reckless behaviour ☽☽☽

traits de caractère / un caractère indomptable, une langue bien pendue,  une vulgarité assumée, une impulsivité problématique, un sourire effronté, un coup d’poing hâtif, une tête brûlée, une timidité inexistante, un sarcasme inné, un fêtard invertébré, une arrogance effrénée. l’maître d’la frime, l’roi d’la provoc.

les baskets dans les mains, tu t’apprêtes à t’éclipser alors qu’y a des bruits d’pas qui t’oblige à t’immobiliser. tu pivotes le menton pour faire face à la silhouette qui s’dresse devant toi. une ombre bien trop p’tite pour appartenir à tes vieux. les paupières encore collées, il les frotte vigoureusement d’ses minuscules poings alors qu’tu laisses tomber ta paire d’godasse sur le parquet d’l’entrée.
— lyes? où tu vas?
— shhh! ta gueule, sale mioche!
l’une d’tes paumes qui s’plaque contre sa bouche pour l’empêcher d’parler alors qu’ton index effleure tes lèvres pour lui mimer d’se la fermer. tu t’baisses à sa hauteur avant d’le libérer d’ton emprise.
— pourquoi tu sors en pleine nuit?
il chuchote. miracle. il a pigé.
— et toi, pourquoi tu poses trop d’questions?
les sourcils haussés, les iris plantés sur sa p’tite personne, tu tentes d’l’intimider. il a toujours eu un peu peur de toi, du grand-frère inaccessible qu’il imagine sur un piédestal. mais t’es rien d’autre qu’un p’tit branleur. mais, ça, il l’comprend pas encore.
— la nuit, faut dormir.
— na.
— pourquoi?
tu fermes les paupières et prends une grande inspiration. il t’énerve, te tire du jus. t’aurais envie d’lui foutre une claque derrière la tête pour qu’il arrête d’te faire chier. et y a cette pensée qui t’souffle qu’t’es pas patient, qu’c’est qu’un gosse, qu’ça va passer, qu’il va finir par vieillir, par changer. p’t’être même qu’il va t’ressembler. t’espères pas, quand même. la vieille va en crever si c’est l’cas.
tu cherches un truc vite fait pour répondre à ça, à la raison qui t’pousse à sortir la nuit. même toi, t’en sais rien. c’est plus amusant, c’est tout. y a pas d’limite, la nuit. on dirait qu’tu t’sens plus libre. une liberté éphémère, les menottes imperceptibles qui t’serrent à nouveau les poignets lorsque l’soleil se lève. c’est pour ça qu’tu sors la nuit, pour vivre un peu.
— si faut dormir la nuit, qu’est-ce qu’tu branles encore debout, hein? aller, va t’coucher avant qu’je t’cogne.
tu sais pas si c’est ta menace d’le frapper qu’il l’fait soudainement chialer, ou juste parce que c’qu’un marmot qui chigne constamment, mais l’voilà l’visage déformé par les larmes qu’il tente même pas d’retenir.
— j’arrive pas…
— putain, sami!
tu t’lèves pour déplier ta carcasse, une main appuyée contre tes flancs et l’autre qui frotte ton crâne rasé, à court d’idée. t’aurais pu tourner les talons, l’abandonner derrière toi comme une pauvre merde, mais, au lieu d’ça, tu l’empoignes par le bras pour l’obliger à t’suivre. comme s’il avait fait une connerie alors qu’c’est toi qu’était sur l’point d’découcher avant qu’il t’surprenne en flagrant délit.
— viens!
un ton froid, ferme, presque trop autoritaire et il t’suit sans protester. tant mieux. t’es rendu au stade d’la tolérance zéro.
tu fonces dans l’couloir pour t’rendre à sa chambre et tu l’installes dans son pieu après avoir fermé la porte. tu t’accroupis à sa hauteur lorsqu’il s’faufile sous ses couvertures aux imprégnés d’dinosaures.
— pourquoi t’arrives pas à dormir?
— y a des monstres sous mon lit.
— ça existe pas les monstres, p’tit con.
tu ravales un sourire qui menace d’te faire perdre ta crédibilité.
toi aussi, t’avais peur des monstres quand t’étais gosse. ceux qui s’cachaient dans ton placard, qui t’observaient la nuit. c’est p’t’être pour ça qu’t’as du mal à dormir. même si, aujourd’hui, t’as plus l’imagination que t’avais à son âge.
— tu peux vérifier, s’te-plait?
— t’es sérieux?
tu soupires lorsqu’il hoche la tête et tu t’penches pour soulever le drap qui tombe au bas d’son lit. tu fais mine de zieuter quelques secondes, relevant qu’des vieux jouets poussiéreux. tes iris retrouvent ceux d’sami qui a remonté l’tissu qui couvre son corps jusqu’à son nez. comme si ça allait l’protéger. crétin.
— t’vois? y a rien. maint’nant, tu dors!
— tu peux m’lire une histoire?
supplication étouffée par l’étoffe qui lui masque la moitié du visage.
— non.
— pourquoi?
— pa’ce que.
— pa’ce que quoi?
— mais lâche-moi la grappe, putain! dors, sinon j’dis à m’man qu’c’est toi qu’a bousillé ses plates-bandes et pas l’chat du voisin.
il boude, les sourcils froncés et les bras croisés. il s’croit menaçant, p’t’être? pas plus haut qu’trois pommes, un moustique qu’tu pourrais écraser d’ton index. tss, sale môme!
il roule sur l’matelas pour t’faire dos alors qu’tu t’redresses en levant les yeux au ciel. tu recules d’un pas avant d’effectuer un cent quatre-vingts degré et tu t’élances vers la porte.
— j’t’aime, lyes.
sa p’tite voix qui r’tient un sanglot et qui t’oblige à t’arrêter, la main figée sur la poignée. putain. tu pinces les lèvres sans pour autant t’retourner et t’ouvres la porte pour t’extirper hors d’sa chambre.
— ouais.
toi aussi.