FB// the animals trap trap trap till the cage is full (max)

les portes d’la prison qui s’ouvrent devant lui. il rentre là-dedans comme un patron. sûr de lui, la mine grave. on l’salue sur son passage. politesses de flics. les bonnes manières du métier. il se présente à l’accueil. « craven, max. » pas besoin d’en dire plus, on sait pourquoi il est là. les bruits courent vite ici. et pis, sa réputation l’précède. ces derniers temps faut pas trop l’faire chier, max, il a le poing qui démange. il en est pas à avoir la gâchette facile, mais il en est pas loin. suffit d’pas grand chose pour l’faire vriller. tout l’monde l’a bien compris. on met ça sur l’dos du deuil qu’il fait pas. la peine d’avoir enterré sa gosse trop tôt. lui, il dira qu’c’est simplement l’métier qui l’rend comme ça. que l’monde est fou alors autant l’devenir aussi. au fond, les bruits qui se murmurent ont pas tord: la mort d’sa gamine l’a corrompu un peu plus. a fait sortir l’animal du fond d’ses tripes. et maintenant, y’a plus rien qui l’calmera. pas même d’voir croupir en prison tous les connards qui répandent leur poison dans les rues. pas même d’voir celle qui lui a retiré sa fille crever en taule. la rage, elle sera toujours là. les regrets aussi. y’a rien qui pourra changer tout ça. en attendant, il va prendre un malin plaisir à venir voir cette fille qu’il tient responsable de toutes ses peines.
les portes qui s’ouvrent l’une après l’autre. s’enfonce un peu plus dans la fourmilière. il est calme, max. presque trop. le calme avant la tempête. concentré sur ce qui va se passer. y’a rien qui compte plus que ça. des mois qu’il attend qu’ça. d’se retrouver face à elle. d’lui cracher à la gueule tout ce qu’il a pas pu lui dire ce soir-là. des semaines que sa haine fermente. qu’il bouillonne de rage. il a bien tenté d’se défouler sur des p’tites frappes mais ça l’soulagera pas d’la même manière. ça sera jamais pareil que d’faire face à celle qui lui a retiré c’qu’il avait d’plus précieux. maintenant, il fait face aux dernières portes. les poings qui se serrent. il est prêt, max. à quoi il en sait rien. dans c’parloir, il sait pas c’qui l’attend. lui, tout ce qu’il a en tête, c’est cette fureur qui arrive à ébullition. qui l’empêche d’penser au fait qu’il pourrait s’retrouver face à des souvenirs d’sa gamine entrain d’crever à trois mètres de lui. non, là y’a plus rien qui compte. seulement, sa hargne.

dernière porte.
on le laisse entrer.
l’animal est en cage,
prêt à bondir.

sa main attrape fort l’dossier d’la chaise. ses ongles qui s’plantent presque dans un grincement qui résonne trop fort dans la pièce. sourire cynique sur les lèvres. il la perd pas des yeux, la mome. la dévisage. l’mitard l’a même pas assez amoché à son goût. lui, il aurait voulu n’pas la reconnaître comme il a pas su reconnaitre l’visage d’nancy, sa gamine. les sales effets de la drogue qu’le médecin légiste lui avait dit. elle avait un visage d’ange, nancy. aussi belle qu’sa mère. tout l’contraire d’son père. putain, elle méritait pas ça, qu’il se répète en regardant cette fille.
un silence.
et puis, il finit par l’ouvrir. « ma gueule te r’vient? » sans s’attendre à ce qu’elle réponde. de toute façon, sa réponse il en a rien à carrer. qu’elle lui dise qu’elle se souvient plus. qu’elle joue avec ses nerfs et il s’fera un plaisir d’lui rappeler qu’elle est rien ici. qu’elle vaut plus rien. « ou l’mitard t’a rendu amnésique? » son sourire qui le lâche pas. ça l’fait marrer de la voir comme ça, ça alimente sa haine, mais ça l’fait marrer. « ou p’t’être qu’tu veux que j’te rappelle pourquoi t’es là? » qu’il lui lâche, toujours sans attendre d’réponse d’sa part. qu’elle le veuille ou non, il a bien l’intention d’lui rappeler les faits. piqûre de rappel douloureuse. ‘fin ça, c’est c’qu’il espère.

à peine il est entré dans l’parloir qu’il sent déjà qu’ça grouille dans ses tripes. sa foutue rage qui s’agite. qui veut sortir et fracasser la taularde. y s’retient, bien sur. l’expérience du métier qui cause. pas son genre d’laisser la colère s’exprimer si vite. y préfère la jouer fine. se montrer piquant. plus facile à dire qu’à faire. au moment où il s’asseoit, y’a toute la soirée qui défile devant ses yeux. souvenirs douloureux. images à jamais gravées sur ses rétines. l’visage d’sa gosse, complètement éteint. la vie qu’on lui a retirée. impuissant qu’il a été l’max. incapable d’faire quelque chose. a assisté aux dernières secondes sans pouvoir rien n’y faire. sans pouvoir rien lui dire. sans pouvoir s’excuser pour l’mal qu’il a causé. l’impuissance il la ressent encore et toujours. de l’intérieur qu’elle le bouffe. le grignote. l’transforme en monstre. c’est son être tout entier qui crie vengeance, qui l’pousse un peu plus loin chaque jours. sans cesse près du gouffre. jamais bien loin d’foutre les pieds d’l’autre côté. si sa peur d’la mort l’retenait pas, depuis longtemps il se serait fait sauter l’caisson. moyen comme un autre d’retrouver sa gosse.
la gallagher il la hais. la méprise plus que les autres. plus que tous les caïds qu’il croise. contre elle, il a décidé d’partir en guerre. d’lui faire payer pour tout. d’la mort d’sa nancy jusqu’à toutes les embrouilles qu’il a pu avoir avec elle. pour lui, tout est d’sa faute. y voit plus juste quand il s’agit d’ça. y sait plus faire l’trie dans ses émotions. alors y renvoie tout sur elle. défouloir d’une rage qu’il arrive plus à canaliser. et qu’il essaie même plus d’contenir. sur les rotules qu’il est l’max. et voir sa sale gueule l’aide pas. l’animal y gronde en lui. furie qui voudrait bondir sur la taularde. ça s’voit sur sa gueule, max contient une tempête en lui. quelque chose qui ravagerait tout s’il la laissait s’exprimer.
elle joue la froideur. celle qui s’en fout d’tout et de c’qu’il peut lui dire. max sait pas si elle le cherche, si elle s’cache ou si c’est sa vraie nature. mais c’comportement-là lui plait pas. ça l’fait même vite monter dans les tours. il grince des dents l’flicard. garde l’même sourire cynique mais sert les dents. veut pas montrer qu’il suffit d’pas grand chose pour qu’il explose. une étincelle et il s’enflamme. sa haine, il l’étouffe dans un rire quand il l’entend ses conneries. « joue pas l’caïd avec moi, bonhomme, j’suis bien placé pour savoir qu’le seul poulet enragé qu’t’as vu, c’est moi. » pas sûr qu’elle en verra d’autre des aussi timbrés. parce qu’il est pas loin d’la folie l’max. l’chagrin ça rend taré. l’deuil s’fait pas d’la même manière chez tout l’monde.
les menaces balancés sans qu’ça change quelque chose. sans qu’ça arrête la taularde. son arrogance qu’elle affiche fièrement. outil infaillible pour cacher c’qu’elle ressent au fond d’elle. impossible pour l’flic de décrypter c’qu’y s’passe dans sa caboche. il aime pas ça, lui, il voudrait pouvoir lire en elle. voir au-delà du masque, trouver la faille et s’y engouffrer. faire mal, détruire pour soulager c’qu’il ressent. faire vivre l’enfer pour qu’elle est rien qu’une p’tite idée de c’qu’il vit tous les jours.
l’sourire sadique qui réapparaît quand elle lui demande une clope. tu rêve qu’y s’dit intérieurement. ça l’empêche pas d’venir prendre dans ses poches son paquet et d’en retirer un tube. pour lui, bien sur. il l’allume sous les yeux d’la vermine qui l’fixe toujours avec toute l’arrogance d’ses bandits qui s’pensent intouchables. « t’sais où t’peux t’la mettre ta clope, mhh? » l’filtre qui valse entre ses lippes d’prédateur. nargue, appuie un peu plus son pouvoir. montre qu’c’est lui qui demande quelque chose, pas l’inverse. la fumée qui sort et s’perd dans l’vide de la pièce. moment d’silence. jeux d’regards qui continuent. au premier qui craquera. il s’avère qu’c’est max qui baisse les yeux l’premier pour venir chercher une photo dans sa poche arrière. sur la table qu’il la dépose. l’image est pas grande, l’genre d’chose qu’on garde dans son portefeuille. dessus y’a nancy, sa fille, elle a peut-être une quinzaine d’années. elle a l’sourire. sûrement qu’elle avait d’quoi être heureuse à cette époque. c’était bien avant qu’elle plonge. « t’souviens pas d’elle hein? les camés c’comme les flics, t’en as vu passé trop souvent? » y s’déteste d’parler d’sa gamine comme ça. s’déteste de devoir la mélanger aux autres. pour elle, c’était peut-être qu’une camée d’plus, une cliente. mais pour lui, pour lui c’était tout. « mais les morts ça s'oublient pas, hein, encore moins ceux qui t'font plonger... nancy qu'elle s'appelait et c'est à cause d'elle qu't'es au trou. et c'est grâce à moi qu'tu y resteras. » l'sourire tranchant. la vengeance qu'il savoure. l'flic est pas toujours bon pour tenir ses promesses, mais celle-ci, il s'y tiendra. aux fonds des abîmes qu'elle restera la taularde.