception à la règle. Tu bats rapidement des cils, faisant mine d'attendre une réponse qu'il n'aura pourtant pas le loisir de te servir. « C'est ma démarche habituelle », que tu insistes. « Donc effectivement, je compte bien la garder jusqu'à ce soir, quand bien même tes oeillades vicieuses te rendent... pitoyable. » Si seulement tu le pensais vraiment Betsi. Cet air détaché te ressemble tant, mais il sonnera sans doute plus faux que tout aux oreilles de Seth. Parce que tu la veux son attention. Tu la veux quand il ne veut pas te l'offrir. Et lui, il le sait autant que tu te donnes du mal à maintenir cette simple idée hors de ta tête. « Qu'est-ce qu'on fait alors ? Tu m'invites à dîner pour essayer une fois de plus de t'attirer mes faveurs ? » Tu grimaces quatre fois bb. La première fois, c'est parce que tu comprends que Seth ne s'est pas foulé le moins du monde pour organiser un truc pour ta petite personne. La deuxième, c'est parce qu'il ose aller à l'encontre du principe de galanterie en te demandant de l'inviter, après avoir refusé de passer te chercher chez toi. La troisième, c'est parce que tu t'en veux presque immédiatement d'avoir tiqué sur le point numéro deux ; parce que t'es une jeune femme qui se refuse à se soumettre à un homme, pas même au nom d'une quelconque courtoisie masculine. La dernière, c'est parce qu'il oralise ces intentions que tu aurais préféré garder cachées. Tu les assumes bb, mais tu ne les mets jamais en mots, t'es plus subtile que ça. Alors tu cherches un moyen de tourner le tout à ton avantage. Les yeux dans le vague à la recherche d'une réponse qui était pourtant déjà toute trouvée, tu t'approches de Seth avant de coller ton index contre son torse. « C'est celui qui paie qui prend l'avantage », que tu commences en tapotant frénétiquement ton doigt. « Je paie. Et toi... tu es prié d'être docile. » Mais tu sais bb que c'est bien trop lui demander. Que s'il ne veux rien te donner, tu n'auras rien. Et que s'il te donne un peu de son attention, tu la refuseras. Parce que Betsi, tu ne seras pas docile non plus. « Et arrête de te la jouer Seth. J'obtiens tes faveurs quand je veux. » En vérité, ça, c'est ce qui se passe avec les autres. Avec lui, tu te casses seulement les dents.

T'aimes pas qu'on sache, Betsi. T'aimes pas qu'on lise en toi et encore moins qu'on comprennent la façon dont tu fonctionnes. ça met en branle le mécanisme, et ton ego avec. Et ça bb, ça te fait grincer des dents. « Tu perds en spontanéité Betsi. Tout est bien trop travaillé avec toi, ça manque de fraîcheur. » La mine qui était pourtant si radieuse quelques secondes auparavant se renfrogne, témoignant avec clarté de la petite contrariété qui venait de te piquer en plein orgueil. Tu restes silencieuse dans un premier temps. Tu te mords la lèvre, et puis tu lui lances le regard qui lacère ; celui qui lui somme de se méfier, de ne pas aller trop loin aussi rapidement parce que tu n'es pas d'une composition qui le permet. Il aurait tort de prendre ses aises Seth. « Je réserve la spontanéité et la fraîcheur aux personnes qui ne sont pas si facilement manipulables », tu commences en dodelinant de la tête. « Toi, t'es aussi malléable que de la pâte à tarte. » Tu mets ta phrase délibérément en suspens et ne lâche pas des yeux l'objet de ton désir lorsque tu te mords la lèvre inférieure de manière nettement explicite. Tu réduis l'espace qui vous sépare d'un pas, puis de deux. « J'te mange quand je veux », tu conclus avant de lui adresser un sourire entendu, empli de malice. Mais l'heure n'est pas encore à dévorer l'agneau, quand bien même la louve en toi en mourrait de faim. Le réel dîner, lui, était à portée de main et annoncerait sans doute la soirée sous de meilleures hospices, si toutefois Seth se résignait à sortir les griffes. « Ca ressemble au début d'un bon film érotique, ce genre de propositions. » Un rire cristallin escalade ta gorge jusqu'à ressortir en un écho mélodieux. « C'est vrai », tu concèdes d'abord en passant une main dans la chevelure dorée. « Dommage que dans celui-là le personnage principal se termine tout seul sous la couette. » Tu hausses les épaules avant de lâcher un soupir délibérément exagéré. « Je le connais par coeur ce film, je l'ai regardé plein de fois. Je l'adore. » Tu ris à nouveau, mais cette fois, c'est calculé. Si seulement il ne s'était pas éteint à cause d'une nouvelle contrariété ; la seconde de la soirée. « S'il te plaît, je ne suis pas un garçon facile. » Une grimace déforme tes traits de poupée, et c'est déjà une réponse en soi. Parce que ça ne te plaît pas, Betsi. Tu n'aimes pas qu'il se refuse à toi quand finalement tu céderais presque à ses avances. Tu n'aimes pas qu'il te repousse après t'avoir attirée trop près. Tu n'aimes pas la façon dont il joue tout court. Parce que bb, tu te prends parfois les pieds dans les filets, et ça t'empêche de reprendre le contrôle. Alors cette fois, tu te contentes de rester muette et d'emboîter le pas à ton bien-aimé bourreau. Et t'espères encore que ce soir il se fasse martyr pour ton bon plaisir. Mais tes plans ne se déroulent qu'en partie comme tu l'avais prévu. « Tu paies, je choisis le restaurant. » Un signe de tête et un regard éloquent plus tard, tu le suis en silence, songeant déjà au goût divin que pourrait potentiellement avoir cette soirée. Ce n'est d'ailleurs que lorsque Seth reprend la parole que tu te rends finalement compte que vous êtes arrivés à destination. « Le lieu te plaît, amour ? » Tu prends le temps de longuement observer la devanture, de jeter un oeil à l'intérieur du restaurant à travers les vitres, et enfin, de lire en diagonale le menu qui était exposé à l'entrée. « J'aime le charme à la française », que tu confirmes pour toute réponse avant de poser à nouveau le regard sur le menu. « Et je sais d'avance que je prendrai plus de plaisir à déguster des escargots que je n'en prendrai jamais avec toi alors on peut dire que c'est une réussite... amour. » Tu mens. Tu mens aussi bien que tu le peux pour pas que tes véritables envies ne se retranscrivent sur ton visage. Et, paradoxalement, tu t'accroches pourtant à lui en enroulant ton bras autour du sien. « Bon, tu m'ouvres la porte ou c'est à moi de porter tes couilles ce soir ? » La taquinerie fait pétiller les opales noisettes, et tu ne peux réprimer un sourire narquois d'étirer tes lèvres. Il est encore temps de te la jouer princesse avant de devenir amazone.

Tu sais revêtir la rôle de la femme fatale à la perfection, Betsi. Mais tes éternelles contradictions n'ont de cesse de te réduire au rang de grande enfant, quand bien même tu te donnais toujours beaucoup de mal pour le cacher. Tout était question de crédibilité dans ton jeu, et plus encore de fierté - sans nul doute mal placée, d'ailleurs. Aussi, tu aimes à considérer tes innombrables caprices comme ceux d'une femme qui sait ce qu'elle veut plutôt que comme ceux d'une gamine exigeante, la cuillère en argent pourtant encore dans la bouche. Mais il semblerait que Seth te pratique depuis suffisamment longtemps pour savoir exactement où appuyer pour mettre à mal ton assurance, en plus d'étouffer la grandeur Braxton sous un éclat de rire moqueur et, a fortiori, un brin humiliant. « De la pâte à tarte. C'est mignon, Betsi. » Tu te mords l'intérieur des joues afin de dissimuler toute once d'expression susceptible de trahir la vexation qui t'envahit à cet instant. Le regard fuyant, tu ris à ton tour, mais l'éclat de voix est visiblement froissé et sans joie aucune. « Ne fais pas l'erreur de me prendre de haut, Seth. » Tu pourrais avoir des surprises. Les images érotiques n'auraient pas été adaptées à une enfant, ni même reçue de la même façon, de toute évidence. « Evidemment. Et j'imagine que tu l'as chaque fois regardé seule sous ta couette, ce film. » Le sourire pernicieux que tu lui adresses pour toute réponse semble en dire énormément, et l'éclat dans tes yeux en révélait sans doute tout autant. Un pas en avant ; ton talon claque, réduisant le silence à néant et la distance qui vous séparait jusqu'à lors également. Tes doigts rencontrent son menton dans une caresse délicate avant d'exercer une très légère pression, juste assez pour avoir la sensation de dominer la situation. « Mais pas une seule fois je n'ai pensé à toi chéri. » Le temps que la voix suave se fraie un chemin jusqu'à ses tympans, tu relâches ton emprise - aussi minime fut-elle - et ré-instaure la distance de sécurité qu'il était toujours plus judicieux d'avoir entre lui et toi. Une distance que tu t'efforces de cultiver même au travers de vos échanges afin de garder un contrôle constant sans lequel tu serais déjà tombée à ses pieds, bb. Et si tu mets un point d'honneur à t'éloigner sans cesse quand vous pourriez être si proches, c'est simplement pour qu'il te court après. Encore. Toujours. Une permanence qui rassurait entre autre l'ego de princesse que tu te trimbalais depuis ta venue au monde. « Tu te donnes trop de mal. Et d'ailleurs, ne critique pas ce que tu n'as jamais goûté, tu risquerais de te surprendre à en redemander. » « La prétention a déjà un avant-goût qui ne me revient pas », tu réponds immédiatement en hochant légèrement la tête. Et pourtant, tu rêvais chaque jour à la façon dont il devinait si bien à quel point tu le voulais à toi, tant et si bien qu'il n'était sans doute pas question de prétention, uniquement de la confiance assumée que pouvait lui assurer la base solide d'une simple vérité. Celle qui démontrait qu'à chaque pas en arrière tu souhaitais en réalité t'accrocher à lui. « Coldeweij... je ne suis pas comme toutes les autres. Ton charme n'a aucun effet sur moi, on n'a jamais joué dans la même cour. » Mentir. Toujours mentir. Feindre le désintérêt le plus total. Prétendre l'indifférence la plus vexante qui soit. Il s'agissait là d'une routine particulièrement bien rodée de laquelle tu n'avais plus l'intention de te passer pour le moment. Toutefois, le succès de tes petites techniques personnelles n'était pas toujours assuré. Parce que Seth, c'est un adversaire de taille. Seth, il sait comment détourner tes attaques. Seth, il peut choisir de te laisser l'avantage ou de reprendre la main sans même que tu ne puisses y faire quoi que ce soit. Et, en dépit de tes airs de jeune femme intouchable, il faisait de toi ce qu'il voulait. « Alors, ce sera les escargots en entrée ou t'es prête à tenter quelque chose de nouveau ? En tout cas moi, je prendrai le foie gras. » Une simple réflexion, une simple intonation, et tu aurais choisi la nouveauté à coup sûr, parce que c'est là qu'il voulait manifestement te mener. Mais bb, l'heure n'est pas encore venue de jouer la marionnette. Il était donc hors de question de le suivre sur ce terrain. Hors de question de le suivre tout court. Parce que c'était là tout l'intérêt du jeu ; la contradiction. C'est quand tu pouvais enfin l'atteindre que tu devais courir dans le sens inverse. C'est quand tu étais enfin à sa portée qu'il se devait de se résigner. Et c'était ainsi depuis la nuit des temps. « Je voudrais... » Tu marques une pause, affichant une posture hésitante et une légère moue. « Que tu choisisses pour moi. » Un test qui se révèlerait tout sauf anodin. « Ensuite, je pourrais juger de tes capacités à me faire plaisir. » Montre-moi que tu sais ce que j'aime Seth. Montre-moi que tu me connais par coeur. Prouve-moi que ce soir, j'aurais une autre raison de te vouloir encore. L'impatience notoire au fond des pupilles, tu l'observes balayer le menu du regard, le visage délicatement maintenu par l'une de tes mains. « On dit qu'en France, le french kiss est la manière classique de se dire bonjour. » Un préjugé on ne peut plus faux que tu préfères néanmoins présenter comme un fait avéré. « Alors... la tradition voudrait qu'à la fin de cette soirée tu me dises au revoir comme il convient. » Le temps de quelques minutes, tu mets de côté la subtilité pour faire place à une provocation qui avait pour vocation de le secouer un peu. De le pousser à t'avouer qu'il en crèverait d'envie. De l'inciter à te courtiser pour que tu te fasses à nouveau la proie insaisissable. Parce que Betsi, tu exècres la simple éventualité de le vouloir plus qu'il ne te voudrait en retour.

Toi qui n'étais pas femme à habitudes, il semblerait pourtant que Seth soit devenu l'une de celles que tu ne souhaiterais jamais voir changer. Ou du moins, ce jeu auquel vous vous adonnez si bien (et, même si tu ne l'admettrais probablement jamais, grâce auquel tu prenais chaque fois beaucoup plaisir). Tout était dans l'inattendu, les choix jamais connus d'avance de l’adversaire, misant tantôt sur une délicieuse subtilité, tantôt sur une exaltante impudeur. Et les deux te plaisaient, d'une égalité parfaite. Mais une fois encore, il s'agissait là d'un détail que tu te gardais bien de dévoiler dans l'espoir de toujours garder un avantage certain. Mieux encore, tu t'attelais avec la plus grande minutie à lui faire comprendre (ou croire selon, le point de vue), que tu ne voulais pas de lui à tous les temps, au passé, au futur, comme au présent. Et peut-être que dans ta lancée, tu espérais secrètement réussir à t'en convaincre toi-même pour oublier que la réalité était toute autre. Pour oublier que tu avais toujours, depuis tout ce temps, cruellement envie de l'avoir à toi. « T'en fais pas, on aura tout le temps de changer ça. » Le sourire qui étire alors tes lèvres s'avère d'un naturel qui ne te correspond pourtant pas, parce que pour une fois, il n'est pas contrôlé. A l'inverse, tu aurais même plutôt tenté de le retenir. Mais la satisfaction de savoir que Seth avait encore l'intention de t'accorder tout son temps à l'avenir était beaucoup trop grisante pour ne pas l'exprimer d'une manière ou d'une autre. Tu espères simplement qu'il ne le remarquera pas. C'est sans doute pour cette raison que tu insistes à nouveau sur l'impossibilité d'un "vous". « Hmm oui, tu as sûrement raison. Je devrais peut-être me concentrer sur une cible plus... accessible. » L’ascenseur émotionnel ne se fait pas attendre lorsque son attention se détache si aisément de toi pour se poser sur les courbes (subjectivement beaucoup moins alléchantes, pourtant) d'une serveuse qui avait fait l'erreur de passer par là à un moment que tu avais toi-même jugé non propice. T'as le sang qui bouillonne, bb. Tu ne supportes pas de n'être ni plus ni moins que le témoin de la façon dont il admire une autre femme alors que tu devrais être cette femme. Aussi, tu ne peux t'empêcher de réagir en emprisonnant son menton entre tes doigts de manière à le forcer à détourner les yeux d'un geste plus assuré que délicat. « Tu me déçois, Seth. Je ne pensais pas que tu étais du genre à choisir la facilité » tu avoues sans lâcher pour autant son visage. « Et toi aussi tu finiras déçu », tu conclus avec toute la confiance du monde. Parce qu'il ne trouverais jamais mieux que toi Betsi, c'est ce que tu penses en ton for intérieur. Mais il semblerait que tu aies tout de même besoin de le tenir éloigné de toute distraction qui pourrait le détourner de toi ou le faire perdre ne serait-ce qu'un tout petit peu d'intérêt envers ta petite personne. Et ça, force est de constater que ça n'annonçait rien de bon sur ce que tu pouvais bien ressentir à son égard (si tant est que tu ressentes réellement quelque chose, ce qui te paraissait totalement saugrenu, d'ailleurs). Fort heureusement, lorsque tu te décides enfin à relâcher ton emprise, la conversation se reporte naturellement sur la raison de votre présence ici, éloignant ainsi momentanément toute potentielle menace extérieure. « Ce sera donc deux foies gras. Une occasion de savoir si nos goûts culinaires sont compatibles, à défaut de pouvoir en tester d'autres. » Tu te mors légèrement la lèvre inférieure, feignant étrangement une gêne que tu ne ressentais même pas. Et il le savait probablement. « Si tel était ton objectif, pourquoi ne pas avoir commandé des huîtres ? » tu l'interroges sans t'expliquer dans l'immédiat. Tu restes silencieuse quelques secondes, le toises, puis lui adresses un sourire empli de malice. « C'est aphrodisiaque. » Sans rien ajouter de plus, tu te délectes d'une gorgée de champagne autant que tu le feras sans doute de la réaction de Seth. Mais pour l'heure, le jeune homme avait lui aussi des choses à dire (ou à prétendre, pour peu que tu puisses croire à cet espèce de désintérêt qu'il semblait feindre). « Désolé amour, mais je ne suis pas un homme facile. Il faudra faire un peu plus que me payer un repas pour que je te donne ce que tu désires tant. Mais on ne sait jamais ce qui peut arriver après un peu trop de champagne. » Tu laisses échapper un rire délibérément moqueur, lui laissant ainsi entendre que tu ne le prenais présentement plus au sérieux. Hors de question de le laisser croire que que tu le voulais plus que lui. Il ne s'agissait là que de la mention d'une tradition (ou plus justement d'un faux cliché) qui était tout sauf la manifestation de tes propres envies. C'est du moins ce que tu tentes de lui faire comprendre avant qu'il ne fasse l'erreur de penser que la porte lui était désormais ouverte. « Tu tires des conclusions trop hâtives », que tu commences en hochant la tête, un sourire faussement attendri aux lèvres. « Mais puisque tu sembles si certain de mes désirs, ne me laisse pas seule dans l'ignorance... quels sont tes désirs ? » S'il était si sûr de lui, n'était-ce pas parce que les siens étaient très étroitement liés aux tiens ? « Je veux dire... autres que déguster du foie gras, boire du champagne et... réduire tes standards au plus bas pour pouvoir te satisfaire », tu termines avant de jeter un regard lourd de sens à la serveuse qui avait attiré l'attention de Seth au préalable. Peut-être bien qu'à ce moment précis, tu ressens un peu de jalousie. Parce que tu n'as jamais été capable d'accepter que l'on se détourne de toi, Betsi. Encore moins s'il s'agissait de lui. Aussi, ton objectif était désormais clair : lui prouver que tu étais la seule qui vaille le coup.

C'était un jeu perpétuel. Sans fin. Sans gain. Sans vainqueur. Mais en dépit de toutes ces choses dont il était dépourvu, il avait cette saveur toute particulière qui n'appartenait qu'à lui, et qui, de surcroît te donnait sans cesse le goût de recommencer une partie (ou de poursuivre la précédente). C'était comme un poison délicieusement addictif. Et toi bb, t'es qu'une junkie qui subit son statut avec classe. La classe de celle que l'on convoite mais qui ne cède pas. La classe de celle qui est trop bien pour son adversaire. Mais à force de te mettre délibérément hors d'atteinte Betsi, tu risques de ne plus valoir un seul effort. Parce que si l'inaccessible attire, il s'avère que sur le long terme, il décourage aussi. Et ça, gamine, tu l'apprends à tes dépends. « Je pense qu'un peu de facilité de temps à autre ne pourrait pas faire de mal. » Tu dodelines de la tête, visiblement dérangée par la tournure que semblaient prendre les choses. L'insatisfaction ne manque d'ailleurs pas de se lire dans le léger rictus qui déforme tes lèvres. T'as beau être pour le moins égocentrique, princesse, tu sens bien que tu n'es pas la seule à être agacée. Seth, il se montre lassé, presque à bout de patience. Et c'est précisément ce qui, pour la première fois de ta vie, t'amène à te remettre en question sur ton comportement et ta manière d'agir. Plus encore lorsqu'il poursuit sur sa lancée, t'indiquant le plus subtilement du monde que que si tu ne lui entrouvrais pas au moins la porte, il saurait trouver satisfaction auprès de quelqu'un d'autre de plus accessible. « J'aurais au moins goûté à une part du gâteau, même si ce n'est pas le tien. » Tu t'adosses doucement au fond de ta chaise alors que tu lui lances un regard interrogateur et un brin surpris. « Tes standards sont si bas que tu pourrais te contenter d'un banal quatre-quart au lieu d'une merveilleuse pièce montée ? » Comme d'habitude Betsi, tu n'as aucun mal à te comparer à ce qu'il pouvait y avoir de mieux. Tu bats des cils comme pour tenter de te débarrasser de l'étonnement qui persiste. « Décidément, j'en viens à me dire que je me suis trompée tout ce temps en croyant naïvement que tu étais un adversaire à ma hauteur. » Mais en réalité, tu ne te trompes jamais, Betsi. Et au fond, ce que tu te donnes tant de mal à cacher pour ne pas avoir à y faire face, c'est qu'il était peut-être même au-dessus de toi Seth, comme il aimait à te le faire sentir parfois. Parce que t'es qu'une pimbêche, bb. Une pétasse de premier ordre qui tord son cul pour attirer les regards, à défaut d'y parvenir autrement. Une petite pute intéressée. Et c'est bien loin de l'image que tu tentes obstinément de renvoyer, aux autres comme à toi-même. Tes doigts agrippent machinalement le pied de la coupe de champagne que tu ne portes pourtant pas à tes lèvres. Tu réfléchis, puis fais fuser les répliques pour contrer celles du jeune homme - ou, plus véritablement, pour tenter de le rattraper dans tes filets tant qu'il ne s'en était pas encore totalement dépêtré. Mais, par la force de l'habitude, il sait se battre contre toi, si bien que, contre toute attente, il te pousserait presque vers la sortie. « Je préfère garder les préliminaires pour celles qui n'auront pas peur de rester jusqu'au bout. » Peur. ça te fait grincer des gents. Parce que t'es pas une trouillarde, bb. Et pourtant, tu sais que c'est ce que Seth te laisse sous-entendre à ce moment-là. Tu te redresses sur ta chaise et te penches au maximum vers la table - et donc vers ton interlocuteur. « Pour qui tu me prends ? », tu demandes rhétoriquement, d'une voix plus rauque que d'ordinaire. « J'ai peur de rien, moi. » Le ton ne flanche pas. Tes opales ne quittent pas les siennes. Parce qu'il est temps qu'il comprenne que les risques n'étaient pas des obstacles pour toi, et qu'il y en avait certains que tu étais même carrément encline à prendre. Mais tu mets trop de temps à te lancer Betsi, tout ça pour une bête histoire d'ego. Et ta proie, elle te file entre les doigts. Hors de question. « Défie-moi de faire quelque chose. N'importe quoi. » T'es bien décidée à remonter dans son estime, à faire et à refaire ce qu'il faut pour qu'il ne perde jamais plus le goût de te poursuivre. De te chasser. De te vouloir. Parce qu'il te désire, t'en es persuadée. Allez, dis-le Seth que tu me désires. « Je ne voudrais pas te choquer. » Tu hausses les épaules, moqueuse. « Je ne suis pas une petite poupée fragile, Coldeweij », tu rétorques avant d'humecter sensuellement tes lèvres rebondies. T'es prête à tout entendre, princesse, et tu crois naïvement que c'est le moment. Qu'il va siffler ton nom et le hisser en haut de tous ses fantasmes. Mais au lieu de ça, c'est le coup fatal qu'il t'assène. « Mais je pense qu'un dîner agréable avec une... amie serait un bon début. T'es pas d'accord ? » Tu te sens blêmir, et tu ne doutes pas une seule seconde que Seth en sera témoin aussi. Non, tu n'es pas d'accord, et tu as envie de le lui crier à la gueule. Pourtant, t'as tout autant envie de garder la face. Alors, ça donne un truc bancal. « Hm. Parce que c'est ce qu'on est... des amis. » Toi-même tu ignores s'il s'agit d'une question ou d'une affirmation mal digérée. Ce qui est certain en revanche, c'est que tu n'acceptes pas cette qualification venant de lui. ça pique ton ego sur toute la surface (et Dieu sait que la surface est vaste). « Alors pourquoi on fait tout ça, Seth ? » Derrière cette question, y'en a une dizaine d'autres silencieuses. Pourquoi tu cours ? Pourquoi tu me cherches alors que c'est moi qui te trouve ? Pourquoi tu t'appliques sans cesse à me rattraper quand je fuis ? Pourquoi j'suis prête à te tendre la main quand je te trouve trop loin ? Ton cerveau manque d'oxygène, à trop penser à tout ce sur quoi tu ne t'es pas encore interrogée. Mais bb, y'a pas d'amitié entre Seth et toi. « Si c'est ça être amis, alors j'en ai sans doute jamais eu de ma vie. Parce que jusqu'à aujourd'hui, j'savais pas que ça ressemblait à ça. » La voix basse, presque inaudible, le regard vide, t'as envie d'être lâche. T'as envie de le planter là. Si seulement tes jambes pouvaient te porter.