Sujet: Re: American bluff (Amour) Dim 16 Aoû - 0:43
american bluff
Amour & Misha
« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
La logorrhée incessante du garçon usuellement si taiseux n’a pas troublé la gamine. Elle s’est délestée d’un rire entre deux jurons bien placés, comme on s’invective, comme on se maltraite, et comme on s’apprécie. Un peu, peut-être beaucoup. Rien que des suppositions auxquelles il se frotte, que du vide, rien de tangible. Amour se fait pantomime avec sa langue volubile, son verbiage prolixe, vraiment crasse sous le palais sans qu’elle ne se dévoie de la réalité. Ce qu’elle dépeint se farde du parfum nauséabond de la véracité, les mots s’enrobent d’une lucidité sentencieuse, tranchante dans ce qu’elle porte de cruel. La comparaison bien affichée de la panure l’a fait sourire cependant, néanmoins Misha a rapidement claqué la langue, assez fortement pour imposer le silence. La vision nette et bien ciselée d’un futur suintant le soufre des géhennes lui a arraché un frisson glacé, de ceux cousus dans le suaire du courroux comme du mépris. Alors il a entonné le russe, d’un timbre qui vitupère et assène, autorité naturelle. Imbuvable. « Niet. » Il a la déglutition soudainement facile sous l’agacement qu’il avale, entre deux gorgées de bière tiède. Ce qu’elle lui refourgue d’horizons frelatés, Misha l’enterre sous les gravats de ses synapses. Il aimerait s’épancher longuement sur ses envies de paresse, laisser courir sa vie et braquer les crasseux à grand renfort de semi-automatique. La violence l’excite comme une bonne dose de viagra, jamais prescrite et pourtant si jouissive. Fourrer le canon de son flingue dans leurs petites gueules mugissantes, leur exploser la cervelle. Sentir les endorphines se déployer dans la carne.
Elle a lu dans son cerveau, a percuté les synapses. Ce qu’elle lui dit, de son timbre résigné et glacé comme de l’acier, c’est évident qu’elle y songe. La peur furieuse de s’embourber dans un futur insipide, avec ce que la vie lui a accordé de putride alors qu’elle n’avait pas encore entamé ses premiers pas, pour ne la mener nulle part. Bousculée au fond d’elle-même puis saccager les autres par la rapière de ses palabres. Amour a beau jouer les dures, se foutre de tout et en particulier de tout le monde, ça se voit qu’elle n’a pas envie de vivre ce qui va venir. Misha l’a perçu de plein fouet, s’est contenté de froncer les sourcils, irrité par le malheur de l’autre. Peut-être parce qu’il était en partie coupable, qu’il n’y pouvait pas grand chose, ou que ça le remuait un peu trop de l’intérieur. Elle a la larme saline qui l’écoeure violemment car elle le malmène. « Ta gueule. T’es plus jolie quand tu la fermes. » Misha n’a pas apprécié l’invective, la vision de son flingue entre ses deux yeux. Ca lui a retourné l’estomac, de cette douleur qui vous plie en deux, vous égratigne de l’intérieur. Alors il s’est penché et a posé ses lèvres sur les siennes, lui a volé un baiser. Des saveurs de houblon, de nicotine et d’amertume. Mais sous l’accomplissement de sa langueur, Misha a tout de même fermé les yeux et s'est délecté de l'instant dérobé.
Sujet: Re: American bluff (Amour) Dim 16 Aoû - 15:47
Au bout des choses, ils traînaient dans leurs songes tout ce qu’ils craignaient; la breloque des imaginaires exécrables, coincés dans les reliures de l’oisiveté. Ce qui faisait le péril du quidam, et pour des dégénérés comme eux, habitués à limer l’existence dans l’affreux, à ruiner le fluide sous les talons excités. Pour des dégénérés comme eux, le contentement assèche, flétrit, si bien qu’il ne reste même plus leur pourriture à la fin. Ne demeure que le rien, ce rien qui excite la raison de ces têtes de con qui se sont un matin courbés sur le sort de ces marmots, faisant retentir leur sentence de repus par le morne.
C’était pas vraiment leur faute: s’ils préféraient les tremblements pulsatiles de l’épervier, les tonalités chevrotantes, les criards, ou les taiseux qu’on entendait hurler de la même manière. S’ils préféraient se trancher la peau sur le fil du rasoir et se sentir vivre, plutôt que s'appesantir sur la tranquillité de l’existence misérable d’un mort-né. C’est pas leur faute, si les épanchements du coeur versent dans un bidon d’horreurs.
Bien qu’elle sait que l’oracle le bouscule tout autant, il a tenu les ficelles de son visage attachées, a même eu la moue dégoûtée quand elle a parlé de mourir. Il lui dit de se taire prétextant beauté, et Amour relâche sa main qu’il tombe sur la bière. “T’es qu’un lâche et j’te déteste” qu’elle voudrait dire encore, parce que de tous les endroits préexistants, le gamin avait choisi de loger en elle, sa déférence pour la vie. Pour lui donner tort, il balance son courage contre ses lèvres, remplissant son bidon d’horreurs du souffle qu’il lui dérobe.
Ça lui coupe le clapet, le baiser et tous les occultés qui l’ensuivent. La p’tite gueule close sur les lèvres tiédies par la boisson. À l’intérieur, les cordes cèdent et ça se fracasse, comme un monticule de balles rebondissant contre les parois du ventre et de la poitrine. Et l’opium ingurgité, ne lui rend guère le contrôle aisé. Lucide brièvement, elle se détache pour le sermonner de ses azurs: “Oublie l’épouse bien dressée”, qu’elle lui a balancé au coin des lèvres, pas foutue d’perdre le nord, de s’laisser aller.
Mais près de ses pulpeuses, Amour prend la chaleur de son haleine comme une injure. Et comme il l’a fait, elle s’empare de ses lippes, doucement avec moins de ferveur qu’exige le ressentiment.
C’est qu’elle se rend compte, où est-ce qu’elle a placé son estime pour la vie. C’est comme ça qu’elle avait donné à Dieu l’envie d’éteindre son soleil et se casser avec ses valises, foutrement impuissant devant les terribles inclinaisons de la môme. Elle avait refourgué au russe, tout c’qu’elle possédait d’humain. Et ça, avec la haine, la rendait digne comme lui, d’infinis petits chaos. Qui ne trouveraient leur fin qu’au moment où ils auraient choisi la leur, au sens propre, comme au figuré.
Sujet: Re: American bluff (Amour) Lun 17 Aoû - 11:21
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Amour & Misha
« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
Sous la lippe le baiser, déroutant au commencement, délicieux sur la fin. Saisi par la grande fièvre du coeur, celui qui n’impose rien, Misha a tendu la nuque pour mieux lui voler un souffle sous la pleine éclosion bavarde de leurs interrogations. Lorsqu’il s’arrête, frémissant de ce baiser, il loge sous la pupille ces petits éclats de rien ; d’absolu, de défiance et de gourmandise. Persuadé que la main ennemie frapperait fort contre le thorax comme une injure non sans déblatérer d’autres blasphèmes, Misha se surprend de la voir revenir avec une douceur nouvelle. Cela ne suffit pas à leurs maladresses, de ne garder que l’odeur du premier. Il y a le coeur qui bat haut sous l’entreprise, quand ils hivernent ainsi au bord des lèvres. L’effusion des coeurs défaillants a fait le reste lorsqu’ils ont ouvert grand les yeux sans trop comprendre ce qui les envahissait ; quelque chose de souverain ou la petite mort d’un caprice ? Les amis ne demeurent pas plus amants, s’engouffrent dans les chemins sinueux de l’ignorance sans s’étonner de leurs vertiges. Mais l’égarement du baiser les a nourris sur l’instant, n’étayant pas d’autres questions quant à l’avenir.
Misha a détourné les yeux de ces joues fraîches comme un hiver printanier, les a vissés sur le ciel perclus des guipures ocres et jaunes des lumières de la ville. Cela lui allait bien, de savourer le moment sans le gâter de ses mots sommaires. Il a détendu les muscles des épaules lorsqu’il s’est appuyé sur les coudes, le soupir évadé de ses lippes peinant à le retenir. Se tenir à ses côtés dans un silence loquace et laisser couler le temps.
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Sujet: Re: American bluff (Amour) 
Dim 16 Aoû - 0:43