comprendre les jours de pluie (lila)

01 / tu es née dans une petite maison traditionnelle du queens, il y a vingt-cinq ans de cela. des parents grecs, venus aux états-unis pour le rêve américain. ton père était psychologue, et ta mère artiste peintre. famille ennuyante au possible, famille comme une autre. tu es née la première, et quatre autres enfants ont suivi ensuite. c’était un souhait de ta mère, d’avoir une grande famille. tu as donc deux petites soeurs, de vingt-deux et vingt ans, et deux petits frères, de dix-huit ans, des jumeaux. famille ni soudée, ni brisée, vous faites votre vie chacun de votre côté. tu les vois parfois, pour les repas de famille, pour noël et d’autres fêtes que tu n’aimes pas. tu les aimes, mais pourtant ils ne te manquent pas quand tu ne les vois pas. tu ne saurais dire si c’est normal ou non, tu n’en sais rien tu n’as jamais été du genre famille, du genre souvenirs. tu n’as jamais été de celle qui mettais des photos au mur pour regarder les gens qui lui manquent, tu n’as jamais été de celle qui écrit des longues déclarations d’amour ou d’amitiés. pas vraiment du genre à te confier, aujourd’hui pourtant tu as l’impression d’avoir trouvé l’homme qui brise un peu cette carapace. ou peut-être bien les deux hommes capables de faire de toi une personne plus sensible. 02 / tu as rencontré neith il y a huit ans. neith et ses beaux yeux verts, neith et sa gentillesse. dom, le gentleman. vos regards se sont croisés, un soir dans cette boite du queens. un soir où tu faisais la fête, peut-être bien que tu fêtais tes dix-sept ans. tu l’as vu, et tu as tout de suite été sous le charme. tu as tout de suite aimé ses cheveux en bataille, ses yeux verts et ses mains douces. pourtant, vous avez mis quelques années avant de vous mettre ensemble, de sauter le pas pour former un couple. deux ans d’amitié avant le premier baiser, deux ans de non dits. et puis vous êtes tombés dans les bras l’un de l’autre et vous ne vous vous êtes plus quittés. tu l’aimes, neith. tu l’aimes vraiment beaucoup et tu aimerais passer ta vie avec lui, car il t’apporte de l’amour, il t’apporte la stabilité. vous vous êtes fiancés, sautant le pas, parce que c’était le bon moment pour vous lancer dans quelque chose d’un peu plus sérieux encore. mais neith, malgré toutes ses qualités et tout ce qu’il t’apporte, neith il ne te suffit pas. et parfois tu te détestes d’avoir besoin de plus. d’avoir besoin de son frère, dans ta vie. 03 / son frère amos. lui, il est tout le contraire de son frère. amos, c’est la violence, le danger, la passion. amos, tu es amoureuse de lui aussi. depuis qu’il est revenu dans vos vies, il y a une semaine. t’es tombée amoureuse de lui aussi vite qu’il est entré dans l’appartement, aussi vite qu’il est entré dans ta vie. en une fraction de seconde. en posant ton regard sur lui. alors depuis tout ce temps, tu navigues d’un lit à l’autre. d’un homme à l’autre. tu passes du frère gentil au frère méchant, et ça t’excites, et tu n’arrives pas à t’arrêter, pourtant bien consciente que ce que tu fais est mal, très mal. un jour, tu paieras tout ça. un jour, tu le sais, ils s’entretueront pour toi. un jour, tu perdras l’un deux. ou peut-être les deux, qui sait. un jour, tu pourrais mourir d’amour pour neith. comme tu pourrais mourir d’amour pour amos. ton cerveau ne cesse de te crier de faire un choix, mais ton cou, lui, il en est bien incapable.