disparate (irma)

L'écume au fond des yeux.
Les pas à l'image des vagues.
Il est la marée, celle qui s'avance et ronge les dessins sur le sable avant de s'enfuir.
Il va et vient. Puis tourne en rond. Fait des détours qui n'ont aucun sens, ivre de cette pauvre richesse qui a rempli ses poches. gagnant ce soir mais il n'a pas l'euphorie des vainqueurs – pour une fois -. Coincé entre l'apathie et le fourmillement. Un truc venu du bide, prémices de quelque chose qui lui donne envie de bouger, pas assez grand pour vraiment le faire. Lion n'est fait que de l'entre-deux pathétique ou les champs des possibles sont infinis mais ses désirs sont fugaces. Il s'éteigne au moindre souffle. Des élans violents qui s'achèvent sans un bruit. Un peu comme l'ivresse du jeu.
Un peu comme ce qui fuse dans son esprit.
Il est constitué d'idées fixes qui ronge jusqu'à les atteindre, qui se fane pourtant toujours. Et il se retrouve devant la porte sans aucune raison valable sinon celle d'être lui-même. De n'avoir aucun sens parfois, quand il disparaît puis réapparaît. Décide qu'il est temps – maintenant – de s'enquérir de ses états. Sans prévenir évidemment. Ses phalanges s'écrasant contre la porte jusqu'à ce qu'elle daigne l'ouvrir. Parce qu'elle le fera, il y met bien assez d'entrain pour ça. « tu comptais me donner des nouvelles ? » lion râle comme ceux qui seraient à une place qu'il n'a pas. Ni ami, ni amant. Encore moins frère
et pourtant.
il peut pas empêcher la récurrence de ses intrusions, l'inquiétude qui ronge parfois. Parce qu'il connaît irma et certaines de ses blessures. Parce que, pour une raison étrange, il a jamais cessé de s'en préoccuper. Incapable pourtant de s'occuper de lui-même. Et encore moins de louve du temps ou elle était là. Un non-sens auquel il a cessé de prêter attention (en supposant qu'il l'est déjà fait). Elle est une des rare rythmique qu'il ne dissèque pas, des rouages lancés y a longtemps qui n'ont jamais cessé de fonctionner et c'est comme ça que ça lui convient. « je commençais à m'inquiéter » ça ressemble à une réprimande – et sans doute que ça en est une – il sait trop bien les impasses dans lesquelles elle se met parfois. Ou simplement l'amertume de son silence – qui n'en est pourtant pas un – il sait pas vraiment pourquoi en réalité. Il sait juste qu'il est là, son pas qui s'approche d'irma parce qu'il compte bien rentrer, maintenant qu'il est là.

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{ va, vis, reviens }
w/@lion reed

Arabesque

tu sautilles gracieusement d'une pointe à l'autre, tu arques tes bras en oubliant ce qui t'entoure, tu ne fais qu'un avec le son qui sort de l'ampli de fortune. t’es pas sensée être là irma, tu devrais être en train de répéter ton numéro de ce soir mais t'avais besoin de t'échapper et te voilà à braver l'interdit. un appel manqué, cinq et puis la voix de ton père hors de lui qui vient s'échouer contre tes tympans alors tu tournes plus vite, encore et encore. t’as l'impression de voler mais tu finis simplement par tomber, tu échoues encore. tu te recroquevilles sur le paquet grinçant d'une salle de danse inutilisée depuis des années. tu te sens observée et il ne te faut pas longtemps pour apercevoir un intrus qui s'est faufilé pour t'admirer tournoyer. sourire frisquet, invitation silencieuse et tu remets la musique pour lui montrer quelques mouvements. maladresse tendresse. l’enfant intrus regarde, admire et s'enfuit en te laissant seule face à ta tristesse. le silence te submerge, ta poitrine se secoue plus vite sous l'effort, tu trembles sous l’émotion mais tu continues. tu vas finir par tomber irma et tu le sens, t’arrives au bout de ce que t’es capable d’endurer alors comme d’habitude dans ces périodes, tu disparais et tu te noies dans ta détresse. gamine sacrifiée sur l’autel des traditions. tu t’échoues encore sur le parquet mais tu restes au sol cette fois. allégorie de ton quotidien déséquilibré, tu vas finir par te noyer. la playlist touche à sa fin, la nuit commence sa course derrière les vitres sales du vieil atelier, dernier rappel de tes obligations.

Plié

tu ploies sous les responsabilités et les reproches paternels quand tu rejoins le campement, t’as les épaules qui se courbent alors que tu voles au dessus de la piste. les houras émerveillés et les cris enchantés des enfants admiratifs ne suffisent plus à te faire vibrer. ballerine des airs, c’est du parquet que tu rêves alors que tu es suspendue dans le vide. monstre d’exposition, tu entends à peine les mains qui claquent pour saluer ta prestation et tu t’éclipses vers ta caravane dès la fin du numéro dans un tempo bien réglé. et puis ça se bouscule alors que t’es même pas encore démaquillée, ta tenue d’illusionniste encore en place. t’as le sourire des mauvais jours ancré aux lèvres en t’apprêtant à subir les affres de la colère de ton père mais c’est pas sur lui que la porte s’ouvre, juste sur un lion délaissé. « je suis pas morte. » et pourtant si quelque part, tu l’es irma, enterrée avec tes espoirs de nouvelle vie mais c’est plus simple de jouer l’ironie parce que tu sais pas parler autrement. tu te pousses pour lui laisser la place, tu le connais et tu sais qu’il partira pas aussi simplement, t’as pas envie qu’il le fasse non plus parce que même si tu le diras pas, t’es touchée qu’il ait aperçu ta détresse. t’es émue qu’il ait fait le déplacement pour ses remontrances quand beaucoup d’autres se seraient contentés d’un appel laconique alors tu l’invites dans ta caravane, dans ton monde sans jamais poser vraiment de mots sur la relation que vous entretenez. « fais comme chez toi, tu veux un truc à boire ? » tu prends même pas la peine de le remercier d’avoir fait le trajet, de s’inquiéter pour toi comme une sale gosse capricieuse. tu prends son amitié pour acquise.

Ego dérangé,
c'est la perfide pensée qui le laisse croire qu'il aurait préféré la savoir abîmée pour justifier son silence. parce qu'il faut le justifier Croire que seul lui peut devenir muet sans raison s'il le désir. Habitué pourtant à cette inconstance quand il s'agit d'elle, des années déjà à s'épauler ou s'oublier, jamais trop longtemps ni pour l'un ni pour l'autre ils sont cet équilibre précaire qui ne convient jamais vraiment, du trop ou du trop peu. Avec irma plus qu'avec aucune autre, lion joue les héro. Surhomme qu'il n'est pas – ne sera jamais – intimement convaincu d'être investi d'une mission qu'il ne comprend même pas. Devenu un besoin qui masque l'affection qu'il n'exprime jamais clairement. Il prétend l'habitude quand c'est devenu nécessaire. « j'aurais pu le deviner tout seul. » maintenant qu'il a voit, faites de chair et d'os sous ses yeux. Il avouera pas pourtant que l'idée l'effleure souvent lorsqu'elle laisse un silence radio, les réminiscence d'une époque ou les hématomes jouaient les contrastes sur la peau. Encore parfois.
Encore trop souvent.
Irma est de celle qu'on ne destine pas à une longue vie, celles nées sous le signe du fléau, poursuivie sans cesse par des ombres étouffantes. Lion les connaît bien pour les avoir cotoyer, pour les connaître – encore – si proche de lui. Et s'il leur a échappé, irma parfois semble s'y engouffrer. Rechercher leurs étreintes jusqu'à suffoquer. Devenu presque une mission d'attraper sa main dans l'obscurité. Oubliant trop souvent que derrière lui, c'est le même néant en panorama. « une bière ? »  infiltré dans son espace vital, il ressent – enfin – cette espèce de soulagement inexplicable à voir tant de normalité. Rien qui semble bousculer son monde, aucune plaie béante sur son visage, aucun débris sur le sol. Une inspection sommaire qui ne laisse pas entrevoir tout ce qui se cache à l'intérieur, dans les recoins cachés des regards. Une superficialité qui ne suffit pas, le pousse à l'observer davantage comme s'il ne pouvait trouver irma qu'en mauvaise posture. « t'étais occupée, ces derniers temps ? » l'assemblage ressemble à une attaque, inquisiteur dans ses interrogations quand il ne fait que s'enquérir avec bienveillance. Jamais doué pour la douceur, lion est bête sauvage qui tente de toucher du doigt les civilisés, le grincement dans sa voix est ce qui se rapproche le plus d'un miaulement. La plus grande caresse qu'il puisse offrir quand il est encore pris dans l'étau de ses inquiétudes. « j'me suis inquiété. » un reproche malgré lui. La faiblesse qui ne le quitte pas depuis tant d'années, un sentiment dérangeant qu'il croyait avoir accepté à défaut de l'avoir dompté mais encore aujourd'hui la vulnérabilité qui en découle à tendance à l'irriter.
Si c'est souvent un baume au cœur, c'est parfois une plaie quand irma se fait silence quand il voudrait entendre sa voix.

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{ va, vis, reviens }
w/@lion reed

Solitude multipliée.
L’écho de ta voix se dissipe dans le silence de la nuit alors que tu aimerais l’entendre résonner sur tous les murs de ta caravane. Tu voudrais l’entendre valser contre les tympans de ton père mais elle se fait silence contre ton gré. Alors tu disparais plutôt que de t’affirmer. Les revendications devenues mutisme et tu t’enfonces dans ta rancoeur, dans tes regrets. Tu te noies dans ta soumission que tu chéris comme une religion. Un jour, c’est sur lui que ça va se répercuter alors tu continues d’encaisser en attendant d’avoir le courage de ne plus jouer l’opprimée. Tu deviens fantôme, tu oublies les parquets et tu t’appliques dans les airs pour éviter de voir le corps de ta mère constellé mais elle n’y échappe pas. C’est plus fréquent qu’avant, parfois c’est même jusqu’à toi que ça vient quand elle ne parvient plus à récolter silencieusement ses frustrations. C’est ton corps qui sert d’ultime rempart, parce que tu te tais toujours Irma alors tu disparais le temps que ses assauts se tarissent.
Mais pas ce soir, ce soir c’est un de ces jours sans. Un de ces jours où ses humeurs ont semé le chaos dans la troupe alors quand une tempête s’abat sur ta porte d’entrée, tu te prépares déjà à la suite. T’as appris à parer, à prendre sans trop marquer. Mais c’est un fauve enragé d’une autre espèce qui te fait face. Un fauve à la recherche de mots quand tu n’as su lui accorder que ton silence. Il a le regard scrutateur de ces anxieux aînés mais tu ne bouges pas, tu sais déjà trop bien ce qu’il cherche et il le trouvera mais il ne dira rien. Il connaît déjà tout de ton refus et c’est pour ça que tu l’aimes autant ton fauve parce qu’il n’insiste jamais trop longtemps, jamais assez pour te faire céder. Il partage ta souffrance et il tait ses revendications.

Acolyte d’amertume avec l’expérience des oubliés.
Tu ris pour contredire tes affirmations, tu es vivante mais perdue. Tu es vivante mais plus vraiment et la folie te guette, celle qui menace de submerger ton peu d’assurance. Celle qui menace d’enterrer ton existence. « Fallait t’éviter le déplacement alors. »  Mais intérieurement, tu le remercies de te prêter encore attention à toi, la sale gosse malpolie, de faire comme si tu étais encore sauvable. Alors tu t’adoucis, juste un peu. Juste assez pour le faire entrer dans ton bordel organisé, dans l’espace exigu qui te sert de refuge oppressif. Un tas de fringues sous le bras pour débarrasser la table à manger, rendre l’endroit plus accueillant. Cacher le désordre de ta vie, planquer tes démons derrière des portes fermées. Tu enfiles un sweat usé sur ta tenue de travail et tu lui sors une bière décapsulée que tu fais glisser sur le bois rayé. « Pas plus que d’habitude. Et toi, la vie ? Pas trop débordé ? »  Reproche dissimulé alors que c’est lui qui est là cette nuit, tu dresses les épines et porte à tes lèvres le goulot de ta propre boisson alcoolisée. Tu tais tes supplications, tu le laisses deviner tes objections sans trop en dire. Tu fuis son regard, tu le cherches quand il le détourne. Merci d’être là Lion, merci de vouloir me sauver mais je suis foutue. Game over. T’as le palpitant qui s'emballe quand il avoue s’être inquiété et t’es submergée par une vague de culpabilité qui menace de libérer le flot d’eau salée qui orne tes jolies prunelles dorées. T’étais trop occupée à pleurer sur ton sort pour regarder le rétroviseur, trop absorbée par ta vie bordélique pour t’apercevoir que lui aussi, il a besoin de toi. « Désolée, j’aurais dû t’appeler. J’y ai juste pas pensé et puis, j’ai pas eu le temps. Entre les répétitions de danse et celles pour le cirque. J’étais perdue. »  Ce que tu ne dis pas, c’est que tu n'appelleras pas non plus la prochaine fois que tu seras au plus bas parce que tu es pleine de cette fierté déplacée qui te pousse à t’enfermer quand on te demande à entrer. Ce que tu tais, c’est les humeurs de ton paternel accentuées par les mauvais jours du chapiteau. Les hématomes encore dissimulés par le costume de scène. Acrobate isolée au regard tempête. « Ta vie était trop calme sans moi pour foutre le bordel, c’est ça ? »  Pas certaine d’assumer qu’on puisse vraiment s’inquiéter pour toi, pas assez assurée pour penser manquer à ton fauve.

Elles ont ce talent, les danseuses. D'être muse et d'inspirer. De créer les émotions, de les rendre fluctuantes. Lion se revoit encore inquiet puis d'un geste, soulagé. Et d'un autre, énervé. Attendri puis incertain. D'un arabesque, semble souffler le chaud pour mieux le glacer tout entier. L'épreuve est rude, et si sa peau reste stoïque, c'est à l'intérieur que tout se joue. Comme si les battements de cœur s'étaient calés sur le rythme inaudible de ses agissements. De ses mots. Elle en use avec autant de brio que de ses jambes lorsqu'elle enfile ses chaussons. Aérienne comme autant de lames qu'on lance dans l'air dans un sifflement perçant. Droit au cœur. Droit à l'égo. Lion n'a jamais su différencier les deux. et il darde un regard noir sur le céruléen d'irma, un éclair sur son océan. Une tempête silencieuse qui fait rage dans des pas léger qui s'introduisent dans son antre. Un silence comme un feulement contrarié qui voudrait cracher la frayeur et hurler l'égoïsme. Le sien. Le tien. Le leur. S'ils sont l'ancre l'un de l'autre, ils sont bien trop préoccupés par eux-même pour le dire un jour. « si je suis là, c'est bien que j'avais du temps à perdre. » nonchalant quand il renvoi la blessure. Aucune plaie sur son âme qui ne serait faites sur la sienne puisque lion n'accepte aucune blessure qui ne soit ensuite infligée de sa main. Mécontent de la voir insidieusement prétendre que sa présence n'était pas utile, désireux maintenant de lui laisser croire l'indifférence qu'il ne ressent jamais. Un mensonge qu'il se prend à regretter quand le ton de sa voix s'adoucit, quand elle dit j'aurais dû en pointant des évidences. Des actes manqués qu'elle prétend regrets quand ils savent l'un comme l'autre qu'elle ne fera jamais autrement. Cette opéra là, lion le connaît par coeur. En trois actes. Le silence. Le retour. Le pardon. Des entractes de colère et d'inquiétude. Une représentation jouée mille fois dont il se joue les dialogues avant même qu'elle les prononce.
Des excuses.
Des mots vides.
Des mensonges.
Il connaît irma, il sait ses failles, il a vu cent fois ses silences qui ont fini par résonner comme des appels au secours. Un mutisme qui n'a pour objectif que de la faire disparaître, espérant qu'on oublie qu'elle est encore tangible. Se faire invisible pour ne pas qu'on voit les arc-en-ciel de douleur sur le derme fragile. Elle oublie trop souvent qu'elle pourra bien cacher tout ce qu'elle veut il reste ses yeux. Il y a encore, là au centre de la sclère, le terne du bleu fatigué, la crainte étincelante dans l'iris océane et la fin qui semble s'insinuer dans la noirceur d'un pupille profonde comme le néant. et la fin de quoi? d'elle toute entière ou de son esprit qui a commencé à s'effriter il y a longtemps déjà. « il serait temps de te retrouver maintenant. t'as toujours été perdue, irma. » et lion a-t-il jamais fais autre chose que tenter de la retrouver ? Ses yeux qui fouillent entre les éclairages du cirque, son ouïe attentive aux bruissements de ses pas sur les parquets cirés, ses mains tendus à tâtons dans le noir à la recherche de ses doigts qu'il retrouve toujours crispés sur le bord d'un précipice. Et cette impression tenace, qui n'a jamais cessé de ronger son myocarde, qu'un jour il la retrouvera trop tard. Qu'elle sera devenu ballerine sur les étoiles. Elle a déjà parfois ce sourire qui semble être né d'ailleurs, bien trop loin pour qu'on l'atteigne. Il semble que même quand il l'a rattrape irma ne cesse malgré tout de se perdre un peu plus. « c'est exactement ça, tu seras donc priée maintenant de caler dans ton agenda de venir me gâcher l'existence un peu plus souvent. » son cynisme est une supplique, ou peut-être un ordre. Une invitation sous couvert d'humour plutôt que de lui demander vraiment d'être là plus souvent. De lui rappeler à intervalle régulier qu'elle est encore là, debout même si c'est vacillante. « sinon j'ai peur de m'ennuyer et je risquerais d'utiliser tout mon temps libre pour venir ici. ça deviendrait vite étouffant vu l'espace. » ll n'apprécierait sans doute pas plus qu'elle cette promiscuité électrique, trop solitaire l'un et l'autre pour s'encombrer d'une présence quotidienne. Pourtant ce serait une promesse, s'il le fallait, pour la savoir protégée.