old friend. (sybil)

elle se souviendra toujours de ce jour où elle avait amené pour la première fois sa fille chez ses parents. la gamine avait cinq ou six mois. depuis le double de temps, daisy avait oublié sa vie insouciante de jeune étudiante en médecine pour un job de vendeuse et un studio dans le queens. après réflexion, elle s'était dit que les choses pouvaient encore être sauvées avec ses parents. s'ils n'avaient jamais été bien délicats avec elle, elle se disait aussi que les choses pouvaient être différentes avec leur petite fille. qu'ils auraient peut-être plus d'amour à donner qu'ils en avaient jamais eu pour daisy. elle se souvient du regard indifférent de son père, qui de toute façon n'avait pas approché un nourrisson à moins de deux mètres, même quand il s'agissait de ses propres enfants. quant à sa mère, elle avait poussé un cri de joie qui avait réchauffé le cœur de daisy. mais la surprise de mrs henstridge n'était pas concentrée sur sa petite fille mais sur la ligne de sa fille. on y aurait vu presque que du feu, elle avait dit. ajoutant que c'était malheureux que daisy s'embarrasse ainsi parce qu'on ne devinerait presque pas une grossesse. depuis ce jour-là, plus jamais elle n'avait fait subir à lilo la présence de ses grands-parents. elle y pensait là, qu'elle essayait un jean une taille en dessous, et qu'elle arrivait à rentrer dedans. la vérité c'était qu'elle passait tant de temps à courir entre le travail et lilo qu'elle oubliait parfois de manger. en sortant de la boutique, son regard se porta sur une jeune femme à qui elle sourit par pur réflexe. avec un temps de retard elle finit par reconnaître sybil et son sourire se fit soudain plus gêné. tiens ... euh, bah bonjour. balbutia-t-elle se sentant un peu obligée de s'arrêter à hauteur de la brune. une autre figure du passé, une autre personne qu'elle avait décidé de ne pas écouter et qu'elle avait donc éviter honteusement pour ne pas avoir à lui faire subir ses choix.

ça lui avait paru évident à un moment. elle avait du faire un choix. son ventre s'arrondissait et elle avait tourné le dos à toute une vie pour assumer son choix, pour offrir à ce petit être qui grandissait en elle une vie convenable. sybil, elle représentait cette vie-là, celle que daisy s'était rêvée toute sa vie et qu'elle avait effleuré du doigt. elle pensait passer une vie à aimer, un bistouri à la main et tout s'était arrêté d'un seul coup. faire face à son ancienne amie, c'était faire face à la jeune daisy qu'elle était. celle qui lui en voudrait sans doute d'avoir abandonné si facilement ses rêves. elle aurait pu trouver un compromis. déjà annoncer au père de sa fille qu'ils avaient un enfant, il y aurait pu avoir un partage des tâches, elle aurait pu reprendre ses études à la rentrée suivante. mais elle était comme ça, entière. tout ou rien. et si elle avait envisagé un jour appeler la brune pour lui annoncer son retour sur les bancs de la fac, tout ça s'était envolé quand elle avait tenu ce petit humain de trente-cinq centimètres dans ses bras. sybil n'était pas daisy, c'est bien pour ça que pendant les quelques mois où elles s'étaient fréquentées le courant était si bien passé. elles se complétaient. et quelque part, daisy avait présupposé que sybil ne comprendrait de toute façon pas sa décision. alors, elle avait préféré s'effacer. tout ça, elle ne voulait pas lui dire comme ça, au milieu de la rue. mais elle saisissait là sa chance de peut-être renouer avec celle qui aurait pu être une amie pour de bon. ça va, j'ai continué dans la médecine finalement. enfin, je suis secrétaire médicale, mais je bosse avec des docs et j'ai une blouse blanche. elle préférait en rire, même si daisy était heureuse dans cette vie, elle trouvait ça tout de suite moins chouette face à celle qui lui rappelait qu'elle aurait pu avoir beaucoup mieux. ça se passe bien toi? parce que sybil aussi, elle avait vécu pendant tout ce temps. et sans vouloir s'avancer, daisy le voyait sur son visage plus marqué par les soucis que dans son souvenir.