my god your love, it seems so harmless (rose)

traits de caractère / bienveillante, elle se donne à 100% pour les gens auxquels elle tient - rationnelle, elle a été forcée de mûrir très vite et a appris à aborder chaque situation avec réalisme, la tête froide  - méfiante, elle n'accorde que très peu sa confiance et celle-ci prend des mois avant d'être bâtie. souvent harcelée étant enfant, rose a été amenée à être sur la défensive et montrer les dents, une habitude qui reprend trop souvent le dessus. - têtue, il est difficile de la faire changer d'avis quand elle a pris une décision, elle campe sur ses positions jusqu'à avoir le dernier mot - passionnée, quand elle aime ce qu'elle fait, elle s'investit à fond - bosseuse, elle a toujours travaillé dur pour se donner les moyens d'arriver là où elle le voulait - sarcastique, elle a tendance à faire des remarques ici et là pour faire comprendre le fond de sa pensée - peu sûre d'elle, elle doute beaucoup et questionne ses choix, elle fonce rarement tête baissée - indépendante, elle a tendance à tout faire par elle-même et demande rarement l'aide des autres. selon elle, si on veut être sûr de réussir, on ne doit compter que sur soi même - attentionnée, elle laisse rarement un détail lui échapper, d'autant plus si cela concerne ses proches. anxieuse,
elle a développé plusieurs tocs depuis son enfance qui se décuplent lorsqu'elle ressent du stress.

NOVEMBRE 2002 - AU FOYER
rose s’arrête dans le long escalier qui mène au premier étage du foyer, fixant d’un air méfiant le couloir sombre qui se rapproche au fil de son ascension.
la dame qui l’accompagne place une main qui se veut encourageante dans son dos, la poussant légèrement en avant tandis qu’elle lui demande d’avancer d’une voix douce. la fillette reprend sa marche en faisant la moue.
c’est que rose, elle aimerait bien que la dame arrête de la pousser. non pas que ça fasse mal, mais ça fait six jours qu’elle la force à se déplacer avec ce même geste. qu’elle lui répète qu’elle est en sécurité, qu’on va s’occuper d’elle. toujours une main dans le dos.
elle l’a fait après avoir interrompu son cours de maths à l’école, l’emmenant dans le bureau du directeur pour qu’ils lui posent des questions bizarres du genre c’est quand, la dernière fois que tu as vu ton papa?  
elle a fait la même chose après avoir débarqué chez rose sans prévenir. après avoir intimé à l’enfant de rassembler quelques affaires et de la suivre, lui expliquant qu’elle ne pouvait pas rester toute seule ici.
et voilà qu’elle le fait encore maintenant, dans ce qu’elle appelle le foyer, cette grande maison dans laquelle elle a jamais demandé à mettre les pieds.
la blondinette se laisse guider jusqu’à la troisième porte sur leur droite, celle au fond du couloir, qui laisse apparaître un grand dortoir.
elle serre son petit sac à dos un peu plus fort contre sa poitrine en regardant d’un air contrarié l’adulte la dépasser. cette dernière s’avance vers un lit superposé aux pieds duquel elle dépose le reste de ses affaires. la dame lui explique que c’est ici qu’elle va dormir, mais la phrase fait à peine son chemin jusqu’aux oreilles de rose qu’elle provoque chez elle une immense panique. la gamine fait un non frénétique de la tête, puis fait volte face, se précipite vers l’escalier et en dévale les marches quatre à quatre.
elle veut pas dormir ici, rose. elle veut rentrer à la maison. elle doit rester là-bas et attendre le retour de papa. c’est ce qu’il lui a dit le mois dernier, quand il est parti. qu’est ce qu’il va penser, papa, si elle est pas là à son retour?
il risque d’être en colère.
elle sent qu’on l’attrape par les épaules alors qu’elle atteint tout juste la porte d’entrée. rose se débat, elle s’égosille, donne quelques coups de pied, mais c’est peine perdue.
c’est chez toi ici maintenant, lui dit-on.
personne n’imagine encore le nombre de fois où il faudra répéter cette phrase à rose dans les années à venir.

-----------
2003 - CHEZ LA PREMIèRE FAMILLE D’ACCUEIL
- je t’ai dit d’aller te coucher! rugit une voix derrière l’enfant, la faisant sursauter alors qu’elle s’apprêtait à remettre sa brosse à dents dans le pot. la secousse lui fait lâcher le petit manche en plastique et elle regarde la brosse rebondir pa terre, lui arrachant un gémissement contrarié. rose tente de s’abaisser pour la ramasser, mais voilà qu’on la tire par le bras.
- lâche-moi! crie la fillette qui tend une petite main vers le sol. il faut que je la nettoie!
elle peut pas laisser ça là, c’est dégoutant, il croit qu’elle a pas vu tous les cheveux qui traînent par terre? sa brosse est contaminée, c’est sûr. il faut qu’elle la lave avec soin et la remettre à sa place, tant pis si elle doit se coucher plus tard, tant pis si elle doit désobéir à jim. peut-être qu’elle devrait même la jeter. oui, elle va la jeter.
rose trouve que c’est injuste, il a pas à s'énerver comme ça. il s'énerve toujours quand elle essaye de nettoyer quelque chose. pourtant, rose trouve qu'elle désobéit pas souvent. comparé à fin, on pourrait même dire qu’elle a un comportement exemplaire.
mais il veut rien entendre, jim. il la tire, la secoue un peu plus fort et rose se débat, se plaint qu’il lui fait mal. elle voit fin apparaître dans l’embrasure de la porte, l’entend crier lui aussi.
jim hausse un peu plus la voix, mais elle compte pas céder. elle gigote, parvient à s’extirper et ramasser la petite brosse en plastique.
puis, vient la gifle, qui lui fait la lâcher de nouveau. cette fois-ci, l’objet finit sa course à l’autre bout de la pièce. rose manque de faire de même, projetée contre la baignoire sous la force du coup.
- AU LIT J’AI DIT!
lentement, la blonde lève un regard remplit de larmes vers l’adulte qui se dresse au dessus d’elle, pose une main tremblante sur sa joue en feu.
ses pleurs l’empêchent de réaliser, si ce n’est que pour une fraction de secondes, que fin vient de projeter quelque chose contre le crâne de celui qu’on a récemment présenté comme leur nouveau tuteur.

-----------
JUILLET 2007 - CHEZ LA DERNIèRE FAMILLE D’ACCUEIL
elle regarde tour à tour le plafond immaculé, le tableau bizarre près de la porte, les aiguilles défiler sur sa petite montre bleue.
y a babette qui passe dans la chambre, ouvre les rideaux et lui dit d'une voix encourageante que c'est le weekend, que ce serait bien de mettre le nez dehors.
la blondinette refuse d'abord de croiser son regard, s'obstinant fixer le mur, portant toute son attention sur le petit bout de tapisserie qu'elle gratte et décolle du bout du doigt.
elle sait quel jour on est, d'abord. pas besoin de lui dire que c'est le weekend. elle le sait parce qu'elle écrit tout dans son journal.
elle croise les bras et fronce les sourcils, avec un regard qui se veut noir dirigé vers l'adulte à l'autre bout de la pièce.  
à cause d'elle, les weekends ne valent même pas la peine de sortir du lit.
babette bat finalement en retrait, quittant la pièce après avoir poussé un petit soupir.
si elle est pas contente, elle a juste à la renvoyer de là où elle vient. ce serait pas la première à le faire.
rose parvient à s'occuper pendant trois heures. elle relit le dernier livre qu'elle a emprunté à la bibliothèque, pour la quatrième fois. elle fait le poirier sur son matelas. elle essaye de faire tomber la peinture bizarre en jetant ses coussins.
et puis, babette revient. elle pense qu'elle va se faire disputer, qu'elle a sûrement entendu le bruit du cadre qui vient de tomber, mais non, babette la presse de descendre avec elle jusqu'à la cuisine. peut-être qu'elle veut encore tenter de lui faire manger une tartine.
mais elle veut pas de tartine, rose. elle veut rentrer chez elle. elle veut rentrer voir fin.

-----------
JUILLET 2013 - SUR LE STADE, AU LYCéE
les chapeaux d'étudiants lancés dans les airs contrastent fortement avec le ciel bleu alors que le beau temps est au rendez-vous pour célébrer la fin d'année. une page qui se tourne définitivement, ne peut s'empêcher de songer rose, célébrant l'évènement avec ses amis au milieu de la foule.
on se serre dans les bras, on s'embrasse, on parle avec excitation de la cérémonie. babette vient à sa rencontre lorsque les élèves s'éparpillent enfin, la félicitant à son tour. rose reste à ses côtés, mais il lui faut peu de temps pour recommencer à scanner l'amont de robes noires du regard à la recherche d'une silhouette familière.
elle aperçoit le visage de son meilleur ami se dessiner au milieu des autres et part à sa rencontre après s'être excusée.
la blonde arrive tout juste à sa hauteur quand elle se retrouve soudain submergée d'une multitude de sentiments, qui viennent se bousculer contre sa poitrine.
de la tristesse, à l'idée de ne plus croiser ce visage au détour d'un couloir.
de la gratitude, pour toutes ces fois où il a su répondre présent, allant jusqu'à jouer le garde du corps attitré à l'école, en parallèle du foyer.
un brin d'inquiétude, quant aux chemins qu'ils prendront désormais.
beaucoup de fierté, pour l'avoir vu s'accrocher jusqu'au bout, finir le lycée en sa compagnie alors qu'il parlait maintes fois d'abandonner.
alors qu'il voulait même pas se pointer ici, à la cérémonie.
de la frustration, pour toutes ces fois où elle aurait aimé exprimer ce qu'elle ressent à l'égard du brun, plutôt que de ravaler le peu de mots qui menaçaient de s'échapper.
aujourd'hui ne fera pas exception.
alors, rose communique comme elle peut. elle lui prend la main, le regarde de ses grands yeux clairs et sourit.

-----------
AVRIL 2020 - SUR UN TOIT, DANS LE QUEENS
elle court main dans la main avec fin jusqu'au bâtiment qui leur est si familier. le même manège qu'ils ont répété tant de fois étant gamins. la porte de secours rouillée, qu'elle devait pousser de toutes ses forces à l'aide de ses petits bras. le digicode et ses touches assez effacées pour qu'on en devine le code, une simple série de chiffres ancrée dans leur mémoire depuis des années, que personne a jamais pris la peine de changer. la cage d’ascenseur, étroite, grinçante, tremblante, qui se faisait entendre dans tout l'immeuble. des rangées d'escaliers qui n'en finissent plus.
et en haut, leur jardin secret sur les toits du queens. leur stop favoris. sur le chemin du lycée, entre deux visites au foyer. pendant la pause du midi comme en pleine nuit. leur échappatoire.
il a pas changé.
elle fait quelques petits pas vers le bord, la main du brun toujours dans la sienne, les yeux qui imprègnent tout l'espace environnant. les chaises bancales, les mauvaises herbes, la palette en bois, qui fait office de table. les guirlandes de lumières maladroitement accrochées le long du mur.
la vue entière sur le quartier et ses lumières, qui scintillent pour eux deux. le queens et son doux bruit, qui les accueille à la maison.
elle détache avec peine les lueurs de new york qui brillent au loin, le regard imbibé par l'alcool, lointain. ou peut-être trop occupé, par l'amas de souvenirs qui font leur défilé, les bribes d'histoires qui viennent s'y mêler.
ça fait tellement longtemps qu'ils y ont pas mis les pieds.
- tu te souviens comment on avait trouvé ce toit? ça hurlait dans l'appart et t'avais voulu te sauver par l'issue de secours au bout du couloir. j'crois qu'on était là tous les soirs après ça pendant au moins un mois.
les souvenirs dansent, comme les lumières.
- et le jour où tu t'as failli te battre avec jamal au collège à cause d'une connerie lui rappelle-t-elle. t'étais venu bouder sur le toit. j'étais tellement inquiète de pas te voir pendant le reste de la journée que j'ai séché les cours pour venir vérifier que t'étais bien là.
pour vérifier que tu t'étais pas barré, veut-elle dire. qu'il était pas rentré dans ce genre de colère où il faisait ses affaires et lui annonçait qu'il allait quitter le queens.
- et le lendemain de tes dix-huit ans. on est venu regarder le lever du soleil ici, tu te rappelles? tu t'es moqué de moi parce que c'était la première fois que je fumais sur un joint et que je m'étais endormie sur toi.
les souvenirs dansent et au milieu, fin.
la constante, le pilier. inébranlable.
- et le jour où t'as lu mon journal...
terrain miné, inexploré. un événement dont ils ont jamais reparlé, qu'ils ont tous deux balayé d'un accord silencieux, comme si à l'époque ils y avaient assigné un caractère trop grave, trop gênant, pour être mentionné de nouveau.
une des seules choses que fin a jamais utilisé contre elle, quand les disputes de gosses allaient trop loin.
il aurait pu. mais il semblait aussi enclin que rose à oublier.
rose, elle a pas oublié, pourtant.
est ce que c'est si grave, si elle veut pas oublier? si elle veut pas qu'il oublie, fin? si dans le fond elle a peut-être envie qu'il se souvienne un peu de ce jour là?
- j'ai disparu pendant des heures ce jour là, tu te souviens? j'étais venue ici avec ma couette et mon oreiller, je voulais pas redescendre. alors qu'on était en plein hiver, évoque-t-elle, un sourire aux lèvres. j'étais prête à passer la nuit dans le froid pour pas te croiser, j'avais trop peur que tu te moques encore de moi. que tu me laisses tomber et que tu rentres au foyer parce que je te dégouttais.
elle sait pas combien de temps elle reste là, avec l'air qui fouette son visage, avec la tête qui tourne, avec la main de fin au creux de la sienne, qu'elle sert fort.
elle sait pas combien de minutes passent dans le silence, avant que ça la prenne au ventre.
c'est comme une angoisse, qui d'un coup fait surface,
qui sème la terreur
qui lui serre le cœur
à la simple idée
qu'il puisse la lâcher.