best away from the flock / declan

Les discussions qui se superposent les unes aux autres, viennent étouffer tes pensées. C’est peut-être ce que tu préfère, depuis que tu travailles ici : ne pouvoir penser à rien d’autre, lorsque les commandes s’accumulent et que les êtres se mélangent. Ils sont passés pour un temps, les premiers tremblements. Il t’arrive encore parfois de ne pas parler assez fort, de perdre tes mots face à certaines personnes qui t’impressionnent te font peur, même. Mais tu travailles ici depuis quelques mois à présent, et on semble avoir fini par t’accepter. Oubliant presque la raison de ta présence ici … C’est une soirée comme les autres, à la différence que les êtres qui se pressent à l’intérieur du bar déposent derrière eux des trainées d’eau. La pluie s’abattant sur la ville depuis quelques jours. Tes cheveux sont encore humides, collés sur ta nuque, t’a du courir jusqu’ici et même ainsi t’a pas eu d’autre choix que d’être trempée. T’espère seulement que personne que tu connais ne passera ce soir, au risque d’entendre venir à des kilomètres les exagérations des uns et des autres, ils te diront certainement que t’aurais du leur demander de t’emmener quand seulement quelques mètres te séparait vraiment du bar. Et pourtant, pourtant entre chaque commande que l’on te fait tes orbes cherchent. Effleurent tout les dos qu’on t’offre, examine les épaules, en espérant reconnaître sa silhouette qui ne t’échappe jamais. A chaque fois que la porte s’ouvre tu relève la tête, espère le voir apparaître. Et Jasmine à chaque fois soupire à tes côtés, parce que cela ne passe pas inaperçu que tu le cherche tout les soirs. Elle te donne un petit coup de coude dans les cotes et tu reviens à ce monde de testosterone enfoui dans les rires gras, les mots lancés trop fort et les verres qui se remplissent sans cesse. Dans tes mains passent toutes les boissons ou presque, tu offre le plus beau de tes sourires — encore trop innocent — aux hommes qui viennent et commandent le poison de leur soirée. Tu ne t’imagines pas ce qu’ils peuvent être, tu reconnais ceux qui appartiennent aux dkv, et d’autres visages te semblent familier.

Les opales pressée sur celui qui se trouve au bout de la table. Plus seul que jamais. Ça fait quelques temps qu’il revient, le regard perdu dans le vide, laissant toujours un pourboire avant de partir. Parfois il reste seul, ne dit rien. D’autres fois il s’embarquent dans des disputes puériles ou inutiles. Tu t’es plusieurs fois imaginé, Ophelia, ce que pouvait être son histoire. Ce que pouvait raconter sa vie. C’est ce que tu fais sans cesse, imaginer les vies des uns et des autres. Tu sais qu’il est marié, l’alliance scintillant à son annulaire comme symbole d’appartenance mais c’est la seule certitude que tu as. Mais tu refuses toujours que Jasmine s’occupe de lui, quand tu est là. Ce soir elle a commencé avec toi, et quand tu vois le verre vide déposé entre ses doigts tu décide de venir le rencontrer. « Vous m’attendiez pour boire de l’eau j’imagine ? » Les mots roulent comme une simplicité, le regard que tu dépose sur lui avec un sourire qui ne quitte jamais tes lèvres. Glissant devant lui le verre d’eau, tu t’imagines comment tu pourrais le dessiner. Avec toutes les ténèbres entourant son être. « Je ne vous servirait pas d’autre verre, tant que vous ne l’aurez pas terminé. » Le défis est lancé, le même à chaque fois. Tu n’a jamais demandé son nom, n’a jamais demandé les raisons de sa présence ici. Parce qu’on t’a dis de ne pas le faire, même si cela parfois te démanges. De pouvoir assembler les pièces de ce puzzle qui rythme tes soirées.

Et tout est pareil. S’enchaînent, les commandes, et les murmures que ton passage font. Tu ne les entends jamais vraiment, ne sait pas ce qu’ils disent, mais t’a pris conscience rapidement que l’on parlait de toi. Peut-être parce que tu mets plus de bière dans les verres, peut-être parce que tu souris plus que les autres. Tu n’imaginera jamais Ophelia, les propos que l’on appose dans ton dos. Ne devine jamais ce qui emballe les pensées.