You crazy assed cosmonaut, remember your virtue

traits de caractère / Amezyan, douceur volage et cœur épineux, en voilà un oxymore blasphémé. Duperie malicieuse jusqu’à la pointe de son nez ingénu, qui saurait se targuer de pouvoir démêler les méandres carmin de son épineuse psyché ?

Amezyan est né de l’harmonie présomptueuse de la Poésie et de la Folie. De la première il a hérité des battements de cils songeurs et des ambitions oniriques. Souvent, ses pensées fabulent et s’évadent vers des contrées où l’aurore est Reine et où la Nuit est victorieuse de toutes humaines lubies. C’est un rêveur, un idéaliste, un gamin pétrifié par l’envie d’enserrer entre ses lèvres pales la Mélancolie. Il a ce cœur d’enfant qui bat en ses veines bleutées de crépuscule, les pommettes cramoisies et humides d’avoir trop imploré les mirages de rester, encore, encore, contre la douceur infidèle de ses oreillers.

Mais Folie est Mensongère et Amezyan est Duperie. Ce garçon-là est un conteur maudit, un charmeur d’Envie. Il a la malice au creux des canines, la vénusté de l’escobarderie dans l’enclave que forment ses côtes d’ivoire et d’argent sertis.  Oh, tombez donc à la renverse, pâmez-vous de la langueur de ses paumes contre votre âme alourdie, épanchez-vous et pleurez, surtout priez pour le retour de votre jouvence volée. Amezyan est un Prince, de ceux qui exigent et qui fracassent, de ceux qui malmènent et qui sèment le trouble par orgueil et peur de l’Oubli. De l’innocence du bambin il ne reste qu’un tas de poussière maudit, un brasier de Rien qu’il piétine comme un seigneur bafoué. De sa langue veloutée se dévoilent les sinuosités crépitantes d’un venin d’enfant-guerrier, qui favorise le tranchant des mots aux poings que l’on imaginerait dopés à l’ingénuité. De son amour pour l’or a émergé la convoitise, et du sentiment d’abandon injustifié de son frère aîné s’est décuplé le besoin irrépressible de se révolter.

Mais ce n’est rien qu’un enfant, vous lui pardonnerez. Il a cette exigence insolente qu’on les petits rois aux effigies ambrées. Cette imprudente brusquerie par peur d’un Amour trop tôt arraché.

Il est né en déchirant l’aurore, écartelant les étoiles miroitantes et leurs filaments dorés. De pourpre et de moire vêtu, l’enfant, petit prince aux larmes ingénues, parfuma ses reins de songes et d’un souffle de fierté. Ce sont les murs perlés de terre et de poussière d’Hagaza qui ont vu grandir ce gosse aux prunelles chimériques, frangées de cils trop grands et trop bruns – un brin incertain. Jeunesse glorifiée et loin d’être tourmentée, il avait les dunes rouges comme royaume et les rayons farouches du soleil comme compagnons de jeux, s’inventant tour à tour Achille à la fureur délicieuse et Prométhée, maudit voleur de feu.

Au sein de la fratrie Al Assad, il n’était ni le premier ni le dernier – juste un fils avec des yeux dorés. Il n’avait ni la mélancolie argentée de l’aîné, ni le rire carillonnant du benjamin aux joues potelées – juste l’ambition de devenir un jour le joailler qui saurait charmer les comètes ensorcelées. Ô Amezyan, quelle terreur étais-tu pour les adultes aux cœurs attendris et aux gorges fatiguées de prier Prudence et Raison. N’entendais-tu donc pas les soupirs angoissés de ta mère, qui giflant tes fossettes délicatement cisaillées, te serrait contre son cœur, entre passion et pâmoison ? Amezyan, tête écervelée et cœur emballé, brûlait de découvrir le monde et ses rires désabusés. C’était un admirateur de l’existence, un poète béni par le velours de Râ et la Mortalité qui s’écoulait entre ses veines rubis. Il se rêvait explorateur et chasseur d’or, brigand des cœurs et éventreur d’oreillers assoupis. Dévoreur de rêves et croqueur de vie. Ce gamin-là avait cette façon particulière de retrousser son nez en moqueries allègres, dansait avec la grâce d’une idole que l’on priait de vous bénir. C’était une âme que l’on aimait à en périr.

Et puis un voile de crépuscule, jeté en pâture la nébuleuse torture, grappilla les étincelles ambrées de ses prunelles cuivrées. Son grand frère, son aîné, un brin son aimé, s’envola pour le lointain, là où les souvenirs menaçaient de se suicider dans les psychés épuisées. Pour un enfant qui avait toujours eu ce qu’il exigeait, cet acte de sauvetage désespéré passa pour un abandon éventré, une trahison qui jamais ne saurait être pardonnée. Qu’importe si la trésorerie familiale n’était faite que de terre et de baisers, n’était-ce pas suffisant ? N’était-il pas suffisant ? Ainsi l’ambition du cadet Al Assad fut estompée par un étrange sentiment, au goût de fiel et de rouille trépassée : un trouble désagréable au toucher, douloureux près du cœur – de son nom avait hérité la Rancœur. L’astronaute des dunes assassina alors dans sa psyché torturée l’ingénuité béate de son enfance consumée, fit taire en lui les implorations larmoyantes des nymphes qui s’agrippaient à sa candide pureté. Et les sourires devinrent des rictus abstraits, teintés d’une malice un peu blessée. Et les rires résonnèrent comme des plaintes mortifiées, à l’ombre d’un saule éraflé. Et Amezyan, prince aux courbes faites d’aérolites asphyxiées, se perdit alors dans le monde des adultes aux sombres secrets.

Mâchoire serrée et crocs aiguisés, du garçon aux joues parfumées par les prémices d’un jour balbutié ne restent que des fracas d’une silhouette errante, de moitié oxydée. À la recherche d’une gloire bien volage, ce petit tyran de la duperie sait désormais vous fourvoyer de son beau langage. Cils écumant d’une douceur violée à l’abordage des nuages, il a contre la fourche de sa langue l’instinct de vous conter quelques innocents mirages. Profane aux doigts d’or et aux orbes délicatement cabalistiques, voyez comme ce petit génie, héritier ni du Bien, ni du Mal, s’est couronné d’un petit royaume aux mille carnages.

Laissez-vous donc bercer par l’ocre scintillante de son âme virevoltante.
Et plongez – noyez-vous, peut-être, dans l’enivrement malicieux de cet ectoplasme à la beauté renversante.