paralyzed / moïse

Il y a plus rien. Il n'y avait déjà plus grand chose, mais Moïse est parti avec le reste. Plusieurs jours écoulés et Kaz est dans l'incapacité de se relever, le crâne en feu et le cœur brisé. Il est perdu, bien plus qu'il ne l'a jamais été, et il ne sait pas s'il aurait préféré ne jamais le revoir ou si c'est tout le contraire. T'as tout pris, Moïse. T'es revenu et t'as tout pris. T'as crevé mon cœur malade, tué mon âme aliénée. J'sais pas si j'devrais t'aimer ou te haïr pour ça, te remercier ou te dire d'aller d'faire foutre. Pourquoi il a fallu qu'tu reviennes, Moïse ? T'étais bien sans moi et moi, j'croyais être passé au dessus de toi et de Marek. Maintenant, les regrets m'crament le bide comme jamais. J'voudrais que tu sois là, Moïse. J'voudrais que tu me rattrapes comme t'en avais l'habitude. Bordel, j'aurais voulu que tu vois derrière mon incompréhension et ma peur, que tu m'entraînes vers la rédemption avec toi. Pourquoi fallait que j'te revois ? Tout ça pour qu'tu te barres une nouvelle fois... Kaz secoue la tête comme il en a l'habitude, espérant foutre ses pensées de côté avec ce simple mouvement. Moïse refuse de quitter son esprit. Il reste collé aux parois de son crâne comme un foutu parasite. Son visage remplace celui de Marek. Il est là devant ses yeux. Là derrière ses paupières closes. Il est partout et Kaz voudrait pouvoir le toucher, rattraper tous ses erreurs. Il n'aurait pas dû le laisser filer la dernière fois, mais son corps était trop lourd pour lui permettre de faire ne serait-ce qu'un seul mouvement. De toute manière, s'il l'avait retenu, qu'est-ce qu'il lui aurait dit ? Un désolé n'aurait pas été assez fort. Très certainement que Moïse aurait envoyé ses excuses valser, lui répétant que la seule façon de rendre justice à Marek est d'aller trouver D'Shaun et d'accepter son châtiment. Sauf que Kaz est trop lâche pour le faire, attendant que la mort le prenne mais bien trop effrayé pour s'y approcher, et ils le savent tous les deux. Qu'est-ce qu'il aurait donné pour que Moïse en finisse avec lui, une balle entre les deux yeux pour mettre fin à sa misère. Et c'est égoïste. C'est affreusement égoïste parce que Kaz sait qu'un tel geste aurait des conséquences bien plus importantes que sa simple mort. Il connaît assez Moïse pour savoir que ça le briserait, que peu importe les conneries de Kaz, il ne se pardonnerait jamais de l'avoir tué. Ça ne finirait pas seulement la vie de Kaz, ça détruirait la sienne en même temps. Il balance sa tête en arrière, soupirant bruyamment. L'homme à ses côtés le regarde avec insistance, ses pupilles dilatées par sa récente prise de stupéfiants. Kaz sent ses joues le chauffer. Il n'a jamais été à l'aise sous les regards, encore moins sous ceux qui sont tellement pressants qu'ils pourraient faire fondre sa chair. Il pose des yeux hésitants sur l'inconnu, essayant de garder son calme et de ne pas se laisser submerger par la panique. – Un problème ? Qu'il articule, le ton si bas que même lui a du mal à l'entendre. Son interlocuteur ouvre la bouche, mais n'importe quel son qui voulait s'y échapper est coupé par un gros bam faisant trembler les murs du squats. Le temps que son regard se dirige vers le bruit et revienne sur le visage inconnu, il n'y a plus que de l'air à ses côtés. Les quelques camés dans la pièce semblent comprendre ce qu'il se passe, certains s'échangeant des regards paniqués sans bouger et d'autres cherchant à s'enfuir au plus vite. Kaz ne comprend pas bien la situation, mais sait que si les flics se pointent, aucun d'entre eux n'arrivera à partir à temps. Il ne bouge pas, assis contre les briques, ses jambes à son torse. Les sons s'approchent, un rire grave suivi de multiples voix masculines résonnant dans le bâtiment. Kaz fixe la porte avec un regard vide, ses iris rougeâtres ne se détachant pas une seule seconde du bois dégueulasse. Qui que ce soit, sûrement qu'elle ne tiendra pas. Il ne faut que quelques secondes avant qu'elle ne s'ouvre violemment, révélant plusieurs silhouettes qui font crier tempête dans la boîte crânienne de Kaz. Il n'a besoin que d'un coup d’œil pour savoir. Les visages qu'il peut voir ne lui disent rien, mais il sait pour qui ils travaillent. Ce que t'es nul pour te cacher, Kaz. C'est la deuxième fois en moins de deux semaines. Ça cogne dans sa cage thoracique et il a peur, Kaz. Il a peur autant qu'il trouve la situation risible. Il aurait dû écouter Moïse et se barrer au plus vite. C'est justement lorsque ses yeux se posent sur ce dernier que Kaz commence à croire à une mauvaise blague. Il se redresse d'un coup, se cognant au mur dans un bruit sourd et attirant tous les regards sur lui. Debout, le visage découvert et les jambes trop faibles pour lui permettre de courir, il sait qu'il est foutu et il lui semble que Moïse le sait aussi.

Ça devait être une descente banale dans un squat. Ton équipe à la recherche de quelques camés ayant trop d’impayés. T’as jamais compris le principe, de faire crédit à des loosers dans leur genre, mais c’est pas toi qui décide comment on gère le business. Toi t’es juste là pour faire respecter les règles et régner la terreur. C’est pas toi qui es rentré en premier dans les lieux, c’est tes gars, t’arrives toujours derrière une fois qu’ils ont choppé celui qui vous fait défaut. Quelques centaines de dollars, c’est tout ce qu’il doit, autant dire des millions pour un mec dans son genre. C’est pas que ça manque à D’shaun, c’est le fait que ce soit répétitif qui l’emmerde. Derrière les mecs qui retournent tout sur leur passage, t’observes l’état général de l’endroit, les matelas répugnants, le reste de bouffe, des affaires éparpillés ici et là, derrière les gars, tu ricanes quand tu vois des corps se crisper et prendre leurs jambes à leur cou. Ils ont la voix grave, qui résonne contre les murs, et t’as les doigts agrippés à la crosse de ton flingue quand ils font exploser d’un coup d’épaule là dernière porte.
ça devait être une descente banale, dans un squat.
elle est sur le point de se transformer en véritable cauchemar. dans ce qui semble être une pièce, quasiment vide il est tout seul, debout, interdit et les yeux de la shower posse braqués sur lui. putain Kazimir, pourquoi t’es si con, pourquoi t’es encore là ? tu voudrais ouvrir la bouche, mais un des mecs le fait pour toi. eh, toi ! qu’il hèle, tout en s’approchant à grande enjambées, sa main puissante attrapant déjà le Zuniga par le col de son haut. c’toi lebrown ?! il se fait observer à la loupe Kaz, ils se retrouvent à trois autour de lui, ils le détaillent, le malmène comme il tarde à ouvrir la bouche. t’as toujours pas bougé. ta main se resserre contre la crosse de ton gun, tu prends une grande respiration, tu voudrais faire demi-tour, abandonner tout de suite la partie. tu pourrais, le laisser aux mains de ces chiens enragés, tu pourrais, mais le coeur t’en empêche. tu sens le regard de Kaz sur toi, et t’approches lentement. boss, on fait quoi de cet abruti ? qu’il demande le plus poli d’entre eux, relevant ses yeux noirs vers toi. eh mais, t’es pas ... eh les gars ! les gars, on le connaît lui, nan ?! qu’un autre commence, choppant celui que tu appelais frère par la nuque pour le rapprocher de lui, comme si ça pouvait l’aider à y voir plus clair, tu as les poings qui démangent. D’un c’est vif tu repousse le type, le regard sévère, puis c’est sur Kaz que tu poses tes yeux, tu le regardes de haut en bas. Bien évidemment qu’ils savent qui il est tout, tout le monde connaît Marek et son frère, tout le monde a eu une photo de lui, pour être sûr de pouvoir lui mettre la main dessus. La récompense offerte par D’shaun est gigantesque, une place près du maître. Mais il a tellement changé, il n’a plus de l’ancien lui, même son regard est différent, jusqu’à sa posture. Alors, pour lui donner une chance, même infime, tu lances c’quoi, ton blaze ? parole appuyé par un coup de menton dans sa direction. s’il te plaît Kaz, soit plus intelligent qu’eux, dit leurs ce qu’ils veulent savoir, fais pas de vague, fais toi passer pour un autre, ou tu seras un homme mort dès ce soir. et moi avec.

Les cieux doivent se payer la tête de Kaz, rire de sa faiblesse autant que de sa malchance. Ses pieds semblent ancrés dans la pierre, l'empêchant de fuir comme les autres camés envolés. Il ne bouge pas sous les regards appuyés, le sien posé fixement sur une silhouette qu'il ne connaît que trop bien. Courir est une option qui lui traverse l'esprit, mais ses muscles sont ankylosés et ses jambes n'ont pas l'air d'avoir envie de bouger. Si Moïse l'a laissé partir la dernière fois, ce ne sera sûrement pas le cas aujourd'hui. Ils étaient seuls il y a quelques jours, pas entouré de ceux qui crèveraient Kaz sans une once de remord s'il le reconnaissait. C'est à peine s'il entend l'un d'eux l’interpeller et encore moins s'il se rend compte que ce dernier s'approche de lui, son attention entièrement portée sur Moïse. Il sent des doigts agripper violemment son col, le retenant de faire un geste et lui envoyant un shot d'angoisse dans le sang. Et s'ils savaient ? – C’toi Lebrown ?! Kaz détache un instant son regard de Moïse, le posant incrédulement sur son agresseur. La surprise, mêlée à la peur, l'empêche d'articuler une réponse cohérente. Il reste muet sous le poids de ses émotions et son absence de voix semble ne pas plaisir aux trois inconnus inquisiteurs, l'un d'eux le bousculant avec assez de brutalité pour qu'il s'écrase douloureusement contre le mur. Kaz tente de ne pas montrer sa douleur, encore moins sa panique. Il y a la voix de Marek qui s'élève dans son crâne. Il entend les moqueries face aux réactions de ses victimes, son rire se mêlant à celui de Moïse autour de quelques bières. Et Kaz, il se promet de ne pas être un nouveau récit pitoyable à raconter. Les mains puissantes des trois autres Shower Posse sont toujours là pour laisser leurs traces sur un corps déjà meurtri de la tête aux pieds. Les opales du Zuniga se raccrochent à celles de Moïse, le suppliant silencieusement. Il le voit approcher, pourrait se sentir soulager, mais il y a quelque chose dans le regard de ce dernier qui l'empêche à discerner ses réels intentions et ça ne fait qu'accentuer son angoisse. Boss, on fait quoi de cet abruti ? Il attend sa sentence, cherche à en découvrir les contours au fond des prunelles obscures de Moïse. Dis, Moïse, tu vas faire quoi de moi ? Peu importe ce que c'est, ils savent tous les deux qu'il ne se battra pas. – Eh mais, t’es pas ... Eh les gars ! Les gars, on le connaît lui, nan ?! Et c'est la douche froide. Les doigts du mec remontent à sa nuque, le rapprochant de lui pour détailler son visage de plus près. Soudain, Kaz se sent sale. Il se sent dégueulasse partout où leurs mains se sont posées. Ils savent et il n'a aucun moyen de s'en sortir. Qu'est-ce qu'ils vont lui faire, alors ? Le tuer sur le champ ou le ramener à D'Shaun ? Est-ce qu'ils le tortureront jusqu'à lui faire dégueuler sa came volée ? Et Marek, est-ce qu'il sera là et prendra un malin plaisir à le faire souffrir ? Et Moïse, il fera quoi ? Il le sauvera, participera ou se posera dans l'ombre pour regarder ? Kaz voit déjà sa mort, plus clairement encore qu'en face de Moïse quelques jours auparavant. C'est tellement clair qu'il entreverrait presque les bras ouverts de la Faucheuse à l'horizon. Sa paume répugnante quitte sa peau avec violence, le visage de son propriétaire rapidement effacé par celui de Moïse devant lui. Et Kaz, il s'attend au pire. – C’quoi, ton blaze ? La question le prend de court. Il cherche sa propre réponse dans les iris de son interlocuteur. A quoi tu joues ? Qu'il lui demande silencieusement. Il aurait pu le vendre. Au lieu de ça, il ajoute une cible à sa tête couronnée. La bouche de Kaz s'entrouvre sans qu'aucun bruit n'en sorte pour ce qui semble être des secondes interminables. – A–Ali. Il sort le premier prénom qui lui vient à l'esprit, la voix aussi tremblante que son corps. – Il t'a fallu tout ce temps là pour t'rappeler d'ton prénom, A–Ali ? Ça résonne à sa gauche. Les battements de son cœur sont frénétiques et ses tremblements sont presque assez forts pour le foutre à genoux. Il est foutu. Foutu. J'suis désolé mais j'achète pas. Kaz regarde Moïse, encore et toujours. Une part de lui lui dit qu'il ne s'en sortira pas et même s'il y croit, il ne peut pas abandonner son frère comme ça. S'il se fait tuer, ce dernier suivra très probablement et c'est hors de question. – J'vous jure que... que j'suis pas Lebrown. J'ai jamais entendu parler d'ce gars là. Il tente d'avoir un ton assuré, mais ses cordes vocales ne font que trembler davantage. Et v–vous, j'vous connais pas. Et toujours les yeux dans ceux de Moïse, il ajoute : J–J'ai rien fait. J'vous l'jure.

@moïse russel

A–Ali. t’as presque envie de soupirer tant ses talents d’acteur sont pathétiques, mais tu restes de marbre, tes yeux noirs rivés sur Kaz, t’es sur le point de répondre quelque chose, mais un des gars te devance. Il t'a fallu tout ce temps là pour t'rappeler d'ton prénom, A–Ali ? les autres se foutent à rire, et tu serres les dents, retenant les pulsions dévastatrices qui s’agglutinent dans ton corps. J’suis désolé mais j’achète pas. l’étau se resserre doucement autour de Kaz, les mecs commencent à perdre patience et les regards se braquent déjà tous sur toi. J'vous jure que... que j'suis pas Lebrown. J'ai jamais entendu parler d'ce gars là. Et v–vous, j'vous connais pas. J–J'ai rien fait. J'vous l'jure. il continue Kaz, il continue et perd totalement pieds face à vous. Tu les vois ses tremblements, sa voix déraille, ses yeux ne te quittent pas, tu donnerais tout pour que la scène ne se déroule pas sous tes yeux. Tu donnerai tout pour ne pas être en charge, ne pas avoir son destin entre tes doigts, encore une fois. si t’es pas lebrown, tu dois au moins savoir où il est, nan ?! on le choppe de nouveau par le col de son haut, t’as une gueule à traîner souvent ici, nouveau ricanement mauvais de la part des types, tu souris en coin, nerveux. Tu voudrais leur faire racler leurs rires à tous, qu’ils dégagent leurs pattes de ton frère, sur le champ. Les doigts toujours accrochées à la crosse de ton flingue, il te faudrait moins de vingt secondes pour t’en servir. c’bon les gars, lâchez le. que tu siffles, mais personne ne t’entend, ils sont trop occupé à l’observer à la loupe. on a qu’à l’emmener à D’shaun, il fera moins son malin, c’est qu’ils sont sérieux les idiots, tout ça pour ne pas rentrer les mains vides face au grand chef. ils seraient prêt à n’importe quoi pour avoir ses faveurs, de vrais petits toutous aux cerveaux lessivés. La panique te gagne aussi lentement que leurs neurones fonctionnent. hein, tu dis que tu nous connais pas, mais p’têtre que devant D’shaun tu retrouveras ta langue. ils répètent son nom, encore, et encore, comme s’ils cherchaient à voir l’effet qu’il aurait sur leur nouvelle prise. Ils ne savent pas que rentrer avec Kaz les rendraient plus riches qu’ils ne l’imaginent. il n’y a que toi, le traître qui en sait quelque chose. qu’est-ce que vous voulez que D’shaun en ait quelque chose à foutre d’une loque dans son genre, t’intervient, enfin. Les yeux qu’on pose sur toi sont incrédules, toi, qui est le premier à faire beugler n’importe quel mauvais payeur. il doit avoir le cerveau tellement cramé qu’il serait incapable d’nous reconnaître dans quelques heures, alors trouver ce foutu lebrown, j’suis pas sur, t’essais de sauver les apparences, tant bien que mal. mais ils tiennent tête, et quand l’un d’eux pousse une nouvelle fois Kazimir, tu oublis de réfléchir. tes deux mains s’abattent sur ses épaules, il glisse sur deux mètres. le palpitant bat la chamade et te voilà entre eux et leur proie. putain Kaz, tu pouvais pas disparaître, pour de bon.

Les mots s'heurtent, se cognent les uns contre les autres. Très vite, il n'y a que la peur qui s'entend dans les syllabes qui serpentent entre les corps. Kaz se raccroche aux opales de Moïse pour ne pas se perdre dans la panique. Ce dernier lui a laissé une chance, a entrouvert une porte de sortie au dépens de sa propre vie. Il lui a tendu une autre main et Kaz est prêt à la rattraper. Ce n'est pas égoïstement qu'il l'accepte. S'il veut sauver sa peau, il veut sortir son frère de ce pétrin avant toute chose. Les yeux inquisiteurs lui font perdre pied, détruisant toutes ses chances de sortir de là vivant. La terreur est un fuel – le diesel des criminels aux intentions meurtrières. Kaz nourrit l'excitation de ceux qui voudraient sa tête, ses tremblements pour alimenter les cœurs dévastateurs. Il se sent glisser sous les rires et les doigts qui refusent de quitter son corps. – Si t’es pas Lebrown, tu dois au moins savoir où il est, nan ?! Le même homme l'attrape par le col, son visage à seulement quelques centimètres du sien. Sa peau crame sous son souffle funeste. La faucheuse est à la porte, n'attendant qu'une pression sur la gâchette pour l'emporter avec elle. T’as une gueule à traîner souvent ici. Les rires viennent retourner son estomac. Tout autour de lui appelle la mort et ça bloque sa respiration dans sa gorge. Il est trop tard pour la fuir, l'éviter comme Kaz en a tant l'habitude. Ses yeux se détachent de ceux de Moïse pour se poser sur son agresseur. Un sourire malsain déforme ses traits, augmentant l'angoisse dans le sang du cadet Zuniga. – Et tu crois que j'connais toutes les têtes qui passent ici ? Dose de courage quand il n'en faudrait pas. Sa voix reste tremblante, mais une faible lueur insolente s'allume au fond de ses iris. J'le connais pas, votre gars. Et vite, la douleur se réveille dans son dos lorsque des mains puissantes le repoussent contre le mur. L'insolence adolescente ressort toujours dans les mauvais moments – et disparaît tout aussi vite qu'elle est arrivée. La panique est toujours là, l'être entier à la frontière de la crise. Ils en parleront pendant des années, du camé à la crise d'angoisse facile. – C’bon les gars, lâchez le. Il l'entend à peine, Kaz. Ça bourdonne dans ses oreilles jusqu'à ce que tous les sons extérieurs s'effacent. Son cœur bat la chamade et sa respiration, elle, s'affole. Il a l'impression d'être à deux doigts d'étouffer, tout le poids du monde soudain sur ses épaules.
Kaz sait qu'on lui parle, mais il n'entend rien. Il n'y a qu'un trou noir autour de lui, que des visages distorsionnés devant ses yeux embrumés. C'est la voix de Moïse qui le ramène à lui – Kaz comme un bateau guidé par un phare en plein milieu d'une mer déchaînée. – Qu’est-ce que vous voulez que D’shaun en ait quelque chose à foutre d’une loque dans son genre. Ses paroles n'ont pas grand sens. Rien n'a de sens avec Moïse, finalement. Il doit avoir le cerveau tellement cramé qu’il serait incapable d’nous reconnaître dans quelques heures, alors trouver ce foutu Lebrown, j’suis pas sûr. La boîte crânienne de Kaz n'est plus qu'un terrain de guerre, des milliers de soldats ensanglantés s'y battant avec hargne. Les cris et les pleurs remplissent sa tête, le sang apparaissant devant ses opales abattues. L'univers est sans dessus-dessous – et lorsqu'une main revient à son torse et que son regard se pose dessus, Kaz est persuadé qu'elle appartient à Marek. Il est paralysé, son âme foudroyée et son corps esquinté à en saigner. Les briques froides sur lesquelles il se repose ne sont qu'une faible consolation face à la situation. Tout se passe au ralenti et Kaz comprend. Il comprend qu'il n'y a plus de retour en arrière. Qu'à cet instant, Moïse a choisi son camp – l'a choisi lui face à ses frères d'arme. C'que t'es idiot, Moïse. La silhouette de ce dernier le protège des coups à venir, de la rage carmin de ceux qu'il a trahi. – Qu'est-ce qui t'prends, Moïse ? Question orageuse qui résonne dans la pièce. La guerre, elle n'est plus dans son crâne. Elle est là, partout où ses yeux se posent, sur les traits coléreux et les doigts refermés sur les armes à feu. Ils sont en première ligne du champ de bataille, deux contre trois parce que ce n'est jamais drôle d'être équitable. – J'savais qu'on le connaissait, l'camé. Ça glace le sang de Kaz. Ils savent – évidemment qu'ils savent. Moïse ne se serait jamais mis entre un inconnu et la Shower Posse. C'est l'petit Zuniga, pas vrai ? Les trois syllabes de son patronyme sonnent comme une mise à mort. Ils savent et Marek saura. Pas vrai, Russel ? Et il l'entend avant de le voir. Bien avant que l'arme soit sortie et pointée sur Moïse, Kaz fait barrage. Sa taille n'est pas impressionnante et son corps tremblant ferait rire n'importe qui, mais il se tient droit devant les trois autres hommes. – J'viens avec vous, qu'il sort avec hâte, les iris fixés sur le flingue. Si vous laissez Moïse en dehors de tout ça, que vous gardez c'qui vient de se passer pour vous, j'viens avec vous. Étonnamment, le possible objet de sa mort à quelques mètres de lui, Kaz retrouve une assurance perdue depuis longtemps. Il mourrait volontiers pour Moïse, pour le protéger et le savoir sain et sauf. Tu m'as sauvé tellement de fois que j'peux même plus les compter. Aujourd'hui, c'est à mon tour.

@moïse russel

Qu'est-ce qui t'prends, Moïse ?
qu’est-ce qui te prends moïse ?
qu’est-ce qui te prends ?
qu’est-ce que tu fais ?
La folie te guète. Sur le qui-vive, la main à la ceinture prêt à dégainer le premier s’il le fallait. J'savais qu'on le connaissait, l'camé.C'est l'petit Zuniga, pas vrai ? Pas vrai, Russel ? ils sont finalement moins cons qu’ils ne paraissent et tes dents se serrent. ouais, c’est lui, et si vous posez encore les mains sur lui je vous bute tous, les uns après les autres. C’est ce que leur hurle ton regard, tu serais prêt à crever pour Kaz, ils le savent, ils connaissent votre passif et les sourires qu’ils affichent, ils devraient te faire fuir. T’as pas le temps de réagir, ton frère s’interpose, le corps tremblant les deux mains presque dans les airs, à la merci du flingue qui vient de se pointer devant lui. J'viens avec vous, Si vous laissez Moïse en dehors de tout ça, que vous gardez c'qui vient de se passer pour vous, j'viens avec vous. t’es trop con. les hommes ricanent, parce que les hommes n’ont que faire de ses exigences, ils le traîneront de force maintenant qu’ils sont au courant. Maintenant que le masque est tombé, ils ne le laisseront plus en paix. on pourrait aussi bien l’buter, et t’emmener à D’shaun pour notre récompense. il est trop sûr de lui, à tel point que la rage s’empare de ton corps en moins d’une seconde. Ta paume de plaque contre le torse de Kaz et tu le pousses en arrière, le maintenant contre le mur avec force. Le canon de l’arme se retrouve appuyé sur tes pectoraux, et tu dévoiles tes crocs. vas-y, tire, fils de pute. t’en ferai qu’une bouchée, il te mate mais ne bouge pas. t’as intérêt à faire sa vite, et a pas m’rater surtout. les autres ne sont plus certains tout à coup, les couilles leurs manquent. L’inconscience t’habite, si tu mourrais ce soir, tu l’aiderais Kaz à leur merci et c’est tout simplement inimaginable. Le coup de tête part tout seul, l’assaillant de retrouve au sol et tu vois les étoiles devant tes yeux. Pas l’temps de reprendre tes esprits que c’est à ton tour de sortir ton glock, le pointant sur les deux qui restent. ramassez votre pote, tu sais pas si c’est ta voix, ou la haine qui danse dans tes yeux qui leur promet une balle entre les deux yeux qui les fait s’exécuter. Mais ils obéissent, jettent des insultes, des menaces qu’ils mettront à exécution. c’est y’a quelqu’un qui doit l’amener à D’Shaun, ce sera moi. vulgaire mensonge, tes doigts s’agrippent au t-shirt de Kazimir et tu le traînes avec toi, d’un pas rapide.  la drogue a fini par t’rendre fou ou quoi, qu’est-ce qui t’a pris ?! t’as cru qu’tu pouvais négocier avec eux ?! c’est la colère qui parle, l’inquiétude dissimulée, tu le pousses avec force pour qu’il avance.faut pas trainer. ils vont s’ramener, plus nombreux pour tes beaux yeux, faut qu’on se planque Kaz, jusqu’à trouver une solution convenable à tout ce foutoir.

Des années à se cacher pour que tout s'effondre en une fraction de seconde. Son patronyme lui retourne l'estomac, la peur refusant à l'air de remplir ses poumons. Kaz ne peut plus fuir, son identité révélée et le voile levé sur son existence. Kasimir Zuniga n'est plus un cadavre oublié, mais une carcasse vivante et sur ses pieds. Il ne peut plus fuir, et même s'il le pouvait, il ne le ferait pas. Ce n'est pas par instinct suicidaire, mais par amour de Moïse qu'il reste. La vie de ce dernier repose entre ses mains tremblantes et malgré la voix qui lui hurle de courir, Kaz se met entre lui et le flingue pointé à son front. Il a imaginé sa mort des milliers de fois, mais jamais comme ça. Mourir pour un être cher est un concept étranger à son existence, lui qui a pendant trop longtemps vécu une vie égoïste et solitaire. À ce moment précis, il ne réfléchit pas, sachant exactement ce qu'il a à faire. Kaz se donne. Il se donne corps et âme pour son frère. Et même sous les ricanements moqueurs, il ne démord pas, les mains en l'air et les pieds bien enfoncés dans le sol. Son regard ne vagabonde pas anxieusement autour de la pièce, mais reste étonnamment ancré dans celui de l'homme qui tient l'arme. – On pourrait aussi bien l’buter, et t’emmener à D’Shaun pour notre récompense. Ça résonne dans les profondeurs, remue tout à l'intérieur. Si Moïse meurt, ce sera de sa faute. Il aura tout foutu en l'air jusqu'au bout, gâché la vie de ses deux frères par sa simple existence. Ce n'est pas juste que Moïse crève maintenant – pas comme ça, pas pour ça. Kaz cherche ses mots, sa bouche entrouverte ne laissant se propager qu'un silence morbide. C'est sans qu'il ne sache réellement ce qu'il se passe qu'il est plaqué au mur, la paume de Moïse fermement posée contre son torse. Il ne bouge pas, à la fois étonné et conscient qu'il n'aura jamais assez de force pour dégager sa main de lui. – Vas-y, tire, fils de pute. T’as intérêt à faire sa vite, et à pas m’rater surtout. Kaz laisse échapper un bruit étouffé, les larmes lui montant aux yeux. Il voudrait crier sa détresse et dégueuler son angoisse. Moïse va mourir et c'est de ta faute, Kaz. C'est toujours de ta faute. Pourquoi tu ne pouvais pas te barrer ? Pourquoi tu ne pouvais pas rester en dehors de sa vie ? Ce qu'il touche se brise. Ce qu'il aime se détruit entre ses doigts. Moïse n'est pas une exception. Il peut déjà entendre le coup retentir et voir le corps sans vie de son frère s'écraser sur le sol. J'suis désolé. Si tu savais comme j'suis désolé, Moïse. Kaz retient un sanglot de s'échapper, le cœur lourd et les entrailles glacées par la terreur.
Le reste est un enchaînement qui dépasse sa compréhension. Moïse reprend le dessus, sa propre arme maintenant pointée les deux hommes toujours debout. – Ramassez votre pote. La voix de son frère ne fait qu'augmenter sa dose de peur. Si Kaz n'était pas encore retenu contre le mur, il se serait sûrement jeté au sol pour ramasser l'inconnu et le remettre sur pied sous les ordres de Moïse. Si y’a quelqu’un qui doit l’amener à D’Shaun, ce sera moi. C'est à deux doigts de s'effondrer qu'il se laisse traîner, manquant de s'écraser par terre à chaque marche. La drogue a fini par t’rendre fou ou quoi, qu’est-ce qui t’a pris ?! T’as cru qu’tu pouvais négocier avec eux ?! Poussé dans le dos par Moïse, Kaz se retient de justesse au mur pour ne pas rencontrer le sol la tête la première. Il passe une main faiblarde sur son crâne rasé, se maudissant silencieusement de ne plus avoir de cheveux à tirer en cas de nervosité. – J'allais pas les laisser te tuer, Moïse, qu'il balance par dessus son épaule, la voix peu assurée. Dehors, Kaz enfile sa capauche, ses yeux scannant frénétiquement les passants à la recherche de Marek. Il s'attend à le voir arriver à chaque coin de rue, ses opales meurtrières fondant dans les siennes. – Faut pas trainer. Ils vont s’ramener, plus nombreux pour tes beaux yeux, faut qu’on se planque Kaz. Des squats et des bâtiments abandonnés, il en connaît des centaines dans le quartier. Le problème est que les Shower Posse les connaissent aussi, l'ayant obligé à ne jamais s'arrêter de bouger et sans arrêt changer de zone pendant cinq longues années. Il jette un coup d’œil par dessus son épaule pour savoir si Moïse le suit, avant de bifurquer dans une ruelle où les rayons du soleil sont inexistants. Kaz termine par se retourner vers lui. – J'connais un endroit, que Kaz commence avec incertitude, son regard voyageant partout autour d'eux. Mais j'suis persuadé que tu connais des gens là-bas. Des loques dans mon genre, si tu vois c'que j'veux dire. Il répète ses propres mots, l'amertume vaguement présente dans le ton qu'il emploie. Après tout, Moïse n'a jamais caché à quel point il détestait l'état de Kaz et en qui il s'était transformé à force de prendre des stupéfiants. Son aversion n'est un secret pour aucun d'entre eux, mais cela n'empêche pas ses paroles de le blesser. J'peux pas te laisser y aller si j'suis pas certain que tu fermeras ta gueule et te ramèneras pas avec tes potes pour péter la gueule d'un camé qui n'a pas payé. Ses opales remontent finalement jusqu'aux siennes. Promets que tu garderas l'secret. Promets-le-moi, Moïse. Promets-le-moi et je t'ouvrirais les portes de mon monde arc-en-ciel.

@moïse russel

J'allais pas les laisser te tuer, Moïse tu l'entends à peine quand il prononce ces mots, l'esprit trop embrumé par l'inquiétude et l'agacement. Ils ne t'auraient pas tué, ils n'auraient pas osé, t'es sûr de toi. Peut-être un peu trop et c'est ce qui causera ta fin, un jour. Lorsque Dieu te rappellera à ses côtés. Pour le moment, c'est des griffes de la Shower Posse que tu veux sortir ton frère, c'est un endroit calme que tu recherches, pour te poser cinq minutes et réfléchir à la meilleures des solutions. tu pourras pas fuir toute ta vie Kaz, viendra un jour où tu ne seras plus en mesure de te cacher, viendra un jour où même moi j'saurai plus te protéger. Sur tes gardes, le flingue toujours entre les doigts, tu le suis vérifiant à droite et à gauche, devant et derrière, à l'affut du moindre mouvements louches. J'connais un endroit il a tourné et t'es sur ses pas, Mais j'suis persuadé que tu connais des gens là-bas. Des loques dans mon genre, si tu vois c'que j'veux dire tu arques un sourcil, l'amertume dans sa voix te percute et t'es pas certain d'apprécier, t'as pas l'temps de te vexer, joue pas à ça avec moi J'peux pas te laisser y aller si j'suis pas certain que tu fermeras ta gueule et te ramèneras pas avec tes potes pour péter la gueule d'un camé qui n'a pas payé. le sifflement qui s'échappe d'entre tes lèvres ne promet rien de bon, tu le fixes de tes iris ébènes attendant la suite Promets que tu garderas l'secret. Promets-le-moi, Moïse tu ricanes bruyamment, tu passes une main à l'arrière de ton crâne. c'est avec moi que t'veux négocier maintenant ? t'as l'impression qu'il te prend pour un con, tu tiens plus en place, t'as la bougeotte et tu regardes une nouvelle fois derrière vous, écoutant attentivement les sons aux alentours. tu crois qu'on a l'temps pour ça ? s'ils te retrouvent, s'ils nous retrouvent, ils vont nous tabasser jusqu’à ce que nos dents tombent. que tu continues, tu le sais, t'as déjà été à la tête de ce genre de règlement de compte. Ils ne sont que des chiens, incapables de la moindre réflexion. c'est quoi votre problème à vous les junkies, vous savez très bien qu'une dette ça se paye putain, que les dealers c'est pas des cousins de Mère Teresa, paix à son âme, tu parles, tu parles, les nerfs à vif, la peur au bide de le voir se faire descendre. c'est bon, j'te jure, je fermerai les yeux. pour cette fois que t'affirmes en posant ta main sur ton coeur en guise de bonne foi. mais grouille-toi. quand il reprend sa marche, tu restes collé à lui. et si c'est eux, qui veulent me buter ? j'sais pas, j'en ai peut-être déjà défoncé un ou deux, tu demandes en toute honnêteté, t'as jamais mis les pieds dans un de leurs repères sans le moindre appui de tes troupes.

Le cœur de Kaz s'embrase sous le poids de la culpabilité. S'ils sont dans cette situation, à fuir des hommes que Moïse a toujours reconnu comme ses frères, c'est de sa faute et seulement de la sienne. Après tant d'années, il continue de détruire ceux qu'il aime – comme un parasite qui ne disparaît jamais vraiment. T'es capable qu'à briser tout c'que tu touches. Marek le disait lui-même. Il n'y a que Moïse qui s'est accroché, a continué de croire en lui quand le monde entier ne voyait en Kaz qu'un camé sans cervelle. Et s'il lui en est reconnaissant, une partie de lui ne peut s'empêcher de souhaiter que Moïse ne se soit jamais raccroché comme il l'a fait. Tout aurait été plus simple – pour l'un comme pour l'autre. Mais il est impossible de revenir en arrière, de remonter le temps jusqu'à leur rencontre qui a changé la vie de Kaz. Il ne peut désormais qu'essayer de réparer ses erreurs et sauver Moïse de ces mêmes hommes qui veulent sa peau depuis cinq longues années. Lorsque ce dernier lui parle de se planquer, l'esprit de Kaz se pose sur le chantier désaffecté à l'autre bout du Queens. Il sait les risques qu'il pourrait faire courir à toutes ces âmes perdues, à ces entités fantomatiques qui sont doucement devenues une seconde famille. Il le sait, mais il a aussi conscience qu'il n'y aucun autre endroit que la Shower Posse n'a pas encore fouillé. Et si Kaz devait foutre la planète à feu et à sang, ce serait pour Moïse et personne d'autre. Alors il laisse les mots se glisser et la demande de promesse traîner entre leurs deux corps. Il le regarde avec des yeux suppliants, pas sûr d'avoir la force d'encaisser un refus de sa part. Si tu m'dis non, j'sais que ce sera la fin. Qu'on se retrouvera plus sur les trottoirs new-yorkais. J'me ferais si petit que tu sauras même plus que j'existe. Et moi, j'crèverais d'ton absence en silence. Le ricanement qui suit l'attaque en pleine poitrine. Kaz se recroquevillerait habituellement sur lui-même, les épaules voûtées et le visage sombre, sauf qu'il refuse de le faire cette fois. Ses opales glaciales ne quittent pas celles de Moïse, alors que ses mains se referment en poings sous l'impact. – C'est avec moi que t'veux négocier maintenant ? Inspiration profonde. Impression de fondre sous l'agacement. – J'suis pas en train de négocier, Moïse. J'te demande juste de pas jouer au con, c'est trop dur à comprendre ? Kaz est aussi impatient que Moïse, les événements précédents tendant chacun de ses muscles. Il voudrait simplement que son frère arrête de polémiquer et lui offre ce qu'il lui a si gentiment demandé. – Tu crois qu'on a l'temps pour ça ? S'ils te retrouvent, s'ils nous retrouvent, ils vont nous tabasser jusqu’à ce que nos dents tombent. C'est à son tour de ricaner et ce son l'étonne lui-même. Il est aussi amer que ce qu'il ressent à cet instant précis. – Mais tu crois que j'le sais pas ? Ça fait cinq putain d'années que j'vous fuis. Kaz passe une main nerveuse sur son crâne, à la recherche de cheveux à tirer sans arriver à en trouver. Putain de crâne rasé. Tu penses que j'le fais par plaisir ? J'sais très bien c'qui se passera si Marek ou D'Shaun mettent la main sur moi. Les deux prénoms ont un goût dégueulasse sur sa langue. Ils réveillent la peur dans ses veines, accélèrent les battements de son cœur balafré. – C'est quoi votre problème à vous les junkies, vous savez très bien qu'une dette ça se paye putain, que les dealers c'est pas des cousins de Mère Teresa, paix à son âme, que Moïse continue de déblatérer à en faire cramer chaque parcelle de l'être de Kaz. Ce dernier le regarde avec un air blasé, laissant furtivement vagabonder ses yeux à chaque extrémité de la ruelle en même temps. Mais ferme ta gueule, Moïse. Ferme. ta. gueule. C'est toi qui es en train d'nous enfoncer actuellement. C'est bon, j'te jure, je fermerai les yeux. Mais grouille-toi. Kaz n'a besoin que de ça pour reprendre la marche, Moïse à ses côtés. Ils se faufilent hors de la ruelle après avoir examiné les silhouettes présentes à la loupe et continuent leur route dans un silence vite brisé par le plus jeune. Et si c'est eux, qui veulent me buter ? J'sais pas, j'en ai peut-être déjà défoncé un ou deux. Un rictus amusé étire les lèvres de Kaz – ce qui est étonnant au vu de la situation. – Moïse Russel serait-il effrayé par des junkies ? Ça l'amuse, un peu, de voir les positions s'inverser. D'être celui sur qui Moïse peut se reposer l'espace d'un instant. Ça l'amuse et le rend vaguement fier, malgré les circonstances désastreuses. Ils t'feront rien tant que j'suis là. Coup d’œil furtif vers Moïse. J'les laisserais pas faire, de toute façon, qu'il ajoute avec sincérité. Ce n'est pas comme s'ils allaient lui sauter à la gorge. Certainement qu'ils ne seront que deux ou trois à traîner sur le sol dégueulasse du chantier, à se piquer ou fumer un joint sur le canapé. Eden ne sera certainement pas là, Mimi non plus. Ils pourront se poser tous les deux. Comme avant mais dans une atmosphère plus tendue. (...) C'est une heure plus tard qu'ils arrivent au chantier, le soleil tapant sur eux à les en faire cramer sur place. Kaz entraîne Moïse à l'intérieur sans un mot. Ils ne croisent qu'une jeune femme endormie sur le sol et un gars qui vient saluer Kaz avec entrain, lui proposant un joint avant de s'arrêter net devant le visage froid de Moïse. Le Zuniga s'empresse de refuser sa proposition avant de se glisser un peu plus loin dans le bâtiment et de s'asseoir sur le canapé qui trône l'immense pièce, les jambes remontées à son torse et entourées de ses bras. – Tu peux t'détendre, Moïse. C'est le seul endroit où j'peux passer des jours sans risquer de m'faire choper. Il est confiant, Kaz. Peut-être un peu trop. Jusqu'à maintenant, la Shower Posse ne s'est jamais ramenée au chantier et il ose espérer que ce sera le cas encore longtemps. Marek doit être au courant, maintenant. J'imagine qu'ils se sont empressés d'lui dire qu'son enfoiré de petit frère était toujours en vie, qu'il dit après un moment de silence, les yeux dans le vide. Il réagira comment si on s'revoit, tu penses ? Il relève doucement son regard vers Moïse. Dis-moi que je l'ai pas bousillé à vie. Qu'il arrivera à m'pardonner de l'avoir envoyé sur le bûcher. Dis-moi que j'peux encore tout rattraper.

@moïse russel

Moïse Russel serait-il effrayé par des junkies ? capuche sur la tête, tu tournes légèrement un regard sévère vers kazimir, marmonnant dans ta barbe des insultes que personnes ne voudrait entendre. la peur est un sentiment que tu n'as jamais aimé ressentir, que tu enfermes à double tours les trois quarts du temps. c'est pourtant la frousse qui t'a fait agir ainsi, celle de voir un frère tombé sous une pluie de haine. si les images ne t'avaient pas traversé le crâne, si elles n'avaient pas fait se serrer ton coeur si fort, peut-être que tu les aurais laissé faire. que le fils zuniga serait maintenant en face de ses bourreaux pour répondre de ses actes. Ils t'feront rien tant que j'suis là. Coup d’œil furtif vers Moïse. J'les laisserais pas faire, de toute façon. tu ne réponds rien, car tes sentiments sont partagés, parce que ton départ il y a cinq ans m'a mis le doute. je donnerai ma vie pour toi, mais toi, tu m'as déjà fait faux bon une fois. c'est en silence que vous marchez, tu le suis à la trace, jetant quelques coups d’œil derrière vous de temps en temps. sur le chemin tu as même pris la peine d'éteindre ton téléphone portable, déjà inondé de messages et d'appels manqués. tu risques gros, ce soir, tu risques tout. tu ne vois pas l'heure s'écouler, tes pensées trop prises par la suite possible des événements. machinalement, tu calculs les options qui s'offrent à vous, tu cherches la meilleure porte de sortie, celle qui ne couvera aucun cadavre. quand vous entrez dans le squat qui semble être un vieux chantier, tu redresses aussitôt la tête. observant avec attention les lieux, prêt à faire face aux menaces éventuelles. il n'y a qu'une gosse allongée sur le sol, et un homme qui s'élance vers vous avec trop de conviction. tes sourcils se froncent et l'homme se fige, tu suis toujours kaz sans lâcher l'intrus du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse de ton champ de vision. dans la pièce trône un canapé, seul et unique meuble sur lequel ton frère se pose. tu restes debout, à l'affut. Tu peux t'détendre, Moïse. C'est le seul endroit où j'peux passer des jours sans risquer de m'faire choper. ce n'est qu'après cette phrase que tu t'assois à l'autre bout, tes yeux sombres rivés sur kazimir qui lui, ne voit que le vide. Marek doit être au courant, maintenant. J'imagine qu'ils se sont empressés d'lui dire qu'son enfoiré de petit frère était toujours en vie, il s'apprête à répondre mais il n'en a pas le temps, Il réagira comment si on s'revoit, tu penses ? tu voudrais avoir le mensonge facile, savoir manier les mots comme personne pour le rassurer et toi aussi, par la même occasion. tes mâchoires se crispent, toi qui ne fume que rarement c'est avec trop d'empressement que tu sors une cigarette de la poche avant de ton sweat. bien sûr qu'il est au courant. il m'a déjà appelé, dix fois, avant que j'éteignes mon téléphone. que tu commences, tirant sur la clope sans même en apprécier le goût, ça va l'tuer, d'savoir que t'es en vie. encore plus de savoir que t'es toujours là kazimir. que t'as pas eu le cran de te barrer loin d'ici. que t'ajoutes, la colère qui monte au creux de tes entrailles est sourde et douloureuse, tu lui en veux, autant à lui qu'à toi même. tu lui devais au moins ça, putain. après ce que t'as fais, personne avait besoin de ça. tu craches les derniers mots, écrasant la cigarette sur le sol. tu crois vraiment, qu'il serait capable de te foutre une balle dans la tête kaz ? que c'est tout ce qu'il attend ? il a pleuré ton absence, autant que moi, en silence.