il y a eu hier,une jeune femme à l'abri du besoin, un jeune homme ne mangeant pas toujours à sa faim. deux destins qui n'auraient jamais dû se croiser. et pourtant, la magie a opéré. il a suffit d'un instant, d'un regard, pour que d'un coup de foudre, ils soient électrisés. deux existences qui se sont confondues pour en ressortir des rêves par milliers à réaliser. le conte de fées aurait pu se matérialiser et faire d'eux un couple comblé. sauf que la famille s'en est mêlé, tentant même de les séparer. la fuite leur apparut comme la réponse la plus appropriée et new york tel l'eldorado tout désigné.
mais ça, c'était avant.avant l'enfant tout juste né qu'ils durent trainer comme une valise de plus sur leur dos usé. avant la fortune qui leur échappa, l'argent leur manquant un peu plus chaque mois passé. avant que les sacrifices soient plus nombreux que les bonheurs et se chargent d'éteindre les maigres flammes qui subsistaient encore dans le couple ravagé. avant que papa trompe maman avec des femmes et que maman trompe papa avec des bouteilles de vodka.
jusqu'à l'après.il a suffit d'une étincelle pour tout raviver, pour que les braises soient rallumées. une étoile filante, ou un voeu même pas formulé au beau milieu d'une nuit sans lune. pourquoi envoyer valser ce qui pouvait encore être sauvé ? une prise de conscience d'abord maternelle qui a su enrôler la paternelle. une seconde chance, une dernière chance. un cri d'amour, une danse des corps qu'ils avaient cru perdue et un nouveau visage pour apaiser les autres familiers bien trop abîmés. une tête blonde dans un univers brun, l'éclat de soleil qui a tout remis en perspective. elle était désirée cette seconde fille, c'était elle qui allait tous les sauver. alors elle a été choyée, protégée, admirée, bénéficiant de tout ce dont sa soeur avait été privée. trop petite pour comprendre, elle fut le pansement sur les maux de ses parents, mais la gangrène sur ceux de sa grande soeur.
ma fille, tu feras de la musique. tu apprendras le piano.si peu de mots pour des années à venir. les sourcils froncés, elle n'a pas tout de suite compris ce que ça signifiait delta. naïvement, elle a cru pouvoir imposer son avis. elle a cru avoir encore un ascendant sur ses desseins de vie. naïvement, elle a chuté de dix étages. le lendemain, on la trainait au milieu d'un cours qui deviendrait son lot hebdomadaire. pas un chouinement, pas une plainte, déjà soumise au bon vouloir de ses géniteurs.
dans son lit, elle a maintes fois rejoué la scène. cherchant à poser des explications sur ce qui avait pu opérer un tel changement. elle était partie quinn. cette soeur qu'elle n'avait pas tant connue malgré ses dix bougies soufflées. elle était mariée quinn. et elle les avait quitté pour lui. à son bras, elle avait fuit. puis, comme balayé dans un courant d'air, la famille ziegler s'était transformée. papa et maman étaient devenus des autres. guindés, stricts, intéressés... et les moindres gestes de la poupée blonde furent épiés et décortiqués. on tirait sur les fils, on voulait lui imposer ses choix. tristement, elle était devenue la marionnette de ses parents.
elle a tut sa voix d'animal blessé et asservi encore quelques années. et la majorité l'a révélé.
la déflagration. adieu papa et maman.✻ ✻ ✻
il y a aujourd'hui,le couteau tranchant les légumes rythment ses pensées. celles qui l'obsèdent, l’oppressent, ne lui laissant aucun répit. ni le jour, ni la nuit.
elle se rappelle de tout, delta. dans les moindres détails. à commencer par ce test de grossesse positif. celui-là même où elle avait vu se succéder les lettres auxquelles elle ne croyait plus.
tu l'avais regardé, re-regardé, re-re-regardé. tu l'avais presque usé de tes yeux baignés de larmes. mais de joie cette fois-ci, une fois n'était pas coutume. tu venais de faire un pied-de-nez à cette foutue maladie qui voulait te voler ta vie. enfin, tout semblait reprendre sa place et la direction dont elle avait tant rêvé. quelques mois plus tôt, elle s'était fiancée à l'homme de sa vie, la blonde. dorénavant, elle pouvait affirmer qu'un bonheur n'arrivait jamais seul. le sourire greffé aux lèvres, elle réalisait tout juste qu'elle se marierait avec ce petit bout à l'intérieur de son ventre. le futur bébé déjà en première ligne de l'une des plus grandes étapes de l'existence de ses parents.
et puis, il y a eu ces douleurs qui lui ont déchirés les entrailles. elles venaient d'ailleurs, de nulle part.
elles t'ont terrassé et le sang a coulé, emportant avec lui les restes de ce petit être que tu chérissais déjà tant. t'as hurlé. et paniquée, c'est cassey que t'as appelé. son amie a pris les choses en mains, jusqu'à l'intervention des médecins. et delta lui a fait promettre de garder ce secret, pour elle. ce macabre évènement ne devait pas venir entacher les prochaines festivités.
le jour j est arrivé. la robe de mariée, les témoins, les invités. elle a gardé son masque d'impassibilité delta. elle a gardé ce qu'elle savait pour encore une journée. c'était le deal. au bras de papa, elle a traversé l'église. adressé des sourires de circonstances, ici et là. avant que le prêtre ne déballe sa rengaine. celle qu'elle connaissait sur le bout des doigts pour avoir regardé tant de comédies romantiques.
sauf que la fin ne ressemblerait pas à tes contes de fées delta. et c'était uniquement toi qui l'avais décidé. le 'non', comme un cri du coeur qu'elle a prononcé a glacé l'assemblée et résonne sûrement encore dans les entrailles de l'édifice sacré. la jeune femme a fait volte-face pour fuir le théâtre du désastre qu'elle venait d'engendrer. personne n'a rien compris, surtout pas celui qui devait être le futur mari.
t'avais vu winter quelques jours avant d'échanger tes voeux et de lier définitivement ta vie à ton fiancé delta. elle t'avait dit que ça finirait mal. ce sont ses mots qui t'ont fait dérailler une seconde de trop. mais ça, tu ne le diras pas. ce qu'elle avait juste oublié de t'avouer, c'était qui en serait la véritable victime.le couteau entre ses doigts fait toujours son oeuvre. allant jusqu'à lui entailler l'index gauche, la faisant brusquement reprendre pied dans sa réalité.
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il y aura demain,bip. bip. bip.la symphonie irritante des machines rythmait son quotidien, autant que ses cauchemars de chaque nuit. pourtant absente sur le lieu du drame, son inconscient restait suffisamment développé pour lui inventer des cas de figure tous plus différents les uns que les autres. des courts-métrages totalement imaginés qui suffisaient à réveiller ses angoisses dès qu'elle s'autorisait à fermer les paupières. elle ne manquait pas même une visite delta. même quelques minutes, elle était là. assise et impuissante à côté d'un lit où elle regardait reposer celui à qui elle aurait dû lier sa vie. si seulement elle avait dit 'oui', si seulement elle ne s'était pas laissé influencer... aaron lui serrerait la main à l'heure d'aujourd'hui. à la place, il ne peut que se raccrocher à une existence assistée.
et tu n'sais même plus pour qui, ni pour quoi il aurait encore envie de se battre. la culpabilité te ronge depuis que tu lui as ôté votre bébé miracle et votre union sacrée. foutu destin, maudite delta. des mois qu'elle assiste au bal des médecins et autres infirmiers. chaque odeur de l'établissement médicalisé a imprégné ses fringues. devenue une seconde peau chargée de lui rappeler quotidiennement l'étendue des dégâts qu'elle avait causé.
caprice de femme déconnectée de la réalité. appelée par l'au-delà.il est plongé dans un coma de stade deux.il ne réagit pas, il ne l'entend pas. et elle opte pour la même réaction face au personnel. là, sans être là. ici et ailleurs à la fois. fiancée blessée ou nouvelle célibataire déjà envolée. elle ne sait plus où est sa place delta, elle ne sait plus ce qui lui est encore autorisé.
absolument pas guérie, éternellement conditionnée, elle s'en remettra aux cartes.
toujours.