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 American bluff (Amour)

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Message Sujet: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Jeu 13 Aoû - 16:33

american bluff
Amour & Misha

« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
Ca les met tous les trois mal à l’aise. La chape de plomb qui s’est abattue sur leurs têtes et a embaumé la berline noire d’une sale odeur de fausse tranquillité. Les vraies frustrations lui grattent cependant bien la gorge ; Misha a beau se râcler le gosier et tenter de sarcler l’agacement de ne rien savoir, cette lourde sensation lui saute à la gorge et raréfie l’air pur. « Sérieusement Misha, t’es sûr de toi ? On sait même pas qui c’est, c'qui s'trame. Si c'est ces putains de latinos ou de bouffeurs de pâtes de mes couilles. Si Grisha l’apprend... » Sur le siège passager du véhicule, Aleksandr s’est tendu nerveusement comme il a percuté son regard tout contre le rétroviseur afin de capter la silhouette de son ami et patron. Il n’est pas tant surpris que la connerie de Misha se manifeste, c’est que cela lui ressemble bien d’aller se pointer à l’audience louche d’un inconnu simplement pour lui maraver la face. Toutefois l’anxiété se fait sentir sous son roulement d’épaules, provoquant un claquement de langue furtif du conducteur. Sergueï a la parole avare, plus cupide encore que celle de Misha. « Tu sais pas sur qui tu vas tomber. Ca se trouve c’est juste un guet-appens pour te péter ta p’tite gueule de mafieux de russkov. Putain, Misha, si tu crèves.  Si tu crèves mec, Grisha t’enterre, il te ressort du trou, il te marave et il te butte une deuxième fois. Tu m’écoutes merde ? » Aleksandr a pris dix piges dans les dents avec ses grands discours de daron et son agacement face à l’apathie du concerné. Misha a figé ses yeux fauves tout contre la vitre ; à force de toiser les buildings sordides défiler, il se fera bien une raison quant à sa venue. Il ne sait pas même pourquoi il s’est déplacé, ce qu’il espère y trouver et s’il a véritablement l’envie d’être là. A ne rien espérer c’est le scepticisme qui se déploie, tentaculaire, dans les poumons, les viscères et sous la langue. C’est sans doute le goût âcre du danger qui l’a précédé, l’odeur scabreuse du hasard. « T’es un mec solide Aleks, le meilleur garde du corps. Mais t’as pas à ouvrir ta gueule pour le coup. » Je complimente, je t’insulte puis je décide seul de mes actions comme de la finalité de nos échanges. Est-ce qu’il allait se transformer en vieux rabatteur de conscience exécrable parce que sa curiosité le piquait d’avantage que le bon sens ? Probablement.

Soixante-sixième rue. Sergueï a annoncé la fin de la course d’une langue râpeuse, savamment bien polie par la déférence et la résignation. Il a pris soin de se garer bien dans l’angle du carrefour afin de laisser Misha se rendre seul au rendez-vous, comme convenu dans le semblant d’échange par téléphone. Sergueï a la gueule de ceux qui vitupèrent le choix, le regard aussi jouasse qu’un vestibule d’abattoir lorsqu’il toise Misha de son oeil fatigué et inquiet. Les deux hommes ont bien tenté de le faire changer d’avis et de lui asséner autant d’arguments fondés censés déconstruire la conduite obtuse et malavisée de Misha. On va déployer les gars tout autour, tous armés jusqu'aux dents. Et s’ils lèvent le p’tit doigt, on troue leurs p'tites gueules de connards. C’était ça, leur grand dessein d’escouade jamais trop reposée, toujours en branle. La violence de la nonchalance de Misha les avait percutés de plein fouet. Il avait refusé la proposition, bien déterminé à y aller seul sans pour autant parvenir à négocier leur absence. Aleksandr et Sergueï avaient dès lors insisté pour l’escorter afin d’assurer sa sécurité. C’est pour pas que Grisha nous fasse sauter la tête, s’il t’arrive un truc, avait argué Aleksandr d’une langue à la fois polie par la boutade et l’anxiété.

Ca se sentait pourtant, que Misha espérait ce petit rien. Qu’il l’aimait assez pour se foutre dans la tourbe de la connerie, juste pour croiser son regard. Lorsqu’il posait les yeux sur elle, les lueurs séduites ricochaient tant de partout que ça lui donnait bien la gerbe d’être aussi mièvre. Lorsqu’il la toisait, il y avait ce ‘je t’aime j’crois’, comme quand l’attitude de quelqu’un vous est chère. Etonnant, comme il espère et se refuse à la voir pourtant. Il a lové la haine entre les ricochets et ça éclabousse tous ses sentiments d’une gargantuesque antipathie à son encontre. Et cette répugnance s’est sentie dans sa façon de charger son flingue avant d'enclencher le cran de sûreté. Déformation professionnelle. Misha a eu la gestuelle sèche, jamais nerveuse, prête à en découdre. Pétarder de la mâchoire et répandre des petits bouts de carne un peu partout, ça lui fait trop rien. Le mépris d’Amour craché à la gueule par contre, putain que ça l’a remué. « J’en ai pas pour long. Attendez ici. » Il a claqué la porte sur leurs protestations, et s’est engouffré seul dans la soixante-sixième rue.

Il n’a pas senti la nervosité tressée à la névrose lorsqu’il a toqué à la porte, mais a tout de même jugé bon de garder une main sur l’arme à feu logée à l’arrière de son jean. Et quand elle a ouvert la porte, l’a accueilli de sa gueule d’éternelle blasée, Misha s’est découvert le bas-ventre d’un tas de chose. D’excitation, d’irritation, de désirs, de violence. Tout ça à la fois pour un si petit coeur d’homme cis, cela faisait beaucoup. Et cela faisait tout de même mal, jusque dans les os, de pas être celui qu’il lui fallait et de poser son regard ailleurs, sur le vide de l’asphalte. Pour ne pas avoir à lui balancer tout son fiel. « Ah. » L’intonation de la voix, glacé et glaçante, a pris le pas sur ses intentions de leurs débuts. Démarrer le truc en grand, avec toutes ces palpitations d’abord diffuses, mêler son envie à la sienne. Pour l’heure, ils ont l’air d’avoir surtout l’envie de se sauter à la gorge. « C’est quoi l’embrouille, cette fois ? » Il tente de mettre mollement un terme à leur connerie en rabattant sur elle son attention. Perspectives réjouissantes de se tirer de nouveau une balle dans le pied, peut-être.

(c) DΛNDELION ; @amour vaughn
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Jeu 13 Aoû - 23:41

Ça lui arrivait peu d’réfléchir,
d’ressasser les indiscibles et les éructés.
Tous les mots jetés en plein visage,
prenant le mauvais virage,
se sont accidentés contre la peau dure de son coeur.

La haine est aisée,
parce qu’elle ne fait manquer de rien,
parce qu’elle fait oublier tout ce qui peut s’attendre,
la dénégation absolue de tous sentiments frivoles et qui rendent indéniablement plus fragile.

Il lui est arrivé un jour
de pourlécher jusqu’au noyau de la Terre.
Au plus bas, Amour n’avait guère trouvé l’Enfer.
Rien que des parcelles de solitude abyssale,
qui rongent jusqu’à faire regretter d’avoir un jour daigné aimer.
Mais la peine était double,
dès lors qu’il fallait s’admettre capable d’amour.
Que tous les barbelés enchevêtrés autour du palpitant
n’avaient rien empêché du désastre naissant.

Pour effacer l’irrémédiable, l’enfant s’est abandonnée sous des coups plus cruels que la pénurie de l’être.
A glissé sa carcasse d’indolence sous le joug d’une ombre qui promettait complétude,
même en solitaire.
Armée de haine, l’orpheline était indéfectible.

Des mots, roulés dans un accent dissimulé,
c’est tout ce qu’il avait fallu pour démonter le plastron,
en plus d’onyx bouillies dans le ressentiment.
Ça lui a donné des envies de rancune,
l’obligeant à graver les murs des invitations obscènes au nom du russe - catharsis immature.
Amour avait finalement balancé la sienne,
y instillant ce qu’il fallait de mystère et de défi.
Un échec franc rendu par la typo de l’insulte.

À grandes poignées d’eau,
l’animal se défait des derniers éclats de la proie.
On crève ceux qui font défaut,
car l’agonie fait périr le secret, réduit tout ce qu’il y a de preuves pour incriminer.
L’aubaine de l’exécution.
Le miroir la montre, elle, immaculée, et Tank reniflant le bas de porte la queue battante.
Amour devine qu’il est là et ça lui arrache un sourire glorieux.

Il a la gueule déconfite,
elle y voit de la déception ou ne saurait dire ce dont il s’agit.
Et la question qui le taraude dont il s’enquiert promptement,
comme pour en finir.
“Je croyais qu’on avait rencard toi et moi?”
Elle demande alors qu’il ne s’agit nullement d’une promesse,
prescription portée par les dernières envolées enragées sur la terrasse.
Rien à faire, la gamine préserve sa superbe.
“Faut que j’termine d’me nettoyer, et j’dois changer de chaussures, j’en ai partout.
Rentre. Attention à Tank, lui aussi il mord.”

Elle croit, Amour, que les vérités n'ont pas besoin d'excuses.
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Ven 14 Aoû - 12:44

american bluff
Amour & Misha

« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
La connivence fait ça ; on apprend à jouer sur les plate-bandes des autres. Amour s’est fendue d’une décharge polie à la complaisance de la langue, fondue dans la banalité absolue. Un rencard. Sans faire de bruit, Misha a senti une émotion désagréable qui se traîne, prompte à s’envoler, un genre de phalène. Il a plissé ses sourcils de cet air de défi et de suspicion, habillant la pupille d’autant de menaces complaisantes comme il se tâte à croire en sa bonne foi. Misha a étrangement toujours eu confiance en Amour, pourtant. Elle avait beau aboyer comme un roquet et mordre comme un pitbull que ça lui ôtait pas la loyauté de sa carcasse. Puis lorsqu’il était parti, bien trop zélé de plonger dans les affres d’un nouveau monde, il avait ressenti le manque d’elle. Trente doses de subutex n’auraient guère suffi à taire ses élans de toxicomanes à son encontre, en dépit de sa sale manie à attendre, remettre à plus tard, jusqu'à dans neuf ans. Un rencard. Le mot percute une nouvelle fois l’estomac et c’est la mâchoire qui lutte pour ne pas déclarer la guerre à nouveau ; “y a prescription”, se retient-il de siffler. Misha est un brin sagace parfois. Au jeu de qui est le plus con, il n’est pas fatalement gagnant. Parce qu’en réalité l’envie en lui ne s’était pas totalement rétractée. Ne pas la perdre, c’est ce qui le hante. Quand l’Amour se présente à la porte, faut savoir s’y risquer. Alors il capitule volontiers et la suit dans son sillage. Si Grisha apprenait qu’il avait foncé la tête la première dans un probable guet-appens dans le seul espoir de planter ses yeux chien dans ses yeux louve, il lui défoncerait la gueule. Au sens moral du terme. Misha a cette capacité tenace à se sentir invincible et de ne s’inquiéter de rien. L’impression d’avoir vécu sept vies, et qu’il ne lui reste plus la prudence dans celle qu’il déroule aujourd’hui.

Ses yeux ont brièvement percuté les godasses sales de la tenancière comme il a flairé les odeurs ferreuses de l’hémoglobine. C’est un parfum qui lui plaît bien quand ça se distille subtilement dans l’air, du genre assez raffiné pour ne pas vous pourrir l’ambiance. Il n’a pipé mot, habitué à la carne qui tâche bien, et s’est contenté de détendre son bras relâchant la poigne de l’arme à feu. Amour s’est faufilée dans une autre pièce comme il s’avance dans ce qui semble être un salon postiche dépouillé de ses yeux curieux. La misère, ça se voit qu’elle ne l’a pas laissée loin derrière elle. La masure a le sol encrassé des immondices des précédents locataires, quand les murs ont les aspérités de feuilles de papier. Un jappement sourd attire son attention vers le sol, entre le grognement caverneux et le glapissement curieux, Tank le toise d'intérêt comme de méfiance. A cette manoeuvre canine, Misha doit probablement se targuer d’avoir une mi-tête de con, mi-tête de type bien.

Le ronflement du téléphone portable vibrant dans sa poche éclate sa bulle léthargique puis attire son oeil intrigué se muant en agacement à la lecture du message. Depuis qu’elle a torché les murs du Marquee et des rues de son numéro de téléphone, Misha s’octroie la lecture de plusieurs putasseries par écran interposés chaque jour. « ‘Cherche queue à sucer’. » Sa langue a claqué fort à la lecture. Sur un ton d’agacement, foison de palabres qui se percutent. « J’ai qu’ça, depuis que t’as eu la bonne idée de donner mon numéro en pâture. J’suis obligé de le changer maintenant. C’était vraiment une idée à la con, ton histoire. » Misha aurait aimé lui souffler autre chose dans ce moment faussement rencardé. Un truc comme l’on vomit dans les beaux films, à grands renforts de compliments. Ne pas simplement s’échanger leurs mesquineries, au motif qu’ils étaient potes. Dans cet instant de réprimande, Misha s’est adossé nonchalamment contre un mur, la nuque légèrement courbée vers l’écran qu’il tapote avec dextérité. "C’est ok. Rentrez." A l’adresse de ses hommes afin de les dévoyer.

(c) DΛNDELION ; @amour vaughn
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Ven 14 Aoû - 21:25

Éclipsée derrière les cloisons de son taudis,
Amour frotte maintenant entre ses ongles tachés par l’acharnement.
Elle sait déjà qu’Ash sera pas foutu d’retenir ses remontrances de débonnaire
contre les sévices malpropres de l’enfant gâtée par la violence qu’on lui soumet.
On cache souvent la barbare pour sa démesure et ses éclats immatures.

En sortant, chaussettes propres contre le carrelage encrassé,
elle zieute l’homme et le chien qui s’apprivoisent avec mollesse pour mieux s’ignorer.
“ ‘Cherche queue à sucer’.”
La tête s’élève hors de ses manoeuvres,
et les lèvres tissent un sourire intrépide à l’entendre maugréer.
“C’est pour m’avoir lâché par deux fois. Et j’me suis trouvée raisonnable. Qui sait c’qu’il pourrait arriver la troisième fois...”
Les menaces sous l’emploi de la provocation;
pour Amour, il est plus vraiment question de le voir se napper d’ombre,
disparaître dans les tréfonds des oubliettes,
puisqu’il serait pas foutu de la laisser en paix sans le souvenir désagréable de ce qu’ils étaient.

Fin prête, réunissant l’ensemble de ses effets,
elle s’est agenouillée pour caresser Tank qui redoute déjà le départ.
La louve remarque qu’il pianote encore.
“J’savais qu’t’avais la dalle, mais là, ça r’lève du désespoir.
On peut y aller.”

Elle déploie des crocs insolents pour se rassurer de quelque chose,
ce p’tit rien qu’l’esprit menu ne distingue pas vraiment.

La porte claque sur un clébard résigné et les mesquineries d’Amour.
“Comment tu m’trouves? Est-ce que j’suis suffisamment bien sapée pour t’voler la vedette auprès des clodos du coin? C'rencard pourrait mal finir alors il m'faut un backup, si jamais.”
Elle arque un sourcil comme si elle attendait honnêtement l’approbation,
et ce, alors même qu’aucun effort n’était déployé pour satisfaire la rétine.
Amour demande et du reste, s’en fout, ne voulant que semer le trouble;
elle mime comme si l'ambiguïté n’existait pas,
ni chez lui,
ni chez elle.

Ça ressemble au passé,
d’être avalés à deux par l’obscurité sans savoir où l’on traîne le corps.
Peut-être qu’au bout des rues, le désastre,
mais on n’était pas foutus d’se dire que c’était l’pire qui pourrait nous arriver.
Non. L’pire, c’étaient les déchirements constants et inévitables.


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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Ven 14 Aoû - 23:21

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Amour & Misha

« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
« T’es juste jalouse. » Il s’est fendu d’un rire sans redresser la pupille de l’écran, pas bien foutu de croire en sa propre raillerie. Amour, il ne l'avait jamais connue jalouse. Vindicative, opiniâtre, obstinée, méchante. Jalouse, jamais. C’était peut-être le milieu crasse de la rue qui les avait produits ainsi, les sentiments suffisamment aseptisés pour ne pas s’attacher à autrui et demander son dû. C’étaient peut-être les badauds qu’ils fréquentaient déjà, l’ennui ou l’absence de buts qui les avaient achevés à grands coups d’apathie. Il eut suffi de dépouiller la vie accidentée de Misha pour s’en rendre compte et percuter que, en dépit de la chance qu’il avait eue de se pointer dans le bureau de Grisha, il s’évertuait à défoncer toute relation sentimentale qui avait lieu de fonctionner. Le russe possédait la hardiesse de la violence, la couardise émotionnelle. Amour avait raison lorsqu’elle avait clamé qu’il n’était qu’un lâche ; ça l’avait bien frappé de plein fouet, mais il était déjà trop tard pour réagir. En toute probabilité, Misha pouvait encore rectifier le tir.

“Comment tu m’trouves?" Elle a posé la question avec une nonchalance patibulaire. L’interroger et faire semblant de s’en foutre, se dire ainsi que les chances que ça dégénère se réduisent prodigieusement. Amour n’a pas donné le change, pourtant. Elle ne s’est pas engoncée dans des nippes trop étroites pour elle, décolleté charmant et talons qui claquent. Elle n’a pas même fourni l’effort du détail, cette petite touche de parfum sucré, les boucles d’oreilles en toc. Misha l’observe sans véritablement attarder son regard sur la tenue terriblement banale de la gamine, mais c’est d’une sincérité percutante qu’il lui assène : « Ca t’va bien. J’aime bien. » Amour ne lui a pourtant pas demandé son approbation qu’il la lui donne dans un haussement d’épaules. Répondre par la même tonalité feutrée, donner l’illusion d’une non-ambivalence puis lui révéler tout de même sans ambages : « J’te trouve belle comme ça. » La lippe s’est ourlée d’un rictus narquois afin de mieux dissimuler la sincérité du compliment. Qu’elle lui argue avec l’acide de ses palabres “merde t’es con”, étouffer la mièvrerie dans l’oeuf et en rester ici. En toute probabilité, Misha ne sait pas draguer ni se confondre en galanteries. Il sait aller droit au but, prendre ce qu'il lui faut sans avoir à déblatérer la futilité hypocrite des jolis mots. Il s'y essaie avec Amour pourtant, tente de lui faire comprendre, un peu maladroitement, qu'il se sentirait foutrement bien entre ses reins à elle, pas seulement pour une nuit. Mais ce qui demeure silencieux, bien niché sous les gravas de leurs incertitudes, les rassure. Au final, Amour peut aussi se targuer de couardise.

D’un regard mutique, il la questionne, ‘Alors, on s'casse où?’ avant de se faire avaler dans le ventre d’encre de la nuit. Le bitume se ponctue de la lumière jaune des lampadaires, a recueilli le bruit de leurs pas tintant sur l’asphalte puis la cacophonie d’un pot d’échappement toussant tout son carbone. La berline les a semés à grande vitesse, s’écharpant quelque part dans l’obscurité afin d’aller se précipiter chez Grisha sans réellement agiter les synapses de Misha. Le russe a planté son regard sur Amour avec la fausse nonchalance de celui qui mate secrètement, il a roulé la pupille sur sa main bien décapée au savon. Une main propre et douce, débarrassée de ses caillots de sang.

Sous lui, il y a quelque chose qui se redresse. Telle une vague qui se gonfle, qui se recourbe. La houle de son courage dépourvue pourtant d’une réelle assurance comme il sent en lui un nouveau désir. Alors dans un souffle, Misha s’ampute de sa couardise puis glisse sa main dans la sienne. La serre fort, pétri de soulagement, d’envie, d’embarras, de fierté. De tout un tas de trucs qui lui rappelle ses affres d’adolescent, quitte à envoyer valdinguer ses doutes aux pourtours de sa conscience, qu’elle le rabroue si elle le souhaite. Mais il aura eu le cran de tenter.

(c) DΛNDELION ; @amour vaughn
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Sam 15 Aoû - 1:55

Il dit qu’elle est belle
et pour une fois, elle se tait.

Neuf ans en arrière,
Amour faisait dépasser un oeil derrière les oripeaux.
Elle décelait l’absence d’embarras,
celui ordinairement institué par les mots et que le môme s’était épargné.
Les boyaux en vrac,
la platine observait la mascarade en retrait,
pensant bien qu’ils finiraient par s’asphyxier,
et tout ça, sans avoir écopé d’autre chose que de miasmes.

Misha vivait l’amour sans même une aparté.
Sans les tracas qu’instillait le discours, et peu importe ce que ça pouvait vouloir dire.

“Comment elle s’appelle ta copine?” lorsqu’enfin, il se ramenait derrière les rideaux,
jusqu’à elle, impatiente de saccager.
Elle lisait l’injure que ses orbes cernées lui balançaient avant de se fendre d’un rire extatique.
Aux premières loges des déboirs sentimentaux du gamin,
Amour ne sait pas qu’elle a mis quelque part des morceaux de son souffle juste pour lui,
alors elle s’esclaffe, mais avec précaution.

Ce soir, elle se tient encore derrière les battants de tissu,
étudie les lèvres qui ont noué le compliment dans le caustique.
N’importe quelle réponse eût-il donné,
celle-ci se serait révélée erronée comme la première.
Puisqu’elle obligeait fatalement une réaction qu’Amour se débinait de fournir.

“À toi d’me l’dire, ils commencent par quoi tes rencards? Le restaurant? L’épicerie devrait suffir, j’ai la dalle. Est-ce qu’on pourra s’poser sur les toits de la friche derrière Target ensuite? On aura juste à enjamber les toxicos, mais apparemment la vue en vaut la chandelle.”

Elle est dingue cette aisance qu’elle possède,
un peu plus que lui,
à s’armer de déni,
de lâcheté à dire vrai.
Aussitôt qu’elle fuit dans les bavasseries ou les songes,
le garçon la retient, au sens propre, en remplissant le creux de sa main.
Et comme il la tient fermement, sans qu’elle n’ait envie de partir,
elle se sent incapable de lever les yeux du bitume,
contrariée par ce qui accule.
Fragilisée, en tout état de cause.

Mais l’enseigne au loin qui s’illumine,
l'exhorte de la torpeur et écourte les délicatesses tout juste établies.
“On rentre pas comme ça”, elle désigne du menton leurs mains attachées,
“les gens vont nous voir, et en plus le caissier m’aime bien. Je voudrais pas perdre le privilège de repas gratuits tu captes? Tu veux quelque chose?”
Les insolentes braquées sur le brun,
elle attend qu’il lâche en premier pour disparaître dans le ventre luminescent,
la capuche vissée sur la tête pour s’éviter le gèle des locaux.

Elle en ressort quelques minutes plus tard,
le pactole foutu dans un plastique.
“On bouge de là, et vite”,
on entend hurler derrière, et les gosses ne tardent pas à décamper.

Un peu plus tard, ils s’arrêtent, à court de souffle.
Dommage pour tout ceux qu’elle avait mis en bocaux.
“Ouais.
En fait.
L’type est pas très fan de moi.”

Amour confesse, le sourire néfaste.

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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Sam 15 Aoû - 11:49

american bluff
Amour & Misha

« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
Il a imposé la quiétude de l’étreinte sans qu’elle ne s’y dérobe, et cela ne l’a pas surpris de les savoir sur l’instant si vulnérables en dépit de leurs âmes en acier trempé. C’est le côté pénible de l’impertinence, bien juguler ce qui nous fait nous sentir bien, par crainte d’un matraquage invisible d’on ne sait pas bien quoi. Sa paume a la chaleur agréable, pense-t-il sous la coupe d’un frisson déroutant. C’est dingue comme une main peut nous procurer autant de sensations, l’excitation de l’après, les frémissements inéluctables, le petit rien si dérisoire mais qui fait tout. C’est si peu de chose, on n’y pense pas assez. Misha s’était senti bien malgré la couvade du malaise ; ça se sent que leurs esprits sont restés coincés dans l’étroitesse des ghettos d’antan. Là-bas on ne se formalisait pas de tendresse et moins encore d’affliction. Rien d’autre n’affirmait plus la possession d’autrui qu’en le martelant d’insultes, toujours féminisées pour ne pas les invalider, avant de se targuer de l’avoir tronché dans un coin. Se tenir la main, c’était le début de la fin. Parce que la tendresse émoussait la haine et que ce microcosme demeurait bien assez orgueilleux pour exhumer un pan du coeur. Fendre son myocarde en deux et y fourrer la fragilité au milieu demeurait inconcevable.

Elle lui parle de ses rencards fantoches sans parvenir à lui arracher un regard affirmé. Misha s’est contenté de hausser les épaules à la question, engoncé dans son perpétuel silence. Trop occupé à l’avaler des yeux, le russe rechigne à se découvrir d’avantage. L’unique rendez-vous dont il se remémore avait été un échec, et dans ses souvenirs tout puait encore le faste et le clinquant. La gonzesse venait d’un milieu bourgeois et s’assignait la tâche de se fendre d’une moue de dégoût dès lors que Misha enrobait sa langue d’un vocable trop discourtois pour la princesse. Cet échec cuisant, ayant suscité du malaise comme du dépit, n’avait été que dans le but de plaire au père. Alors pour le reste, de ce qu’il en savait, Misha se contentait de prendre et cela lui suffisait bien.

Son mutisme demeure prolifique puisque Amour a parlé pour deux. Elle a exposé ses desseins avec l’ardeur d’une condamnée, bien déterminée à ne pas les faire sauter des rails de la réticence. Mais tout de même, la perspective de se contenter d’un rien le rassérène comme il le fait opiner du chef. Le russe a approuvé en silence, son regard toujours figé sur elle à la recherche de signaux à grignoter. Dans ses palabres, la déroute. “On rentre pas comme ça” qu’elle dégoise la bouche sèche, avant de s’étaler en argumentaires. Misha a dès lors le réflexe vif ; le feu a brûlé sa paume pour mieux la retirer prestement. Le regard s’est soudain perdu ailleurs, percutant le vide alentour pour mieux y visser la confusion comme l’échec. Ces manies de grand prince effleurant l’épiderme de sa donzelle au motif qu’il s’imaginait supposer un couple, c’était sans doute pas pour lui. Alors il s’affale tout contre le mur avec la nonchalance qu’on lui connaît, prend le temps de fourrer une cigarette entre ses lèvres tandis qu’elle s’enfonce dans son rade. “Tu veux quelque chose?” « Une bière. » Le mensonge est tenace. Comme si ce qu’il convoitait tenait dans du houblon et la seule fraîcheur d’une canette marketée pour les beaufs.

Les pas lourds et pressés l’ont extirpé de sa fausse léthargie ; Misha a lâché sa clope dès lors qu’il la choppé au vol. Bien agile dans ses baskets, la course effrénée de ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un paquet de cheeros, bien prompts à fuir la voix du tenancier qui vocifère. Misha n’a pas hésité, il a toujours dans le sang ces réflexes de traqué lorsqu’il court à grandes enjambées. Le rire percutant les lèvres comme la semelle sur l’asphalte. Il a les poumons un peu contrits lorsqu’ils reprennent leur souffle, l’abdomen contracté d’avoir trop ricané bêtement, pourtant lorsqu’il se redresse et congratule Amour d’une tape sur l’épaule, c’est bien elle qu’il importune. « Arrête la clope tu t’ ramollis. » Puis il prend les devants, s’engouffre de nouveau dans le ventre frileux des artères de la ville vers les friches qu’elle lui mentionna plus tôt.

Les toxicomanes y sont avachis, errent à travers les squelettes de bennes à ordures et ne font office de présence qu’à travers leurs borborygmes traînants. « The Walking Dead. » Le commentaire est moqueur, mais c’est pour mieux balayer la laideur des palissades de bois pourris et l’odeur répugnante de l’urine. « Pars devant, j’te rejoins. » L’histoire de trois fois rien, qu’il s’épanche sur l’un des camés et entame la négoce.

Lorsqu’il la rejoint et qu’il a escaladé bien ce qu’il faut pour frapper son regard sur le paysage d’une ville brillant comme des éclats de verre, Misha s’est installé comme chez lui. Il a fourré son flingue dans la poche de son veston afin de mieux prendre ses aises, et a commencé la gestuelle minutieuse, comme un rituel, du partage de la poudre blanche. « Fais gaffe, elle est pure. A te fracasser la tête à haute dose.  » Il assène sa vérité sans ambages, persuadé de ce qu’il avance. Car lorsqu’il a touché la came entre le pouce et l’index, elle lui a bien collé entre les doigts. Signe inéluctable de la pureté de la coke, pas trop gangrénée par le verre pilé en guise de rembourrage. Misha s’obstine, consciencieusement, à tirer des rails sur le morceau de carton arraché à la boîte de bouffe qu’il a extirpé du sac plastique. Il n’a jamais eu le regard aussi concentré et aussi amoureux que lorsqu’il s’adonne à la beauté du geste, carte bleue en mains. Et lorsqu’il dégaine un billet d’un dollar, c’est pour mieux savourer son oeuvre. « Alors. » souffle-t-il comme il lui tend sa part. « C’est quoi ton plan maintenant. Tu veux faire quoi pour les neuf prochaines années à venir ? » Misha crève d’envie de la connaître encore, a saisi l’amertume au coin de ses lèvres lorsqu’il lui parla du passé, se heurte ainsi sur son avenir, ses projets, ses petites morts peut-être.
(c) DΛNDELION ; @amour vaughn
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Sam 15 Aoû - 17:22

Leur effronterie l’amuse,
à rire, gosier à l’air, en même temps qu’ils essaient de la rattraper.
Elle rit de sa misère
et du fric qu’il promène dans ses poches,
comme si sa cervelle de primate était celle qui faisait les lois.
Amour se penche, appuyée sur ses genoux,
des fois que l’oxygène se promène à ras du sol,
puis étire le majeur à la remarque impitoyable de Misha.

Devant les cadavres qui font le parterre de l’immense maison délabrée,
les gamins continuent de se gausser.
Amour les juge d’azurs habituées,
éreintées par la routine douteuse de la miséricorde.
Elle garde la pupille sur ces charognes grignotées partout,
même en quittant la pièce comme il lui demande.

À la lumière du téléphone,
Amour s’éclaire jusqu’au sommet,
consulte l’écran: un appel manqué de Dante.
Juge et bourreau.
Qui lui avait un jour soufflé les réjouissances d’un Misha adopté, et fatalement, disparu.
La pulpe de ses doigts se promènent sur l’écran, tandis qu’elle profite de répondre,
les crocs plantés dans le plastique qu’elle déchire pour se repaître sans l’attendre.

Il s’installe enfin,
et Amour lève un oeil sur le flingue qu’il manipule.
“Vraiment? J’dois te filer la frousse.”
Elle se moque parce qu’elle sait que les balles logées dans le corps du calibre ne lui sont destinées.
Après avoir croqué dans le sandwich aux saveurs fallacieuses,
elle le pose pour s’employer aux machinations du diable à côté de lui,
goûter la came tour à tour et se défaire de leur retenue factice.

Elle s’essuie d’un coup de manche,
lorgne sur le téléphone qui s’éclaire,
l’ouïe attentive à la question.
Mardi, 20H - un soupir conspuant.
Le cellulaire scellé dans un poche,
la môme lève ses paupières naturellement las sur l’Adonis.
Les tergiversations sur l’avenir créent un nouveau relent.
“J’sais pas.”
Monter une armée de voyous? Buter tout c’qui bouge? Éviter la prison ou corrompre un schtar jusqu’au mariage? S’prostituer ou braquer une banque? Commencer des études? Avoir un gosse? Être grosse et déborder des chaises? Crever la gueule ouverte ou suspendues par les viscères?
“J’crois pas qu’j’ai d’avenir t’sais. Et c’est pas pour faire chialer dans les chaumières, mais j’te jure Misha, qu’la fin j’suis pas foutue d’la voir, ni même d’m’imaginer à ma place quelque part.”
Ses yeux pleuvent sur le royaume,
ça sent la résignation frelatée,
qui s’absout des élans empathiques.
“C’est ça l’plan: faire moins pitié qu’le jour d’avant.
Et toi, qu’est-ce que tu vas faire? Est-ce que tu comptes rester? Dans les parages j’veux dire.”

Les deux mains empoignent le sandwich jusqu’aux lèvres qui transpercent à grandes bouchées.


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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Sam 15 Aoû - 21:54

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Amour & Misha

« He didn't even say goodbye, he didn't take the time to lie »
Ca lui a fait quelque chose lorsqu’il l’a toisée brièvement, lorgnant sur son téléphone et y tapotant frénétiquement. Monceaux de jalousie crasse enrayant bien la machine, grains de poussières d’antan mal récurés. Misha se souvient des affres de leur adolescence, lorsque Amour était cernée de ces gamins se targuant de virilité par des crachats percutant le bitume et les épaules roulant bien comme il faut. Il avait déjà la dégaine assurée, la palabre polie d’un meneur indéfectible, mais les muscles moins épais et la bêtise plus diffuse. Ses pupilles n’avaient de cesse de s’abattre sur les charognards usant de leurs langues rustres pour tenter de la séduire et, il ne savait pas bien pourquoi, elle avait toujours l’air réceptive lorsque Misha était dans les parages. Alors mû par la jalousie cuisante, il se contentait de s’envoyer en l’air avec la première qui passait. Sa petite gueule d’ange les exhortait à se soumettre ; juste pour la nuit, pas plus. Elles pliaient volontiers, la certitude que plaire aux gamins des quartiers leur assurait le semblant de respect. En vain. Aussi lorsqu’il a avalé grand sa silhouette avachie sur l’écran, Misha a muselé sa curiosité piquée. C’est qui ? ne passera pas la barrière de ses lèvres mutiques en dépit du désir farouche d’en connaître l’auteur. Sa main hasardeuse a préféré fouiner dans le sac éventré et en a saisi une bière tiède, plutôt que de se perdre sur la sienne. L’alcool porte conseil. Il faudrait qu’il soit très entreprenant, ou qu’elle soit très réceptive pour comprendre ce qui lui fracasse le crâne en ce qui la concerne. Elle n’est pas très réceptive, pourvu que Misha soit entreprenant. Toutes ces questions stupides, et la peur de l’échec en sourdine.

Lorsqu’elle lui parle de son absence de projets, le timbre jamais las ni dépité, Misha s’est confondu dans le silence. Pas l’embarras ni même la honte d’avoir le ventre plein, seulement le silence. Car il a percuté un peu trop tard que sa question ne voulait trop rien dire. De là où ils venaient, l’avenir n’existait pas. Vivre dans le flux constant d’un présent mortifère, attendre que ça passe et survivre le mieux possible. Alors lorsque Amour lui dégoise sa volonté d’étirer le temps sans y creuser sa niche, il s’est fendu d’un ‘j’sais bien’ comme un soupir validant l’excuse. Il a beau avoir vécu le pire et s’en remettre à peu près, le décalage actuel le recale bien à sa place. Puis entre deux bouchées dans un sandwich caoutchouteux, Amour le questionne sans une once de méchanceté ni de taquinerie usuelle. Misha décapsule sa bière comme il avale une longue gorgée, sa moue écoeurée trahissant le goût dégueulasse d’un houblon tiède. S’il va rester dans les parages ? « J’sais pas. Je crois que j’ai pas le choix, mais ça m’va bien. Tant que je m’éclate encore, ça me va de rester à New York. » Il renifle, ravalant la poudre chatouillant les narines, le regard vissé sur le panorama de verre, de tôle et de ferraille.  « Et mon père aimerait bien que j’me pose je crois. Du genre épouse bien dressée et gentil p’tit chiard. Mais moi j’trouve qu’un mec, à partir du moment où il a un gosse, il est foutu. C’est pas le mariage, la corde au cou. C’est l’môme. Bref. Neuf ans, quand même, c’est loin. » Il a tourné la tête vers Amour, repue et soulagée de son festin frugal. Son estomac plein et son faciès soulagé, comme si sa vie en dépendait, lui a arraché un sourire mutin. « Toi vaut mieux t’inviter à mater Netflix qu’au resto. » Haussement d’épaules comme il revient sur ses allégations. C’est ça l’plan: faire moins pitié qu’le jour d’avant. « Tu sais, ça s’trouve, tu sais pas vraiment ce que tu seras dans neuf ans, à force d’aller de l’avant. Peut-être que tu auras ta baraque à toi. Ou que tu seras Première Dame. Ou vendeuse de sandwichs chez Potbelly. J’suis sûr que tu les fais comme personne. » Le rire est taquin, s’envole un peu trop haut. Percute le ciel et la tôle froissée. Moi j’suis bien ici à parler avec toi, même si j’arrive pas à grand chose. J’espère que ça te fait du bien, tout pareil.

(c) DΛNDELION ; @amour vaughn
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Message Sujet: Re: American bluff (Amour)   American bluff (Amour) Empty Sam 15 Aoû - 23:55

La tronche qui oscille,
capitule devant le paysage déplorable,
et l’absence d’entrain du type à sa droite.
C’est le basculement des contradictions dans sa boîte crânienne.
Ça n’a rien à voir, cette fois-ci, avec sa gueule de nanti qui se déforme au goût infect de la gnôle;
mais l’attitude complaisante, sur le fil de l’insatisfaction.
Misha pourrait s’tailler bien comme il faut,
juste pour pas mourir d’ennui. Elle pourrait s’dire que c’est légitime,
mais aucun conciliabule n’endiguerait le besoin:
qu’il soit là, foutue sur les toits avec elle.

Égoïste sempiternelle,
elle dresse pourtant l’attention aux projets menés par un autre, un père.
La fronce de ses sourcils peint son incrédulité,
de cette emprise qu’il établit sans le vouloir,
d’un père sur son fils à la discipline qu’elle juge hérétique.
“Sympa ton daron. C’est quoi la prochaine étape, le mariage arrangé et l’clergé derrière toi pour t’voir retirer l’hymen?”
Elle ne s’attarde pas sur sa réflexion sur les gosses,
reflet de ce qu’il croyait un jour avoir été, sans doute, comme elle finalement.
Non. Elle s’attarde, sur ce qu’il se montre prêt à endurer pour recevoir un brin d’amour.
Et elle sait pas si elle peut comprendre: d’être aimé n’importe comment, mais d’être aimé surtout.

Les prunelles plantées sur sa trogne qui fomente un sourire gamin,
une dégaine qui lui pince les joues et impose aux commissures de se redresser en retour.
Il taquine sa faim de chienne, et ça lui va bien.
Enfin, entonne pour elle l’ébauche de tout ce qu’elle pourrait être.
“Va te faire voir”, ses éclats de rire suivent ceux du garçon aux expectatives horrifiantes
-mais pas moins probables - qu’il dessine.

Entre ses lèvres, la blonde pince une clope qu’elle a déniché au fond du plastique.
Ils sont enveloppés dans une nuée délicate de l’effluve goudronné,
du parfum d’un avenir imparfait.
“T’imagines un peu, si c’était vrai. Toi, marié à la première potiche bien portante, la tête de ton fiston caché sous tes couilles, fierté de ton père. Moi, serveuse depuis tellement longtemps qu’j’suis devenue la friture qu’on sert au client, un putain de mozzarella stick.”
Ça la frappe, assène de grand coup sur son âme,
cette solitude qui l’attend.
Désoeuvrée, sans famille et laissée pour compte:
c’est l’oeuvre de gloire qui agite l’acide,
fait remonter le sandwich qu’elle a gobé.

Amour tente de glousser,
fait péter l’écluse en relâchant sa fumée.
La larme, comme elle, roule seule, sur sa pommette.
“C’est des conneries, tout ça. Jamais d’la vie, autant crever maintenant.”
Elle agresse le vent de sa verve, fulmine contre le fatum.
L’impatience tournée vers lui.
“Si t’y crois ne s’rait-ce que vaguement, sors ton flingue et enfonce-moi une balle dans le crâne Misha.”
La gamine lui saisit l’index et pointe entre ses deux yeux.
“Juste ici, pour pas qu’j’ai à subir l’agonie des trous du cul qu’on isole parce qu’ils sont pourris.”



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