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| Sujet: moon & sand (louve) Ven 29 Mar - 17:49 |
| Le brouhaha ambiant d'un commissariat en pleine effervescence glisse sur elle comme une caresse qui ne l'atteint jamais vraiment. Thelma est fixée sur ce papier maudit, le teint blême, les lèvres cousues par le ciment de l'angoisse. Elle a peur d'ouvrir la bouche et de dégueuler toutes ses craintes. Ce n'était rien que de la curiosité au départ, une envie subite mais trop douloureuse pour être ignorée. Elle se souvient du regard troublé de sa mère quand elle quémandait le nom de son père, hurlant sur elle comme si son départ et son absence était de sa faute, lui arrachant un bout de sa vie sans pitié. Aujourd'hui elle comprend à quel point elle a été injuste, l'enfant blessée et vidée de ses forces par le départ brutal d'un père fuyard, un corps emporté par la houle des désirs éphémères. Mais moi aussi j'aurais voulu les dimanches barbecue que j'observais en face de la maison la jalousie dans l'cœur, montée sur tes épaules pour effleurer le ciel et rire avec toute l'insouciance d'une gosse sans problèmes, je voulais une famille normale et pas disloquée comme un puzzle explosé par terre dont les pièces ce sont perdues dans l'ombre. A vingt-cinq ans elle sent encore le trou béant qui a pris place en elle, qui n'attend que lui pour qu'il comble ce vide douloureux qui tiraille et suinte de tant de colère qu'elle en devient étouffante parfois, asphyxiée à la haine. J'mourrais d'être aussi haineuse un jour, terrassée par mes ulcères d'adulte enragée. Et ses doigts ont raclés trop profond dans le sol qui entoure l'arbre familiale, elle a creusée trop loin Thelma à tel point qu'elle est tombé sur d'autres squelettes soigneusement enterrés. Y'a eu ce nom parmi d'autres qui est tombé, enfant lâchée dans la nature qui au fil des ans a finie par devenir un fantôme. Des mois qu'elle fouille, qu'elle racle le sol à s'en faire mal pour tenter de retrouver sa trace. Nika Doe reste un nom sans visage, un spectre, un trou de plus à remplir. C'est en pleine après-midi qu'elle a trouvé ce post-it où une adresse est griffonnée à l'encre noire, demande achevée d'un collègue déjà envolé vers ses propres problèmes. Entre ses doigts le papier a l'air de détenir tout le poids du monde. Il pèse lourd de secrets, de réponses aussi qu'elle espère salvatrices. Mais n'espère pas trop Thelma, tu risques de te casser les dents de nouveau, d'avoir encore plus de mal à te relever si la chute est trop violente. C'est sans prévenir qu'elle se relève de son bureau en bordel, attrapant sa veste, ignorant le flic qui tente de l'arrêter. Elle n'a qu'une chose en tête Thelma, ce nom qui résonne, qui l'obsède depuis des mois parce qu'elle ne comprend pas. Elle essaie de se cacher que ça fait écho à cette déchirure qu'elle a au ventre, éternellement béante, à cette enfant qu'elle a abandonnée entre des bras plus bienveillants. J'aurais jamais pu bien m'occuper de toi, j'aurais pas réussi à t'enrouler dans une belle couverture de sentiments sucrés, à t'offrir une vie sans ombres. Impossible quand le père a lâché lui aussi, quand il m'a glissé entre les doigts en emportant les résidus de mes rêves de gosse avec lui. Elle héle un taxi, le troisième qu'elle appelle s'arrête enfin, ce sont des mots précipités qui sortent de ses lèvres, pressant le conducteur d'accélérer. Parce qu'elle a peur de reculer, de changer d'avis si trop de temps passe entre ici et là-bas, de ne pas avoir assez de courage en elle-même pour faire face à cette fille qu'on lui a si jalousement cachée. J'veux savoir ce que ça fait de croiser ton regard, de sourire ou discuter avec toi, d'entendre ce que tu as souffert jusqu'ici ou si t'as eu une belle vie baigné dans un grand océan de bonheur, sans te soucier de tes racines. Ou peut-être qu'elle n'est qu'une fille de plus, puant l'arrogance et qui ne voudra plus rien entendre de cette part d'elle qui l'a lâchement abandonnée. Resserrant sa queue de cheval en quelques un geste nerveux, elle sort finalement de la voiture pour faire face à l'immeuble qu'on lui a indiqué. Son pouls tape comme un fou contre sa gorge, remonte jusqu'à ses oreilles pour la faire devenir sourde aux bruits alentours. Elle n'entend que le bruit saccadé de son cœur trop vivant désormais. Elle profite qu'une voisine sorte du hall pour se glisser dans l'espace d'une porte entrouverte, désormais prisonnière d'un hall insalubre. Déjà, elle prépare ses mots, des mots dits et redits dans sa tête depuis qu'elle a appris son existence. Elle a tout imaginé. Des retrouvailles aux cris déchirants à ceux qui résonnent de soulagement, jusqu'aux paroles pleines d'indifférence. Arrivée devant la porte, elle est certaine qu'elle est sur le point de rendre les cafés qu'elle a bu en rafale le matin-même, les muscles tendus sous ses habits quelconques. Elle sonne une fois puis deux, au bord de l'évanouissement. C'est quand la porte s'ouvre qu'elle se rend compte Thelma qu'on a beau tout imaginé au mot près, on est jamais préparé à la réalité. A ses gifles de chagrin qu'elle nous envoie en pleine face, à ses coups de poings chargés d'émotions qui percute le ventre. Les opales bleues en rencontre des plus sombres et elle tente d'esquisser un sourire qui doit ressembler à une grimace "Salut. Euh c'est vous … enfin, c'est toi Nika ?" Elle bute sur les mots, les cherchent mais ils sont brutalement devenus inexistants. Tu m'as rendue muette en un seul coup d'œil. J'sais pas quoi te dire. J'sais pas ce qu'on dit aux inconnues avec qui on partage pourtant le même sang. Pardon pour l'abandon, pardon pour le silence qui dure depuis des années, pardon pour tes souffrances qui doivent encore te faire saigner à l'intérieur. Pardon de ramener avec mois des kilos de réponses que tu veux peut-être plus entendre. J'savais pas. J'savais rien. |
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| Sujet: Re: moon & sand (louve) Mar 2 Avr - 17:50 |
| L'eau de la douche coule le long de son corps ankylosé, sa chaleur réveillant la douleur des plaies encore ouvertes. Louve pose son front contre la paroi humide, les paupières closes et le cerveau en pause. Pendant un instant, elle ne pense plus. Elle oublie les moindres détails de son existence, les défaites qui s'enchaînent et le sang séché sur ses jointures, la lourdeur dans sa poitrine et la déception au fond des opales ténébreuses de Blaise, l'inquiétude qui crame ses entrailles et les traits tirés de Leïla qui refuse de quitter son esprit. Sous les perles cristallines, Louve n'est plus qu'un corps parmi tant d'autres. Son passé et présent sont effacés, son futur pas encore tracé par les envies de quelqu'un qui n'est pas elle. L'étirement dans ses muscles est vite oublié, remplacé par un sentiment d'apaisement éphémère. Elle s'imagine vivre une vie paisible, loin de la violence et de la misère qu'elle connaît si bien. Une existence où elle n'aurait pas été abandonnée par ses propres parents, mais aimée à en faire jalouser l'univers entier. Lorsqu'elle revient finalement à elle, la réalité la frappe aussi fort qu'un coup de tonnerre. Sa famille lui est inconnue, les je t'aime étrangers et elle ne pourra jamais le changer. Avant de devenir Louve Koroleva, elle n'était qu'une Doe de plus dans les registres, juste une gamine à qui on ne s'était pas foulé à donner une réelle identité. Son prénom, lui, n'était qu'une minable indication de l'existence d'un avant abandon, d'un jour ou deux aux côtés d'au moins un de ses parents. Elle n'a jamais su si elle devait en être reconnaissante, Louve, de ce petit bout de vie laissé avec elle sur un papier chiffonné. Malgré le creux au milieu de sa poitrine et les années gâchées par la lâcheté de ses géniteurs, elle s'est parfois laissé aller à croire que s'ils lui avaient trouvé un prénom avant la laisser sur les marches de l'orphelinat, peut-être que leur décision avait été prise avec difficulté. Peut-être qu'il n'avait pas eu le choix, qu'ils avaient été forcés de l'abandonner sans le vouloir. Peut-être, des milliers de peut-être qui reviennent dans les nuits les plus noires, lorsque son cœur cherche à se raccrocher à autre chose qu'au vide qui se propage jusqu'au plus profond de sa cage thoracique. Je vous hais sans vous connaître. Et dans les pires moments, je voudrais trouver la force de vous pardonner pour ne pas glisser dans le néant. Il y a des millions de choses que je ne comprendrais jamais, encore plus d'émotions qui ne cesseront de me hanter. Vous êtes des tout sans visage, des rien qui viennent me bouffer dans l'obscurité la plus totale. Vous avez abandonné la chair de votre chair et pourtant, il m'arrive de trouver des excuses à vos actions pour réussir à calmer ma respiration. Je hais des spectres étrangers, des fantômes invisibles et pourtant bien présents. Je hais et j'aime les souvenirs crées de toute pièce par mon esprit malade. J'en viens à aimer les ombres de mes cauchemars, les destructeurs de ma vie avant même qu'elle ne commence. Il faut une heure à Louve pour se remettre sur pied et sortir de la salle-de-bain. Ses pas sont aussi lourds sur le parquet que ses émotions dans sa boîte crânienne. Étonnamment, l'appartement est vide, seule sa respiration saccadée pour briser le silence étouffant des lieux. Un mot de Blaise est laissé sur la table basse, un ne m'attends pas à peine lisible qui contracte son myocarde. Elle s'écrase sur le canapé, le bout de papier entre les doigts et son regard vide posé sur le plafond. Elle merde, Louve, tous les jours. Et elle sent Blaise glisser, s'éloigner d'elle au fur et à mesure que les semaines s'écoulent. Ça la terrifie, l'idée de se faire abandonner par la seule figure paternelle de sa vie. Elle a des milliers d'ambitions, une envie grandissante de partir et un besoin maladif de créer son propre chemin mais la vérité est qu'elle sera toujours incapable de le quitter. Louve n'est rien sans Blaise, sans son mentor, son ami, son frère, son père, son tout. Elle n'imagine pas une existence sans sa présence protectrice et ses regards aussi doux que tempétueux. Se penchant vers la table basse, elle attrape une bière presque terminée et la lève à ses lèvres sans se soucier d'à qui elle appartenait avant d'être abandonnée sur la surface vitrée. Le bordel autour d'elle est sans nom, les hommes de Blaise ne prenant jamais la peine de ranger. Louve ferait habituellement l'effort de mettre un peu d'ordre dans l'appartement, mais aujourd'hui, elle s'en sent incapable, sa fatigue émotionnelle ne cessant de s'accentuer. Les minutes s'écoulent et vite, les fins de bière se sont toutes évaporées dans la nature. Maintenant allongée sur le cuir noir, elle détaille le plafond, l'observe, l'inspecte jusqu'au moindre recoin. Ses défauts lui sautent aux yeux, des fissures aux tâches d'humidité. La sonnerie la fait sursauter, la ramène sur ses pieds en une vitesse éclaire. Les étoiles dansent devant ses yeux et son cœur tambourine dans sa poitrine alors qu'elle se déplace vers la porte d'entrée, prenant soin de vérifier dans le judas optique avant d'ouvrir. Louve ne reconnaît pas le visage qui se dévoile et c'est avec méfiance qu'elle ouvre la porte. Un sourire nerveux s'étire sur les lèvres de l'inconnue, ses iris brillant sous la lumière du couloir, et elle, elle se contente d'arquer un sourcil. – Salut. Euh c'est vous… Enfin, c'est toi Nika ? L'orpheline se fige à l'entente de son ancien prénom, la panique prenant doucement possession de son être entier. Personne n'est déjà venue chez elle et l'a appelé Nika – parce que si son prénom n'est pas changée sur les papiers officiels, elle n'est connue que sous l'identité de Louve dans son quartier. Elle resserre son emprise sur la poignée, prête à refermer la porte. – Qui la demande ? Qu'elle articule, la voix semblant plus assurée qu'elle ne l'est réellement. Ses yeux scannent l'étrangère à sa porte, ces derniers à la recherche de ses secrets les plus enfouis. Elle a le cœur remonté dans la gorge, Louve, et les mains moites. Il y a peut-être plus de Nika en toi que tu ne le croyais.
@thelma galloway |
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| Sujet: Re: moon & sand (louve) Lun 8 Avr - 22:11 |
| Ce sont des yeux brûlants de méfiance qui glissent sur elle à travers l'interstice d'une porte à peine entrouverte, comme pour ne pas laisser entrer n'importe qui, comme pour s'en servir de bouclier contre le monde. Thelma les voient bien, ses muscles brutalement tendus à l'entente du prénom poussiéreux, elle la voit bien la déroute qui la possède d'un seul coup, d'un seul mot résonnant dans le couloir vide. Sous les néons, elles ne se trouvent aucune similitudes. Nika les traits délicats, les yeux d'obsidienne qui n'ont rien à voir avec les siens, un peu trop bleu, les cheveux coulé dans la teinte de la nuit quand les siens sont d'un châtain mordoré. Peut-être que leur taille est différente aussi mais d'ici, Thelma ne peut en être certaine, obnubilé par les traits qu'elle a trop espéré croiser, digérant la rencontre comme elle le peut, sans paniquer mais elle se sent bien trembler malgré son être immobile, ses pieds creusant le sol. Allez ce ne sont que des mots. Allez ce n'est qu'un passage difficile. Allez crache les tes aveux, tes secrets de polichinelle. Sa tête est abrutie par la tempête de pensées qui lui viennent et par ce vide brutal, happée par la présence de ce lien familial encore méconnu il y a des mois de ça. On nous a cachés l'une à l'autre. Peut-être que Joy t'aurait adorée, car elle adorait tout le monde. Je refais notre monde avec des "peut-être" et des "et si" qui ne veulent rien dire. J'aimerais avoir le pouvoir de redessiner le passé, de réunir les morceaux manquants de notre famille explosée. "Qui la demande ?" Sa voix est un filet simple et discret, chauffé à l'assurance, aiguisé à l'exigence d'en savoir plus. Bien sûr, elle ne sait pas. Personne ne s'attend à trouver derrière sa porte, un jour quelconque de plus, une fille prononçant son prénom sans plus d'informations. Elle-même ne savait rien d'elle il y a quelques mois. Elle-même vivait dans l'ombre de l'ignorance, mâchonnant son chagrin destructeur, broyant le noir pour faire de son cœur de la poudre à canon. Et qu'est-ce qu'elle peut bien lui répondre ? Comment on se présente face à une inconnue avec qui on partage le même sang ? Je suis qu'une grenade prête à exploser à la gueule du premier venu. J'ai déjà des cibles en tête, l'arme au poing, le canon scié visant les cœurs des coupables. Je suis pas quelqu'un de bien Nika. Je suis qu'une fille de plus finie à la haine, qui bégaye sous les émotions-ouragans, un être de plus portant le noir du deuil dans le fond de mon âme. Je voudrais que tu saches que je rêvais de l'océan et Joy d'amour, que j'aurais aimé qu'on se connaisse avant, que tu ne sois pas seule dès ta naissance. Je voudrais te dire que moi aussi j'ai une enfant que j'ai lâchée entre d'autres mains et que ça me tue tous les jours, que même si c'était pour son bien, j'ai un trou béant dans le ventre. ça saigne. ça saigne. ça saigne beaucoup trop. Mais rien de tout ça ne sort. Thelma entrouvre les lèvres et se découvre à nouveau muette. Elle les referme, les rouvre avant de laisser échapper un soupir qui termine en rire nerveux "Désolée c'est que … J'imaginais autre chose." Elle secoue la tête, finalement. "Enfin non, j'sais pas ce que j'imaginais, je sais pas ce que j'attendais." Et elle se rend bien compte que ses paroles n'ont aucun sens, que Nika doit s'impatienter derrière la barricade de sa porte pas trop épaisse. Elle doit sûrement mourir d'envie de lui claquer la porte au nez, de l'envoyer paître plus loin, de lui jeter son mépris au visage. Toi aussi tu ne veux pas de moi alors que je raffole de détails de ta vie. Je me suis attachée qu'à un nom, qu'à des bribes de phrases, qu'à une chronologie de ta vie qui s'efface brutalement et ensuite juste le vide. Qu'est-ce que t'as fait pendant tout ce temps ? Qu'est-ce que t'as cherché ? Par elle ne sait quelle force, elle arrive à esquisser un sourire, tendant sa main après une hésitation "Je m'appelle Thelma. Thelma Galloway." Son sourire vacille un peu quand l'angoisse la noie de nouveau, faisant retomber sa main. "C'est dur à expliquer." Sa main remonte finalement jusqu'à son front pour essayer de faire passer les maux de tête qui la guette. "Je .. J'sais que ça va paraître dingue et que tu vas sûrement pas me croire mais …" elle se jette corps et âmes dans les derniers mots qu'elle lâche "On est de la même famille." Ca résonne beaucoup trop creux à son goût, trop général et elle s'agite un instant "Enfin, précisément, on est cousines." Ses lèvres se pincent alors qu'elle détourne le regard vers le décor inapproprié, s'avance d'un pas, laissant l'audace la faire bouger "Je peux entrer ? Promis, je ne serais pas longue." Elle sourit de nouveau Thelma, avec toute la douceur bleue qui habite son corps, la curiosité pleins les prunelles, tentant de déchiffrer son expression. Et toi, qu'est-ce que tu dois penser de moi ? Est-ce que tu veux me chasser et m'oublier ? Est-ce que tu vas me tuer sous les rafales de tes paroles ? Est-ce que tu vas m'offrir un peu de toi pour qu'à défaut de rattraper le temps perdu, on puisse profiter de celui qu'on peut gagner ? |
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| Sujet: Re: moon & sand (louve) Lun 15 Avr - 18:45 |
| Nika qui revient sans prévenir, retourne le monde rangé de Louve pour n'en faire que poussières. Ancienne identité résonnant dans le couloir illuminé et glaçant le sang de celle qui souhaiterait simplement l'oublier. Je ne suis plus l'orpheline désabusée, la gamine au cœur brisé qui ne voulait qu'appartenir à une vraie famille. Je ne suis plus la bombe explosée à coups-de-poing au visage, l'adolescente défoncée aux cachetons dégueulasses. Je suis ma propre personne ; pas celle dessinée par les années à l'orphelinat ou les passages en foyer, encore moins celle que la Justice aurait voulu, les médicaments et le diagnostic de psychose sur le dos. Je ne suis plus toi, Nika. Il y a bien longtemps que j'ai fait le choix de t'abandonner sur le bas-côté et d'essayer de t'oublier. Alors, pourquoi tu reviens sans arrêt me hanter ? Pourquoi tu sors de la bouche d'une inconnue à ma porte ? Pourquoi tu ne peux pas me foutre la paix ? Me laisser vivre une vie loin de toi et des souvenirs crève-cœur qui menacent de détruire tout ce que j'ai construit ? Louve fixe l'étrangère de ses yeux méfiants, les doigts à jamais refermés autour de la poignée. Une force invisible l'empêche de fermer la porte aussi vite que les deux syllabes maudites s'échapperaient de ses lèvres tremblantes. Au lieu de se réfugier derrière le bois sale, elle tient le regard de l'inconnue à en faire saigner ses prunelles. Qui es-tu pour réveiller les douleurs endormies et rouvrir les plaies fraîchement cicatrisées ? Qui es-tu pour m'appeler Nika dans un monde où elle n'existe plus ? Le silence entre leurs deux êtres s'éternise, tord les entrailles de Louve qui se laisse avaler entièrement par l'angoisse. L'étrangère ne peut être qu'un démon à rajouter à la liste, qu'une entité fantomatique venue hanter ses jours et lui rappeler ses erreurs du passé. Il n'y a pas de paix pour les pécheurs au sang sur les mains. Pas de répit pour ceux qui ont le cœur noir de haine et l'esprit malade. Je remplis tous les critères de l'humain qui va en Enfer, de celui qui mérite la souffrance éternelle. Je ne sais pas pourquoi je tente encore de changer l'inchangeable. Si tu es venue pour me tirer vers les flammes du monde souterrain, je te suivrais. Je ne peux pas me battre contre le destin et ceux qui font son travail. Les secondes s'écoulent et Louve continue d'observer la jolie brune face à elle, la paume toujours prête à refermer la porte au moindre mot de travers. Après ce qui lui paraît être une éternité, le mutisme est brisé par une voix hésitante et un rire nerveux. Il lui faut quelques instants pour se rendre compte que ce ne sont pas les siens, que ses lèvres sont toujours scellées et loin d'être prêtes à bouger. – Désolée c'est que… j'imaginais autre chose. Enfin non, j'sais pas ce que j'imaginais, je sais pas ce que j'attendais. Le sourcil arqué qui reste et l'incompréhension qui se fait une place en son sein. La situation sonne faux – comme si le monde tournait dans le mauvais sens. Louve retient une remarque sanglante, un je n'ai pas le temps pour ses conneries. Il y a quelque chose qui l'empêche de partir, de parler, de bouger et presque de respirer. Elle suit le mouvement de la main de l'inconnue sans prendre la peine de relever la sienne. Je m'appelle Thelma. Thelma Galloway. Ses doigts repartent et son sourire, lui, semble vaciller sous un poids invisible. Louve n'a jamais entendu parlé d'elle, ni jamais croisé son visage dans la foule qui l'entoure chaque jour de sa vie. Les pièces du puzzle semblent se multiplier jusqu'à lui en donner la migraine. C'est dur à expliquer. Je... j'sais que ça va paraître dingue et que tu vas sûrement pas me croire mais on est de la même famille. L'orpheline resserre son emprise sur la poignée, assez pour que ses jointures deviennent blanches derrière la porte. Son visage est impassible, mais son esprit est un champ de bataille à l'odeur du carmin frais. Elle n'a pas de famille, n'en a jamais eu et n'en aura jamais. Cette inconnue n'est certainement pas un membre de cette famille imaginaire. Enfin, précisément, on est cousines. Et lorsqu'elle fait un pas pour accompagner ses paroles, Louve sent les muscles de son bras hurler à la mort. Elle est prête à claquer la porte au nez de l’effrontée, ses yeux noirs menaçant de cramer cette dernière si elle fait un pas de plus. Je peux entrer ? Promis, je ne serais pas longue. Son sourire est insupportable – presque autant que sa présence qui lui rappelle qu'elle n'est rien. Louve la détaille de la tête aux pieds sans un mot. Il y a tout à l'intérieur d'elle qui se fait emporter par une vague meurtrière, un tsunami qui détruit tout ce qu'il y a de bon au fond de sa poitrine. Elle devrait se sentir entière et pourtant, à cet instant, elle se sent plus vide qu'elle ne l'a jamais été. – Je n'ai pas de famille, qu'elle crache avec véhémence. Son regard est aussi ardent que la rage qu'elle ressent soudainement. Je ne veux pas te connaître, t'écouter faire les louanges de mes salauds de parents et raconter les belles histoires de leur amour sans limite. Je ne veux pas que tu me parles des regrets ou de l'indifférence, des années à me chercher ou à refuser de reconnaître mon existence. Je ne veux pas de toi, de ta fausse joie et de tes jolies paroles qui ne rattraperont jamais ce que j'ai perdu avant même de pouvoir le comprendre. Il n'y a pas de famille à reconstruire, de cœur à rafistoler et d'amour à naître. Il n'y a rien. Et j'aimerais que tu partes. Son ton est dur et définitif. Louve est brisée – complètement, irrévocablement. Et c'est de la faute de cette famille qui n'a jamais été la sienne, des souvenirs inventés dans sa tête et de l'empreinte de ses parents imaginaires dans chacun de ses pas. J'ai déjà assez souffert par votre faute, vous croyez pas ? J'ai saigné au nom d'une famille aux contours embrumés. J'ai pleuré à chaque fois que je réalisais que vous ne viendriez jamais me chercher, que je ne serais jamais aimée par mes vrais parents, qu'il n'y aurait jamais de repas de famille ou de mots doux échangés. Vous avez gâché ma vie avant même qu'elle n'ait le temps de commencer et vous continuez de détruire les fondations chancelantes de ma nouvelle existence. Je veux juste que vous me foutiez enfin la paix. À jamais.
@thelma galloway |
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| Sujet: Re: moon & sand (louve) Sam 8 Juin - 11:09 |
| Pas de mode d'emploi pour les aveux cataclysmiques. Pas de règles à suivre pour faire éclore l'ignoble vérité. Tout a un goût d'abandon. Tout. Finalement, l'histoire n'est qu'un cercle appelant au manque à combler. Des mois à tenter de se nourrir d'une fille sans visage, sans allure mais l'aura puissante d'une gosse traînant une histoire trop lourde pour ses épaules de chérubin. Jetée à la gueule des loups, sans mère à qui se tenir, sans père à qui s'accrocher. Thelma n'a pu qu'imaginer la souffrance endurée, les cicatrices laissées au cœur pour uniques vestiges d'une naissance non assumée. On m'a tant arrachée aussi Nika. Les balles, ces putain d'voleuses, ont emportées Joy et la joie qui va avec. Elles ont raflées la vie, sans se retourner, en logeant leurs graines d'acier en pleine poitrine. Il ne reste rien. Plus de main à tenir, plus de rire à entendre. J'ai que le silence et les cauchemars pour seule compagnie. J'imagine que toi aussi. Les mots basculent des lèvres tremblantes, chavirent sous un souffle erratique, mal ordonné. Bordel ambiant, la tête en plein chaos et le cœur dans la tempête. Pas habile des mots, pas habile du corps, elle se contorsionne la langue, ils se tordent les muscles, en essayant de lui faire comprendre la réalité, les secrets enfouis jamais révélés, de souffler la poussière sur le visage des parents jamais rencontrés. On pourrait s'offrir une chance. Pourquoi t'as le yeux de celle qui n'en veut pas ? Noirs. Abyssales. Ses orbes matent son visage avec le mépris et la méfiance pour seuls alliés, ils se tiennent la main pour repousser, scelle une barrière entre leurs deux corps, comme le bois de la porte qu'elle n'a pas l'air de vouloir lâcher. Pas de temps mort entre les aveux, les bousculades de paroles mais elle prend le temps de l'observer. Beauté primaire, beauté sauvage, elles n'ont rien de commun. Rien si ce n'est le vide qui a trouvé un abri dans leurs prunelles. Le vide qu'on ne perçoit que si l'on y reste assez longtemps pour le déceler à travers les interstices des prunelles. Dans le bleu, le noir du deuil. Dans le noir, le bleu des maux. Jamais guéris. Jamais pansés. Elle aurait aimé être celle qui l'aurait fait. Fou. Fou comme à travers des mois de recherches, de lutte sans ployer, elle s'est attachée à un seul nom. J'aimerais comprendre. J'aimerais saisir ce qui me pousse à insister. Thelma qui tremble, qui ne cessera jamais de trembler car c'est là sa seule manière de vivre sans tomber. Elle esquisse un sourire, un fantôme, un spectre, juste la sépulture d'une brise de joie qui n'atteint pas les yeux. Je n'ai pas de famille L'amorce d'une approche est stoppé par les mots, par le couteau du rejet. Crochet du droit et lame plantée dans le ventre. Elle sent déjà la pique de la souffrance, l'empalement fatal et la panique qui glisse, vicieuse, pour enserrer la gorge. Bien sûr que si. Inaudible murmure imbibé de pluie. Il y a moi. Il y aura moi désormais. Peut-être que je ne suis pas assez. Peut-être que je suis trop "à moitié" pour tout combler mais j'essaierais. Elle reste un instant muette, saisie par le refus qu'elle a tant redouté. La haine trop présente pour déguiser le chagrin qui se pare toujours de sa robe pourpre colérique. Et j'aimerais que tu partes. Immobile, elle la fixe, certaine de n'y voir aucune faille, aucun doute. Le rejet est complet. Il n'y a toujours eu qu'elle pour espérer dans le désespoir. Prête à abandonner, à courber la tête pour ne plus lui offrir l'affront de son visage, à oublier, le pied se lève pour reculer mais c'est finalement sa main qui fait le choix inverse, percute la porte pour l'empêcher de se referme dans un claquement sinistre et mortel. Attends ! Je-J'sais que c'est dur à entendre pour toi. J'sais aussi que t'as sûrement doublement la haine contre moi parce que … Parce que j'arrive après des années où tu n'as eu personne. L'acide des larmes bordent les yeux mais elle sera forte Thelma cette fois. Elle ne laissera rien perler d'autre que la vérité. Mais je t'ai cherché. J'ai pris le temps de fouiller jusqu'à venir ici. Et tu sais pourquoi ? Les doigts se crispent sur le bois, le cœur s'effrite sous l'attaque de l'angoisse et du chagrin qui s'y emmêle. Elle trouve la force de sourire à nouveau, de ces sourires qui ont toujours le goût du sel, le goût de l'amertume, le goût du deuil. Parce que tu comptes. Tu comptes pour quelqu'un. Tes parents, j'les aies peu côtoyés alors je pourrais pas dire. Mais moi, j'suis prête à tout te dire, j'ai les clés en main pour t'offrir des racines. Peut-être que tu en as trouvé d'autres, peut-être. Mais t'en as pas marre de vivre dans le déséquilibre Nika ? Parce que ça doit être affreux de ne rien savoir. Parce que ça doit être insupportable de n'avoir que des ombres sans visages pour figure parentale. Parce que ça a dû être ignoble de devoir combler le vide autrement. Laisse moi juste essayer. Tu peux m'poser toutes les questions que tu veux. Si je ne te convaincs pas, je partirais. C'est promis. La pression descend, dégringole pour laisser place à la peur saisissante, à celle qui dégouline pour vicier le courage qu'elle n'a que rarement. Lâche. Lâche. Rien qu'une lâche. Mais pas ici, pas devant le bout de famille qui lui reste. Moi aussi je n'ai plus grand monde, qu'une mère qui vit à moitié, qu'un père absent, qu'une sœur morte. Rien qui ne puisse combler mon vide, à part l'ignoble vengeance. La main glisse pour cesser de faire entrave, le corps se recule enfin, des regrets pleins le cœur d'en avoir trop dit ou pas assez, d'avoir mal formulé peut-être. Les cris d'un cœur désespéré sont pourtant les plus sincères. à toi de me dire, à toi de me laisser t'approcher, à toi de faire le choix d'abandonner à ton tour. @louve koroleva |
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