art is everything (arya)

and i wonder what's on your mind

You look away from me
And I see there's something you're trying to hide

Une crise. Encore une. Encore une crise de boulimie. Une de plus qu’elle a affronté seule. Une de plus qu’elle n’assumera jamais. Elle est tombée dedans il y a deux mois. Elle est tombée dedans sans même qu’elle ne s’en rende compte. Elle s’est dégoutée, voilà la réalité. Elle ne s’aime pas. Elle ne s’aime plus. Peut-être parce qu’elle a été abandonnée bien trop de fois dans sa vie. Peut-être parce qu’elle a été rejetée autant de fois. Peut-être parce que personne ne veut d’elle, et peut-être parce que si personne ne veut d’elle, c’est que le problème vient d’elle. L’abandon, elle l’a connu avant même de naître. Son père n’a pas voulu d’elle, il est parti. Sa mère, bien trop occupée par son travail l’a délaissé. Son oncle, sa seule figure maternelle, il est parti lui aussi. Et puis ce manque, ce vide dans sa vie, elle l’avait comblé avec son ancien petit-ami. Pendant un an, il lui a offert une stabilité. Mais il a fini par s’éloigner, lui aussi. Il a fini par tout casser, par la tromper, par la maltraiter et l’humilier. Durant des mois, des mois qui l’ont finalement bousillé, pour de bon. Alors elle se pose des questions, Arya. Elle se demande ce qui cloche chez elle. Pourquoi personne ne peut l’aimer. Elle a vrillé, elle est tombée, bien trop bas. Elle n’est qu’une bombe à retardement qui menace d’exploser, elle est un poison, elle se détruit elle-même comme elle peut détruire les autres. Et cette crise n’en est qu’une preuve supplémentaire. Alors pour vite l’oublier, elle s’est rendue au théâtre. Vivre sa passion ne pourra lui faire que du bien. A peine arrivée à New-York, dans le Queens, elle s’est inscrite dans une troupe. Et aujourd’hui, elle a besoin de répéter pour se vider la tête. Pour retrouver la seule chose qui lui reste, la seule chose qui peut la maintenant, qui peut lui maintenir la tête hors de l’eau. Et comme à chaque fois qu’elle est sur scène. Comme à chaque fois qu’elle joue la comédie, elle donne tout ce qu’elle a. Elle se sent bien. Peut-être parce qu’il est plus facile de se glisser dans la peau de quelqu’un, comme elle est mal dans la sienne. Mais alors qu’elle joue avec plusieurs autres acteurs, elle remarque au bout d’un certain temps un visage un peu plus loin. Un visage qui les observe. Un homme. Et Arya ne le remarque que lorsqu’elle a fini de jouer. La jolie blonde a la sensation que c’est elle, qu’il regarde. Alors elle descend de la scène, s’approche de lui, et un petit sourire malicieux aux lèvres, elle s’adresse à lui. Il n’y a pas de mal. Elle plonge ses grands yeux dans le beau regard noir de cet inconnu, et puis elle reprend la parole assez rapidement. Il n’y a pas de comédien sans public. Arya le voit tout intimidé, tout gêné. Et c’est assez adorable à voir, assez touchant. Alors d’un trait, sans réfléchir, elle se présente finalement. Arya. Elle ne connait personne ici. Elle débarque tout juste. Et cet homme est son tout premier public.

and i wonder what's on your mind

You look away from me
And I see there's something you're trying to hide

Elle ne veut pas l’intimider. Loin de là. Pourtant, l’homme en face d’elle semble complètement décontenancé. Est-ce la situation qui le met dans un tel état ? Est-ce que c’est elle ? Est-ce que c’est lui, tout simplement ? Arya n’en a aucune idée. Mais ce qu’elle sait, en revanche, c’est que le voir balbutier ne l’effraie pas pour autant. Elle ne prend pas la fuite, bien au contraire, elle semble plutôt décidée à rester lui faire la conversation. Il n’a pas l’air d’être l’homme le plus équilibré qui soit, c’est ce qu’elle perçoit en posant ses yeux verts sur lui. Mais après tout, elle ne l’est pas, équilibrée, elle non plus. Et c’est même peut-être ce qui lui donne envie de continuer à discuter avec lui. C’est peut-être même ce qui l’attire, chez lui. Elle, elle a ce mal-être en elle. Ce mal-être qui la bouffe de plus en plus chaque jour. Ce mal-être qui se montre de plus en plus difficile à contrôler. Et elle, elle se sent de plus en plus incomprise. De plus en plus loin des autres, loin du monde, loin de tout ce qui devrait normalement la retenir. Est-ce que c’est ce qu’elle cherche ? Être retenue ? Oui. Certainement. Peut-être qu’elle a simplement besoin que quelqu’un débarque un jour, attrape sa main, et voit enfin clair en elle. Quelqu’un qui pourrait voir ce qu’elle tente désespérément de cacher au monde qui l’entoure. La fille malheureuse, la jolie poupée brisée, celle qui ne s’aime plus assez parce qu’elle n’a jamais été aimée. Celle qui est fatiguée d’être abandonnée, écorchée à force d’être rejetée. Celle qui n’a simplement jamais eu assez. Et puis il est là, lui, Hippolyte. Il la regarde. Il la voit. Est-ce qu’il voit ce qu’elle est vraiment ? Elle l’ignore. Mais ce qu’il voit semble lui plaire. Un léger sourire aux lèvres, Arya s’approche de lui et chuchote doucement pour lui répondre. N’y prêtez pas attention. Ils sont bien trop grincheux. Un rire mélodieux s’échappe alors de sa bouche. Elle acquiesce ensuite d’un signe de tête en l’entendant se présenter à son tour. Elle ne s’offusque pas de sa présence, contrairement aux autres, et au contraire elle la trouve même plutôt agréable. Elle ne joue pas la comédie pour être regardée, Arya, elle joue la comédie parce qu’elle en a besoin. En réalité, elle pourrait très bien jouer toute seule dans sa chambre que devant des centaines de personnes, lorsqu’elle joue, elle est comme dans un autre monde. Impossible à perturber. Mais au fil du temps, c’est devenu une véritable passion. Et elle a besoin de savoir qu’elle le fait bien. Alors lorsqu’elle entend le compliment de son nouvel ami, elle lui offre un magnifique sourire, sincère. Quelque chose dans le regard de cet homme lui fait dire que ce compliment lui est plus particulièrement destiné, en réalité. Oh, merci, c’est vraiment gentil de votre part. Et surtout, cela lui réchauffe le cœur. Après tous les moments difficiles qu’elle ne cesse de traverser, entendre qu’il y a au moins un endroit où peut encore maintenir la tête hors de l’eau. Sans réfléchir, elle reprend la parole. Il y a un café juste à côté du théâtre, et je viens tout juste d’emménager à New-York, est-ce que cela vous dirait d’aller boire quelque chose de chaud ? Qu’est-ce qu’elle fait, là ? Elle n’en sait rien. Elle n’en a aucune idée. Mais elle n’a jamais eu de mal à sympathiser, à se faire apprécier, Arya. C’est en général après que les choses se compliquent pour elle.