wasting my young years (devon & Shea)

Elle était contente, Ezia, alors qu'elle arrivait au Dutch Kills, peu avant 23h, l'heure convenue avec sa cousine. Il était évident que la Willis travaillerait ce soir et qu'elles n'auraient pas tout le loisir de vraiment discuter, mais c'était sans doute une bonne chose. Beaucoup d'années passées et de non-dits avaient crées l’éloignement. Ezia espérait que ça soit simplement ça et pas leurs deux vies diamétralement opposées, qui faisaient qu'elles étaient si loin aujourd'hui. Parce qu'il y avait ça, bien sûr. Son père avait quitté l'Amérique pour éviter de sombrer dans les bas-fonds que lui promettait sa naissance. Il avait réussi, grâce à une bourse d'étude et beaucoup d'intelligence, à devenir quelqu'un en Angleterre, à avoir une bonne situation. Devon avait grandi dans de moins bonnes conditions, dans beaucoup plus de galères. En partie à cause de l'argent, en partie à cause d'une mère qui n'avait su tenir son rôle. Un monde les séparait, autant qu'un océan. Mais son père n'avait jamais oublié d'où il venait, et même si Ezia avait eu la chance de grandir dans une frange privilégiée de la société, elle avait toujours su ce qu'il en était du reste de sa famille paternelle.

Elle avait eu peur, quand elle avait commencé, à l'adolescence, à constituer sa propre fortune grâce aux réseaux sociaux, que cela creuse un fossé encore plus grand avec sa famille américaine. Tout le monde pensait que c'était le cas. Qu'elle leur avait tourné le dos. Elle n'avait pas le courage d'avouer, même maintenant qu'elle était libre, que sa relation abusive en était responsable. Cela avait toujours arrangé Tomas que les gens pensent qu'elle avait changé, qu'elle avait oublié sa famille, ses origines, ses amis d'avant. C'était elle, qui était passée pour la méchante. Une manière de plus, pour lui, d'asseoir son pouvoir sur elle. De toutes ses fréquentations, il était resté le seul qui la connaissait d'avant son succès. La seule qui était là quand elle n'était pas célèbre, pas fortunée, quand elle n'était personne. Le seul qui l'aimait donc vraiment pour ce qu'elle était et pas pour ce qu'elle était devenue... Secouant la tête, Ezia chassa ses sombres pensées. Il n'était plus là. Il n'avait plus de pouvoir dans sa vie et elle pouvait essayer de réparer les choses. Elle n'allait plus être sa victime. De toute manière, il n'y avait qu'elle qui savait qu'elle avait été sa victime. Mais elle pouvait réparer les choses. Faire amende honorable auprès des siens, des gens qui lui manquaient.

Après s'être frayée un chemin parmi les gens présent, la métisse s'installa au bar, attendant qu'on vienne la servir. Elle s'était habillée simplement, avait enfilé une petite robe noire des plus simples, un manteau léger et une paire d'escarpins. Cheveux lisses encadrant son visage et maquillage léger, elle se disait qu'elle ne devrait pas trop attirer l'attention. De toute manière, elle n'était vraiment pas dans un environnement propice à être reconnus... et surtout abordée.

Elle aperçut Devon, à l'autre bout du bar, mais celle-ci semblait un peu occupée, alors elle commanda une bière au barman qui l'aborda, en attendant que celle-ci la remarque (ou qu'elle soit assez disponible pour qu'un signe de la part d'Ezia attire son attention).

@Devon Willis @Shea Harrington

Ça bouge de partout. Les clients semblent avoir décidé de danser jusqu'à l'épuisement physique, jusqu'à la désorientation spatiale. Peut-être que c'est ça la solution : porter quelque chose de classe pour se démarquer des dégaines sinistres des autres, faire passer la semaine aussi vite que possible, et se lâcher. Shea aussi, avalerait bien quelque chose qui la transporterait ailleurs - pour devenir plus sociable, draguer plus librement, supporter la foule. Plateau dans une main, l'autre vissée sur la taille d'une cliente - une ancienne, récurrente par deux fois. Elle se consacre à un tas de choses uniquement dans le but de rester à la hauteur de cette gamine terrible et fulgurante qu'on avait dépeint. Fulgurante pour elle-même. Pour tous les autres, Shea était seulement terrible.

Lorsqu'elle se retourne, ses yeux se posent à l'opposé de la salle et même de dos elle la reconnaîtrait parmi milles. Un bond dans la poitrine et les yeux qui se plissent systématiquement. "J'ai fait un rêve cette nuit," qu'elle entame, d'une voix assez basse que personne d'autre que sa conquête ne peut entendre, les yeux rivés sur Ezia qui s'installe au bar, au loin. "J'étais dans le désert, assoiffée, au bord d'une oasis. Elle était pas moche, elle était juste... pas très grande, pas beaucoup d'eau." Ses yeux se tournent désormais vers sa vis-à-vis et elle poursuit sur le même ton, demi-sourire entendu au coin des lèvres : "et je pouvais voir que plus loin, il y en avait une autre qui avait l'air beaucoup plus grande, et beaucoup plus belle. Alors j'étais là, à la regarder au loin, et je me rendais compte que c'était elle que j'avais toujours voulu, en me disant que c'était un mirage, à me demander s'il fallait que je prenne le risque d'y aller et de la voir disparaître sous mes yeux." Elle se racle la gorge et observe la réaction d'Ashley, qui, de son visage abasourdi la toise d'un air : est-ce qu'elle vient vraiment de sous-entendre ce que je pense ? "Faut que j'y aille." Termine Shea avec un geste de la main sur son bras, trop attendrissant pour être vrai, et bien trop condescendant.

Elle prend son temps pour rejoindre le bar ; Devon a déjà franchi le comptoir et étreint sa cousine, chose qui surprend l'anglaise qui s'arrête dans son élan, et considère brièvement ses options. Un jeune groupe à sa gauche cherche à capter son attention en soulevant leurs verres vides. Son regard passe sur eux comme s'ils n'étaient rien de plus qu'un étendoir à linge. Enfin au niveau du comptoir, elle contourne sa compatriote avant de déposer le plateau devant Devon puis lâcher un soupir. "Plus aucune envie de me mêler à ces zombies déchirés. Ezia !" Elle pose une main discrète sur le bas de son dos pour l'attirer à elle. Un bref baiser sur la jointure entre son oreille et sa mâchoire, puis en se reculant : "je savais pas que tu devais venir." Elle l'annonce à froid, comme elle le fait toujours dans les situations les plus violentes ; où elle est la plus cruelle, sans un mot de préavis et sans cligner des yeux : glacée et décidée. Ce n'est pas l'envie qui manque, pourtant, de lui attraper le visage pour l'embrasser, mais en face de Devon, tout serait trop en désordre. "Tu me sers un verre ? Ce que tu veux." qu'elle lance ensuite à sa collègue, complètement aveugle à la cohue générale qui s'assemble devant les autres serveurs.

@Ezia Landerton @Devon Willis

Deux mondes les séparaient. Plus qu'un océan n'y était même parvenu. Ezia avait toujours senti une différence, même lorsqu'elles étaient toutes jeunes. Ses parents avaient les moyens de lui offrir ce qu'elle désirait, les Willis avaient du mal à boucler leurs fins de mois. Sa famille était stable, celle de Devon parfois plus décomposée que recomposée. C'était deux univers différents qu'une force externe avait décidé de faire se rencontrer et les deux oscillaient toujours entre l'attraction et la percussion. À croire que leurs deux planètes ne pouvaient s'approcher sans risquer de se détruire l'une l'autre. C'était difficile pour Ezia, parfois. La valeur famille était très fortement ancré en elle, sans qu'elle n'arrive vraiment à savoir comment faire pour l'entretenir, créant des difficultés qui semblaient se renforcer avec les années. Devon plus éloignée que jamais, sa sœur aînée ne lui parlant quasiment plus, ses parents l'accusant d'avoir tout détruit à Londres pour s'enfuir à New York, comme la seule coupable de la déchéance de son ancien couple. Elle aimait sa famille, par-delà la raison, mais eux semblaient tous sourds à cet amour qu'elle ne semblait plus savoir défendre. L'argent et le succès corrompaient tout, disaient-ils. Ezia ne pourrait pas être plus d'accords. Comme si le succès et les réseaux sociaux avaient jeté un voile sur ses sentiments aux yeux des autres et dressé un mur de verre entre ses proches et elle.

Accolade semi-maladroite de deux étrangères et petite remarque sur son look, Ezia regarda sa cousine avec un petit sourire. « Crois-moi, t'as l'air mille fois plus confortable que moi, sans perdre en superbe », assura la miss Landerton. « Tu as un style naturel, quand il me faut des heures pour ressembler à ça », dit-elle tout en se pointant du doigt. Être toujours impeccable faisait partie de son job, après tout. Elle n'avait pas le droit à l'erreur, pas un vrai jour de pause dans l'année. « Prends ton temps, je peux attendre et commander des boissons en attendant. »

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, la brune entendit une voix délicieuse, sentit une main dans son dos, un baiser contre son visage, le tout accompagné d'une magnifique vision. Shea... La jeune femme était d'une beauté incomparable et Ezia avait toujours du mal à cacher cette demi-seconde d'admiration où elle perdait tous ses moyens, lorsqu'elle n'y était pas préparée. Pourtant, elle se reprit vite, essayant de cacher son trouble et de ne pas trop en montrer. Elle ne savait pas exactement ce qu'il y avait entre sa cousine et son... amante ? Elle savait juste que Shea et Devon se connaissait et ne doutait pas qu'il devait s'être passé quelque chose entre elles. Où en étaient-elles ? Ezia n'en savait rien et ne savait pas vraiment si elle voulait le savoir. Elle avait fermé les yeux jusque-là et avait espéré pouvoir le faire encore longtemps. « Devon et moi avons décidé de passer un peu de temps ensemble quand elle aura fini le travail », informa-t-elle l'autre anglaise, tout en souriant doucement à sa cousine. « Rattraper un peu le temps perdu, tu vois ? »

@Devon Willis @Shea Harrington

Ça ne fait pas cinq minutes et elle est déjà impatiente, Shea, presque au bout de sa corde et si elle veut être honnête, ce n’est ni à cause du manque de sommeil, ni à cause de ce face à face parfaitement incongru mais pas moins agaçant des deux cousines - c’est à cause de sa personne, entièrement, et des souvenirs qui se sont imprimés sans son consentement dans sa mémoire, toujours aussi frais, peut-être trop. Elle imagine Ezia à son arrivée, anonyme parmi la masse de clients. Ou peut-être pas anonyme. Peut-être encore une fois la plus irrésistible et la plus mystérieuse. Debout devant le bar, Shea voit encore Devon se glisser dans les bras de sa cousine de manière tout à fait surréaliste. Elle alterne les regards entre elles. Est-ce qu'elle est censée se réjouir ? Et que dire ?

Elle comprend en retrouvant le visage de Devon qu'elle ne parviendra sans doute pas à tirer quoi que ce soit d'elle de cette façon. Elle oscille alors la tête : je pourrais. Bien sûr que Devon mentionne Ashley. L'anglaise lui offre un regard désobligeant qui signifie : qu'est-ce que tu regardes, t'as pas autre chose à faire ? Elle la toise encore un instant, essaie de déceler le moindre indice dans ses yeux mais c'est peine perdue. C'est en se dirigeant de nouveau derrière le comptoir qu'elle se projète sur la manière d'aborder les deux filles, et se demande si le moment est opportun pour entamer la série de questions qui la taraude, à commencer par sa collègue : qu'est-ce que tu fous ? "Et vous avez décidé que le Dutch Kills était l'endroit idéal ?" Elle la remercie brièvement pour le verre, sort aussitôt une liasse de billets de son soutien-gorge, déplie trois billets de vingt dollars qu'elle pose devant Devon, puis sans lui adresser un regard, se tourne vers Ezia : "c'est pas soixante dollars, mais je te paie un verre, ou plusieurs." Et Ezia est fraîche, divine et, quoi que le comptoir entre elles en dise, bien trop proche. La mâchoire trop tendue de Shea alors qu’il n’est même pas minuit et elle le découvre, presque comme une révélation, en tout cas comme un affront trop gros pour qu’elle le digère : elle n’a pas arrêté de penser à elle, et le simple fait d’avoir Ezia devant elle suffit à taillader son bas-ventre. D’un coup, ces retrouvailles deviennent beaucoup trop pour elle. "Je vais vous laisser vous... retrouver, alors." Il n’y a aucune insulte dans sa phrase mais il pourrait tout aussi bien y avoir des pics de glace cachés sous chaque syllabe.

Rien dans leur comportement n'indique qu'il se soit passé quoi que ce soit, c'est ce qu'elle s'imagine, sinon les marques qui s'effacent sur sa peau et que Shea se refuse à voir et dont elle cherche à oublier l'existence. Le fourmillement dans son bas ventre sur ce souvenir flou, par contre, elle le cherche vivement, comme si elle ne pouvait jamais s'en contenter. Et cette sensation, fallait-il que ce soit la soeur de sa meilleure amie ; la cousine de sa collègue qui la lui apporte ? Mais Shea aura beau être toujours Shea, la réalité de ce fait se fissure sur elle comme ça arrive parfois, pour laisser voir une éternité dans laquelle le souvenir de ses gémissements continue de flotter, inaltérable. Elle regarde à peine ses vis-à-vis, hausse les épaules et s'empresse de ranger son verre dans l'évier avant qu'elle n'aille se poster près de Lucy. Elle est tout sourire lorsqu'elle reprend son service, jette des coups d'oeil furtifs vers elles, manque de faire tomber une bouteille pleine, peu fière, échange quelques regards soutenus avec certaines clientes. De là où elle est, nul doute qu'elle peut entendre et joindre leur conversation si elle décide d'y prêter attention.

@Ezia Landerton @Devon Willis

L'ambiance se chargea d'une lourdeur tout d'un coup, alors qu'elles étaient toutes les trois réunies. Ezia avait bien compris qu'il y avait plus qu'une relation de travail entre sa cousine et son amante occasionnelle. Elle n'était pas aveugle et avait un peu vu les commentaires qu'elles s'échangeaient sur instagram. Elle ne connaissait pas la nature profonde de leur lien, n'avait nullement envie de le connaître, mais si elle préférait jouer les aveugles, elle n'était pas idiote. Elle connaissait Shea. Elle savait le genre de choses que celle-ci aimait faire avec la gente féminine et sa cousine n'était absolument pas désagréable, alors bien évidemment qu'elles n'avaient pas joué aux cartes lorsqu'elles avaient été seules. Le tout était de savoir, en vérité, s'il y avait plus qu'une histoire de sexe entre elles. Ez aurait probablement dû se poser la question. Probablement, même, plus tôt, mais Shea était... Et bien, elle était son crush d'enfance et son fantasme. Elle était déjà détestée par tout le monde, alors pourquoi se poser des questions sur ce qu'il était bien de faire ou pas avant de réaliser l'un de ses fantasmes les plus anciens ? Elle n'avait réfléchi à rien, avant de commencer à coucher avec Shea. Rien, sinon qu'elle le voulait plus que n'importe quoi. Rien, sinon qu'elle aurait abandonné n'importe qui, même en plein acte, si Shea lui avait envoyé un message à ce moment pour lui proposer de la rejoindre.

Observant l'échange sans trop oser dire quoi que ce soit, Ezia se contenta de remercier Devon lorsque celle-ci lui tendit un nouveau verre et en bu une gorgée appréciatrice. Ça n'est pas vraiment le genre de retrouvailles que j'espérais, songea-t-elle, alors que la fille Willis trinquait avec acidité. Elle aurait sans doute dû lui proposer plutôt qu'elles se rejoignent ailleurs lorsqu'elle aurait fini son quart de travail, maintenant qu'elle y pensait.

Et comme ça, avant qu'elle n'ait pu réagir, elle vit l'objet de ses désirs s'éloigner, fuir leur proximité et la pesanteur de l'atmosphère, vit Shea retourner à son travail et le regard noir de sa cousine qui tentait, malgré tout, de faire bonne figure. Ezia se mordit la lèvre, ne sachant quoi faire. Devait-elle dire quelque chose ? Faire semblant de ne pas sentir la tension entre les deux femmes ? Feindre l’innocence totale et demander ce qu'il se passait, au risque d'en apprendre plus qu'elle ne le souhaitait ? Elle devait déjà prétendre ignorer le sous-entendu dans le commentaire de sa cousine sur l'autre femme, l'anonyme au loin que Shea venait à peine de quitter...

« Aux secondes chances ? », proposa timidement la Landerton en réponse au toast de sa cousine. Elle bue une gorgée de sa boisson, lentement, avant de reposer son verre. « Je suis désolée, encore une fois, de ne pas avoir donné de nouvelles plus tôt. De ne plus être venus vous voir comme quand on était plus jeunes... Je sais à quoi ça ressemblait... Mais je te promets que ça a jamais été... volontaire... »

@Devon Willis @Shea Harrington

Elle lance des regards furtifs à Ezia. Pourquoi la regarde-t-elle ainsi alors que la salle regorge de physiques hors du commun ? Ce sont des regards longs et intenses dont elle ne semble même pas se rendre compte. Elle observe sa peau toute lisse, qu'elle connaît suintante, ses lèvres, la forme délicate de ses mâchoires. Il lui semble la redécouvrir et, en rétrospective, ce n'est pas Ezia qui a changé ces dix dernières années, mais bien Shea qui la voit de manière différente. Elle a l'expression complètement perdue d'une gamine trop loin de chez elle lorsqu'elle se fait aborder par un client : "deux whisky et deux vodkas, s'il te plaît." avant de se demander si elle va réussir à se saisir des bouteilles.

C'est autre chose qui vient la sortir de ses pensées. La britannique se sent raidir, alors qu’elle forme un poing de sa main libre et que l'autre s'agrippe à la prise sur sa hanche. Merde. Sans doute qu'à n'importe quel autre moment, elle aurait été très fière, attisée même, mais en cet instant, en elle il n'y a aucune fierté, juste une espèce d'agacement mêlé à la peur des responsabilités. Lorsqu’elle sent que Devon va essayer de l’embrasser, elle recule instinctivement son visage, se détache d’elle et l'entraîne un peu à l'écart, lui expliquant aussi gentiment et le plus hâtivement possible qu'elle en a assez de ses conneries. Elle s’attend à une claque ou d’autres remontrances. Et pour une fois, contrairement à ses habitudes, elle ne s’afflige pas à l’idée de rentrer seule. De toute façon, les conditions ne sont plus idéales.

Shea essaie d'ignorer son cœur qui tambourine sous son tee-shirt. Le ton accusateur de Devon lui déplait tant qu'elle se cherche toutes les excuses possibles et imaginables afin de retourner à Devon son dû. N'est-elle pas celle qui est censée protéger sa petite cousine, l'aimer et la chérir en toutes circonstances ? Elle est la première à entacher un lien tout aussi important : la famille. Shea, par ce qu'elle vient d'entendre est animée par une colère vive et aigüe, se meurt avec elle l'envie de sonner à Devon autre chose qu'un malheureux : "je vois pas de quoi tu parles." mais c'est tout ce qu'elle annonce et déjà, elle est partie. Lucy est abasourdie, désespérée par ses collègues, tout le monde semble choqué. Pas Shea : Shea a ce regard qu'elle a souvent, noir, mais avec une différence ; en ce moment, même si elle est immobile, elle semble suivre les mouvements d'Ezia, analyser la moindre de ses réactions. Elle a les yeux rivés sur elle comme si toutes les autres avaient disparu. Pourtant, Ashley est d'une blondeur éblouissante, avec des traits réguliers et des jambes parfaites. Pourtant, Devon a des yeux magnifiques et Alexis des mouvements de plus en plus séduisants. Mais il n'y a rien à faire : du corps d'Ezia semble émaner quelque chose que Shea sent, une énergie qui l'étourdit. C'est seulement lorsqu'on lui tapote l'épaule qu'elle reprend ses esprits avec un sourire hésitant et une voix exagérément enjouée : "hey !" qu'elle lance à Lucy qui l'interroge du regard. Et son sourire, c'est à peine si elle ne proteste pas : les filles, je te jure.

Shea hausse enfin les épaules alors qu'elle reprend position en face d'Ezia. Elle veut en dire assez pour qu’elle la comprenne mais garder cette once de mystère. Consciente des questions que soulève son silence, elle regrette immédiatement d'avoir congédié Ashley quelques instants plus tôt. "J'imagine que ce sont pas les retrouvailles que t'espérais..." Elle pose sa main sur le comptoir devant elle, l'approche prudemment pour trouver celle d'Ezia. Elle trace distraitement des lignes sur son poignet, puis ses doigts cherchent à enlacer les siens. Et dans cette confusion générale, la seule chose à laquelle elle pense c'est qu'elle voudrait tellement retourner l’embrasser, dans sa chambre, la tenir par la taille pour l’allonger à même le sol, sentir de nouveau son corps brûlant sous ses mains. Elle effleure son pouce sur sa main, parce que, peut-être qu'au fond, elle a envie de voir si au milieu de ce chaos, elle est quand même attirée par elle. Voir si Shea est capable de raviver cette flamme - qui ne disparaît jamais vraiment. "Tu veux venir chez moi après le service ?"

@Ezia Landerton @Devon Willis

Elle ne savait plus trop où se mettre, la jeune Landerton. Clairement, au milieu de quelque chose de plus profond qu'elle ne l'avait pensé, elle réalisait soudain que ses suspicions étaient justes, mais que plus encore, Devon et Shea n'avait pas partager une aventure unique et sans conséquences. Il y avait quelque chose. Quelque chose de puissant, créant des remous de colère dans l'air à chaque mouvement et chaque mot prononcé.

Et au milieu de tout, c'est son père qui prend, accusé d'avoir renié sa famille américaine, alors qu'il avait toujours tout fait pour que ses filles connaissent cette partie, même bancale, de sa famille. Ça n'était pas la faute de leurs cousines si leur mère était malade. Pas plus que c'était celle de son père. Mais clairement, le sujet de la discorde pour Devon n'était pas leur famille, mais une toute autre personne et essayer d'argumenter ne servirait probablement à rien. Le plus triste, c'était que Devon pensait (ou s'était obligé à penser) que la faute revenait aux parents Landerton, quand ils n'y étaient pour rien, victimes de plus d'une autre personne qui avait totalement ruiné sa vie. Alors quand Devon lui demanda enfin son avis, la brune montra son air glacial en la regardant dans les yeux. « Parce que mon opinion compte ? »

Ce n'était pas la soirée qu'elle avait espérée, encore moins la finalité qu'elle avait espéré, mais clairement, cela n'irait pas en s'arrangeant, car déjà, la Willis retournait l'attention sur celle dont Ezia ne voulait pas parler. Comme si elle aimait souffrir, elle regarda sa cousine se rapprocher de la brune, poser une main possessive sur sa hanche tout en pressant leurs corps ensemble pour lui parler à l'oreille. Elle sentit quelque chose se fissurer en elle, des larmes se précipitant au coin de son œil. Pourquoi ? Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi ça piquait autant ? Je n'aurais jamais dû venir... Les lèvres de l'une s'approchèrent du visage de l'autre et ce fut le coup de trop. Ezia n'attendit pas de les voir s'embrasser pour vider son verre d'une traite. Elle avait besoin d'un peu de potion de courage, un peu d'armes contre ce truc qui lui vrillait les viscères. Elle devrait partir. Prendre ses affaires et partir sans un regard en arrière. Elle ne pouvait plus rester là. Elle n'en avait aucune envie. Il fallait qu'elle rentre chez elle.

Mais avant qu'elle ne puisse retrouver l'usage de ses jambes et bouger, Shea s'approcha d'elle, essayant de la toucher, mais Ezia trouva en ce contact contre son poignet le courage et la force de réagir, enfin. « Je croyais que les choses étaient claires entre vous », dit-elle d'une froideur de glace, ses yeux brillants trahissant seuls qu'elle était dévoré par les émotions. « Je croyais... J'en sais rien... » Elle soupira, défaite. « Je sais plus... » Juste qu'elle s'était trompée et qu'elle avait pris la mauvaise décision en décidant de continuer ce qui se tramait entre Shea et elle, parce que ça n'avait jamais été seulement Shea et elle. Il y avait trop de personnes impliquées. Alors tout ce qu'elle savait, maintenant, c'était qu'elle ne pouvait pas rester ici. « Je dois y aller. Je t'interdis de me suivre. »


Et sans un mot de plus, elle se leva de sa chaise et quitta le club sans se retourner. Une fois dehors, à l'air libre, elle ne prit qu'une seconde pour respirer avant de se saisir de son téléphone, tout en s'éloignant de l'entrée, pour appeler un taxi. Elle n'avait pas prévu de partir si tôt. Elle pouvait juste espérer capter une autre cabine jaune avant que celle commandée n'arrive. Avec cette tenue, hors de question de partir trop loin du club à pied.

@Devon Willis @Shea Harrington