L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient (Nano)

01/ Son palpitant a été égratigné par la roue du destin deux fois. L'une mortifère et l'autre sans retour. Une déveine comme ironie du sort puisque l'un ne va pas sans l'autre. C'est lors de son voyage en Erasmus à Paris qu'il apprend, par un énième appel de sa mère dont cette fois il daigne répondre, la nouvelle. Sa petite soeur, Lila, 12 ans, s'est suicidée à la suite d'un harcèlement scolaire dont elle était victime. Le néant total. Rentré en catastrophe à Grenade, sa ville natale, il apprend 3 jours plus tard les attentats à Paris. Un putain de miraculé. Un brin d'ironie dans ce malheur qui l'étreint comme une douce amie. Et pourtant, le téléphone sonne une deuxième fois. Gabin, le frère d'Aimee, qui, elle, est restée à Paris. Victime des attentats, elle nie jusqu'à son existence. Elle ignore tout de la saveur de ses baisers sur sa peau dorée, de leurs étreintes passionnés. Il n'est que l'ombre d'un couple dont il porte exclusivement le fardeau et les chimères. 02/ La déchirure n'est pas seulement dans l'âme, elle est bien ancrée dans la chair et dans les liens de ce sang qu'il n'estime plus. Ses parents, consommés par leur propre chagrin et rongés par les fléaux de l'alcool en oublient leur deuxième fille. Maya, la cadette de la famille. Un spleen trop violent, trop ravageur pour que leur rôle de géniteurs surplombe le reste. Nano, brûlé par la culpabilité de n'avoir rien vu pour la première, décide de prendre la deuxième sous son aile. De l'arracher à cet embrasement familial qui gagne du terrain. Laissant un simple mot à ses parents, il prend deux billets et part pour le Queens sans un regard en arrière. L'Andalousie n'est plus, perdu dans les méandres d'un passé qui les a trop abîmé lui et Maya.03/ 8 mois maintenant qu'il a posé ses valises dans cet appartement ni trop grand ni trop petit. Ce n'est pas un havre de paix, encore moins une bulle d'oxygène, c'est seulement un lieu de passage. Quatre murs qui abritent un quotidien comme des milliers d'autres et pourtant c'est son coin à lui. 7ème étage sans ascenseur et pour seule compagnie une petite boule de poil. Entre deux eaux, entre deux vents, à contrecourant. Le résumé de sa vie et ... peut être pas que de la sienne. Oui, il y a aussi nana paumée. La fille du 6ème, c'est son nom ou tout du moins c'est comme ça qu'il la nomme. Beauté sauvage aux lèvres violettes et au caractère profane. Des fragments de vies qui s'entrecroisent. Il la connait sans la connaître, elle aussi. Un instant volé, un regard à l'arraché désintéressé. La pose désinvolte et le sourire carnassier, il sait que c'est une paumée, une affligée. Il le sait, peut être, parce qu'elle est le miroir de ce qu'il est. Sans le savoir, c'est comme deux ectoplasmes condamnés à errer dans le même mètre carré. Invités à savourer une même malédiction. Celle de l'existence, celle que chaque individu traîne derrière lui. Bref, elle est là sans être là. Il ne la connait pas et pourtant cette substance cache un nom "la fille du 6ème".  04/ La peau moite, fiévreuse, il ne s'attache pas à la force immuable d'un coeur atteint. Non, il préfère de loin les chairs bouillonnantes, les oeillades dévoreuses. L'amour est un notion abstraite, un peu comme ses grains de sable qui dégoulinent de part et d'autre de tous les doigts naïfs. Il n'y croit pas. Un peu comme les lois abyssales dont nul ne peut à l'heure actuelle prouver l'existence. Ce n'est pas qu'il n'a foi en rien, c'est simplement qu'il n'acquière que peu d'importance à ce qui est susceptible de déclencher de la dépendance. Et là il n'est pas question d'une addiction substantielle mais bel et bien de celle qui ne s'administre pas.