“Un frère est un ami donné par la nature.” - Cassey

✩ Butterfly, fly away.

Le retour à la vie normale est quelque peu difficile depuis ce week-end en dehors de toute réalité avec Sora. Sora, elle le connaît depuis seulement quarante-huit heures mais… Quelles quarante-huit heures. Elle ne cesse de repenser aux moments qu’ils ont vécu. Elle ne sait pas quand elle le reverra. Elle ne sait jamais rien avec lui, c’est bien ce qui lui plaît. Il a chamboulé sa vie pourtant déjà bien compliquée. Elle n’a aucune idée de ce qu’il va advenir pour son futur, Cassey. Il y a lui, il y avait déjà Toby. Cela risque de devenir compliqué à gérer pour elle. Mais elle n’y pense pas, non, elle se contente de faire ce qu’elle fait toujours. Elle se laisse porter par la vague, sans rien prévoir, sans rien envisager. Elle suit son envie, Cassey. Et cela lui fait du bien. Elle a suffisamment de problèmes à résoudre entre la reconquête de sa fille et cette boutique. Justement, c’est là qu’elle se trouve aujourd’hui. Une fois n’est pas coutume, elle s’est réveillée tôt pour s’y rendre. Cela fait plusieurs heures qu’elle est en plein travail. Les travaux ont bien avancé. Ils sont même pratiquement terminés. Ne restent plus que les meubles à trouver. Et les collections à faire venir de Los Angeles. Cela va encore lui coûter une petite fortune. C’est justement sur ce problème de taille qu’elle est en train de se pencher. Elle a beau calculer et recalculer un nombre incroyable de fois ses dépenses. Elle ne parvient pas à obtenir un résultat qui lui aille. Qui aille à son compte en banque, surtout. C’est légèrement en train de la rendre dingue quand, brusquement, elle entend une voix qu’elle ne connaît que trop bien. – Dans le fond ! balance-t-elle simplement, la voix assez forte pour qu’il l’entende. Nikolaï, elle ne l’a pas vu depuis quelques jours déjà. Elle se demande l’objet de sa présence pendant une seconde mais y trouve sa propre réponse. Elle devait lui manquer, évidemment. Elle lui a tout juste donné signe de vie depuis qu’elle a découvert ses agissements avec ses petits-amis. En vérité, elle n’y a guère fait attention. Elle a déjà beaucoup trop de choses en tête pour s’embarrasser d’un souci de plus. Puis, elle n’a jamais été rancunière, Cassey. Quand il arrive enfin, elle lui adresse un joli sourire. – T’es venu me sortir de mes misères ? clame-t-elle en désignant la calculatrice qu’elle tient toujours à la main. Ou peut-être juste qu’il est venu lui en rajouter d’autres. Elle se lève de son bureau improvisé pour aller embrasser son grand frère sur la joue. – Comment tu vas ? Alors ce week-end en amoureux ? Elle ne lui en veut pas, non. Pas du tout. Elle sait qu’il a tendance à être surprotecteur. C’est pour cette raison, précisément, qu’il y a tant de choses qu’elle ne préfère pas lui dire.  

✩ Butterfly, fly away.

S’il y a bien une chose à savoir sur Cassey, c’est qu’elle est extrêmement difficile à suivre. Lunatique, elle peut en vouloir à mort à quelqu’un pour oublier totalement toute rancœur quelques instants plus tard. Elle agit au gré de ses émotions, plus que toute forme de raison. Et si elle a reproché à Nikolaï ses intrusions beaucoup trop déplacées dans sa vie lors de leur dernière rencontre, elle n’y pense déjà plus lorsqu’elle le voit arriver dans sa boutique en ce moment même. Si elle a négligé de le voir, c’est simplement parce que, certainement tout comme lui, elle a été vraiment très occupée. Notamment, par d’autres hommes que son grand frère. Puis, aussi, par sa boutique qui lui demande un investissement sérieux et quotidien. Mais elle est contente de le voir, elle l’accueille en toute insouciance, bien loin des tourments qui l’habitaient quelques secondes plus tôt à peine. Elle a tout juste le temps de lui faire remarquer qu’il la sort de ses soucis qu’il parle d’argent. Elle arque un sourcil. Comme si elle allait lui demander de l’argent. - Bien sur, je comptais te demander la charité. réplique-t-elle en levant les yeux au plafond. Elle en aurait besoin, pourtant, bien plus qu’il ne pourrait jamais l’imaginer. Mais il est hors de question d’en parler avec lui. Encore plus maintenant qu’elle sait qu’il est loin d’être en mesure de l’aider. - Pas du tout. Je dis juste ça parce que je déteste les maths. Et ce n’est pas faux. Mais elle n’a aucune envie de s’étendre sur le sujet, pas maintenant qu’elle peut oublier quelques minutes sa fichue comptabilité. La jeune femme se rapproche de son frère pour le saluer d’un baiser qu’il lui rend. Il lui offre en plus une étreinte qui la fait sourire. Elle le connaît par cœur, Nikolaï. Il a peur qu’elle lui en veuille. Ce n’est pas le cas, non, elle pourrait le dire pour le rassurer d’emblée. Mais cela ne lui ferait pas de mal de mariner un peu. Elle se recule pour écouter la description de son week-end, laissant échapper un léger rire quand il évoque les activités qu’il a proposées à sa petite-amie. - Non mais quel mec emmène sa copine à la pêche ? le taquine-t-elle avec un sourire amusé sur les lèvres. Elle est toutefois heureuse qu’il ait pu pleinement profiter de son séjour. Tu me manquais. Elle le contemple, cette fois l’air vraiment intriguée. Pourquoi est-il si gentil ? Ce n’est pas tant qu’il ne l’est pas habituellement, mais il n’a jamais eu besoin de lui faire des déclarations de ce genre. - Hum. Qu’est-ce qu’il y a ? Parce qu’il y a un truc, c’est certain.  

✩ Butterfly, fly away.

Un joli sourire, presque trop parfait, vient se dessiner sur le visage de Cassey.  Il a raison sur une chose : Elle tient à se débrouiller toute seule. Elle ne veut pas embêter son frère avec ses problèmes d’argent, d’autant plus qu’il serait incapable de les résoudre. Elle ne ferait que le pousser à s’inquiéter pour elle. Et il l’a déjà suffisamment fait tout au long de sa vie. Pour une fois qu’il pense à lui, elle ne veut absolument pas l’en priver. - Oh, je ne te demanderai pas de l’argent... Peut-être juste une voiture. Une décapotable, rouge, tu vois le genre ? affirme-t-elle pour le taquiner, et peut-être aussi pour qu’ils oublient tous deux cette histoire d’argent. Elle laisse échapper un léger rire lorsqu’il avoue ne pas aimer les mathématiques lui non plus. Un autre point commun. - Ouais, ça, c’est plutôt le truc de notre sœur. Opposées jusqu’à leurs matières de prédilection. La scientifique et la littéraire. Mais elle est contente de se débarrasser de cette tâche ingrate, ne serait-ce que pour une heure. C’est bien plus intéressant d’écouter les dernières aventures de son frère... En pleine nature. Elle n’est pas friande, Cassey, encore moins de la pêche. Elle comprend aisément le point de vue de sa petite-amie. Un sourire malicieux sur les lèvres, elle reprend finalement. - Ça t’amusera moins quand elle t’emmènera faire du shopping pour se venger. C’est ce qu’elle ferait, elle, sans aucun doute. Laissant sa place sur sa chaise à son grand frère, la jolie blonde part s’installer quant à elle sur le comptoir de la boutique. Les yeux fixés sur lui, elle le contemple avec cet air intrigué dans le regard, celui qui lui signifie qu’elle sait qu’il lui cache quelque chose. Il lui assure pourtant qu’il n’y a rien. Mais elle n’est pas dupe, Cassey. Elle pratique la bête depuis trente-six ans. Elle sait quand il a quelque chose à lui dire mais qu’il ignore comment s’y prendre. Elle pourrait mettre sa main à couper qu’il y a quelque chose. - Non, mais on s’est vu il n’y a pas si longtemps donc... Donc elle sent qu’il y a quelque chose. Mais elle ne dit rien, elle se dit que dans le pire des cas, il finira bien par cracher le morceau. L’enquêteur sait aussi bien contenir sa langue que sa petite sœur. À la place, elle décide de changer radicalement de sujet pour en aborder un dont elle est certaine qu’il ne sache rien. - Alors t’as suivi le Met Gala ? Il y avait des tenues complètement incroyables ! Elle le taquine, elle le torture. Elle veut juste qu’il crache le morceau. Et le meilleur moyen pour qu’il en vienne enfin aux faits, c’est de lui parler d’un truc qui ne l’intéresse absolument pas.

✩ Butterfly, fly away.

À en juger par la manière dont son frère éclate de rire, elle comprend vite qu’elle peut toujours rêver pour avoir sa décapotable rouge. Elle affiche une petite moue avant de laisser apparaître un air offusqué sur son doux visage. – Je conduis parfaitement bien, dis-le que tu ne veux juste pas me faire plaisir. clame-t-elle en secouant la tête, comme si c’était là une évidence. Pourtant, il est vrai qu’entre Cassey et le code de la route, il y a tout un monde. Elle conduit avec imprudence, sans doute beaucoup trop vite, sans compter qu’elle gare sa voiture n’importe où. Une chance, finalement, qu’elle n’en a plus. À New York, elle n’en ressent pas réellement le besoin, pas autant que dans sa ville d’origine en tout cas. Cela lui manque. Mais toujours moins que sa sœur jumelle. Si Nikolaï n’a pas souvent de nouvelle d’elle, c’est tout le contraire pour la jolie blonde. Mais il s’agit de sa jumelle, indéniablement, elle en ressent le besoin. – Je lui parle tous les deux jours. déclare-t-elle nonchalamment avant de reprendre. – Elle va bien. Elle va toujours bien, tu la connais. Leur sœur, c’est littéralement tout le contraire de Cassey. Elle a une maîtrise totale de chaque pan de sa vie. Ce qui rendrait sa jumelle complètement folle, et vice-versa. Mais, leur conversation se poursuivant, le frère et la sœur en viennent parler d’une autre femme. Une dont, visiblement, il a plus de mal à se passer. Elle esquisse un faible sourire en l’écoutant avant de lui répondre par une question, juste pour le taquiner. – Ah ? Elle te manque déjà ? Mais, visiblement, elle aussi, elle lui manque. C’est ce qu’il lui dit, naturellement, alors qu’elle n’a guère l’habitude d’entendre ces jolis mots de sa part. C’est touchant mais, surtout, intrigant pour la jeune femme qui ne cesse de s’interroger sur les raisons de sa présence. Il voudrait la voir tous les jours. – Ah non, hein, il me faut quelques jours pour me remettre de nos rencontres, moi. affirme-t-elle avant de lâcher un petit rire espiègle. Elle peut bien se moquer de lui, il passe son temps à le faire. Il le fait même à cet instant en lui parlant du Superbowl. – Hé, je sais très bien que c’était au début de l’année ! J’ai déjà eu des petits-copains, je te signale. Et, justement, enfin. Enfin, il lâche le morceau. Il lui présente ses excuses pour ce qu’il lui a avoué lors de leur dernière rencontre. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne s’y attendait pas, Cassey. Il n’est pas du genre à s’excuser, son frangin. – Oh… T’en fais pas, c’est oublié. Elle n’est vraiment pas assez rancunière. Elle devrait le faire galérer beaucoup plus. – Enfin, non, ce n’est pas oublié. Je voudrais que tu ne fasses plus ça, parce que je vais vraiment finir toute seule à force. Mais elle ne lui en veut pas. Vraiment pas. – Je sais que tu cherchais juste à me protéger. Mais peut-être qu’il y a simplement des erreurs que  je dois faire. Il n’y a pas d’erreur, juste des leçons à tirer. C’est en tout cas sa philosophie de vie, à Cassey.

✩ Butterfly, fly away.

Sans scrupule, la jolie blonde lève les yeux au ciel quand elle entend Nikolaï affirmer qu’il serait prêt à tout pour son bonheur. Au fond, elle sait qu’il croit en ses propres paroles. Et elles sont peut-être vraies, en partie. Mais, la réalité, c’est qu’il a une idée bien précise du bonheur selon lui pour sa petite sœur. À commencer par une vie sans homme. Tout ce qu’elle adore, Cassey, n’est-ce pas ? – Tout sauf ma jolie voiture ! lui dit-elle avec un sourire narquois sur les lèvres. Elle le taquine, évidemment, elle prend la conversation avec plus de légèreté que sa vie ne devrait lui en permettre. Mais elle refuse d’inquiéter son grand frère avec des problèmes qui ne le regardent en rien. Et puis elle est ainsi, Cassey. Elle préfère garder son insouciance plutôt que se laisser envahir, elle, mais aussi ses relations, par tous les soucis dans lesquels elle peut bien se plonger. Il y en a beaucoup trop. Tout le contraire de sa sœur jumelle qui est un modèle de droiture incarnée. Jane et elle sont extrêmement différentes. Elles sont même à l’opposé l’une de l’autre, ce qui a pu créer beaucoup de tensions entre elles durant leur adolescence. Mais c’est différent à présent. Et si elle était heureuse de retrouver son frère à New York, elle a été vraiment attristée de al quitter elle. C’est pour cette raison qu’elle a besoin de lui parler aussi souvent, ce qui semble étonner son interlocuteur. – C’est si surprenant ? C’est ma jumelle tu sais, faut pas être jaloux. ajoute-t-elle d’une voix malicieuse pour l’embêter uniquement. Mais celle qui semble avoir capturé tout le cœur de Nikolaï, c’est bien sa petite-amie. Elle lui demande avec amusement si Isabella lui manque mais la réponse du jeune homme est aussi spontanée que touchante. – Oh c’est trop mignon… Pourquoi je n’ai pas ça, moi, la vie est injuste. s’exclame-t-elle avant d’afficher une petite moue. Elle, le seul homme qui a envie de la voir tous les jours, c’est son frère. Génial. C’est tout ce qu’elle voudrait. Surtout pour l’entendre dire qu’elle est bien pire que lui. – Quoi ?! Et en quoi est-ce que je suis pire que toi ? Je suis un ange à côté de toi ! Elle peut lui faire toute la liste de ses défauts pour lui prouver ses dires. Mais il pourrait en trouver tout autant de son côté. L’inconvénient d’avoir un grand frère, il la connaît par cœur. Par chance pour lui, la rancune ne fait pas partie de cette liste chez la blondinette. Elle ne lui en veut pas pour cette histoire d’intimidation, elle passe l’éponge rapidement. Peut-être trop rapidement pour qu’il la prenne au sérieux. Mais elle essaie, pourtant, de lui faire comprendre que ce n’est vraiment pas agréable pour elle. – Nikolaï ! J’te demande pas d’essayer, je te demande de ne plus le faire du tout ! Elle le contemple, le regard plus sérieux subitement. Il essaie encore de se justifier en affirmant qu’il ne veut pas laisser un homme profiter d’elle. – Ce n’est pas le cas, rassure-toi ! Elle laisse échapper un petit soupir. Elle redoute déjà ce qu’il pourrait faire. Mais elle ne s’attend pas à ce qu’il lui pose directement cette question. – Mais tu viens de me dire que tu ne t’en mêlerai plus ! lance-t-elle, presque outrée qu’il puisse si vite oublier ses promesses. D’après lui, ce n’est qu’à titre informatif… Bien sûr. – Non, rassure-toi. Aucun connard n’a attiré mon attention. Et elle ne ment pas, après tout. Pas totalement.