(wp #06) / shellie fitzgerald.

Spoiler:

« ça fait un bail »
Une voix basse, presque sombre, une voix comme tout autre voix d’homme banal, rien qui ne sorte du commun, pas une once de particularité, pas une rocaille pour faire vibrer. Pourtant, son sang se glace fissurant son cœur fragile, comme un frisson d’horreur qui caresse sa nuque, shellie baignant dans les rayons du soleil se croit alors soudain en Sibérie. Elle ne connaît que trop bien la banalité de cette voix, même après tout ce temps elle sait reconnaître cette voix entre mille. Elle n’a pas le temps de redescendre de son nuage, la petite, elle tombe brusquement, on l’a arrachée de ses rêveries pour lui cracher la réalité à la figure. Pourtant tu ne peux pas t’empêcher de laisser ton cœur s’emballer, il frappe dans ta poitrine même si tu refuse de ressentir tout ça tu ne peux juste pas t’en empêcher.
Et ce n’est qu’avant d’avoir ouvert les paupières, parce qu’elle garde les yeux fermés comme pour ignorer cette voix, peut-être que la personne fera demi-tour si elle garde les yeux fermés assez longtemps, peut-être qu’il partira sans insister. Parce que t’as peur que si t’ouvres tes p’tits yeux, tu retombes dans les siens, que tu t’y noies comme la première fois.
« shellie ? »
Sursaut brut, son corps trop crispé à l’idée de revoir cet homme la force à rouvrir les yeux. Mais elle ne tombe pas sur ses prunelles, au contraire, elle ne voit que le soleil trop éblouissant pour ses yeux bleus, ce qui lui arrache une larme involontaire. Alors un instant elle espère que ce n’était qu’un mirage, une hallucination auditive,  une rêverie dans sa somnolence et elle refuse de se tourner. Tu sais très bien qu’il est juste derrière toi, tu la sens, sa présence, peser sur ta personne,  mais t’as trop peur de te noyer.
Sauf qu’elle n’est pas seule, la blonde, il est là et il décide de se montrer, bien sûr qu’il n’a pas peur lui, c’est pas lui qui s’est écroulé à cause d’elle, c’est bien la situation inverse. Ses mains se mettent à trembler sans qu’elle ne puisse les contrôler pendant que la figure de cet homme apparaît devant elle, imposant, alors qu’elle est assise sur ce banc qui lui semble comme une prison. Puis quand tu lèves les yeux vers les siens tu sens ton cœur s’arrêter, tes poumons cesser de fonctionner, t’es frappée par son visage, par un ouragan de souvenirs, tu revois tout mais surtout, tu ressens ce putain d’amour obsessionnel.

« t’es la plus belle chose qui me soit arrivée cette année, tu sais, j’imagine pas ma vie sans toi, j’imagine plus rien sans toi, t’es un cadeau de la vie pour moi. j’aime tout chez toi, je te veux entièrement et pour toujours, je veux qu’on fasse toutes les choses les plus folles ensemble, j’veux qu’on aille où bon te semble, qu’on se perdre sur une route perdue, qu’on fasse l’amour dans tous les hôtels qu’on visite, qu’on monte sur le sommet de chaque colline qu’on croise, qu’on achète un tas de conneries dans une aire d’autoroute à minuit et qu’on mange des céréales pour le dîner. je veux tout faire avec toi et je veux que le reste des souvenirs de ma vie ne soient qu’avec toi. je t’aime plus que tout au monde, mon amour est immensurable. »

Elle se souvient beaucoup trop de cette soirée, elle avait été trop parfaite, bien trop parfaite, c'était à l'approche de ses dix-huit ans et elle voyait déjà son projet de vie avec lui, elle lui avait avoué ce soir là. T’avais posé ton cœur sur la table ce soir là, tu lui à donné sans réfléchir, t’avais plongé pour de bon.
Mais il l’a détruit, ce cœur déjà abîmé, il l’a achevé pour de bon. Elle l’avait aimé d’une sincérité et d’une profondeur stupéfiante et il n’a même pas pu respecter ça. Il l’avait aimé aussi, bien sûr, au début, c’était un bel amour, c’était très romantique et intense, sauf que Shellie aussi était intense. Intense, jalouse, hystérique, incontrôlable, invivable. Invivable. Ce mot qui t’avais hanté pendant le mois qui suivait son départ, après qu’il t’ai bousillé le cœur pour te bon, après qu’il ai décidé de s’barrer avec une autre, ce mot qui t’a fais prendre cette foutue lame de rasoir.
Elle aurait préféré ne jamais avoir à entendre cette voix à nouveau, elle avait toujours prié pour ne pas tomber sur lui, New York c’est une grande ville, elle y croyait qu’elle pouvait l’éviter, elle y avait cru peut-être un peu trop fort et elle est désemparée, là, en face de lui, dominée par son ombre.
« ça va ? »
Non, ça ne va pas dans sa tête ni dans son corps, les tremblements se sont diffusés jusqu’à ces jambes, son cœur palpitant, la respiration courte, elle veut parler, elle aimerait lui dire qu’elle ne veut rien avoir à faire avec lui, ou peut-être pas, peut-être qu’elle veut se réconcilier avec cette relation passée, elle n’en sait rien, y’a beaucoup trop d’infos qui fusent dans son esprit et elle manque de s’écrouler. Bloquée, dans une léthargie anesthésiste, elle n’arrive plus à réagir, aucun son de sort de sa bouche, aucun de ses membres ne daigne bouger, rien, elle est là comme tétanisée devant son passé. Soudain elle sursaute, alors qu’elle sent sa main posée sur son épaule. Et là t’exploses, t’exploses dans un cocktail d’émotions, tu déborde et tes membres s’enfuient loin de tout, tu cours, tu pleures, tu cries,  tu n’sais pas où tu vas, mais pars loin de lui, sans même un mot.
Parce que c’était bien trop à gérer pour la petite blonde, c’était bien trop de souvenirs, d’émotions fortes, d’amour, de haine et de peur. Cette période de sa vie qui hante encore ses cauchemars. Alors elle s’enfuie et plus elle est loin, plus son corps se détend, plus l’air retrouve son chemin vers ses poumons et plus son esprit retrouve de la clarté. Oublier, tout ce qu’elle veut c’est oublier.