long island. début de soirée. sur les lèvres, le fiel et l’amertume d’avoir été ainsi joué. la grille du portail retombe avec le ton fatidique du couperet et il continue de se raccrocher à sa main, la maculant de sang. leurs sangs, comme si l’enfant avait décidé d’abandonner sa marque funeste sur ses deux parents. lorsqu’il s’extrait du SUV, il la relâche à contre coeur, coeur battant de façon erratique, de colère et de douleur. louis. un mot, un geste, un regard pour la nymphe pâmée sur le siège de cuir. james ne peut pas la porter, alors c’est le garde du corps qui s’en charge, protocolaire, bien que livide lui aussi, car il a l’impression d’avoir failli à son devoir. impossible devoir que celui qui doit protéger une famille que les ténèbres continuent de traquer. il pousse la porte, il ne s’annonce pas, disparaît du champ de vision alors que louis dépose très précautionneusement joana sur le sofa. aucun mot ne quitte sa bouche avant qu’il ne l’ait rejointe. automatisme, instinct viscéral qui le porte jusqu’à sa soeur. dans un silence troublé par sa propre respiration, qu’il a l’impression d’entendre tout contre ses tempes douloureuses, il trace son sourcil blessé, stigmate infâme qui lui donne l’envie de hurler. sa respiration s’alanguit, elle est ici, elle est en vie. et il choisit volontairement d’abolir les faux semblants, rien qu’un instant, alors que son regard plonge dans le sien, ébauchant le lien, qui semble vibrer dans l’air. aucune nouvelle de moira ? il demande, puis se force à quitter les iris si semblables aux siennes pour aller quérir la fausse tranquillité d’irène. vega est prévenu ? le sinners est évacué ? il ne s’aperçoit même plus qu’il continue de saigner, sur le parquet, un goutte-à-goutte, mat, ralenti par une coagulation de fortune.
elle est assise là, sur le fauteuil en cuir du petit salon, un verre de whisky qu'elle s'est servie à peine arrivée, les mains tremblantes. médée rumine en silence, laissant le soin à sa mère d'envoyer les messages nécessaires aux divers hommes sous leurs ordres. tout s'est passé trop vite, sans qu'elles n'aient le temps de s'y préparer, un accident de voiture calculé à l'avance, quelques coups de feu, le corps de vega comme une muraille fasse à leurs assaillants. ses pensées alimentées par la haine sont confuses, elle cherche déjà un moyen de répondre convenablement, ils les tueront tous autant qu'ils puissent être. elle est en train de faire tourner l'alcool au fond du récipient quand la porte d'entrée s'ouvre, instantanément c'est lui qu'elle cherche du regard. le cœur se resserre quand il apparaît enfin, le bras en sang et elle n'a pas besoin de s'élancer jusqu'à james. il est déjà là, en quelques enjambées, son pouce retraçant l'arcade blessée, elle en grogne sans pour autant détourner ses iris clairs de son double. il va bien, ou presque, l'hémoglobine goutte sur le parquet luisant. vega était là, fort heureusement, ils ne l'ont pas tué. une blessure superficielle qu'il a annoncé sans qu'elle ne puisse réellement s'en assurer. médée se redresse, saisit avec douceur le bras abimé de son frère, ils l'ont eu, lui aussi et cette idée lui est insupportable. il est allé chercher moira, je crois que c'est ce qu'il a dit, je ne sais plus trop. puisque dans sa cervelle ne retentissent que les bruits des balles et celui de la taule froissée. il faut que tu soignes ça... sa parole se coupe nette quand elle aperçoit le corps immobile sur le sofa. ses sourcils se froncent. oh, elle était avec toi. elle le jauge lui, puis joana inconsciente avant de se détourner pour récupérer son verre, un ricanement grinçant lui échappe. nous devons prendre une décision, maintenant et je suis d'avis de joindre moira à nos échanges. le regard vissé sur les fenêtres immense, elle sent son corps s'affoler dans l'attente de voir la dernière née franchir la porte.
Silence religieux et peu entrainant dans la cavalcade qui vient de s’échouer à leurs pieds. Sous ses pompes l’écrin du sang de l’ennemi s’est glissé, quelques fourmillements rougeâtres se dispersent comme des éclats de rubis sur son visage durcit par la haine, la pâleur excessive, blême d’avoir osé tirer sur un homme, quel qu’il soit, aux traits d’ailleurs, un homme qui n’avait peut-être rien comme il aurait pu tout avoir. Le myocarde s’effondre dans la cage thoracique alors qu’elle se fait contrebalancer sur la banquette arrière, l’un des cerbères se faisant tout aussi silencieux qu’elle, tentant pourtant d’explorer si la plaie à sa pommette s’est étendue. Rien de grave, répète-t-elle, de cette voix atone, fantôme pris dans l’incendie qui vient d’éclater. Quelques messages, une courte route grimpée et l’attaque enfin. Le détonation vrille encore ses oreilles et savoir le corps valsant dans le coffre lui donnerait l’envie de dégobiller. Et les arrêts sont récurrents, la bile finissant par remonter de sa trachée pour qu’elle s’élance hors du véhicule, poursuivie de près par l’un des hommes des Marlowe dont elle ne connait rien, le front luisant de sueur, les cheveux collant à ses joues où se mêlent son sang et celui de sa victime. Meurtrière. Sa mère la haïrait d’avoir osé voler la vie à quelqu’un, qu’il soit des fonds lugubres ou homme lambda. Le crâne n’a pas implosé sous le plomb flanqué en plein front mais elle a vu les yeux se vidés de leur vie, le dernier grognement, le dernier souffle abandonné à sa gueule avant qu’elle ne se fasse complice d’un meurtre. De la came à l’homicide involontaire, les barreaux l’attendent déjà, son corps se faisant déjà prison où la moisissures pèles par tous les pores. Son long manteau beige couvrant un pull blanc peint de rouge, elle échoue à nouveau sur le cuir avant que le moteur ne vrombisse davantage, les kilomètres défilant à vive allure alors qu’elle dégomme une bouteille d’eau, les mains tremblantes. « On peut plus s’permettre d’s’arrêter. Retenez vous. » On le lui ordonne et elle jette le plus sombre des regards à ce comparse qui ne cille même pas face à sa mine blafarde et qui n’a lui-même pas su dégainer à temps, manquant de se faire éliminer aussi vite qu’elle « J’ai protégé ton cul m’semble. » Et ce seront ses derniers mots, sa sentence avant de détourner la tête pour avaler l’imagerie défilante d’un paysage qui ne se voit même pas au travers des vitres teintées. Fermant les yeux, elle se souvient alors des visages qui l’attendent dans les hauts cieux des Marlowe, qui s’est carapaté dans la tour où elle a passé la nuit la veille. Une envie de fuite s’éprend d’elle, une envie d’une dose, une envie d’échappatoire qui demeure dans le sac qu’elle portait jusqu’alors. Le gravier sous les roues annoncent l’arrivée et on la somme d’attendre. Pourtant, peu obéissante, elle pose son premier pied dehors, fonce dans le long couloir pour rejoindre le palier d’une pièce, ayant suivi le sang qui s’écoulé, l’effroi continuant de se peindre sur ses traits tirés.
Le ventre se tord, s’absorbe dans la plus grande des calamités orageuses alors qu’elle perçoit enfin la sihouette, de dos, de Médée, qu’elle détourne son regard vers James, tentant de demeurer impassible avant de laisser sombrer ses yeux noirs sur la silhouette couchée. Elle la fixe un long instant avant de dériver sur un visage tout aussi méconnu, abaissant la tête en un salue respectueux mais mutique puis elle avance encore de ces quelques pas lourds pour déclarer comme simple bonjour « Y’a un cadavre d'vos ennemis dans vot’ coffre. Faudra s’en débarrasser. » Les mots sont mornes, aussi morte que l’est sa conscience à présent alors qu’elle évite de fixer celle qu’elle n’a plus revue depuis, se dirigeant d’elle-même vers le buffet pour débouchonner une bouteille d’un whisky sirotait quelques heures plus tôt. Le bruissement de l’alcool couvre un instant le feutrage du silence alors qu’elle a l’allure et la sale gueule de celle qui vient de tuer, ses phalanges toujours frémissantes avant de se tourner vers James, vers celui qui lui donne brutalement la nausée en présence de cette Autre qui les relie « On m’explique ce qu’il s’passe maintenant ou j’ai l’temps d’finir mon verre ? » Oubliée la douceur de l’instant auprès de la cheminée éteinte, oubliée les étreintes et les effluves des corps enchevêtrés. Elle met en exergue le béton d’un mur pour ne pas s’effondrer, pas maintenant avant qu’elle ne s’avance, saisissant trop vivement le biceps touché, son pouce appuyant férocement à l'orée de la plaie, comme pour le faire grogner, peu importe que la louve blanche ayant méprisé ses aveux amoureux l’attaque juste après. « Pose ton cul. » Ordre sec, comme une femme habituée aux commandements « La balle est ressortie ? J’croyais qu’on d’vait t’soigner. » Et l’ignorance envers Médée ainsi que la femme portant l’enfant est plus qu’évidente, soulignée par cette rage qui l’animait sur le terrain, soldat formée pour les urgences de cet acabit mais pas pour les meurtres, pas pour le sang qui tache encore ses fringues et son visage.
Les pensées tanguent. Le cœur frappe les côtes à s’en blesser. Sous la marque violacée qui colore le dessus de sa tempe, le sang pulse jusqu’à un cerveau malade d’inquiétude. Le bruit des pneus frottés sur le bitume résonne encore dans ses oreilles. Les coups de feu. Le bris des vitres éclatées par les balles. Et la conscience viscérale de savoir sa fille piégée dans le même guet-apens. Pour la première fois depuis un temps trop long, Irène a eu peur.
Et depuis cet instant, la peur ne la quitte plus. Une fois leurs assaillants disparus et Médée hors de danger, c’est à ses deux autres enfants qu’Irène a immédiatement pensé. On ne laisse ses cibles vivre que quand le message passé a plus de valeur encore que leur mort. Ainsi, chaque membre du clan ne pouvait échapper à une attaque. Leurs ennemis comptaient-ils seulement tous les laisser en vie ?
Irène regarde par la fenêtre. A côté d’elle, Médée boit. Elle s’est bien gardée de l’en dissuader. Silencieusement, la matriarche remonte le fil, cherche à prévoir les prochains coups de leurs nouveaux prédateurs. Mais le trouble de son cœur embrouille ses esprits. Il lui faut s’assurer de la survie de ses enfants. Elle ne saura réfléchir tant qu’elle ne les aura pas tous près d’elle.
Les portes du manoir s’ouvrent et James entre alors, ôtant en une seconde un poids lourd sur sa poitrine. Le soulagement trouble la respiration de sa mère qui répond, d’un timbre encore contrôlé malgré l’angoisse qui la tiraille : - Pas encore… Elle est la dernière qui lui manque. Où est Moira ? Il faut qu’elle passe cette porte à son tour. Il le faut.
Son regard est alors attiré par la silhouette frêle que Louis dépose sur le sofa. Joana… Cette journée a-t-elle décidé de les noyer d’un coup sous tous les fronts ?
Soudain, c’est un nouveau fracas qui éclate dans la pièce alors qu’une jeune femme pénètre leur si précieuse sphère. Un seul signe de tête en guise de salut, quelques mots grossiers jetés en pâture et la voilà qui se dirige d’autorité vers le buffet pour se servir un whisky. Le sang d’Irène ne fait qu’un tour. Rares sont les personnes à lui avoir jamais jeté une telle insolence à la figure. Plus rares encore sont celles à s’être permis de réitérer. La stupéfaction tient Irène immobile jusqu’à ce que l’intruse se permette le geste de trop quand sa main agrippe le bras blessé de son fils trop brutalement pour ne pas accentuer la douleur qui doit déjà irradier ses muscles.
En trois pas, Irène arrive à hauteur de la jeune femme et sa main saisit brutalement son poignet, arrachant d’un geste ses doigts et forçant l’inconnue à la regarder. - Puis-je savoir où vous vous croyez ? grogne-t-elle, agressive. Une seconde s’échappe avant qu’elle ne rejette sèchement son poignet et demande, impérieuse : - Qui êtes-vous ?
Le froid a fini par gagner. Evanouie dans le SUV, le corps inerte de Joana se laisse soulever par des bras qui n’appartiennent pas à son amant. Elle se laisse porter à moitié consciente mais totalement détachée de ce monde qui défile sous ses jambes mornes. Elle est à des lieues de là, revivant quelques moments plus heureux où la mort ne les guettait pas. James disparaît de son monde, elle le sent s’éloigner et son corps se raidit d’autant plus à cette séparation qu’elle ne voulait pas, qu’elle ne voulait plus.
Des voix se font entendre mais c’est trop dur de lutter pour écouter. Elle ne reconnaît pas les glas, elle n’est pas réellement là. Toujours confondue dans la douleur de son corps qui se débat pour faire face, qui cherche à retenir les flux sanguins pour ne pas priver le fœtus qui grandit en elle, elle demeure immobile et paralysée dans sa position de belle au bois dormant. Mais la belle est surtout cruelle dans son cœur, et les bois sont tout sauf dormants à cette heure. De l’agitation remue toute la pièce, une nouvelle arrivante. Et ensuite des voix qui s’élèvent. Joana gémit malgré elle en remuant. Elle déteste sa position d’infirme et voudrait comprendre ce qui se trame autour d’elle. Mais elle est plaquée contre le sofa, c’est plus fort qu’elle. « De l’eau. » Le murmure s’élève de ses lèvres desséchées sans aucune certitude que les silhouettes qu’elle devine très loin ont pu l’entendre. Le cadavre du coffre, est-ce elle ? Le cadavre du coffre a parlé. Son bras glisse le long du sofa et s’abat sur le sol dans un petit bruit sec et lui arrache une grimace. Mais elle ne bouge pas, ses paupières demeurent tenacement fermées.
Une main se tend et elle ne voit pas l’ombre méconnue s’approcher pour arracher ses griffes du bras de l’amant qu’elle tait, détournant son attention vers les yeux clairs lui en rappelant bien d’autres. Elle sourcille, tentant dans un geste sec de s’arracher à la poigne qui l’agrippe, à ce mépris bourgeois qu’elle s’est si souvent pris en pleine face. Pour cette femme, elle est cette fille de l’argile et de la boue, non quelqu’un de fréquentable, quelqu’un sur qui l’on devrait cracher et qui ne devrait pas avoir à poser la main sur sa progéniture car il n'y a qu'une mère pour sauter ainsi sur une inconnue osant déposer sa main sur son enfant. Elle fixe cette femme qui aurait pu être sa propre mère - mais la sienne n'est plus que cendres - avec une impassibilité d’acier pour dissimuler les battements du cœur paniqué, par l’adrénaline qui refuse de redescendre, par cette envie de se rédugier dans une affection qu'elle n'aura plus jamais, dans l'amour maternelle fantomatique et elle ose, alors qu’elle est enfin libérée de la poigne, siffler quelques gorgées d’un whisky goûté la veille au soir, prenant son temps. Le goût d’une luxure à laquelle elle ne devrait pas avoir droit. Un rire soufflé alors qu’une œillade se tend, acide, vers James pour mieux répondre, se plantant dans son regard « Personne. Vous inquiétez pas, j'suis personne. » Elle condamne, elle le condamne pour l’avoir mené jusqu’ici, mené au meurtre, une accusation silencieuse et injuste dans les vents de sa haine.
Prête à s’éloigner pour s’effacer dans les ombres d’un coin de la pièce, le mouvement de la femme allongée qu’elle comprend être la mère portant l’enfant déjà rejeté attire son regard assombrie, ensanglanté. Déposant sèchement son verre encore rempli sur une table, elle se sert à nouveau, soupirant de lassitude, un rire hystérique pouvant presque s’exporter de sa poitrine, ses yeux brillants de détresse tant elle se sent ridicule d’être plantée ici, que tout lui semble plus sordide encore. L’eau flotte dans le cristal et elle s’avance pour s’agenouiller près du flanc de la mère, se faisant étrangement douce de sa main qui tremble. « Bois ça. » Sécheresse dans la voix, elle ne peut plus rien offrir d'autre que ce ton aride pour ne pas trembler ni dégobiller à nouveau. Elle l’aide à s’élever rien qu’un peu avant de ne voir la blessure qui manque de l’éventrer. Et elle se fige, ayant presque l’impression de prendre le miroir de son passé en pleine figure. Est-ce que sa mère a autant souffert ? Est-ce que sa mère aurait pu être blessée de la sorte, la portant sans la vouloir ? L’enfant qui dort dans le cocon ne peut imaginer qu’il n’aura pas une vie heureuse. Piégée un instant dans le dégoût, prête à vomir son fiel sur le frère et la sœur qui ont signé le contrat de ne jamais donner leur nom à ce gosse, elle serre les dents, élevant ses yeux vers le visage pâle de la victime avant de détourner à peine la tête « Nous faut un médecin. Maintenant. » Et elle ne peut retenir l’acidité d’une dernière invective « A moins qu’tout le monde veuille que le bébé crève ? » Et ses yeux se portent sur la silhouette de Médée qui ne la regarde toujours pas, qui ne veut sûrement ni d’elle ni de la madone blessée dans cette pièce et sous ce toit. Elle aimerait partir, Elle aimerait se laver du sang qui la souille mais la mort est déjà au bout de ses doigts et elle ne peut rien faire d’autre que biberonner une femme qu’elle devrait haïr, jalouser, rien qu’un peu. Mais elle le sait, elle l’a bien prononcé dans le silence. Elle n’est personne. Elle est venue errer et repartira une fois qu’une faille s’ouvrira pour elle.
une faille. une faille immense, dans les prunelles assombries par l’horreur et les déflagrations, échos funèbres qui viennent frapper violemment les fondations de leur empire qui s’effrite. la faute, c’est la faute qui revient le hanter, james en est conscient, le sang qui coagule dans sa paume, c’est le sang d’un père qu’il a tué. et le crime commis devra être payé. il se tient droit, enfermé dans sa froideur désormais qu’il a réussi à excaver quelques mots. il ne pense pas à sa blessure, et ne dit rien quant à joana, ne se justifie pas, il ne fait que regarder médée, comme pour réitérer la promesse qu’il a faite. il ne mentionnera pas un autre crime, ils sont trop nombreux aujourd’hui. bien. il est temps que moira assume sa place dans la famille. le prénom de sa soeur glisse avec douleur entre ses lèvres qui se serrent. il ne le dira pas. si elle est en vie. il ne le dira pas. cosima déboule sans qu’il ne le réalise, le seul mot de cadavre parvient à l’arracher à ses idées noires toutefois. josef, tu sais où aller le ranger. récupère tout ce qu’il a sur lui. on s’en débarrassera après. l’injonction tombe ainsi, ne le désarçonne pas, le fait rouler des yeux et il s’apprête à la renvoyer dans les cordes dans ses oripeaux d’infirmière au rabais quand irène surgit à ses côtés. il siffle parce que le mouvement appuie sur la plaie, avant de grogner. c’est cosima. pas personne. cosima. déjà nommée, dans la confidence sur les cimes du monde. le regard assassin cependant atermoie, les échos de la veille lui rendent quelque peu de sa personnalité. bien joué. pour l’avoir buté. le sourire est vorace, une seule seconde, avant qu’il ne se fane et que son attention revienne à joana. la prévenance que cosima a pour elle lui apparaît aussi déplacée que décente, il n’a rien à redire, jusqu’à ce qu’elle mentionne l’enfant. il ferme les yeux et soupire longuement, avant de quérir l’attention de sa mère. on en parlera plus tard. puis il balance son téléphone à cosima. troisième contact. j’ai déjà appelé newton mais dis lui de se magner comme tu sais faire. qu’il la soigne d’abord, mon bras attendra. deux pas, pour revenir auprès de sa soeur, et ajouter. ils étaient trop renseignés. ça n’est plus du hasard, ou une trahison isolée. quelqu’un nous balance. irène et toi, c’était l’agenda professionnel. pas moi, j’avais prévenu personne de ce que je foutrais aujourd’hui. moira idem. y a qu’une seule personne qui est au courant de notre position, h24. et cela le débecte. car il s’agit forcément de l’équipe de ted, le privé qui sait toujours où chercher, et surtout où les trouver. il attend que sa mère revienne à leurs côtés. les park, le connard qui m'a tiré dessus était commandité. qu'est-ce qu'a foutu isaac avant de caner, qu'est-ce qui s'est passé à atlantic city ? c'est le moment de tout cracher.
- C’est une plaisanterie ? Le regard est rivé sur son fils, les prunelles tremblantes alors que la peur et la colère assombrissent l’azur de ses iris. L’incompréhension conclut un tableau macabre qui se peint sur sa figure en nuances blafarde. Le gris de son teint n’a d’égal que le rouge qui réchauffe les paumes de ses mains alors qu’elle toise l’héritier qui bafoue en quelques secondes les règles les plus élémentaires de la famille. - Tu me demandes de vomir dans cette pièce tous les secrets de cette famille alors que ma propre fille est encore quelque part dehors, peut-être encore sous le feu des balles qui nous ont manqués, et qu’une totale inconnue se comporte sous mon toit comme en terrain conquis ? Sa voix déraille dangereusement, portée par sa rage alors qu’elle se trouve incapable de concevoir cette présence quand leur cercle ne devrait tolérer que ses membres les plus restreints. Cosima… elle se souvient de ce prénom dans la bouche de Médée. Elle se doute qu’un lien bien plus fort qu’elle ne l’imaginait s’est tissé entre elle et ses enfants. Mais elle ne connaît rien de cette femme et la confiance d’Irène se paye cher, plus cher encore quand l’irrévérence se meut en un manque de respect crasse comme celui que l'intruse jette à leur figure depuis qu’elle a pénétré dans le manoir. - Se peut-il qu’après toutes ces années, vous ayez pu oublier les règles les plus élémentaires ? Son regard passe de James à Médée, avant de revenir sur son fils. Elle siffle, intransigeante : - Les affaires de famille se gèrent en famille. Et par cette phrase, elle signifie bien que de nombreux secrets lui semblent avoir été éventés bien au-delà de leur cercle sacré. Il n’y a qu’à compter les âmes présentes dans cette pièce.
elle ne pense plus qu'à elle: moira, qui n'a toujours pas donné signe de vie. et son imagination l'oblige à garder le regard fixé dans le néant, parce que déjà, elle la pense morte par leurs fautes. par sa faute. c'est tout ce qu'elle avait toujours fait depuis l'ascension vers le trône, protéger sa famille coûte que coûte. c'est pour cette raison qu'elle ne bronche pas quand cosima apparaît, elle ne dit encore rien quand elle entend le son de sa voix, arque seulement un sourcil à l'idée d'un cadavre dans le coffre d'une des bagnoles. tant que ce n'est pas celui de sa soeur, peu lui importe. d'un oeil mauvais elle l'observe agir comme si elle était chez elle, de la bouteille de whisky aux ordres qu'elle lance à james, en passant par la salutation pathétique offerte à sa irène. puis c'est la mère en devenir qui se met à bouger, médée se crispe. c'est trop. trop de bla bla, trop de femmes, pas assez d'action. les amantes se rencontrent sans doute pour la première fois et les dents de médée attaque le verre qu'elle porte à ses lèvres, ses iris azurs braqués sur son double, en une œillade elle lui balance tout ces ressentiments, toute son incompréhension. n'y avait-il pas une autre option ? une seule personne tu dis ? je tablerai plus sur une foutue quinzaine. elle grogne, fais un pas de côté parce que la proximité de james l'incommode et la rend hargneuse. il n'y a qu'irène pour faire preuve de bon sens visiblement et encore, ce n'est pas suffisant pour faire fondre son orgueil. en famille ? elle ricane, maintenant qu'elle s'agrandit, va falloir faire avec, visiblement. elle siffle, accroche son attention à irène. il faut que je reflechisse. mais je ne peux pas réfléchir tant que je ne sais pas si moira est en vie, ou non. aucune décision ne sera prise jusque là. elle se fait intransigeante. alors pendant ce temps, trouve un moyen de ne pas foutre en l'air le tapis, james. sa froideur n'a d'égale que son agacement, d'un coup de menton elle désigne le bras suintant.
A moins que tout le monde veuille que le bébé crève ?
Joana a entendu des voix, a perçu des sifflements. Le danger rôde bien plus que lorsqu’elle tombait au milieu des balles, dans la rue. Seule avec James, elle avait encore toute son attention. Mais en ce moment, la solitude n’a d’égale que le néant qui l’envahit quand elle comprend que cette intonation qui s’élève auprès d’elle ne lui est pas connue. Elle ne lui est pas connue et pourtant, cette étrangère sait qu’elle porte en ses pans un berceau de vie. Comment ? La trahison l’agite et elle ouvre les yeux faiblement, menée par la rage de ce sentiment d’amertume implacable. En une fraction de seconde, elle dévisage celle qui a été jugée digne de connaître son plus grand secret. Mêlée à la liaison de Joana et James sans que la dame n’ait eu son mot à dire. Les yeux se referment, trop épuisée pour lutter en ce moment. Elle doit prendre sur elle pour ne pas céder à cette fatigue meurtrière qui tente de s’emparer de son corps. Elle doit tenir bon pour pouvoir crier plus tard et planter ses griffes de lionne dans la chair des impies qui ont violé sa vie. Irène se fait entendre plus loin. Tous les Marlowe sont donc réunis ici. Qu’est-ce que cela signifie ? Joana esquisse un mouvement de bras, le remontant près d’elle, incapable de parler à nouveau. L’eau demandée ne vient pas. Rien ne vient. Son bras effleure sa cuisse et soudain, elle entre en contact avec l’hémoglobine encore chaude qui colle à ses jambes. Rien ne vient, sauf ce sang qui continue de s’égoutter perle par perle.