les anges dans des robes rouges. (carmin)

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

Douce chimère,
comme dans un rêve,
l’osmose paraît irréelle,

et ne rendra la désillusion que plus cruelle.

C’est avec une complicité tout en légèreté que les deux amants d’une nuit apprennent à cohabiter dans cette cuisine. Comme si, tout était naturel, comme si tout était instinctif. Comme si tout s’était toujours passé ainsi. Lui, elle, dans cette cuisine. L’existence d’un nous encore fébrile, pourtant bien authentique, alors qu’ils élaborent de passer ensemble une journée imprévisible. Aussi imprévisible que tout ce qu’ils ont vécu, depuis le début, jusqu’à cette nuit.
Cette nuit, puis ce matin, tout est irréel.
Tout est terriblement irréel.
Elle se sent bien, Cassey, ici avec lui. L’impression d’être encore sur le petit nuage sur lequel ils se sont posés la veille, le papillon a cessé de battre des ailes. Elle est, juste, là avec lui. Prête à lui concéder une journée de folie. Lui offrir, un peu, de sa folie. Et s’envelopper de la sienne, aussi. Mais elle ne sait pas les élucubrations qui animent l’esprit divagué de son beau prêtre. Les pupilles éclatantes de cette lumière si particulière, il s’avance jusqu’à elle. Princesse ne le quitte pas de ses prunelles, prête à découvrir plus profondément les idées qu’il peut avoir en tête. Perdre le contrôle ne lui fait pas peur. Elle ne suit que ses envies, ses instincts, tout ce que lui dicte son cœur. Tout attentive qu’elle est, la poupée n’est pourtant pas sûre d’avoir bien entendu les mots qu’il vient de prononcer. Pas sûre de réaliser, ou peut-être que, elle a trop peur de réaliser.

épouse-moi,
épouse-moi,

é p o u s e – m o i.

La demande est si inattendue que ses sourcils s’arquent immédiatement de surprise. Les lippes entrouvertes, d’abord de choc, finissent par laisser s’échapper un petit rire. Un rire un peu gêné, un rire beaucoup déstabilisé. « Attends, quoi ? » les mots s’échappent de ses lèvres, sans qu’elle ne les retienne. Prise au dépourvu, elle se relève instinctivement, alors que l’émotion commence à la submerger. C’est la première fois. C’est la première fois de sa vie qu’un homme lui demande sa main. C’est lui qui franchit ce pas, Carmin. Mais c’est insensé, c’est déraisonné, c’est complètement absurde en vérité.
Non, ils ne peuvent pas se marier.
Il y a des milliers des raisons qui pourraient le justifier. Comme le fait qu’ils viennent à peine de franchir le pas d’une amitié qui était, en outre, erronée. Comme le fait qu’il est prêtre et qu’elle… elle a aussi des responsabilités. Elle ne peut pas, soudain, s’engager dans une relation… mais bon sang, c’est évident qu’elle ne peut pas. Cassey, dans ses plus jeunes années, elle rêvait d’un mariage de princesse digne des contes de fées. Mais elle a changé. Elle a évolué. Et les peurs de l’engagement, elles, n’ont fait que se multiplier. Et puis, bon sang, il est dingue. C’est tout ce qui lui revient à cet instant, comme un écho perpétuel dans sa tête : cet homme est dingue. « Tu ne parles pas sérieusement, hein… ? » mais si elle se fie à sa mine des plus solennelles, si. Si, il attend vraiment qu’elle dise oui. La jeune femme finit par avancer, le peignoir toujours dénoué, elle le rattache par instinct avant de s’approcher de lui. « Tu sais bien qu’on ne peut pas faire une chose pareille, Tybalt… » et elle prononce son prénom, son vrai prénom, comme un sortilège de protection contre une mystérieuse malédiction. Peut-être car elle sait, elle a deviné. Elle a compris, comme il est versatile. Comme elle vient, peut-être, de tout gâcher en lui refusant ce oui.

Et je ne veux pas tout gâcher,
je ne veux pas filer,
ni te sentir m’échapper,
mais je ne peux pas tout te donner,
juste parce que tu l’as demandé,
juste, parce que j’ai peur de ce qui arriverait,

si je choisis de refuser.

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Same old flame
But it is burning.
Burning souls.
Burning lives.
Why love becomes hate?
Why hate is love?
Tell me baby, what is it now?
Love or pain?

A ce lui qui livre bataille sans prendre les armes,
La folie est amère et trop courte pour survivre.
A celui qui croit qu'un de ses refus le désarme,
N'a jamais croisé des espoirs, les espoirs ivres

A quoi pense-t-il quand il lance sa demande? A rien. Ou à tout. L'homme, ambivalent, le duo qui se projette, l'amant qui se tue. Il n'a pas voulu d'elle pour ce qu'elle était, il n'a pas voulu de l'amour. Et aujourd'hui encore, ce matin, il ne croyait en rien. Mais il la regarde, la dessine du regard, devinant qu'elle va le repousser. Pourtant, la folie n'a pas terrorisé ses desseins, pas assez. Carmin ne pose pas de question, il ordonne. Il le fait comme lorsqu'il lui a dit de l'embrasser. La belle avait alors répondu qu'elle ne faisait que ce qu'elle voulait, elle ne répondait pas aux incitations de ce genre.

Une part de lui espère qu'elle aura envie de ce mariage improvisé. Cet après-midi, sur un ferry, à Long Island, ils pourraient se dire oui. Quel intérêt à pareil périple? Carmin ne cherche pas la raison. La raison a mené chacun de ses précédents pas et elle l'a conduite dans la fosse de la déchéance. Déraison et folie, il écoute son instinct qui lui dicte de se lier à elle avant que le vrai Carmin ne ressurgisse. Mais la belle est incrédule. Il sourit intérieurement mais son visage reste crispé, incapable d'insuffler un peu de chaleur dans cette proposition qui devrait être romantique. Mais tous deux n'ont plus l'âge des romances des feuilletons tv. Avec cette demande dérivée, Carmin propose de les ancrer dans la réalité.

Il s'approche enfin d'elle, passe une main dans son dos pour la relever et l'amener contre lui. Un sourire gamin se dresse sur son visage. Tybalt lutte pour rester là, pour espérer encore un peu. « Je suis, on ne peut plus sérieux!  » Il se débat. Avec qui ? Avec elle ou avec lui? Lui-même ne le sait pas.

Sauve-moi.
Sauve-moi.
Sauve-moi.

Voilà ce que ces deux mots signifiaient réellement. Mais elle n'a pas la carrure pour ça. La peur qui anime Cassey, son besoin d'invoquer Tybalt pour ne pas qu'il disparaisse dans les méandres du corps où il vit depuis des années, tout indique qu'elle n'a pas les épaules pour être celle dont il a besoin. « Et pourquoi pas?  » Carmin se fraie un chemin vers la surface. La colère bouillonne mais n'explose pas. C'est Tybalt qui s'accroche, qui tente de convaincre celle qu'il a séduite la veille, celle qui a touché son âme. « Combien de vies comptes-tu vivre Cassey?  » Ses yeux pétillent d'une innocence qui ne lui ressemble pas. Il pose son index sur ses lèvres, souriant doucement tandis qu'il l'empêche de parler. « Je suis conscient que ce que je te dis est totalement démesuré. J'en suis conscient.  » Il passe sa main dans ses cheveux, déboussolé et magnifiquement sexy dans cet air de jeune homme paumé mais prêt à tout. Ses yeux reviennent à elle. « Regarde-moi, le fidèle sujet de conventions, de prérequis de la société, d'obligations. J'ai toujours bien exécuté sans réellement m'investir, sans rien y mettre de ma personne.  » Ses doigts caressent les lèvres de la blonde, les entrouvre et il se penche pour l'embrasser. Carnassier, assoiffé, il se nourrit d'un baiser qui pourrait être le dernier. Mais Tybalt ne veut pas qu'il en soit ainsi. « J'ai envie d'agir différemment. J'ai envie de suivre la déraison mais d'y mettre une vraie part de moi. Une part que je regretterai peut-être demain, que tu regretteras sûrement demain.  » Il se lève de la table, l'attire par la main et la fait tourner dans la cuisine. Il rit comme un adolescent qui découvre des seins pour la première fois, un peu bêtement, un peu rougissant. Mais il n'a pas 16 ans, il est adulte et pleinement conscient. Cassey se retrouve collée contre son torse nu, et il baisse son regard vers elle. « Avant de me refuser, demande-toi pourquoi tu le fais. »

Peut-être est-ce à toi qu'il faudrait poser la question.
Qui essaies-tu d'emprisonner en lui passant la bague?
Elle ou toi?
Toi ou elle?
La sempiternelle ritournelle.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

Au moment où nos corps se sont liés,
il y a aussi nos âmes qui se sont effleurées,
elles se sont mélangées,
elle se sont nourries l’une de l’autre,
en totale symbiose,
jusqu’à frôler l’overdose,

elles se sont emmêlées,
et peut-être que je crains déjà de les voir se séparer,
peut-être que je redoute,
d’avoir perdu, ce que j’ai à peine entrevu.

Elle ne peut pas l’épouser. Elle ne peut pas l’épouser, pour des raisons par milliers. Ce sont des raisons adultes, des raisons de grandes personnes, quand lui la fixe avec cet air si innocent. Cette lueur éclatante dans ses opales d’enfant. Comme si, peu importait, qu’ils ne se connaissent pas assez. De lui, Cassey, elle ne sait que ce qu’il a bien voulu montrer. Elle a encore beaucoup trop de choses à rattraper. Elle a  tant à l’aimer, avant de l’épouser. Papillon frivole, qui prône toujours cet instinct de vivre, ce besoin de suivre ses envies, ses impulsions du moment plutôt que toute forme de raison. Le papillon se fait plus posé alors qu’elle essaie, seulement, de lui faire retrouver sa conscience. Seulement il paraît on ne peut plus sérieux, ce sont même précisément les mots qu’il prononce alors qu’ils s’approchent l’un de l’autre, encore, comme des aimants incapables de se repousser. Ses phalanges entrelacées aux siennes, plongée dans un profond silence, elle l’observe. Elle essaie sans un bruit de comprendre ses mécanismes. Elle n’a jamais cherché à comprendre les intentions d’un homme plus qu’à cet instant. Elle a besoin de savoir, besoin de saisir ce qui le pousse à une demande aussi imprévisible qu’irrépressible. Car elle le voit, dans les iris de Carmin, c’est comme un appel. L’appel à se lier à elle, d’urgence, pressement, sans risquer d’attendre. Mais ils ont tout le temps. Ils ont tout le temps.

Sauf s’il redoute que tout s’arrête brusquement.

Toujours silencieuse, celle qui n’arrête jamais de parler, il arrive au doux miracle de la faire taire. Les prunelles rivées sur lui, elle décèle plus qu’elle ne voit, ce mystérieux appel. Appel à l’aide ? Appel à la folie et aux excès ? Ou appel, juste, à un point d’accroche dont il ne veut pas se séparer. Un faible sourire sur les lèvres, elle contemple cette scène qui lui est offerte. Cette image de lui, à découvert. Le choc a disparu dans l’esprit de l’astre, il n’y a plus que l’attention exacerbée qu’elle lui porte sans égal. Il est beau, Tybalt. Cruellement beau. Mais moins encore qu’il n’est touchant à cet instant. Quand il s’approche pour l’embrasser, les lèvres féminines se laissent aller sans la moindre envie de résister. Les paupières se ferment sous la fièvre du baiser, même quelques secondes après qu’ils se soient reculés. Elle écoute encore, Cassey, elle écoute plus qu’elle ne parle, comme elle ne l’a jamais fait de sa vie, sans doute. La solennité de l’instant disparaît, le temps de quelques secondes, alors qu’il la fait virevolter dans la pièce. Le rire cristallin vient s’ajouter à celui plus grave mais tous les deux, tout de suite, ont l’air de deux adolescents en cavale. Enfin, il arrête, son corps frêle qu’il garde contre le sien. Elle glisse délicatement sa main contre la joue du prêtre. Enivrante caresse, qui finit par une étreinte. Ses bras autour de son cou, elle ne le quitte pas des yeux, alors qu’elle retrouve finalement l’usage de sa voix. « Et toi… pourquoi le fais-tu… ? » elle lui renvoie sa question impudiquement, car la réponse est bien plus importante que celle qu’elle pourrait donner. Elle, elle a des raisons de refuser qu’il doit pour la plupart deviner. Mais Carmin. Carmin. Il y a quelque chose de bien plus important à réaliser dans cette demande si soudaine. « Tu sais… je n’ai pas besoin de me marier avec toi pour ne pas m’enfuir. » et elle prend des risques, en insinuant qu’il a juste peur de la voir prendre la sortie. Ce n’est pas tant ce qu’elle pense, Cassey. Mais elle a la triste sensation qu’il croit que tout ce qui arrive est éphémère. Qu’il ne pourrait pas le rendre éternel. Car elle partirait. Elle partirait.

Depuis le début, il paraît attendre le moment où elle s’en ira.

Mais Cassey, elle est toujours là.
Elle ne bouge pas.

Ses bras sont toujours posés autour du cou de Carmin. Moins pour rester proche de son corps que pour garder son océan ancré dans le sien. « Je ne regretterai pas ce qui s’est passé. Ce qui se passe. Entre toi et moi. Et tu n’as pas besoin de m’épouser pour être toi-même avec moi. » Le mariage ne les unira pas. Il ne sera qu’un faire-valoir. Ce qui compte, c’est eux, c’est leur relation. C’est cette envie, ce besoin instinctif, de garder leurs âmes liées l’une à l’autre. « Tu te souviens quand tu m’as demandé si j’avais peur de toi ? Je t’ai dit que non. Je n’ai pas peur de toi. Ni de Tybalt, ni de Carmin. »

Car ils font tous les deux parties de toi,
partie de cette personne si spéciale,
cette personne que je découvre encore et encore,
comme des milliers de trésors,

alors, laisse-moi,
laisse-toi,
laisse-nous, être là.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Tu ne comprends pas,
Tu ne vois pas...
Derrière mon sourire enflammé,
Derrière mon regard bleuté...
Tu ne comprends pas
La fièvre qui agite mon corps
Le besoin de te voir me dire encore.
Tu ne vois pas que ce dont j'ai besoin
C'est un acte de foi.

Il se débat. Avec qui ? Avec elle ou avec lui? Lui-même ne le sait pas.La question se délie sur les lippes de la blonde, elle l'agresse de cette sérénité placide. Carmin, le Tybalt déchu, le Tybalt déçu, déploierait déjà ses ailes si son homonyme ne se battait pas de toutes ses forces. Résister. Voilà peut-être une des raisons qui le pousse à le faire, à se jeter ainsi dans la gueule du loup. Inversion des rôles, douloureuse transition. Le prêtre répond avec un enthousiasme qu'il ne feint plus, qu'il ne tient plus. Il répond naturellement, déjà défait. «  Parce que j'en ai envie. » N'est-ce pas suffisant? Son regard pose cette question à sa place. Il la sonde sans plus espérer d'elle qu'elle le laisse s'accrocher à cette douce folie que le mariage de leurs âmes amènerait. « Il ne s'agit pas que de ça...  » Un peu oui, un peu de ça. Mais pas que. Il reconnaît tout devant elle, s'ouvre encore et encore pour mieux la voir se fermer quand il lui offre trop pour un simple mortel. Cassey continue, elle essaie de le rassurer. Mais il n'a pas besoin d'être rassuré.

Il hausse les épaules. Terne, il a perdu ce rayonnement d'insouciance qui l'animait. « Tu parles comme si tu savais, comme si tu me connaissais.  » Son regard brille d'une lueur dangereuse. Le vice reprend le dessus, le démon guette la brèche pour ressurgir. Mais la demoiselle Warren n'a pas peur, soi-disant. Carmin sourit avec cet air faussement mielleux dans la voix quand il lui répond « Qui a dit que c'était de ta peur que je te parlais?  » Presque trop heureux de refaire surface, le vilain se délecte de son apogée à venir. Mais Tybalt frappe une dernière fois. Sa voix se casse lorsqu'il s'efforce de lui dire « Ce dont j'avais besoin, c'est d'un acte de foi.  » Ni plus ni moins. Un acte de foi de sa part à elle, qu'elle se donne sans chercher à comprendre, sans chercher un raisonnement, juste qu'elle se laisse aller à lui, à eux. Est-ce si difficile que ça? le diable demande à la jouvencelle.

Perds ton âme auprès de moi,
Donne-moi ton meilleur
Pour que j'enfouisse mon pire.
Je t'en prie, ne lutte pas.
Fais mon bonheur
Rends-moi ton sourire.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

Et je ne la ressentais pas avant,
cette épée de Damoclès,
cette menace qui pèse,
cette peur de te perdre,

je ne la ressentais pas avant,
mais elle est déjà trop présente,
trop violente,
comme si tout était éphémère,
comme si toi et moi, ça n’a rien d’éternel.

Toute la clarté céleste, tous ces astres qui illuminaient ses prunelles, tout a disparu soudain. Elle voit bien, Cassey, qu’il y a quelque chose qui est en train de changer. Que la magie de la veille, prolongée ce matin, est en train de dévier. Comme si, en refusant sa proposition, ils n’étaient plus finalement sur la même longueur d’ondes.

L’osmose interrompue,
la fusion perdue,

et nos liens qui, déjà, se dénouent.

C’est lui qui veut l’épouser. Mais c’est elle, déjà, qui redoute que tout soit brisé. Une profonde inspiration échappée, c’est toute l’harmonie qu’ils ont créée qui est en train de s’échapper. Elle essaie de comprendre ses explications, lui ne semble pas prêt à retrouver la raison. « Tu veux que je me marie avec toi alors que tu penses que je ne te connais pas… ? » elle l’interroge, tente de le mettre face à ses contradictions. Cassey, femme paradoxale, qui suit ses envies plutôt que toute forme de pragmatisme. Elle peut saisir, qu’il ne choisisse que ses désirs. Que cette folie. Au détriment de tout bon sens et toute logique. Mais elle, c’est une limite qu’elle n’est pas prête à franchir. L’engagement est une chose qui effraie beaucoup trop l’oiseau libre pour qu’elle le fasse sans réfléchir. Sans promesse d’une vie, une vie entière passée avec lui.

Le cœur déchiré,
de devoir te refuser,
la vague à l’âme,
tu m’échappes déjà.

Elle a beau tenter de le rassurer, elle voit bien ses iris baigner à nouveau dans l’obscurité. Ce regard, elle n’y avait pas eu droit depuis la veille au soir. Finie l’insouciance, fini le bonheur à outrance. Ses azurs ne quittent pourtant pas les pupilles glacées de son interlocuteur, alors qu’elle essaie de comprendre, elle essaie de saisir ce qui est en train de se passer en cet instant. « Un acte de foi ? Mais Carmin, toi et moi… c’est encore tellement dingue. On devrait nous laisser le temps de nous connaître pour de vrai avant d’envisager un tel engagement, tu ne crois pas ? » elle lui demande, fait appel irrémédiablement à sa raison. Elle glisse la main dans sa chevelure blonde, à peine coiffée, alors qu’elle tente de se reprendre. « Je suis désolée. Je ne peux pas. » le refus définitif, le mal-être reflété sans mal dans ses rétines. Elle voudrait oublier, elle voudrait, juste, retrouver leur légèreté.

Toi et moi,
nos cœurs en émoi,
pas besoin d’acte de foi,
ça ne partira pas comme ça.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Instabilité morose
De l'hypocrisie qui n'ose
Pas t'abandonner,
Pas te désirer.
Instable.
Détestable.

Ses réponses imparfaites appellent le mauvais, celui qui sommeille, celui qui ne rêve que d'éclater le cauchemar en revenant batailler avec sa blonde. Carmin, plus que Tybalt, a un faible pour Cassey. Mais ce faible, il est tout sauf amoureux, il est non vertueux. Il aime se jouer d'elle, la caresser pour la briser. Shizophrénie d'un amour perdu, d'un amour qui se perd tandis qu'elle refuse un engagement précipité avec celui qu'elle connaît à peine. Soulevant des contradictions réelles dans le discours de son amant, elle s'éloigne encore plus.

Tu ne me connais pas.
Tu ne connais rien.
Naïve sorcière
Des temps modernes.
Tu te vexes.
Tu pars.
Mais ne reviens
Que trop tard.

Il roule les yeux comme il ne l'aurait pas fait ce matin à l'aube, méprisant celle qui a pourtant raison. Je veux que tu m'épouses pour connaître celui que je serais si tu me disais oui. Plutôt que de me refuser et de voir l'autre, celui de l'ennui. Mais c'est trop tard. Carmin sait qu'il a gagné la partie. En insufflant cette folie à son alter ego, il a provoqué la chute de ce couple qui partait perdant d'avance. Jamais elle n'avait eu une chance. Carmin, intrépide et implacable, ne la laisserait pas vaincre de son vice. « Si tu savais ce qui pousse les gens à se marier parfois. Ne pas se connaître, ça peut avoir du bon. »  La voix mielleuse du prêtre ressurgit. Les confessions des femmes mariées pour l'argent ou pour cacher quelque honteux secret, tout cela reprend sa place dans l'esprit du blondinet. Il récupère sa vie en même temps que son ton de prestance.

Tybalt frappe une dernière fois mais c'est lui-même qu'il gifle dans le combat. Cassey n'a pas cette foi-là. Elle refuse sans même comprendre qu'il l'appelle à l'aide, qu'il veut vraiment se sortir de ce pétrin... pour elle. Pour nulle autre qu'elle. Carmin la chasse d'un revers de main, préférant ses autres putains à la mièvre Warren. Le sourire vilain d'Irma ressurgit, les yeux faussement innocents de Louison s'agrandissent dans ses pupilles. Carmin renaît. Alors il sait que pour ne pas mettre tout le travail de Tybalt à la poubelle, il doit jouer habilement ses cartes. Cassey, dépitée, joue dans ses cheveux et Carmin voile son regard d'un air triste mais résigné. Il attrape cette main qui le caresse et soupire. « Y a pas de mal petit moineau, je comprends. » Tybalt crie en lui, tandis qu'il se voit rejoindre les obscurités de la solitude. Il avait vu la lumière dans les bras de Cassey mais elle n'a pas compris à quel point il était urgent de le sauver, maintenant.

« Je devrais quand même retourner à mes paroissiens. On remet cette sortie à une autre fois? » Il feint l'homme froissé qui se remet à ses vieux tourments, qui chasse la douleur en se remettant au travail. Il la chasse aussi, avant qu'elle ne puisse changer d'avis, avant qu'elle n'attire Tybalt à elle. Carmin sait que jouer avec la blonde signifie qu'il se met lui-même en péril. Mais il aime trop le danger pour ne pas s'y risquer. Cassey est envoûtante. Et pour goûter à une once de sa vénéneuse féminité, il est prêt à jouer les idiots, les amoureux transits.