la vie par procuration. (siam)

elle se répétait bien trop cette situation, depuis plusieurs mois déjà. des nuits parfois sans lune, mais surtout des nuits sans sommeil. elle ne connaissait plus les bras de morphée, elle ne savait plus rejoindre le pays des rêves. pour seule occupation, elle tournait et virait siam. dans ce lit bien trop grand pour une personne aussi frêle qu'elle. ce n'était plus un secret depuis longtemps déjà, elle n'avait jamais su dormir seule l'héritière. elle était victime de son célibat, de ce coeur brisé qui ne battait plus. elle avait tout essayé pour forcer ses paupières à se fermer. mais ces vipères n'en faisaient qu'à leur tête. alors rester allongée sans pouvoir sombrer complètement, c'était pire que de rester debout finalement. elle a même essayé les somnifères quand elle avait bien trop besoin de s'endormir enfin, mais renouveler l'expérience n'était pas une solution en soi. ce pourquoi, sa nouvelle échappatoire, c'est de se tirer de cette demeure qui lui draine toute son énergie, en même temps que le si peu de joie de vivre qu'il lui reste. elle a beau arpenter les trop nombreuses pièces, elle ne voit jamais le bout du tunnel, la porte de sortie qui lui permettrait enfin de respirer un peu plus normalement. c'est seulement quand elle referme le battant derrière elle, qu'elle la ressent cette sensation. l'oxygène qui lui explose au visage et l'air vivifiant de la nuit qui la happe. ses pas s'emportent, la menant là où elle ne savait pas. elle tire une clope de sa poche. et là où certain se sentent crever à petit feu, elle se sent délicieusement revivre siam. au moment où la nicotine s'insinue dans chaque parcelle de son être. la fumée qu'elle expire l'apaise comme rien d'autre au monde n'avait le pouvoir de le faire.
telle une âme en peine, elle se traine à travers les rues du queens. après de longues minutes de marche sans destination véritable, c'est près des baies qu'elle atterrit. peut-être dans l'espoir que l'air marin sache lui faire tout oublier. elle écrase son bâton de nicotine à proximité des bateaux. qu'elle aimerait pouvoir partir sans prévenir personne, prendre le large et ne jamais revenir. pourvu qu'elle puisse y retrouver son frère un jour. elle jette des regards empli d'envie aux bicoques amarrés tout près d'elle. ils lui semblent encore plus attrayants uniquement éclairés par l'astre lunaire. excusez-moi ! elle sursaute presque quand elle entend une voix sortir de l'ombre. n'ayant démasqué aucune silhouette, elle se croyait seule avec sa désagréable compagnie. mais force est de constater que la faible lumière lui a joué des tours, ne lui annonçant officiellement aucune présence à des kilomètres à la ronde. elle plisse des yeux pour tenter d'apercevoir quelqu'un, ou du moins des traits un peu plus précis qui lui permettraient de visualiser davantage son interlocuteur. je sais pas pourquoi je vous embête, je suis juste curieux… vous êtes connue, non ? il me semble reconnaître votre visage. elle s'arrête par obligation, elle soupire par habitude. comment était-ce possible qu'on puisse encore la démasquer même à la nuit noire ? elle ne méritait donc aucun répit ? était-elle condamner à souffrir de son titre jour et nuit ? elle n'est vraiment pas d'humeur bavarde la brune, elle manque de sommeil et elle n'avait pas prévu de tenir une discussion à plus de deux heures du matin. à cet instant où elle préfèrerait mille fois se noyer dans ses draps de soie. qu'est-ce que j'ai encore fait cette fois ? on me reproche d'avoir aperçu un demi fessier ? d'avoir abusé de la vodka ? ou d'avoir plumé un vieux riche ? elle avait beaucoup trop subit ce genre de gros titres, elle ne les lisait plus autant qu'avant. ce qui expliquait qu'elle n'avait eu aucun droit de regard sur ses derniers exploits. elle lève les yeux au ciel, à la recherche d'une bouée de sauvetage, d'un signe pouvant la sortir de ce mauvais pas. par pitié, faites comme si je n'étais personne. elle donnerait tout pour se faire oublier siam, pour changer de nom de famille, pour ne plus hériter d'un seul hôtel où qu'il se situe dans le monde. elle donnerait tout pour retrouver le creux des bras de l'anonymat. tout simplement.