wait. what's your name again ? (isabella)

T’aurais jamais cru que ça te fasse autant de bien de parler de ça à quelqu’un ; à quelqu’un d’extérieur, quelqu’un qui connaît Slade bien mieux qu’il ne te connait toi. Parce que t’as pigé, t’as compris que tu t’inquiètes pour lui. Tu ne peux rien y faire, pourtant. Tu ne peux pas prendre de ses nouvelles ou tenter de le faire parler de ce qu’il ressent. T’es pas la bonne personne dans ce scénario. Déjà qu’il refuserait sans aucun doute de le faire avec n’importe qui, tu sais pertinemment que ce serait encore bien pire avec toi, avec l’origine de son problème. Au moins là, tu sais que tu donnes les informations dont Isabella a besoin pour l’aider, pour le comprendre. Tu sais que tu es utile et que tu peux aider par procuration, via son amie. Il ne voudra sûrement pas de son aide, tout comme il ne veut jamais celle de personne mais tu aurais au moins tenté le coup et tu peux sentir un début de soulagement s'immiscer en toi. « Je constate que je ne suis pas la seule à en avoir déjà fait les frais. » Elle parle de sa fierté, de son côté borné et tu ne peux qu’hocher positivement la tête. Tout le monde a dû en faire les frais à un moment où un autre. Il est pire que toi Slade, quand il en vient à se braquer, à camper sur ses positions même s’il sait pertinemment qu’il a tord. Sa fierté, par contre, il est le seul à l’avoir. Il y a bien longtemps que la tienne s’est envolée.

« Oh… Je vois. » Tu arques un sourcil parce que t’as soudainement le doute qu’elle ne comprenne pas trop la situation. T’as soudainement le doute qu’elle pense que Slade a des sentiments pour toi. Elle aurait tord. « Tu étais la relation la plus suivie que je lui ai connue. Je suppose qu’il ne s’attendait pas à te voir… T’éloigner. » Il faut que tu mettes les poings sur les i avant qu’elle se mette à organiser votre mariage futur. « J’pense qu’on est amis. Honnêtement. Je pense qu’en cinq ans, on a apprit à s’apprécier et on aime réellement passer du temps ensemble. » que tu commences. « Et je pense qu’il ne sait pas comment rester amis sans… l’amusement qui allait avec. » Tu penses qu’il a peur de te perdre en tant qu’ami. Ça te semble logique. C’est ce que tu sembles ressentir aussi. Parce que ça t’emmerde de perdre le mec qui était là quand tu t’es fais tabasser - le seul qui t’aurait ouvert sa porte au milieu de la nuit pour te sauver la vie parce que tu aurais sans doute fini à l’hôpital si tu avais dormi dehors avec de telles blessures. « Vas pas croire qu’on est cons au point de tomber amoureux et de pas le piger pendant cinq ans. » Tu sais quand même ce que tu ressens, quoi. « Que t-a-t-il dit ? » Tu hausses les épaules. Il a fait du Slade tout craché - gueuler fort sans rien dire clairement. « À part dénigrer mon petit ami, pas grand chose. » Tu l’entends encore clâmer la virginité de ta moitié et sous entendre qu’il ne te laissera pas lui faire l’amour. C’était petit comme attaque, très petit.

T’as soudainement l’impression d’en avoir trop dit, à une fille que tu connais à peine en plus. T’as beau t'inquiéter pour Slade, tu commences à prendre conscience que tu as encore trop ouvert ta gueule. « Et tu ne penses pas que Slade, si détaché qu’il est de ses sentiments, pourrait dissocier le sexe de votre amitié ? » Tu fronces légèrement les sourcils pour essayer de comprendre. Peine perdue. Tu ne vois pas du tout où elle veut en venir. « Comment ça ? » Parce que t’aurais dit l’inverse, toi. T’aurais dit que Slade associait les deux ; qu’il se disait qu’il n’y avait pas d’amitié possible entre vous sans sexe, puisque lorsque tu lui vires le physique, tu sembles le perdre en même temps. « Je suis désolée, tu… Dois mieux le savoir que moi. Ce genre de choses se ressent. » Tu hausses les épaules. T’en sais rien. T’as jamais été doué pour lire dans les sentiments des gens, surtout lorsqu’il s’agit de sentiment envers toi. Et tu parles de sentiments amicaux, bien sûr. Toujours. « J’suis pas aussi intuitif à ce niveau là. » Tu l’avoues sans problème, pas gêné pour un sous. Ta franchise légendaire se dévoile une nouvelle fois, comme d’habitude.

« Il est possessif. » Elle constate et tu te marres comme toute réponse, amusé. « Euphémisme du millénaire. » Tu sais que tu l’es aussi, à un certain degré. Mais toi, t’as une peur panique de l’abandon. Peut-être qu’il en a une aussi, qui sait. Après tout, t’as l’air de ne rien connaître sur lui en dehors du boulot et de vos parties de jambes en l’air. T’as l’air de ne rien savoir du tout. Nada. Et c’est pas synonyme d’amitié, ça. C’est synonyme de rien du tout. L’amitié, ya sans doute que toi qui la ressent. Ça te frappe en pleine gueule et tu restes silencieux de longues secondes, contemplant l’éventualité, la réalité que tu comprends enfin. Tu t’es inventé un truc. Isabella a beau croire que t’es sa relation la plus suivie, t’y crois pas une seconde. T’en saurais plus, t’en saurais beaucoup plus. Il sait tellement de choses sur toi, Slade. Et toi. Toi tu ne sais rien. Une amitié à sens unique. Et bordel, ça te nique de t’en rendre compte. Fuck. « J’irais le voir. Je lui parlerai, pour m’assurer qu’il va bien, mais aussi pour l’aider à éviter de gâcher votre amitié. » Tu te mordilles nerveusement la lèvre inférieure sans trop savoir quoi répondre. T’es plus sûr qu’il ne gâche quoique ce soit. Comment il pourrait gâcher un truc que t’as inventé ? Mais tu t’inquiètes quand même, c’est plus fort que toi - et t’as envie qu’il ait quelqu’un au cas où ; au cas où tu sois juste parano et que ça le touche réellement, au cas où tu sois parano et que tu n’ais pas rêvé cette amitié entre vous.

Ya un mal de crâne qui menace de te prendre le cerveau pour le serrer dans un étaux. Tu peux le sentir arriver dans un coin de ta tête. Bien sûr que parler de sentiments va te filer une migraine. Bien sûr que d’ajouter Slade dans un thème de discussion prône aux maux de tête allait faire qu’ils arrivent encore bien plus vite. « Il est suffisamment pragmatique pour discerner les deux. Peut-être est-il… Davantage attaché à toi qu’il ne le croyait ? Peut-être qu’il ne pensait pas que cela pouvait l’atteindre ? » Tu sais pas trop quoi dire. Ça te sidère tout ça et t’es pas certain de pouvoir assez bien cerner Slade pour savoir si elle a raison ou tord. Pour toute réponse, tu hausses les épaules comme un idiot, une grimace sur le visage. T’es incapable de lui donner une réponse à ses questions, à ces questions. T’es déjà pas capable de répondre à la plupart des tiennes quand il s’agit du cas Warner. Trop imprévisible, l’armoire à glace.

Elle te répond du tac au tac « Il n’est pas possessif avec tous ses amis. » et tu ne peux t’empêcher de faire de même, bien trop habitué à ne pas avoir de filtre, à laisser tes pensées s’échapper, former des mots par elle-même sans que tu puisses les en empêcher. « Il se les tape pas tous non plus. » Finalement, après réflexion, t’en es pas tellement sûr. Tu le vois mal s’en taper d’autres après les crises de jalousie qu’il a pu te faire mais tu sais aussi que Slade, il est du genre fais ce que je dis et non ce que je fais alors tu ne sais clairement pas à quoi t’en tenir. Tout ce que tu peux te dire, c’est que s’il se tape plusieurs personnes, il est en forme le Warner. Faut dire que vous ne faites pas ça qu’une fois de temps en temps. Faisiez. Tu te corriges dans ton crâne. Faisiez au passé.

T’as toujours eu cette peur de l’abandon - cette peur de t’attacher sans qu’on s’attache en retour. Ça vient sans aucun doute de tes parents : de ta mère partie trop tôt et de ton paternel parti trop tard. Et quand tu commences à avoir des doutes, c’est la spirale infernale dans tes pensées. Tu commences par te dire que Slade ne fait pas la différence et tu finis par t’imaginer qu’il te prend uniquement pour un vide couilles. Tu sais que c’est pas vrai, mais il est convaincant, ton putain de cerveau. « Est-ce que tout va bien Damen ? » Elle le remarque, putain de visage expressif de merde que tu as. « Je sais que je suis son amie à l’origine mais… Tu t’es presque autant confié en quelques minutes que lui en toute une vie. J’espère que je ne t’ai pas mis mal à l’aise ou… Quoi que ce soit. Mais, crois-moi, je n’irais jamais raconter tout ce que tu m’as confié. » Tu viens secouer ton visage, sourire au bord des lèvres. T’essaies de regagner un minimum de contenance, histoire de pas non plus passer pour c’que t’es pas devant une cliente - même si à ce stade, elle n’est plus que ça. « Ouais ça va. J’suis pas mal à l’aise. » pour le coup, tu ne mens pas et t’as pas spécialement envie de mentir. T’as juste pas envie de continuer de parler de tout ça. T’as envie de laisser ton cerveau se reposer au lieu de le faire travailler plein pot. « Je me fiche pas mal que tu racontes ou non. C’est juste que j’pige qu’on a pas mal de questions pour aucune réponse et c’est vachement frustrant. » Frustrant. C’est le mot, ouais. Il est frustrant Slade. Et maintenant que t’as le mot, tu piges qu’il l’est depuis bien longtemps.