heartless (betsi)

un dernier coup d’oeil sur les chiffres numériques qui affiche l’heure, le mégot coincé entre les lèvres. T’es en avance. Ça n’arrive pourtant jamais. mais tu sais pas ce que t’a en ce moment Vince, tu supportes plus d’être enfermé, tu supportes plus d’être chez toi, de te terrer comme un rat dans ton appartement trop petit, trop vide, trop moche. tu supportes plus tout ça, tu’en fais des crises de claustrophobie, t’as besoin de prendre l’air, et tu préfères traîner dans les rues plutôt que de rester enferme. Ça t'arrivé déjà avant, de pas pouvoir rester dans ton appartement, de plus supporter l’odeur nauséabonde de ta tour de brique, de plus supporter le bruit constant de l’immeuble qui vit, le boucan permanent des gens. et tu savais comment y échapper, trouver refuge chez ta blonde, prendre place dans son lit pour bénéficier de quelques minutes de répit, d’un peu de calme dans ta vie tumultueuse. elle disait jamais non céleste, pour t’ouvrir ses bras, son coeur, ses cuisses, pour être ton foyer. mais pas ce soir. pas les autres soirs. Tu n'as pas encore ce besoin, cette envie de la retrouver, garde l’acide des mots crachés au fond de la gorge, de tout le mal que vous savez vous faire.

tu traînes, clope sur clope, intoxique les poumons déjà bien noirs, traîne le long des bâtiments de béton, traîne les pieds sur le macadam, sans savoir où aller, l’ombre fantomatique éclairé par les quelques néons des bars encore ouvert, des terrasses qui se vident peu à peu, des groupes d’âmes qui se dirigent vers une prochaine destination. les boîtes de nuit se remplissent peu à peu, ce sera bientôt ton tour. tu scrutes, le trottoir d’en face, les corps empilés à l’entrée d’une de ces boites chic. celle que tu détestes. fréquenté par les fils à papa, les gosses de riches, ceux que tu détestes. pourtant, noyer là, dans les corps sans forme, c’est elle qui attire tes yeux. la silhouette qui découpe l’air, se détache des autres, une aura attractive, un point de lumière dans la nuit. elle est la Besti, entouré de ses amis, des gens qui lui ressemble probablement.

elle est là, inatteignable, pourtant à quelques enjambés pour rencontrer son corps. et tu pourrais, quitter le trottoir, traverser la route pour rejoindre l’amas de foule qui patiente la. tu pourrais te faire voir, la retrouver là et reprendre le jeu malsain auquel vous vous êtes abonnés depuis déjà trop longtemps. Ce même jeu que tu pensais voir se terminer ce dernier soir, sur le toit. ton dernier soir. sauf que t'es pas mort Vince, t’es même pas en taule, et t’es encore moins riche. Y'a rien qui a vraiment changé, t’es juste un peu plus con, un peu plus en danger, un peu moins serein. t’aura l’air de quoi quand elle te verra Betsi ? quand elle verra que tu es toujours là, probablement aussi déçue que toi de te voir toujours dans le coin, de voir que ta vie est toujours la même. merdique.

@betsi braxton

mirage de l’autre côté de la rue,
sirènes dansantes, t’attirant à elle,
tu pourrais traverser Vince…

tu pourrais la retrouver, lui dire que tu’es toujours là, que tu’n'es finalement pas partie, que tu’n'es pas de l’autre côté du globe en train de te faire bronzer sur une de ces îles qu’on voit que dans les magazines. tu pourrais, t’excuser, pour la dernière fois, pour cette soirée au gout d’inachevés, aux envies qui torture ton esprit depuis des semaines. tu pourrais assouvir les désirs que t’entretiens pour elle depuis tant d’années. mais tu n’en fais rien, retenue par la fierté acide qui empêche tes jambes de se dresser, tes pieds de bouger, tes lèvres de bouger. tu n’en fais rien, l’observe juste de loin, quand elle se retourne, croise ton regard qui la scrute, se décide à te rejoindre en quelque enjambée féline.

Comme elle est belle quand elle se plante devant toi, le regard assassin, les paroles qu’elle crache déjà, le venin qui ne t’atteins plus. tu la connais trop bien Betsi maintenant, tu sais trop bien comme elle agit, la rage qui l’anime, qui la fait cracher des paroles acides, qui au fond, tu crois, ne lui ressemble pas. tu l’écoutes, d’une oreille distraite, écrase le mégot sous ton talon. elle est cruelle quand elle se moque de ta non-réussite, de ton état stationnaire, de ton nouveau job dans cette boîte crasseuse. et elle a raison, c’est vrai que c’est minable, c’est vrai que ce n'est pas ce que tu voulais, pas ce que tu’avais prévu. tu pourrais lui expliquer à Betsi, lui dire tout ce qui s’est passé, le braquage, l’or, l’otage, le butin bien moins important que ce que vous aviez imaginé, l’argent insuffisant pour changer de vie, tout juste assez pour rembourser une dette, t’extraire de la rue. tu pourrais tout lui dire, mais tu hausse les épaules, un sourire amusé au coin des lèvres. “j’ai changé mes plans”, c’est peu comme explication, et pourtant bien assez pour qu’elle ne se pose plus de question.

tu l’observe, t’amuses de ses yeux en colère, de sa bouche de rage, des mots qui la trahissent, te conforte dans l’idée qu’elle t’apprécie bien plus que ce qu’elle ne veut bien avouer, que votre petit jeu, aussi malsain et plaisant soit-il ne la laisse pas indifférente. tu le savais déjà, t’en a juste la preuve maintenant. alors tu ricanes, décolle ton dos du mur, approche ton corps sans faire un pas, juste en te penchant un peu vers elle, ton sourire de gamin insolant toujours accroché à tes lèvres. “Je t’ai manqué ?”, tu voudrais qu’elle l’avoue enfin, prononce de ses belles lèvres les mots qui feront du bien à ton ego, tu te penches, un peu plus, jusqu’à pouvoir murmurer à son oreille. “T’aurais préféré que je disparaisse pour de bon ?”, tu te persuades que non, prend le risque pourtant d’entendre une réponse que tu ne préférerais pas entendre.

@betsi braxton

tu sais pas à quelle sauce elle va te manger Vince,
sur quel ton elle va t’engueuler,

mais tu vois le feu dans ses yeux, la fougue, la rage, la colère surtout. celle de te voir ici, celle de t’avoir dit adieu pour te voir réapparaître finalement quelques semaines plus tard. peut-être aussi qu’elle est déçue, pas autant que toi, peut-être qu’elle est touchée, probablement, plein cœur dans sa fierté exacerbée. tu t’amuses de tant de questions, de tant de reproches, de tant de colère pour une si petite silhouette. tu t’amuses de la voir te porter autant d’apportant. tu comptes pour elle. tu le sais maintenant, tu le vois, t’es pas con. et tu te réjouis de compter. qu’importe qu’elle soit en colère, déçue ou qu’elle veuille te voir disparaître, tu comptes maintenant.

tu ricanes pour toute réponses concrète, lâche une fausse excuse, un changement de plan. c’est un peu la vérité, c’est tout de même loin de l’être et c‘est bien trop maigre pour des excuses. Ça ne lui suffit pas à Betsi, et tu t’en doutais un peu. et elle perd pied, s’énerve un peu plus, ses phalanges blanchissent quand ses poings se serrent, quand elle te reproche de lui avoir fait des adieux. Pourquoi ? pour être encore la aujourd’hui, pour qu’elle se prépare à ne plus te revoir, et pour que tu débarques enfin comme une fleur. elle a probablement raison Betsi, t’es qu’un con Vince, t'aurais pas dû de lui dire au revoir, t’aurais pas dû de lui faire croire que tu ne reviendrais pas. pourtant tu regrettes pas, tu l’as aimé cette soirée, ces presque baiser aux goûts d’au revoir. et si tu t’étais fait enfermer ce soir là, t’aurais pas regretté de lui avoir donné un dernier baiser. sauf que ça s’est pas passé comme ça, t’es ni en prison, ni mort, mais bel et bien là. et tu méritais pas ces aux revoir aux goûts d’adieu, ses jolies lèvres quel été prête à t’offrir, ce round du jeu malsain que tu n’as pas gagné à la loyale. tu lui en dois une.

pendu à ses lèvres quand elle t’insulte, te traite de l’enfoiré que tu sais déjà être. Oui tu l’es. pour avoir disparu sans raison, pour avoir fait croire que tu ne reviendrais pas, et pour un tas de choses bien plus graves que ça. pour avoir enlevé une pauvre gosse, apeuré, les mains liées, pour avoir transformé toutes ces nuits en cauchemars. mais elle est bien loin de tout ça Betsi, elle se doute de rien Betsi, perdu dans sa tour d’ivoire. pendu à ses lèvres quand tu rêves de l’entendre finir sa phrase, qu’elle prononce les mots, qu’elle te dise qu’elle était morte d’inquiétude, triste a l’idée de ne plus te voir, déçue de n’avoir pu continuer ce jeu. qu’importe, tu veux une fin, qu’elle ne te donne pas, te délecte de la voir se mordiller la lèvre. T’es un véritable salaud Vince, parce que t’aime la voir dans cet état-là, t’aime d’autant plus quand tu sais que t’en est la cause. ricanement, tu veux jouer, encore, t’approche d’elle pour lui demander bêtement si tu lui as manqué, la provoquer un peu plus, qu’elle te fusille encore de son doux regard. elle se défend comme elle peut la lionne, prétend t’avoir oublié à la seconde même où tu l’as quitté ce soir là, sur le toit. tu ne peux t’empêcher de garder ce sourire, amusé, cruel, sadique. le sourire qu’on voudrait gommer sur ta petite gueule de con. un simple haussement d’épaules à sa dernière remarque, tu ne recules pas, ne bouge pas de cette situation où vos corps se rapproche. tu joues d’une mèche blonde qui traîne là, sur son épaule. “Je pouvais décidément pas partir sans avoir eu des adieux dignes de ce nom…”, tu poses une nouvelle fois ton regard dans le sien, “tu vois que t’as réussis à me faire rester”, tu te rappelles des dernières paroles échanger ce soir là, des adieux qu’elle refusait de donner, de l’incompréhension dans son regard sur les raisons de ton départ. et comme un écho à ses propres paroles, tu te penches encore un peu, murmure à son oreille des mots qu’elle avait prononcé quelques soirs plus tot. “toi et moi y aura jamais d’adieu”.

@betsi braxton