Tehani ♦ Quiproquo

Toby s'était rendu au magasin acheter quelques petites choses, de quoi manger un petit encas dans la soirée, puisqu'il n'aurait guère le temps pour une véritable collation. D'ailleurs, c'était bien dommage pour son estomac, qui ne semblait nullement satisfait de cet état de fait. Il venait de payer les quelques produits, et les avaient rangés dans un sac en papier, avant de se diriger vers la sortie. Ce fut alors qu'il était tout prêt à quitter les lieux, qu'une bourrasque vînt le frapper de plein fouet. L'abbé lâcha ce qu'il tenait dans les mains, sous la surprise, laissant échapper un petit cri, avant de se rendre compte de ce qui s'était produit. Une jeune femme avait investi les lieux d'une façon fortement brusque, comme si elle était poursuivie par un démon. Il la regarda, et lui offrit un sourire, ramassant ce qui était tombé, sans s'énerver ni rouspéter. Après tout, il ne s'était rien passé, juste une petite douleur dans la zone de collision directe. "Tout va bien?" lui demanda-t-il avec sincérité, tout en terminant sa tâche. Elle lui expliqua alors être allergique au Soleil, qu'elle avait profité d'un temps terne et pluvieux pour aller faire des emplettes, mais que les rayons avaient de nouveau pointé le bout de leur nez. Cette fâcheuse situation l'avait immédiatement conduite à battre en retraite et à pénétrer dans cette boutique. La suite, vous la connaissez.

Sans attendre, Toby lui proposa son aide, bien qu'elle soit une inconnue, sans se poser de questions une seule minute. Après tout, il pouvait faire un petit détour, son estomac pouvait bien attendre, il n'en serait que plus joyeux de recevoir de la nourriture après coup. Il ne se posa pas de questions lorsqu'elle lui indiqua son adresse aussi facilement qu'on se salue en pleine rue, sans faire preuve d'aucune crainte. De toute façon, il était de ceux qui font facilement confiance, qui voient le bon chez l'Homme avant d'y voir le mauvais, alors, pour lui, c'était tout à fait normal. Il ne se posa aucune question durant le trajet. Ils bavardèrent sur le chemin. Il lui raconta quelques anecdotes amusantes et quelques blagues, plus ou moins drôles, plus ou moins réussie, plus ou moins intéressantes. Notre trentenaire la jugea de très bonne compagnie et très souriante.

Ils arrivèrent assez rapidement devant chez elle, Toby portant quelques unes de ses affaires et la laissant prendre place sous son parapluie, afin de se protéger de ses rayons si doux qui, pourtant, pouvaient lui faire tant de mal. Alors qu'il allait la laisser en haut de l'escalier, après lui avoir souri et souhaité une bonne journée, il ne s'attendit pas à ce qu'elle l'invite à entrer, prêt à poser les sachets et à tourner les talons.

Finalement, la demoiselle l'invita à entrer, et Toby s'exécuta, le sourire aux lèvres. Il déposa les sacs près de l'entrée, s'approchant de la jolie brune pour lui souhaiter bon courage ainsi qu'une belle journée. Malheureusement, tout ne se passa pas comme prévu, alors qu'il allait tourner les talons, il se sentit propulsé contre le mur. Des mains baladeuses vinrent lui caresser le torse, et des lèvres aventures vinrent lui voler les siennes, dans un baiser langoureux et sans retenu, sentant la langue de sa partenaire s'engouffrer pour chercher la sienne. Trop surpris pour réagir, le trentenaire se laissa d'abord faire, les yeux écarquillés. Le mur derrière lui était si froid, alors que le corps de la demoiselle était bouillant, ardent comme le coeur d'un volcan. Son souffle était court tandis que lui essayait de retrouver le sien, après cet assaut surprenant et si violent. Il fit quelques pas sur le côté, longeant le mur vers la sortie. Devait-il fuir? En réalité, son cerveau s'était déconnecté, il ne comprenait nullement ce qui lui était arrivé. Et il s'immobilisa, les joues rouges et les yeux sortant de leurs orbites alors que son interlocutrice se déshabillait devant lui. Voilà qu'elle était en sous-vêtements! Et lui, il était là, planté comme un arbre, se demandant au ralenti ce qu'il devait faire, ce qu'il devait dire.
"Euh.." souffla-t-il seulement, dans sa transe et son émoi, ne trouvant pas les mots justes, ne trouvant rien du tout d'ailleurs. Il aurait bien pris la porte en courant, mais ce n'était pas possible, pas dans son état, l'état de celui qui venait tout bonnement de subir une agression. Elle ne lui avait pas fait mal, mais... c'était fort spécial et le moins que l'on puisse dire était qu'il ne s'y attendait guère. Tout comme le coup de l'ordre donné. Retirer ses vêtements. "J'ai froid." répondit-il seulement, de façon plus ou moins diplomate, mais surtout car son cerveau n'avait pas encore compris l'ampleur de ce qui se passait devant lui, de cette scène si rapide et si... étrange.
"Désolé... Mais qu'est-ce qui vous prend?" demanda-t-il ensuite, ses yeux quittant le corps à demi-nu de la demoiselle pour se diriger vers la pièce à vivre, puis vers la porte. Reprenant ses esprits, il se calma, les battements de son coeur revenant peu à peu à la normal et décida qu'il devait mettre les choses au clair. "Rhabillez-vous... Je... Euh... Je crois qu'on s'est mal compris!" s'exclama-t-il finalement avec force, mais les joues aussi roses que des framboises en train de mûrir. Il espérait que cela suffise à faire comprendre à son interlocutrice qu'elle n'avait pas bien compris ses intentions, qu'il n'avait nullement envie de... ce genre de chose, qu'il l'avait juste aidé à porter ses courses. Il avait l'impression d'avoir atterri chez une folle, qui saute à son cou comme s'il était le magnifique chevalier blanc sauveur sur son destrier d'argent et de perles. Mais il n'était qu'un gars qui passait par là au bon moment...

Le trentenaire avait espéré que la demoiselle aurait tôt fait de comprendre où il voulait en venir, mais ses insinuations se firent encore plus poussées et il ne savait plus vraiment comment se sortir de cette situation, sans la blesser. En effet, s'il disait non à ses avances, cela pourrait avoir un impact très négatif... Cette demoiselle devait se sentir bien seule, avoir un grand manque à combler, pour se jeter dans les bras du premier venu qui lui offrait son aide et un sourire. Toby avait l'impression qu'on le récompensait de cette façon, qu'il avait fait un travail et qu'il méritait ce genre de salaire... C'était très étrange, et le malaise s'installa bien rapidement en lui. Il fit des pas sur le côté, s'extirpant rapidement, les joues bien rouges et la tête basse. Finalement, son interlocutrice fit mine de réfléchir et il écarquilla les yeux à sa déduction. Et bien, il fallait avouer qu'elle n'avait pas la modestie dans ses qualités, pour songer que l'unique raison pour laquelle un homme ne voulait pas d'elle, c'était parce qu'il était homosexuel. La nudité de la jeune femme le met mal à l'aise, car Toby est relativement pudique, bien qu'il se montrait souvent très tactile avec les êtres de son entourage.
Après quelques secondes de réflexion et surtout le choc passé, Toby poussa un soupire. "Non, non, ça ne m'intéresse pas!" répondit-il simplement en levant les mains, son geste voulant signifier qu'il n'y aurait rien à dire ou faire pour le faire changer d'avis. Bien au contraire, son insistance le mettait très mal à l'aise et il était incapable de savoir quoi dire ou faire. Finalement, il prit le parti de se montrer honnête. "Mais... A chaque fois qu'un homme vous aide à vous cacher du Soleil, vous lui sautez dessus?" demanda-t-il. Et c'était sérieux. Il n'était pas psychologue, mais si elle avait besoin de parler, d'échanger, il pouvait très bien être une oreille attentive. Après tout, cela faisait largement partie de ses fonctions actuelles.

La jeune femme avait l'air décidée à ne pas le laisser partir de cette façon. Elle avait l'air bien intéressée par un petit moment de folie. Ce qui ne plut évidemment pas à notre trentenaire, qui préférerait fuir simplement la situation. Mais voilà, il se rendait compte qu'elle devait ressentir un manque très vif, une grosse solitude pour se jeter ainsi au cou du premier venu. Toby savait qu'il possédait quelques attraits physiques, mais il n'en jouait jamais et il se refusait de se croire irrésistible. Et encore moins au point qu'une inconnue se jette à bride abattue sur lui pour un simple petit service. Sinon, il avait beaucoup de mouron à se faire. Il hocha simplement la tête à sa question. "Je n'ai pas peur de la nudité, nous sommes tous des créatures de Dieu. Mais disons que je suis plutôt pudique... avec les inconnus." finit-il par dire doucement, un petit sourire apparaissant sur ses lèvres. Il n'avait pas l'intention de la vexer ou de la blesser, mais il sentait qu'il l'avait braqué, qu'elle se mettait en position défensive. C'était peut-être mieux, après tout, que de la voir venir de nouveau poser ses mains sur lui, sans lui demander son avis à propos de la chose.
Il haussa les épaules face à la remarque qu'elle lui formula sur le monde des bisounours. "Oh... Je ne me crois pas dans le monde des bisounours, comme vous dîtes, mais... Je ne savais pas qu'on devait payer chaque service rendu par du sexe. D'ailleurs, je ne pense pas que la majorité de la population pense comme ça..." déclara-t-il doucement. Ce n'était pas un jugement, c'était juste une remarque, car elle n'avait pas l'air de se rendre compte de ce qu'elle disait, de la portée de ses mots. "Je suis de ceux qui croient qu'on peut s'entraider gratuitement." ajouta-t-il finalement. Il ne répondit pas à la question suivante qu'elle lui posait, mais demanda encore chose. "Vous pensez que vous ne méritez pas d'être aidée?"

La demoiselle avait l'air tout de suite moins enchantée par une conversation que par une partie de jambes en l'air et elle le faisait savoir. Toby la regardait, incrédule. Il ne releva pas ses remarques, dites de façon hautaine...
"Oh ne vous inquiétez pas, je sais bien que personne n'est vide de péchés..." Et pour sûr, avec ce qu'il entendait au confessionnal, il en avait entendu des horreurs, des tromperies, des crimes et des péchés mortels. Cependant, il était un guide spirituel, sur le chemin de la repentance, sur le chemin du mieux. Personne ne serait jamais parfait, mais chacun pouvait s'améliorer.
Elle parlait de jugement, d'un ton presque sarcastique, mais c'était exactement ce qu'elle faisait depuis le début, parce qu'il avait daigné la repousser, elle avait dit qu'il avait un problème. Alors qu'il avait été bien loin de la juger, il avait simplement posé une question pour la comprendre. Elle n'avait pas l'air très encline à le comprendre lui. Cette fille était une vraie contradiction ambulante. D'abord elle formule l'hypothèse que rien est gratuit, aucune aide n'est donnée sans désir de retour, puis, quelques secondes plus tard, le contraire.
"Vous inquiétez pas, je n'ai pas peur de vous... Je voulais juste pas vous blesser, c'est tout. Et c'est vous qui avez sous-entendus que la majorité était ainsi....En indiquant qu'il n'y avait pas bien du monde qui aidait les autres sans arrière-pensée. Je n'ai fait que relever vos propos, nullement vous juger... Désolé si vous avez mal saisi, je pense qu'on s'est mal compris." déclara-t-il. Si elle le prenait ainsi, c'était qu'elle n'était pas en accord avec elle-même, mais sans s'en rendre pleinement compte. Surtout qu'elle lui répondait en parlant de tout autre chose que ce qu'il avait en tête. Il parlait d'aide, elle parlait de sexualité. Mais à quel moment lui avait-il proposé de l'aide pour ses désirs et pulsions? Pour le coup, il avait presque envie de rire, car dans sa contradiction, la jeunette se croyait maligne, c'était charmant, mais légèrement irritant. Il avait beau être de ceux qui se refusaient de relever les remarques, il restait un homme. Elle prenait un air supérieur, auquel il était malheureusement habitué, mais il ne le releva pas. Toby se contenta de sourire sereinement, puis de clarifier la situation, puisque son interlocutrice avait extrêmement mal compris où il voulait en venir :
"Et bien... Je suis désolé, mais je ne parlais pas d'aide pour votre sexualité... Je parlais d'aide. En général. Comme quelqu'un qui vient vous prêter son parapluie alors que vous êtes en détresse à cause de votre allergie. A vous entendre, vous donniez l'impression que vous ne pensiez pas mériter un geste gentil de la part d'autrui, sans que cette personne ne veuille quelque chose de vous en retour... D'où ma question." Il haussa ensuite simplement les épaules. Il ne releva pas ce qu'elle disait du mariage. En effet, beaucoup ne le prenaient pas au sérieux, ou ne comprenaient ps bien ce qu'il juraient devant l'autel. Et dans ce cas, autant faire une fête sans se marier. Ou un mariage civil.