le tapis, mais j'en ai rien à foutre du tapis !, qu'il grommelle, incommodé par la douleur et l'agonie de ces conversations qui l'abrutissent. il a le bon sens cependant de ne pas continuer à renâcler et se débarrasse de sa veste, dévoilant sa chemise où le sang dessine une bien vilaine corole, qui continue de se frayer des chemins pleins d'arabesques sur l'étoffe. il replie son bras, pour éviter de repeindre toute cette foutue baraque et finit par ajouter, en regardant médée. le temps que newton se bouge, aurais-tu l'obligeance de m'aider ? et il s'éloigne un peu, coulant un regard assassin à sa mère qui vient de le rabrouer comme un enfant désobéissant. son égo déjà ravagé par l'attaque des park tombe en miettes à ses pieds, mais il attend qu'irène les rejoigne pour ajouter, prenant deux longues inspirations histoire de se calmer. les affaires de famille viennent d'éclabousser sérieusement ceux qui n'y sont pas liés. alors je comprends que ça ne te revienne pas, mais pour les tenir à l'écart, c'est un peu tard. encore aurait-il fallu qu'on ne se fasse pas doubler comme des bleus. il relève la manche de sa chemise, la déchirant à moitié sous l'effet de l'agacement, moins adroit avec sa main gauche. tout pour ne pas songer, à sa plus jeune soeur, qui est quelque part, à subir ce monde auquel elle a toujours voulu échapper. mais c'est trop tard aussi, pour croire qu'ils ont la capacité de l'en éloigner. il finit par dessiner une caresse dans le dos d'irène, comme pour la rappeler à des considérations plus pragmatiques et sans doute lui demander de le pardonner : est-ce que tu sais au moins ce que moira devait faire aujourd'hui ? puis plus haut, il redemande l'attention de cosima : est-ce qu'elle revient à elle ?
Son regard rencontre celui de l’endormie dont le ventre est lacéré mais l’inquiétude se tend tant vers la mère que vers l’enfant couvé, se demandant le temps d’un instant ce qui peut bien arriver de mieux à cette vie mouvante et qui s’empressera de bouleverser le monde de cette famille uni par de marécageux secrets. Le courroux de la matriarche lui crible le dos mais elle ne fait que lui lancer le plus givré des regards « J’ai sur la gueule le sang d’un d’vos ennemis, excusez moi de pas être un exemple de courtoisie après avoir donné la mort. » Le crachin de la vulgarité est proche et si cette femme impose par son charisme et sa grandeur, aussi longiligne que sa fille qui fait enfin suinter sa voix, elle se détourne pour voir la pâleur de la plus silencieuse d’entre eux s’accentuer, l’inquiétude mordant son cœur, tendit qu’elle porte à peine attention aux chuchotements crasseux qui se déblatèrent au loin. Elle n’a que faire des affaires de ce clan, ses mains tremblants de plus en plus, son besoin d’extase chimérique devenant plus pressante encore, persifflant sous la peau alors qu’elle voit le mouvement de la main de la mère dont elle ignore le nom se porter vers sa blessure qui se fait discrète rivière sur sa cuisse. La panique lui impose de ne pas insister pour l’eau alors qu’elle s’autorise à observer davantage la plaie, sifflant une injure dans l’air, de ses crocs serrés. Elle rampe, son manteau beige et son jean ne lui donnant que l’allure d’une fille lambda de dos avant qu’on ne puisse voir la sale gueule de la flic corrompue souillé par la mort. Une main se dépose contre une joie trop froide. « Hé ! T’endors pas. Le médecin va arriver, ok ? C’est quoi ton nom ? » Quelques murmures à son intention alors qu’une voix l’interpelle, une voix qu’elle aimerait encore aussi douce que la veille, se détournant sèchement vers James « Ouais mais elle va vite nous filer entre les doigts si ton putain d’médecin arrive pas. Elle perd masse de sang, James. » Comme toi. aimerait-elle rajouter en voyant le bras droit dévoilé, se figeant un instant, remontant les amandes noires de ses yeux jusqu’à lui avant de se détourner, se tortillant pour enlever son manteau pour mieux recouvrir le corps de la victime. Un souffle, une hésitation avant qu’elle ne se décide à élever la voix « Écoutez, j’ai aucune envie d’être ici. J’ai aucune envie d’être mêlée à vos histoires quoi que vous pensiez ou d’me mêler de vos affaires de famille dont j’en ai rien à carrer mais là y’a un corps dans l’coffre à qui j’ai mis une balle en pleine tête. Un mec qui pouvait être père de famille comme le dernier des connards mais j’l’ai buté. Pour sauver la peau d’un d’vos gars et la mienne. » Son regard revient vers le trio qui voudrait certainement qu’elle ne soit qu’un pion que l’on jette aux flammes avec le cadavre à qui elle a enlevé la vie sans ciller. « Alors j’veux savoir qui on combat, si vous avez un autre plan que d’se cacher ici comme des cafards pris au piège. » S’élevant sur ses bottes dégueulasse déjà le sol, suintante de sang, elle tremble d’une terrible anxiété qui ne l’empêche pas de fixer Médée, sans rien dire, James et Irène enfin, sans bien savoir qui gouverne entre eux. « Et qu’ça plaise ou pas, j’crois que l’un d’entre vous a fait le choix d’me faire confiance alors autant aller jusqu’au bout. C’est quoi ce bordel ? » Et au fil de ses mots, elle s’avance, livide comme sanglante, les doigts souillés aussi sûrement que son sang qui réclame une dose, sans abandonner son inquiétude pour celle qui chavire entre éveil et sommeil, fauchant les prunelles de James comme pour le mettre au défi de la détromper.
le trajet jusqu'à Long Island s'effectue dans un silence pesant. assise à côté de Gregor, la cadette des marlowe fixe le paysage qui défile sans vraiment le regarder. elle ne peut que revoir en boucle l'attaque, le sang de Milo qui a tinté ses mains de rouge, le visage inanimé de Terrence, la colère et la souffrance dans les yeux de Greg. elle ferme les siens pour essayer de chasser les images qui la hantent, en vain. la voiture pénètre dans la cour de l'immense demeure dans laquelle elle a été enfermée quelques semaines plus tôt et qu'elle aurait aimé ne jamais revoir. vega, qui l'a retrouvée chez les ferreira, ouvre la portière et s'assure une dernière fois qu'elle va bien avant d'aller rejoindre josef qui semble fouiller dans le coffre d'une voiture. elle inspire, serrant entre les siens les doigts de Gregor qu'elle n'a pas lâché depuis qu'ils sont montés en voiture, réconfort nécessaire pour ne pas s'effondrer. elle jette un coup d'œil dans sa direction, juste pour croiser son regard, comme pour lui intimer en silence que tout ira bien. mais c'est faux, parce que rien ne va, sa famille a été ravagée, et elle se demande dans quel état elle va retrouver la sienne. ils entrent ensemble dans le lieu dont le secret est dorénavant bafoué. le cœur de la gamine bat bien trop fort alors qu'elle s'avance avec automatisme jusqu'aux éclats de voix qui résonnent. je suis là. et une fois dans l'énorme salon, elle s'immobilise, tente de scanner la scène qu'elle interrompt, mais sa migraine l'empêche de réfléchir. poupée amochée par la vilaine plaie rayant son front et par le sang et la poussière couvrant le corps longiligne. moira, elle est loin de la perfection qu'elle a l'habitude d'afficher. sa main échappe à celle de gregor pour s'avancer vers les siens, tous vivants et tous présents, ne prêtant pas attention aux deux autres jeunes femmes. son corps vient enlacer celui d'irène, tel un enfant cherchant le réconfort et la douceur maternelle pour oublier le cauchemar qu'elle vient de vivre.
Des images torturent l'âme de celui qui n'a toujours pas compris ce qui s'était passé dans sa demeure familiale. Le sang, les ruines et Moira en survivante provisoire. La voiture les entraîne loin du lieu du crime et il souffre d'avoir abandonné un frère blessé, un autre mort et une soeur absente. Il souffre mais le dragon Ferreira n'a plus d'autre choix que d'assumer son rôle. Et il entre, main dans la main avec la cadette Marlowe, prêt à subir les fusils de sa famille. En ce moment, Gregor n'a plus rien à perdre.
La pièce est froide. L'accueil glacial, c'est un euphémisme. Un regard qui se veut rassurant est donné par l'amante. Greg le lui rend avec une force déstabilisante. La tragédie qui les a frappés les a aussi fortement soudés. Tandis que Moira se détache de l'étreinte de leurs phalanges pour aller enlacer sa mère, un pincement vif serre le coeur de Greg. Sa mère. Il va devoir annoncer à sa propre mère le drame qui a eu lieu cette après-midi. Il balaie la scène qui se joue sous ses yeux et s'arrête sur les deux femmes inconnues. L'une d'entre elles lui est familière. Et alors qu'il s'apprête à tourner le visage pour chercher James des yeux, un choc l'empêche de bouger. Joana Harper. La feuille de papier du dossier "Leonide" s'ancre dans son imaginaire tandis qu'il réalise que la silhouette écroulée sur le canapé est la cousine de sa propre fiancée. Quel est ce Feydeau qui se joue ainsi dans son dos? Son échine se crispe et il pose enfin les yeux sur celui qu'il a toujours plus considéré comme étant son frère que ceux qui l'étaient vraiment. Triste ironie, seul celui-ci semble encore avoir une chance d'être en vie. Et dans sa direction, une seule phrase... "Ils ont Alix." Cela tombe comme un couperet. Mais s'il y en a un seul qui peut détecter derrière le ton froid de Greg le désespoir de ce que cela sous-entend, c'est James.
on ne se cache pas comme des cafards pris au piège ! sont les premiers mots qu'elle grince à l'encontre de Cosima qui vient de se rapprocher de leur trio. d'un oeil mauvais elle la toise. on réfléchit, mais ce n'est pas ton genre, n'est-ce pas de réfléchir... elle peste. Louis est envoyé au charbon, il s'occupera du cadavre mieux que personne et Médée jette un oeil à son téléphone dans l'attente d'un message de Vega. si on en savait quelque chose Cosima, croit moi, personne ne serait ici. alors tu vas faire comme nous et attendre sagement. comme tu l'as dis, quelqu'un ici te fais assez confiance et se préoccupe de ton devenir. alors, patiente. elle se veut ferme. mais son animosité envers elle s'évapore aussitôt que le visage de moira apparait dans son champ de vision. son coeur s'emballe, le soulagement la gagne instantanément mais se fait lui aussi la malle quand elle s'attarde sur le front abimé de sa jeune soeur. les bras d'irène deviennent son seul refuge et elle glisse malgré tout une main contre le crâne de la benjamine. la seule qui aura droit à un geste de tendresse de sa part. ils ont alix. la voix lui parvient comme déformée par toute la haine qui se rappelle à elle. james ? elle l'interpelle plus pour la forme, puis lève les yeux au ciel. en enfer, voilà où elle doit se trouver. comment ça, ils ont alix ? sa voix tonne avant même celle de son frère, on va la chercher, tout de suite james. et déjà elle compose un numéro sur son téléphone.
Irène est à deux doigts de flancher. Elle le sent à chaque battement de son cœur, à chaque souffle qu’elle expire, à chaque mot qui sort de la bouche de son fils ou de l’étrangère dont le comportement la fait se rapprocher de plus en plus dangereusement du point de non-retour. Le sifflement de James l’enrage. Elle crache en retour : - Peut-être est-ce justement parce que bien trop de personnes sont au courant de tout ce qu’il se passe dans cette famille que nous finissons par nous faire doubler ! Nous ne sommes même pas foutus de savoir qui pourrait nous avoir balancés tant les possibilités sont apparemment nombreuses et il faudrait continuer à tout déballer sur la place publique ? Que quelqu’un fasse accélérer la venue du médecin car ta balle dans le bras te fait perdre la raison ! Sa voix se brise alors quand il évoque Moira : - Non, je ne sais pas ce qu’elle devait faire. Je ne sais même pas où elle est…
La panique se sent dans le timbre d’Irène, si singulière tant on l’a si peu connue dans la bouche de la matriarche des Marlowe. Mais le monde ne l’attend pas et Joana la première dont les blessures paraissent plus inquiétantes à chaque minute qui s’écoule. Les battements de cœur de la matriarche se saccadent alors que Cosima enfonce le clou, continue d’insister pour obtenir des réponses qu’ils n’ont que partiellement et qu’elle n’a surtout aucun droit d’exiger. Les yeux d’Irène la fusillent. C’est Médée qui crache son venin la première, somme l’autre femme d’attendre, comme ils le font tous. Irène achève, toute aussi brutale : - Si nous devions une place aux conseils de famille pour chaque personne ayant tué un de nos ennemis, cette bâtisse entière ne serait pas assez grande pour tous les accueillir. Ravalez donc vos revendications futiles et votre insupportable dédain car je vous assure que bien qu’un de mes enfants ait pu vous vouer je-ne-sais quelle confiance, vous êtes ici chez moi et je n’ai jamais longtemps supporté l’irrespect, encore moins dans des moments pareils. Alors tenez votre langue ou je vous assure que je mettrai dehors moi-même !
Mais alors que sa phrase se termine tout juste, une silhouette apparaît dans l’ouverture qui donne sur le couloir et le cœur d’Irène cesse brutalement de battre.
« Je suis là, » dit Moira, et sa mère se détourne immédiatement de Cosima pour se précipiter vers sa fille qu’elle cueille dans se bras tremblants. Ses mains la serrent contre elle, les paupières dissimulant son regard qui se trouble quand le soulagement s’abat sur elle avec une violence inouïe. La respiration profonde, Irène respire l’odeur de sa fille, se convainc chaque seconde un peu plus qu’elle est bien là, qu’elle a réchappé comme eux tous à cette journée infernale. - Tu n’as rien ? demande-t-elle en un murmure alarmé. J’ai eu tellement peur, si tu savais…
Irène fait durer l’étreinte quelques secondes encore, ne revenant à elle qu’en entendant la voix d’un jeune homme qu’elle n’avait plus revu depuis un moment à présent. Gregor Ferreira se tient au milieu du salon comme un lion blessé encerclé de hyènes. Mais tous semblent soudain comprendre qu’un ennemi commun s’est dressé sur leur route. Alix a été enlevée. Le regard d’Irène se porte immédiatement sur son fils dont elle connaît parfaitement le lien qui l’a uni à la sœur de Gregor. - Il ne faut pas leur laisser trop d’avance. Nous devons bien avoir des hommes à envoyer à leurs trousses ? Des hommes. Seulement des hommes, oui. Aucun de ses enfants ; elle s’y opposerait. Aucun d’eux n’ira au feu aujourd’hui, pas après avoir déjà manqué de mourir.
La peur pèse sur leurs épaules. Il leur faut réagir vite maintenant qu’ils se sont enfin tous retrouvés. Mais, au loin, une bonne nouvelle, au moins : le médecin arrive au pas de course pour vérifier l’état de Joana. Il n’est pas trop tôt.
il laisse passer l'avalanche, et sur lui et sur cosima, et sur les questions, et sur l'attente qui les pousse à haïr chaque seconde où moira n'apparaît pas. seul son regard s'ancre sur son amante, avant qu'une phrase ne quitte ses lèvres avec une sorte de douceur, qu'il lui faut excaver des limbes où elle s'entredéchire avec toute la rage qui l'accompagne. je t'expliquerai. père de famille ou pas, t'as bien fait. c'était lui ou toi. bienvenue chez nous. pas de sourire, mais une lueur qui gronde. puis il revient à sa mère et ajoute, sur un ton plus bas, sans agressivité. chaque personne ici détient ma confiance. je ne te demande pas de la leur accorder, fais avec, le temps de statuer. il ne se justifiera pas, ni ici, ni plus tard lorsqu'il faudra affronter tous les manques déjà accumulés. il refuse de se clouer au pilori, ou quiconque ici, les traitres sont ailleurs, et proviennent des racines de cet empire maudit, qu'il aurait dû arracher depuis bien longtemps, comme il a arraché la vie à son propre père.
sombres considérations qui le quittent aussitôt que moira pousse la haute porte de la demeure qui lui servit de prison, il demeure stoïque, mais son regard est une longue seconde bouleversé des blessures qu'elle arbore. il pince les lèvres, retient le hurlement, ressent la proximité de médée, et de ses humeurs, identiques aux siennes. il passe près du cocon offert par les bras maternel, embrasse les cheveux de moira, puis rejoint joana, au moment même où newton leur fait enfin l'honneur de sa putain de présence. on a failli attendre. le doc hésite, regarde le bras à peine garroté par un élastique de fortune. pas moi, elle d'abord. magne-toi. elle est enceinte. newton s'affaire aussitôt auprès de jo, et james s'assied sur le bord du canapé, laisse un instant ses pensées rejoindre le néant, tandis qu'il prend la main de l'actrice dans la sienne, comme dans la voiture, pour lui assurer qu'il est là, et que rien ne lui arrivera. il ne voit pas gregor pénétrer la demeure à son tour, et quand sa voix lui parvient, il relève le nez, interloqué, perdu, paumé. les mots et sa présence réapprennent le passé qui lui revient en pleine gueule. alix. il serre la main plus fort, et il dérive lui-même dans des affects qui le surprennent et le ravagent. il ne dit rien, il est comme sonné, c'est la voix de médée qui le rappelle à l'existence, et à la brutalité. il se lève, bouge son bras, serre ses doigts, et regarde si la douleur l'emporte sur la virulence. des hommes ? j'espère que tu plaisantes. on leur apparaît suffisamment faibles pour qu'ils nous attaquent et il faudrait avoir peur désormais ? sa mère. il la regarde, en reprenant son souffle et ajoute, sombrement. tu sais parfaitement que c'est à nous de répliquer. en personne. si on ne le fait pas, ça n'est pas seulement park jung-woo qui nous attaquera. ce seront toutes les autres familles qui s'en prendront à nous. il arrive à hauteur de gregor et lui demande : où. où étiez-vous ? et qui l'a emmenée ? t'as reconnu quelqu'un ? il attend que médée soit enfin à ses côtés, et s'appuie sur la force qu'elle revêt, force enragée quand il se sent faible, ne tenant uniquement que sur l'adrénaline. tu conduis.
Elle ne peut esquisser un sourire à l’encontre de l’amant, se prenant de plein fouet les mots secs des deux femmes semblant bâtir les piliers d’une famille dans laquelle elle se refuse d’entrer davantage et où elle ne sera visiblement pas accepter dans le cocon des bras ni de l’une ni de l’autre. Fixant James, elle cille, oscille pour décimer Médée d’un regard plus troublé encore avant de hocher simplement la tête, préférant se faire aussi taiseuse que possible, refusant de jeter du fuel dans l'incendie qui irradie déjà contre elle. « Comme vous voudrez. J’vous laisse gérer vos … trucs. » Ses mains s’élèvent en un geste d’abandon, de crasse lassitude, ses paupières basses avant de se détourner, croisant la silhouette de l’enfant tant attendue qui vient enfin percuter le carcan de la mère. Chacun s’anime d’un amour qui la gifle et la fait se figer, la laissant voyeuse d’un amour délicat, la caresse sur le front de cette fille dont elle ignore tout lui rappelant les embrassades de sa propre mère lorsqu’elle rentrait au bercail. Elle ignore bien si le choc l’assomme mais le chagrin l’empêche un instant de respirer et elle détourne vivement la tête pour que personne ne puisse y percevoir les larmes qui y remontent en un acide pernicieux, prête à la rendre aveugle, aveugle de l’homme qui se présente dans la piaule qui lambrissée et qui annonce une sorte de sentence qui glace même sa propre peau. La gorge serrée, elle semble soudainement être devenue un spectre dans la pièce, tout s’anime et se bouscule alors qu’elle se sent incapable de bouger.
Elle sait. Elle sait qu’elle n’a plus son rôle à jouer dans cette mission qui les attends et laisse Médée lui passer devant sans même plus un regard, reculant d’une botte souillée pour laisser tout le beau monde s’ensevelir dans le noir d’une miséreuse mésaventure qui a l’air de tourner de plus en plus au cauchemar dramatique. Détournant le regard, elle espère attraper celui de James ou de Médée, demander pardon ou quelque chose qu’ils ne peuvent lui donner. La nausée remonte , de plus en plus prenante et l’envie de s’envoler vers des cieux plus abstraits la secouent alors qu’elle saisit son sac où se planque encore son arme, ignorant le nouvel arrivant qu’elle bouscule sans le vouloir, un « Pardon. » qui mord l’air et un « J’reviens. » qui sombre, morne et flétrit comme n'importe quelle feuille d'un arbre mordu par l'hiver, dans le silence feutré de murmures et d’angoisses, cherchant à tout prix un coin assombri qui lui permettra de défoncer son esprit qui oscille entre la danse de la mort qu’elle a fait éclater, le rejet et l’absence de sa mère et de son père qui lui reviennent soudainement, comme un écho à la conversation échangée la veille, l’anxiété prenant le pas sur tout, tentant de trouver une pièce dans laquelle s’enfermer le plus rapidement possible.
Joana. C'est un sombre abysse qui s'ouvre autour d'elle. Mais dans le tumulte qui se crée, dans les voix qui se font entendre, il n'y a plus qu'une certitude : ce soir, elle n'est pas la vedette de cette pièce de théâtre. Pourtant, la reine du drame est bel et bien en train de s'enfoncer. Une ombre bienveillante l'a secourue du verre d'eau demandé mais Joana est trop absorbée dans son propre déclin pour remarquer que sa requête a été exécutée. Elle ne remarque rien jusqu'au moment où son corps tressaille au contact d'une main dont elle reconnaît instinctivement les callosités. James. Ses yeux se rouvrent malgré elle, sans aucune force, sans plus aucune étincelle. Elle le regarde un instant avant de replonger dans ses ténèbres. Et quelques instants plus tard, son corps est pris en charge par d'autres mains, elle se sent tournée sur le côté et l'endroit d'où provient la douleur lancinante la fait grincer des dents, lui arrachant un gémissement contenu entre ses lèvres bleuies par le froid et la fatigue.
De l'autre côté de la pièce, un autre spectacle auquel elle ne prend pas part.
Gregor. La peine le martèle mais le Ferreira est aussi digne que son père le lui a enseigné. Nul ne se doute que dans son coeur s'agitent les craintes pour une soeur enlevée, pour un frère en route pour l'hôpital et l'atroce peine d'un Milo retrouvé trop tard... déjà décédé. Le soulagement sur le visage des Marlowe en découvrant leur dernier membre intact est un réconfort qui lui met un faible baume au coeur. Car s'il a perdu un frère, il lui reste une soeur. Une soeur qu'il aime plus que n'importe qui d'autre sur cette planète. L'annonce de son enlèvement fait réagir chaque personne dans la pièce. Sauf l'inconnue dont il ne comprend pas la place. Elle le bouscule en s'excusant pour la forme et Greg ne dit rien, trop occupé à analyser Médée et James agir comme s'ils savaient ce qu'ils font. « Ils étaient chez moi, à la demeure des parents. Je n'ai rien vu, c'est Moira qui était sur place au moment des faits. » Moira et les autres. Il les laisse analyser le peu d'infos qu'il a données mais quand James ordonne à sa soeur de prendre la route avec lui, Gregor s'impose. Il fait un pas en travers de leur chemin et de sa stature leur bloque la route. « C'est hors de question. » Il ne bloque pas la sortie pour leur ordonner de le prendre avec lui, non. Gregor est à la tête de sa propre dynastie depuis déjà suffisamment d'années pour savoir que la réplique sanglante et irréfléchie va tout aggraver. « Vous allez juste vous faire tuer et par la même, la faire tuer elle. » S'il y avait le moindre espoir que cette sortie impulsive sauve Alix, même au gré de la vie des Marlowe, peut-être qu'il y réfléchirait une deuxième fois. Mais là, grave, il cherche le regard de la seule qu'il estime capable d'entendre raison. Irène. « On n'attaque pas des ennemis sans plan, comme ça, à chaud. On n'attaque pas sans savoir où ils sont, sans avoir un plan de rechange, sans avoir des renforts. » Ses yeux bifurquent vers James et il implore alors avec moins de force dans la voix mais plus de perspicacité dans l'argument « Si c'était Moira qu'ils avaient, tu ne te jetterais pas dans la gueule du loup ainsi, si? » C'est d'une évidence sans conteste pour lui.
la gamine est accueillie par les bras protecteurs d'irène et, enfin, elle se sent en sécurité. elle est en vie, ils le sont d'ailleurs tous. tout les quatre. elle sent la caresse de sa sœur, puis le baiser de son frère. elle en pleurerait presque de soulagement, moira. mais les larmes ont déjà toutes coulé un peu plus tôt, quand la réalisation et le choc étaient venus la heurter avec violence dans les ruines de la demeure des ferreira, laissant sur ses joues sales deux sillons clairs. elle reste un moment blottie contre sa mère, le visage enfouie dans son cou, sans se soucier du sang qui pourrait tâcher la peau intact de la matriarche. puis, enfin, elle relève la tête, je n'ai rien de grave, ne t'en fais pas. je suis là. les mots sont soufflés à sa mère pour la rassurer. elle tait la migraine et les vertiges pour ne pas inquiéter ceux qui ont déjà dû se faire un sang d'encre en attendant son arrivée.
la voix de gregor s'élève, grave. alix. moira reste silencieuse, elle écoute sa mère, puis james et médée, et enfin gregor. c'est Moira qui était sur place. le regard se détourne, n'osant pas croiser celui de ses aînés. ils n'étaient pas censés savoir qu'elle était là-bas, en territoire ennemi, qu'elle a désobéi aux ordres donnés en fréquentant gregor, puis en allant voir alix. ils ne doivent rien savoir. alors elle se tait, bornée, croisant les bras contre sa poitrine. elle fronce cependant les sourcils lorsqu'elle les voit échanger les clés de la voiture. elle s'apprête à ouvrir la bouche, mais l'aîné des ferreira est plus rapide, et plus sage. stop. maman et greg ont raison. les yeux bleus se posent enfin sur le groupe devant elle. vous ne pouvez pas y aller comme ça. ils n'ont certainement pas emmené Alix pour rien. Elle sert d'appât vers lequel vous voulez vous précipiter sans réfléchir, et ils n'auront qu'à terminer le travail qu'ils ont commencé. elle souffle et s'avance vers eux. tu es blessé james, donc quasiment inutile pour le moment. et médée, tu as une telle envie de vengeance que tu ne prends pas le temps d'analyser calmement la situation et de jouer ton rôle, qui est de nous garder en vie. le visage se tourne vers gegor pour approuver ses propos. il faut réfléchir à un plan. elle les regarde à tour de rôle, avant de se tourner calmement vers irène. en attendant je vais me nettoyer un peu. parce que l'odeur du sang et de la poussière lui donne la nausée.
elle sort de la pièce, majestueuse, s'enfonce dans les longs couloirs vers une salle de bain. et elle la croise elle, l'inconnue à laquelle elle n'a pas fait attention en arrivant et dont elle ne sait absolument rien. qui est elle ? tu cherches quelque chose ? la voix n'est ni trop douce ni trop dure, on peut cependant y déceler de la curiosité. si tu cherches la chambre de james... ou celle de médée, je peux te montrer le chemin. à moins que tu cherches un endroit pour te nettoyer ? la gamine tente d'être amicale, mais elle est fatiguée.