Taby ♦ Soirée masquée

Les regards étaient rivés sur eux tandis qu'ils avançaient d'un pas lents pour rejoindre la pièce, Amy à son bras. Ce n'était pas du tout une situation dans laquelle notre trentenaire était à l'aise et c'était le moins que l'on puisse dire. Cependant, il tenta de rester digne et de ne rien montrer de son émoi. "Et cette fois-ci, vous aviez des raisons professionnelles d'inviter des ennemis?" demanda-t-il simplement, toujours en gardant ce sourire de façade qui ne lui allait pas. Le véritable sourire de Toby était solaire, irradiant les murs, sincère et si pur. Là, c'était une mascarade, une fausse copie, un simple rictus forcé, alors que tout son être tremblait de la situation. Il y' avait un peu de tout ce soir, ce n'était pas pour le rassurer.

Cependant, il décida de mettre à côté ses craintes et de faire ce pour quoi il avait été payé. Jouer les parfaits cavaliers au bras de l'héritière, aussi bien durant les conversations mondaines que sur la piste de danse, où il fit de son mieux pour guider la quadragénaire. Il afficha un certain sourire lorsqu'elle le félicita, comme un enfant joyeux. Cela faisait longtemps que personne ne lui avait dit qu'il avait du potentiel pour quoi que ce fut, lui qui n'avait jamais eu de talent. "Tu trouves? Je pense que j'ai simplement réussi à sauver les pots cassés." déclara-t-il doucement. Pour ne pas qu'on les entende, il parlait serré contre elle, soufflant les mots dans son oreilles. "Mais j'avoue que je trouve cela très amusant, finalement..." ajouta-t-il en riant, alors que leurs pas se suivaient sans problème.

Il s'inquiéta ensuite du fait que quelqu'un d'autre ne vienne à le demander pour une danse. Non pas qu'il était irrésistible ou un bon danseur, mais cela était une possibilité. Devait-il décliner, ou garder le sourire et accepter? Quel plan la demoiselle avait donc pour lui? Finalement, la réponse fut claire. Décliner. Très bien. Il ne devait passer la soirée qu'avec elle. Ce qui, cela dit, semblait plus que logique vu le prix qu'elle l'avait payé... Enfin non... Non, c'était un don à la paroisse, rien d'autre. Son esprit n'eut pas le temps de se perdre dans les questions existentielles car il sentit les lèvres de son interlocutrice venir se poser contre les siennes, d'abord de façon très chaste, avant de se laisser porter par le mouvement. Le baiser fut langoureux, intense... Si avide. Et étrangement, notre abbé se laissa faire. Il aurait pu avoir un mouvement de recul, mais ce ne fut pas le cas, au contraire. Il se laissa porter par cette vague de douceur et de chaleur...Car elle avait été douce, Amy. Il ne l'aurait jamais imaginé si douce dans l'étreinte, elle qui portait tant de froideur en elle. Ils s'écartèrent. "Je dois comprendre que tu viens de marquer ton territoire..." chuchota-t-il, alors que tout le monde les observait de nouveau. Amy au bras d'un homme, ce n'était pas arrivé depuis plus de dix ans, alors voir Amy embrasser un homme en public, il semblerait que ce soit le scoop du siècle. "Tu as pris un risque... Imagine un peu si je t'avais repoussée par réflexe?" demanda-t-il, l'air malicieux, alors que la mélodie venait de s'arrêter. Cela aurait très certainement été un scandale porté à l'image de l'héritière. Mais il ne l'avait pas fait, non... Il ne l'avait pas fait. Déjà derrière eux, deux femmes d'âge mûr susurrait des messes basses. "Moi qui voulais rester discret, c'est gagné..." déclara-t-il finalement en riant, avant de voler un petit baiser chaste à la demoiselle, sur un ton joueur. Et cela, juste pour faire un pied de nez aux langues de vipères qui se permettraient d'émettre leur avis. Ce n'était pas approprié. Oh que non... Et pourtant.

Amy sourit et hocha la tête, confirmant ses paroles précédentes. « Je trouve, oui, tu ne devrais pas te sous-estimer autant. Tu es doué, David. Je pense qu'on va continuer nos cours privés, histoire de te perfectionner et de t'apprendre d'autres danses. » Et elle pourrait se perfectionner elle aussi, par la même occasion. Tout en profitant de la présence et proximité du prêtre. Car évidemment que c'était amusant. Elle était heureuse qu'il s'en rende compte. Pour la première fois, il lui disait s'amuser, et ça faisait plaisir à l'héritière d'entendre ces mots. C'était stupide, mais ça lui faisait vraiment plaisir. Tout comme sa réaction à son baiser. Un moment qui, au final, elle n'avait pas pu maitriser, bien au contraire. Elle s'était laissée porter, elle aussi, s'abandonnant au prêtre, ignorant les regards fixés sur elle, sur eux. Ils pouvaient bien parler, railler, elle n'en avait cure. En cet instant, qui se termina bien trop vite à son goût, rien d'autre ne comptait.

Malheureusement, toutes bonnes choses avaient une fin. Leur baiser se termina au son de la mélodie qui les avait bercés jusque là. Exaspération. Frustration. Mais la brune n'en montra rien. Elle répondit d'un sourire à la réaction du prêtre. Une réaction qui la surprit, d'une certaine manière. Elle s'attendait à choquer Toby, par son hardiesse, son initiative improvisée. Mais non. Au contraire. Elle avait pris le risque de le voir s'écarter, effectivement, voire même la repousser. Mais il n'en avait rien fait. Tout au contraire. « En effet, mon nom est désormais tatoué sur le front. » Bientôt sur ses lèvres. Oh elle rêvait déjà de l'entendre souffler son prénom dans un moment bien plus intense, plus plus intime. Chaque chose en son temps, Amy. « Il semblerait en tout cas que tes réflexes n'ont rien contre moi, c'est plutôt appréciable », répondit la quadragénaire. C'était même plutôt le contraire. Une agréable surprise, en vérité.

Tout comme le baiser qu'il dépose de son propre chef sur ses lèvres. Un baiser, rapide, à la volée, mais qui surprend d'autant plus la brune. Elle hausse les sourcils avant de laisser échapper un petit rire, prenant la main de son cavalier pour l'emmener vers le buffet où se trouvait de quoi manger et boire. « Il n'y avait absolument aucune chance d'être discret ce soir, David. Mais tu as ton loup et je reste à tes côtés. » Elle s'empara d'un toast et le porta aux lèvres du prêtre avec un petit sourire mutin avant de commander une flute de champagne qu'elle tendit également à Toby. « Prends des forces, la soirée ne fait que commencer. Et ignore ces langues de vipères. Elles sont simplement jalouses de ne pas être à ma place », ricane Amy en fixant les mauvaises langues en question. Elle passait un trop bon moment pour y prêter la moindre importance.

Ce baiser, Toby ne s'y attendait pas. Et il aurait sans doute dû la repousser, quitte à ce que cela remette en doute leur contrat, cet accord qu'ils avaient passé, un peu trop vite. Quitte à ce que cela crée un scandale. Il aurait dû la repousser, mais il ne l'avait pas fait. Peut-être parce qu'il se sentait flatté, qu'elle le veuille à ce point pour elle, qu'elle se soit montrée si douce. Ce n'était pas uniquement pour montrer son pouvoir qu'elle l'avait embrassé, il en était certain. Et alors que les regards se posaient sur eux, c'était souriant que Toby se montrait à eux. Souriant et amusé. Une réaction complètement inédite, à laquelle il n'aurait jamais cru si on lui avait raconté la scène. C'était peut-être bien sa relation avec Cassey qui l'avait changé, qui lui avait ouvert des choses qu'il avait gardées bien fermées jusque-là. Peut-être qu'il était moins hésitant, moins effrayé, plus ouvert... Et beaucoup plus joueur.

Ils quittèrent la piste de danse pour rejoindre le buffet. Il sourit alors qu'Amy lui indiquait qu'il n'y avait jamais eu aucune chance de rester longtemps discret à ce type de soirée mondaine, avant de porter un toast aux lèvres du trentenaire, qui ouvrit la bouche pour manger ce qu'elle venait de lui donner. On aurait dit un parfait petit couple. "Tu parles comme si tu étais mon garde du corps..." déclara-t-il en riant, simplement, avant de prendre en main la flûte de champagne qu'Amy lui tendait. "Oh tu crois?" demanda-t-il en rougissant. Voilà que la demoiselle commençait à le flatter. Il hocha ensuite la tête, avant de jeter un oeil au buffet. "Si tu permets, je vais échanger le champagne discrètement contre un jus..." déclara-t-il, passant derrière pour prendre un verre de ce qui semblait être bien moins alcoolisé. Il sentit le contenu. Il s'était déjà fait avoir par un cocktail, un jour, et cela aurait pu mal finir. Il décida de lâcher un peu de leste, avant de prendre une assiette et la remplir de différents mets. Il la donna à Amy, avant de s'en faire une... doublement remplie. Le regard de la belle posée sur lui, il sourit, comme un enfant pris sur le fait. "J'ai faim..." souffla-t-il simplement. "Dis-moi, quand tu viens seule, comment fais-tu pour ne pas t'ennuyer?" demanda-t-il ensuite, alors qu'un homme était venu échanger quelques mots avec eux. Des chiffres, des paroles sans sens, ou plutôt des mots formulés uniquement dans le but d'être formulés...

Amy ricana lorsque le prêtre la compara à son garde du corps. « Dans un sens, ce n'est pas impossible. » Entre les deux, celui qui avait le plus besoin de protection, c'était lui, pas elle. Elle n'en avait pas besoin. Elle n'avait besoin de personne. Et bien sûr que les vieilles pies étaient jalouses. Le prêtre se sous-estimait, ou était trop modeste, mais il était très séduisant, encore plus avec ce costume et ce loup qui mettait ses yeux en valeur. Ses magnifiques yeux bleus dans lesquels elle pourrait se perdre tellement facilement, si elle s'en laissait le loisir. Mais ce n'était ni le lieu, ni l'instant. La brune fronça légèrement les sourcils lorsque le prêtre refusa le verre qu'elle lui proposait. Hmm... Elle s'adoucit toutefois lorsqu'il lui amena une assiette avec de quoi picorer. C'était une attention charmante, en vérité, et son assiette doublement remplie la fit ricaner. Il avait faim, certainement. Et il put manger un peu alors qu'un homme vint les interrompre pour discuter affaires, ce qu'Amy fit sans rechigner, bien sûr. Le travail n'était jamais loin. Après quelques instants d'échanges et, bien sûr, des présentations de son « ami », l'homme s'éloigna, laissant à nouveau Amy avec le prêtre qui lui posa une question intéressante.

« Je ne sais pas. Je discute travail, la plupart du temps, ça occupe. » Elle ne dansait pas, habituellement, ni ne mangeait ou buvait au buffet. « Je m'isole souvent au bout d'une petite demi-heure, le temps d'avoir fait le tour des personnes importantes, d'avoir fait acte de présence. Ces événements ne m'amusent pas plus que ça, » avoua la brune. On pourrait croire le contraire, vu toutes ses sorties, mais c'était plus professionnel qu'autre chose. Elle ne se sentait toujours pas à son aise avec toute cette faune bourgeoises, même si elle n'en montrait rien. D'ailleurs c'était en s'isolant ou raillant ses « pairs » qu'elle avait fait une ou deux rencontres intéressantes. « Tu ne bois jamais ? »demanda l'héritière, curieuse. « Il y a une raison particulière ? Ou bien c'est un de ces vœux que tu es censé respecter? »rajouta-t-elle avec un sourire, sachant très bien qu'il ne les avait pas respecté tous.

Les gens ici ne parlaient que de travail ou pour se vanter de leurs réussites. C'était fatigant, mais ce devait être le quotidien d'Amy. Toby se demandait si, parfois, elle partageait des conversations beaucoup plus intimes ou sympathiques avec certaines des personnes présentes dans ces lieux. Il observa la pièce, tout en sirotant son jus de fruits frais. Au moins, il y avait de quoi manger, et ce n'était pas la gourmandise de Toby qui allait le retenir. D'autant qu'il mangeait beaucoup plus depuis quelques semaines à présent. Un véritable ogre. En même temps, il ne mangeait clairement pas trois repas par jour. Encore une fois, il n'avait pas mangé avant de venir à cette soirée.

Son regard se posa de nouveau sur Amy, alors qu'il lui posait une question beaucoup plus personnelle. Il comprenait subitement le désarroi d'Isabella en ce qui concernait les événements mondains. Lui, jusqu'ici, n'y avait que très rarement mis les pieds. Une fois, à vrai dire. La fois où il avait rencontré Amy, d'ailleurs. Il afficha un large sourire. "Je vois, et qu'est-ce tu fais une fois que tu t'es isolée? Tu t'en vas? Ou tu restes dans un coin ?" demanda-t-il naturellement, sur un ton serein, avant qu'elle ne lui pose à son tour une question. Il sourit. "Je ne supporte pas l'alcool. Même le vin de messe, j'ai du mal, je ne fais que tremper mes lèvres. En même temps, à 7h du matin, il vaut mieux!" déclara-t-il, l'air amusé. "Et je n'ai pas fais de voeux. A vrai dire, ce sont plutôt des promesses, mais qui doivent être respectées..." indiqua-t-il ensuite en rougissant. C'était comme s'il essayait de se justifier vis-à-vis de lui-même, de tous ses actes répréhensibles qu'il faisait depuis des semaines....

Toby sembla s'intéresser à ce qu'elle faisait, une fois isolée. Elle ne s'en allait pas non, pas si tôt, même si elle faisait des exceptions. « Je trouve un endroit calme et je laisse mon esprit divaguer, je réfléchis. Ou bien, de temps en temps, je fais des rencontres et je sympathise avec des personnes qui partagent mon malaise. Mais c'est assez rare. » Très rare, même. Car habituellement, il fallait en avoir envie, pour se rendre à ce genre de soirée. Une motivation. Rester dans son coin ne la dérangeait pas. La solitude, elle aimait beaucoup ça, malgré ce qu'on pouvait imaginer. Donc pas de vœux, juste des promesses, qui doivent être respectées. Hm hm... « Et tu les respectes, ces promesses ? »demanda la brune, connaissant pourtant déjà parfaitement la réponse.

Elle attendit que l'assiette du prêtre soit vide et abandonna la sienne, à laquelle elle ne toucha pas. Trop parano pour manger ou boire quoique ce soit qui n'était pas préparé par elle ou son personnel de maison en qui elle avait entière confiance. Le traumatisme ne la quitterait probablement jamais. Mais c'était ainsi,elle vivrait avec. Ou peut-être qu'avec l'âge elle deviendrait moins prudente ou attachée à la vie. Après une nouvelle conversation avec les vieilles aigries à qui elle présenta son ami David, qu'elles dévorèrent du regard. En s'éloignant, la brune entendu le mot « gigolo » chuchoté par une des deux bique. Elle leva les yeux au ciel en entrainant le prêtre à l'écart, dans un endroit plus isolé, dans un jardin qu'elle connaissait bien à force de le fréquenter. Il était un peu labyrinthique, c'était peut-être pour ça qu'elle l'appréciait beaucoup. On pouvait avoir l'impression de se perdre, tout en sachant où on se trouvait. « Comment tu trouves cette première soirée ? » demanda finalement Amy en gardant sa main chaude, dans la sienne, encore pour quelques instants.

Amy était plutôt solitaire et ce fut ce qu'elle confirma en expliquant la façon dont elle s'isolait lors de ses soirées. Toby faillit s'étouffer en entendant la question de la demoiselle, à tel point qu'il recracha un morceau de ce qu'il était en train de mâcher. Il aurait dû venir voir l'interrogation, cela dit, vue la situation. Il rougit avant de reprendre contenance. "Pardon, j'ai avalé de travers." déclara-t-il simplement, délicatement. "Et oui, bien sûr que je fais de mon mieux pour les respecter... Enfin je les respecte." déclara-t-il ensuite, tout sourire. Mensonge. Il se sentait mal en disant cela, de cette façon. Il se mentirait presque à lui-même alors que les images de ses ébats avec Cassey lui revenaient à l'esprit. Il était tombé amoureux, ce n'était tout de même pas un crime, n'est-ce pas? Certes, il avait utilisé la demoiselle comme un objet de plaisir, ce qui était un péché... Mais... bref, il ne se trouvait pas d'excuses. C'était le pire. Et le pire était encore davantage le fait qu'il ne regrettait rien.

Ils discutèrent encore avec quelques personnes. Toby crut entendre le mot "gigolo" dans la bouche d'une des femmes qu'ils venaient de quitter pour rejoindre le jardin, s'isolant, se mettant à l'écart de la foule et des conversations mondaines. Se perdant entre les arbustes. "Oh, et bien, j'avoue que je pensais que je serais encore plus mal à l'aise... Mais finalement ça va." répondit-il à la question d'Amy. "Et toi? Tu es satisfaite?" demanda-t-il ensuite, alors que sa main était toujours enfermée dans celle de l'héritière. Il fit un nouveau sourire, avant de pousser un large soupire. Elle n'était pas si distante qu'il aurait cru. Elle n'était pas si vilaine qu'il aurait pensé. En vérité, il avait raison, elle avait quelque chose d'autre à montrer derrière une carapace publique et sociale. Elle avait un vrai sourire derrière celui mondain qu'elle montrait tous les jours à la société. Il finit par se lancer, s'inquiétant un peu de la réaction de la demoiselle a une question si intime. "Mais... dis-moi, Amy... Je sens quelque chose de si... chaleureux en toi. Pourquoi est-ce que tu te montres si froide avec le monde extérieur?"

Mensonge. Amy le lisait dans les yeux. Il ne savait pas mentir, le prêtre. Même si elle ne connaissait pas la réponse à sa question, elle aurait pu la lire dans ses yeux, comme dans un livre ouvert. Tout se savait, surtout dans son monde, tout. Elle ne releva toutefois pas tout de suite et emmena le prêtre dans les jardins labyrinthiques. Il n'est pas si mal à l'aise que ça, le prêtre, ce qui fit doucement rire la brune. En même temps, elle l'avait un peu protégé de ce dont était fait son monde de la haute société. Petit à petit, il s'y adapterait. Elle était en tout cas satisfaite d'entendre que ce n'était pas « si terrible que ça » pour lui. « Je suis très satisfaite » répondit Amy avec un hochement de tête. Surprise, mais satisfaite. Prise au dépourvu, mais satisfaite. Ce baiser, elle n'était pas prête de l'oublier. En vérité, elle comptait bien recommencer. Mais les paroles suivantes du prêtre la firent faire un pas en arrière. Quelque chose de « si chaleureux » en elle. Non. Non. Elle lâche la main du prêtre, et croisa les bras contre son abdomen, rentrant en mode auto-protection.

« C'est une protection comme une autre. J'ai perdu suffisamment de proches pour ne pas m'encombrer d'autres qui finiront de toute manière par me quitter aussi. » finit par répondre la quarantenaire. Une protection oui, pour ne plus souffrir. Elle en avait parfaitement conscience. Certains n'en avaient pas conscience, mais elle n'était pas ce genre d'ignorants. Elle savait parfaitement ce qu'elle faisait et l'assumait entièrement aussi. « Mais ne te méprends pas, je n'ai rien de chaleureux, Toby. On m'appelle la reine des glace, ce n'est pas pour rien » Elle avait sa réputation, elle l'assumait entièrement. Elle ne voulait pas que ça change, pour rien au monde.

Il sentait qu'elle n'avait pas cru son mensaonge car il était un mauvais menteur, ce brave Toby. Et c'était une évidence qu'il cachait quelque chose. Cependant, il se contenta de sourire, pour faire bonne figure. "Très satisfaite?" répéta-t-il, étonné par cette confidence. Amy représentait la femme sûre d'elle et surtout celle qui avait un très haut niveau d'exigence. Il aurait cru qu'elle lui ferait quelques remarques, sur sa façon de parler ou de marcher, ou n'importe quoi qui lui viendrait à l'idée. Mais non, au contraire, elle était très satisfaite.

Il lui adressa un nouveau sourire, alors qu'elle s'expliquait. Elle avait perdu trop de proches pour ne pas s'encombrer d'autres qui finiraient également par s'en aller. "Pourquoi ce défaitisme?" demanda-t-il. "Et moi, tu n'es pas en train de t'attacher à moi, même un peu? " demanda-t-il en souriant, toujours de façon candide, sur un ton presque taquin. "La reine des glaces? C'est un joli rôle que t'es choisi pour cacher ta vraie nature. Car je suis certain que je ne me méprends, et qu'il y a beaucoup plus derrière ta froideur que tu ne veux laisser voir. Dommage." indiqua-t-il ensuite en haussant les épaules, ne voulant pas brusquer Amy d'avantage. Il poussa un large soupire, son regard se posant sur ce qui l'entourait. Ce fut à cet instant que quelqu'un, avec un verre de vin, se promenant à la main d'une demoiselle, perdit l'quilibre et renversa le contenu de son récipient directement sur la chemise de notre jeune homme. "Vous pourriez pas faire attention?" rétorqua l'homme, alors que Toby n'avait pourtant fait aucun geste et n'était guère le fautif. Mais pour éviter tout conflit et tout cri inutile, notre abbé se contenta de sourire de façon gênée. "Je suis désolé." s'excusa-t-il simplement, alors que l'autre s'éloignait simplement en rouspétant. Toby sortit un mouchoir pour essayer d'éponger, mais c'était du vin rouge, c'était peine perdu.

Pourquoi ce défaitisme, voilà une bonne question. Amy secoue la tête. « Ce n'est pas du défaitisme, je suis simplement réaliste. » Elle avait perdu ses parents, son mari, c'était suffisant, non ? A ses yeux, oui. Elle ne pensait pas pouvoir supporter la perte de quelqu'un d'autre. Déjà qu'elle craignait de perdre son amie Kate à cause de se foutu cancer... Ca la stressait aussi énormément, ce risque. C'était difficile pour Amy de gérer cette crainte, mais elle ne voulait pas la communiquer à son amie qui passait ses jours et ses nuits à se battre contre ce foutu crabe. Quant à savoir si elle s'attachait au prêtre... Amy refusait cette possibilité. S'attachait-elle à lui ? Elle ne voulait pas. « Est-ce que ça a une importance ? »demanda la brune, en faisant face à Toby. Probablement pas. Il était là pour l'argent, non ? Juste pour l'argent. Qu'elle s'attache à lui ou pas ne devait rien changer, n'est-ce pas ?

L'héritière s'apprêtait à répondre à sa remarque quand un homme les interrompit de manière très peu cavalière, voire carrément vulgaire. Mais ce n'est pas ça qui irrita le plus Amy. Oh non. Ce fut la réaction de Toby. Il s'excusa. Il s'excusa alors qu'il venait de se faire bousculer. Que l'autre goujat lui avait renversé son verre de vin rouge sur son costume et sa chemise hors de prix et Toby s'excusait. Le regard de la brune alla de cet homme qui s'éloignait, puis lentement sur le prêtre. Elle fronça les sourcils et se rapprocha de Toby, lui prenant le mouchoir des mains afin d'éviter que la tâche se propage.

« Tu peux m'expliquer pourquoi tu t'es excusé ? Cet homme t'a bousculé, a ruiné ton costume et tu t'excuses ? Tu n'es pas un paillasson, ni un défouloir, » rajouta Amy tout en frottant les rebords de la tâche rouge. Voilà une chemise qui était sans doute ruinée. Certes, Amy possédait énormément d'argent, mais ce n'était pas pour cela qu'elle ne prenait pas soin de ses affaires ou qu'elle jetait les billets par la fenêtre. Toute chose avait une valeur, même les plus simples. « Tu avais tous les droits de réclamer ses excuses. Pourquoi t'écraser de la sorte ? » C'était absolument horripilant pour la brune qui n'appréciait pas du tout cette réaction. Le prêtre valait bien mieux que ça. Sans compter qu'il ne s'écrasait pas ainsi face à elle. Ce qu'elle ne souhaitait pas, au passage. Des paillassons, elle en trouvait à tour de bras, mais elle avait vu bien plus que ça chez le prêtre. Peut-être que lui-même ne le voyait pas ?

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