the devil is a woman | toby & chiara

ft. toby

☾☾ Températures incompréhensibles ces derniers temps, la météo qui joue au yoyo et les flocons qui tombent sur New York pour que le lendemain le thermomètre excède largement les dix degrés. C’est à n’y rien comprendre, vraiment, mais du moment que le printemps revient Chiara est contente, même si c’est par à-coups, qu’elle range son écharpe au fond de son placard pour mieux la ressortir le lendemain. Et aujourd’hui fait partie de l’un de ces beaux jours ; aujourd’hui, l’astre ardent brille haut dans le ciel d’un bleu trop parfait, réchauffe la peau lorsque l’on effleure ses rayons. Et quoi de mieux à faire pour célébrer ce dimanche radieux que d’aller mettre le nez dehors, se perdre dans le Queens, les rues colorées de ses coins artistes et les allées boisées de ses mers de verdure ? La jeune femme qui jette un coup d’œil à son cellulaire, dix-sept heures, déjà, elle doit se hâter si elle ne veut pas sortir à la tombée de la nuit, lorsqu’un vent froid se lève et que le soleil se fait timide derrière les buildings, si hauts qu’ils peuvent se payer le luxe de lécher les nuages de leurs sommets. Tornade blonde qui se lève dans l’appartement, ôte la chemise trop grande qu’un homme a égaré chez elle, cela fait bien longtemps qu’elle a oublié son prénom, se contente d’en user comme blouse de peinture, se rue vers l’évier pour y balancer sa palette aux godets maculés de taches multicolores, fait rouler le savon entre ses doigts pour en décoller la peinture séchée, déloger les pigments nichés sous ses ongles. Et déjà elle passe un blouson en similicuir, une paire de bottines et direction l’extérieur, où l’air se fait plus frais et où la vie bouillonne.

Le Queens vert, les parcs à foison et l’abandonnée face à un panel de choix bien trop grand. Pour y avoir passé la majeure partie de sa vie, elle connaît le Queens, a su l’apprivoiser, a appris à en faire le seul point d’accroche, unique point fixe de son existence. Le borough qui, contrairement aux gens, ne pourra jamais la laisser sur le bord de la route. Le borough fiable, bien plus que les sept milliards d’âmes inconstantes qui peuplent cette Terre. Elle le sait. Ses pas, rapides sur l’asphalte, le claquement de ses talons comme musique de fond et la demoiselle qui finit par atterrir dans un parc – sans surprise –, loin d’être le plus grand du secteur mais au cœur artistique qui fait tout son charme – d’après elle, en tout cas –, le cœur vibrant dans les allées verdoyantes. La jeune femme qui se déplace avec aisance dans les allées, s’arrête çà et là pour croquer un bouton de rose, tracer l’esquisse des mômes glissant sur le toboggan, s’asseoir un instant dans l’herbe ; la jeune femme qui prend ses aises dans le parc, profite de son unique réel jour de congé, se remet pourtant en branle sans tarder, retour dans les allées plus sages du grand jardin, la promenade de santé qui a finalement assez duré à son goût et les rues bitumées qu’elle retrouve, s’éloigne peu à peu du parc. Et, soudain, un visage familier ; fait peu rare pour elle, à passer tant de temps dehors, parler à tant de monde à la boutique et servir tant de clients au bar, elle rencontre de nouvelles têtes par dizaines tous les jours. Mais avec celui-là, avec cet homme, elle a échangé, elle est en est sûre. Et… ben tiens, c’est l’abbé ! La distance qui avait pour un temps flouté ses traits, mais maintenant qu’ils se rapprochent l’un de l’autre elle le reconnaît, l’homme trop bon pour ce monde et encore plus pour elle qui lui est venu en aide une fois, qu’elle a recroisé à quelques reprises depuis lors, et le hasard qui l’aura poussé à raconter cette anecdote à quelques habitués du bar, des paris à la con qui se sont lancés depuis lors. Si la jolie petite barmaid saurait faire faire ceci à l’abbé, puis ça aussi, et ça… Y a de l’argent à la clé pour Chiara alors bien évidemment qu’elle a accepté le défi, elle emmène le pauvre homme dans la direction qui l’arrange chaque fois qu’elle le croise et se débrouille pour en ramener une vidéo aux instigateurs. Le dernier défi en date ? Le faire boire, s’il finit pompette c’est encore mieux, qui sait ce qu’il cache sous ses airs de bon religieux ? Et un sourire en coin qui s’étire sur ses lèvres peintes de rouge lorsqu’elle comprend qu’elle tient peut-être là l’occasion de se jouer une fois de plus de ce qu’elle appelle son « abrutie naïveté », la diablesse qui s’assure d’être captée dans son champ de vision avant de porter une main à son front, vaciller sur ses talons et venir s’appuyer contre le mur le plus proche comme si ses jambes ne savaient plus la porter.

- Seigneur, j’ai la tête qui tourne…

Les paupières qu’elle prend grand soin de faire battre, l’air de peiner à les maintenir grande ouvertes, elle semble près de tourner de l’œil Chiara, vile jeune femme comptant sur la bonté trop grande de l’abbé pour qu’il s’arrête à ses côtés.

Spoiler:

Toby avait la tête complètement ailleurs, avec cette affaire qui lui tombait en plein sur les épaules. La sensation qu'il n'avait plus sa place se faisait de plus en plus pressante, de plus en plus accablante. Et malheureusement, il avait bien peur de finir un jour par s'y noyer, sans rien pouvoir faire pour remonter à la surface. Cependant, il continuait à se battre pour les causes qui lui étaient justes, et malgré le fait qu'il était relevé de son office pour le moment, il poursuivait son travail auprès des jeunes et des groupes de parole. C'était important, et il restait persuadé que pour beaucoup, il avait été la pierre dans le ruisseau, le gong d'un nouveau départ. S'il pouvait ne serait-ce que donner une pichenette pour le nouvel envol des oiseaux, ce serait fabuleux. Rien était vain, même si les résultats n'étaient souvent pas à la hauteur de l'effort. Toby ne baisserait pas les bras, pas comme ça, pas à cause d'une sordide affaire. D'autant qu'il gardait espoir que cette plainte serait vite rejetée, faute de preuve. Et surtout, il avait hâte de pouvoir parler à la fausse victime, question de l'aider comme il le pourrait, si cela s'avérait possible. Pour le moment, il ne savait même pas comment l'approcher.

Et alors qu'il se baladait, l'esprit ailleurs, complètement perdu dans ses pensées, ce fut une voix familière qui le sortit subitement de sa torpeur. Il fronça les sourcils. Au loin, une silhouette semblait vaciller, celle d'une jeune femme. L'abbé s'approcha à très grands pas, et vînt attraper la demoiselle par les épaules, pour la retenir si jamais elle faiblissait. "Ça va?" demanda-t-il, par réflexe, alors qu'il finissait par la reconnaître. Mlle Lawrence. Étrangement, leurs chemins ne cessaient de se croiser. C'était comme si elle jouait un jeu. Mais Toby était bien trop bienveillant et surtout naïf pour s'en rendre compte. Au contraire, il la retînt fortement par la taille. "Venez, je vais vous asseoir sur ce banc, là-bas..." déclara-t-il, la menant jusqu'au lieu mentionné. Il fouilla dans  son sac en bandoulière, fidèle ami de toujours, pour en sortir une bouteille d'eau, encore intacte. "Tenez, buvez un peu, ça vous fera du bien... Vous voulez que j'appelle un médecin?" proposa-t-il ensuite, lui tendant la boisson et sortant déjà son cellulaire de la poche de son jean délavé.

Spoiler:

ft. toby

☾☾ Poisson qui mord à l’hameçon, une fois de plus il n’aura pas été bien compliqué pour elle d’attirer l’attention de l’abbé, un sourire satisfait qu’elle réprime en le voyant approcher, ne souhaitant pas saborder d’elle-même sa petite performance, il la rejoint d’un pas empressé, referme un bras sur ses épaules. Il lui demande si ça va, question stupide dans de telles circonstances mais elle se garde bien de le lui faire remarquer, répond plutôt d’un air absent :

- Je sais pas… Je me sens faible, j’aurais besoin de reprendre quelques forces…

Son bras qu’elle sent glisser sur sa taille, elle le laisse faire, le pauvre homme qui ne doit pas souvent avoir l’occasion de toucher une femme de la sorte, et c’est ensemble qu’ils se dirigent vers un banc implanté non loin de là, la diablesse en parfait état de santé qui s’y laisse à moitié traîner, se laisse tomber lourdement sur le siège public. Une bouteille d’eau qu’il lui tend alors, elle referme la main dessus, laisse ses doigts glisser sur le bouchon comme si elle ne parvenait pas à l’ouvrir, se souvenant qu’ouvrir une bouteille neuve peut se faire tâche peu aisée lorsque l’on n’est pas au meilleur de sa forme. La main qu’elle laisse retomber d’un air penaud sur ses cuisses, secoue doucement sa tête blonde avant de relever les yeux vers lui avec un faible sourire :

- Non merci, vous êtes bien bon mais c’est pas la peine, c’est juste une petite crise d’hypoglycémie, ça m’arrive de temps en temps. Rien de grave…

Les prunelles céruléennes qui se baissent encore vers la bouteille, elle fait mine de tenter une nouvelle fois de craquer l’opercule de sécurité avant de la tendre à l’abbé.

- Mais je n’arrive pas à ouvrir cette bouteille, vous me rendriez un grand service si vous m’aidiez sur ce coup-là… S’il vous plaît.

Et fort heureusement pour elle, comme elle s’y attendait il s’empare de la bouteille, dévisse sans grande difficulté le bouchon avant de la lui rendre. Homme trop bon pour cette diablesse de femme, elle le remercie avant de porter le goulot à ses lèvres, boire quelques gorgées de la boisson fraîche.

- Je suis bien embêtée… Vous voyez… Je voudrais pas abuser de votre bonté, mais ça vous embêterait de m’accompagner dans un café ? Je sais qu’il y en a un au coin de la rue où je pourrais me remettre sur pied, ils pourront me donner un truc sucré, mais je suis pas très tranquille à l’idée de faire le trajet toute seule…

Un bar plus qu’un café en réalité, mais a-t-il vraiment besoin de le savoir ? La jolie blonde qui bat des cils en le regardant, referme consciencieusement ses filets sur lui.

Toby ne perdit pas pied et décida de mettre en oeuvre tout ce qu'il pouvait pour aider la demoiselle à sortir de son malaise. Elle avait effectivement l'air très mal, car lorsqu'il la prit par la taille, elle semblait lourde, s'appuyant à moitié sur lui, signe d'une certaine faiblesse. Il la guida vers un banc à proximité, comme il le put, avant de proposer d'appeler les secours, ce qu'elle refuse. "Vous êtes sûre?" lui demanda-t-il, un sourire sur les lèvres, encore inquiet. Il ne fallait pas qu'il la laisse là et qu'elle chute, qu'elle se fasse mal ou qu'il s'agisse de quelque chose de grave. Il lui tendit une bouteille, qu'elle tenta d'ouvrir sans succès. Il s'empara donc du récipient et détacha le bouchon. "Oh pardon, j'aurais dû y penser..." s'excusa-t-il en la laissant alors boire goulûment quelques gorgées d'eau, pour se redonner des forces.
D'ailleurs, puisqu'il s'agissait d'une hypoglycémie, Toby était sur le point de proposer à son interlocutrice d'aller lui acheter quelque chose de sucré, ou un jus, mais elle fut plus rapide, lui demandant de l'accompagner dans un café, au coin de la rue. "Ah...euh oui, bien sûr." Toby n'hésita pas une seconde, mais il était loin de s'imaginer les véritables desseins de Chiara, qui, à présent, était une araignée tissant sa toile autour d'un pauvre moucheron. C'était un jeu pour elle, et notre abbé s'y laissait prendre, en y mettant toute la bonté présente dans son coeur.
Il l'aida donc à atteindre le lieu dont elle avait parlé. Il assit la jeune femme à une table. "Qu'est-ce vous voulez? C'est moi qui régale." indiqua-t-il en attrapant un menu au passage, qui contenait des desserts et des boissons pour qu'elle puisse choisir rapidement ce qui lui ferait plaisir.

ft. toby

☾☾ Simple hochement de tête lorsqu’il lui demande si elle est sûre qu’elle ne veut pas qu’il appelle les secours, oui elle en est sûre, elle vient de le lui dire, un sourire faiblard qu’elle se force à lui adresser pour mieux le convaincre. Car qu’il appelle une ambulance est bien la dernière chose dont elle ait besoin, son mensonge doit rester secret et elle mettrait sa main à couper que si un spécialiste venait à l’examiner, il saurait immédiatement qu’elle est en réalité en pleine forme. Une information que ce cher abbé n’a pas besoin d’avoir, et pour mieux faire diversion elle lui rend la bouteille qu’il vient de lui donner, réclame qu’il la lui ouvre car elle n’en a prétendument pas la force.

- Non, y a pas de mal, vous excusez pas pour si peu… Vous êtes déjà très gentil, merci.

Des politesses dont elle se passerait volontiers en temps normal mais pas là, la diablesse qui use d’une amabilité et d’une douceur excessive qui lui ressemblent trop peu, seulement pour mieux le tromper. Plusieurs gorgées qu’elle boit alors à la bouteille, elle n’a pas spécialement soif mais doit bien jouer les déshydratées pour se rendre plus convaincante. Et la seconde phase du piège qu’elle met à exécution en lui demandant de l’accompagner dans un « café » voisin, une excuse toute trouvée, et fort heureusement pour lui il accepte, l’hésitation dans sa voix sur laquelle elle ne s’attarde même pas. Quelques mètres qu’ils parcourent alors, la jeune femme s’appuyant sur lui comme si sa vie en dépendait, et bientôt elle se laisse asseoir sur l’une des chaises du bar, relève le nez en entendant l’homme reprendre la parole. Parce que non content de se faire piéger, c’est lui qui régale ? Mais que demande le peuple ?

- Oh, vous êtes gentil ! Hum, laissez-moi jeter un œil à la carte…

Le deuxième menu dont elle s’empare alors, jette un œil aux desserts – pour la forme, elle est supposée être en hypoglycémie après tout – avant de laisser ses pupilles dériver vers les cocktails. Un sourire satisfait qu’elle retient en en voyant un qui fera parfaitement l’affaire, à base de vodka, excellent, elle replie son menu pour énoncer :

- Je prendrais une part de cheesecake et un berry ice. Vous connaissez, peut-être ? C’est une boisson aux fruits rouges, comme son nom l’indique, assez sucrée, je suis sûre que ça me requinquera ! Vous savez quoi ? Je pense même que vous devriez goûter ça, vous aussi, vous avez une tête à adorer ça !

Mensonge joliment ficelé et le ton persuasif, déjà elle pose sa main fine sur le menu de l’abbé pour l’inviter à le reposer, ne surtout pas aller regarder ce que contient le fameux cocktail. Ne surtout pas s’apercevoir que ce qu’elle lui vend comme une innocente boisson fruitée contient en réalité un alcool fort.

Le trentenaire laissa la demoiselle boire à son aise, au goulot de la bouteille. Il la regarda faire, en silence. Il ne sortit de son mutisme que lorsqu'elle lui demanda de la suivre et de l'accompagner dans un café au croisement de la rue avec une autre. Bien évidemment, Toby ne put qu'accepter, la tenant de nouveau par la taille. Loin de se rendre compte que c'était exactement ce qu'elle planifiait. Elle s'appuyait sur lui si fort, qu'il ne pouvait se douter que tout cela n'était que simulation et tromperie. Arrivés sur place, il propose de lui offrir le goûter, dans un geste purement bienveillant. "Je vous en prie..." lui répondit-t-il simplement, s'asseyant face à elle, tandis qu'elle s'empara de la carte pour la déchiffrer.

Toby regardait la carte, lui aussi, bien qu'il n'avait pas faim. Il pouvait prendre une petite boisson, pour accompagner la demoiselle, qu'elle ne se sente pas fixée en train de manger... il n'y avait pas plus désagréable comme sensation. Cependant, avant même qu'il ne puisse faire son choix, la demoiselle prit les devants... Lui en imposant un. Il arqua les sourcils. Une boisson aux fruits rouges? Pourquoi pas. Le jeune abbé haussa les épaules, avant d'adresser un large sourire à son interlocutrice. "Et bien, allons-y pour un ... berry ice, c'est ça?" dit-il en levant les yeux vers le serveur venu prendre leur commande.

"Vous allez un peu mieux déjà?" demanda-t-il à Chiara, tout sourire, alors qu'ils attendaient leurs boissons. "Car mon offre d'appeler un médecin tient toujours..." indiqua-t-il. Il avait peur qu'elle ne prenne son état trop à la légère.
Finalement, les commandes furent apportées. Toby but une gorgée de la boisson conseillée par la jeune femme. C'était fort... Mais il n'arrivait pas à déceler quel fruit pouvait donner une telle saveur à ce breuvage. "C'est... pas mal, en fait!" déclara-t-il finalement.