two friends can keep a secret. (peyton)

Fermant son bureau à clef, Peyton réalise que sa vie a énormément changé, ces derniers mois. Déjà, elle a un bureau, elle qui s’était jurée de ne jamais travailler assise sur un fauteuil. Mais lorsqu’elle est revenue vivre à New-York soudainement, il a bien fallu qu’elle trouve un travail. Par chance, un poste venait de se libérer dans l’entreprise de sa grande sœur. Designer des bijoux, elle n’y a jamais pensé. Elle n’y a jamais pensé, pourtant elle a toujours aimé dessiner, et elle est tellement créative que ce nouveau travail lui va comme un gant. Mais c’est tellement différent de sa vie d’avant. C’est tellement différent des quatre années qu’elle a passé à parcourir le monde, à découvrir les plus belles villes de la terre, à se créer des expériences uniques qu’elle n’oubliera jamais. Tellement différent de tous les petits boulots qu’elle a faits. Serveuse dans un restaurant, gardienne dans un zoo, dernièrement croupière dans un casino, son curriculum vitae est rempli de choses les plus étranges les unes que les autres, mais elle est comme cela, Peyton. Elle l’a toujours été, un peu décalée, avec ce besoin affirmé de liberté. Et c’était ce qu’elle était, libre. Mais elle ne l’est plus, désormais. Elle ne l’est plus parce qu’il y a ce fichu cœur qui ne fonctionne plus. C’est son insuffisance cardiaque qui l’a poussé à revenir à l’essentiel, et pour elle, l’essentiel c’est ce qu’elle a toujours eu, toujours connu, sa famille. Sa grande sœur, Isabella, et son grand-frère, Miles. Ils sont ce qu’elle a de plus précieux au monde. Bien plus encore que son besoin de vivre. Alors elle est revenue là où elle est née, dans le Queens. Et elle commence à s’y faire, elle commence à s’adapter. Mais parfois, c’est terriblement difficile à vivre. C’est impossible pour elle d’accepter que cette maladie la condamne à ne plus pouvoir être celle qu’elle était. A ne plus pouvoir vivre comme elle l’entend. Elle ne l’accepte pas, elle ne l’accepte pas et n’écoute pas les médecins qui lui expliquent sans cesse qu’elle doit faire attention. Résultat, elle ne se porte que pire encore. Et cela devient de plus en plus compliqué de le cacher. Lorsqu’elle bouscule sans le vouloir ce garçon juste devant l’entreprise, s’en est une preuve supplémentaire. Elle le reconnait immédiatement. L’ami d’Isabella. Celui qui l’a aidé lorsqu’elle a fait un malaise des jours plus tôt à son travail. Oh, Finn ! Je vais bien, et toi ? Est-ce qu’elle est gênée ? Oui, un peu. Parce que même s’il ignore quoi, il sait qu’elle a des problèmes de santé et Peyton aurait voulu que personne ne le sache. Et puis, d’un autre côté, Finn a l’air d’être un garçon tellement gentil, tellement adorable, qu’elle ne se voit pas ne plus jamais lui adresser la parole. Pourtant, à ses paroles suivantes, Peyton lève les yeux au ciel presque immédiatement. Finn, comme je te l’ai dit, je vais bien. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Elle déteste avoir a mentir, sans cesse. Mais c’est également une manière de se protéger, parce que si elle réalise qu’elle ne pourra plus vivre sa vie, elle va s’effondrer, c’est certain.

Elle aurait préféré. Bien sur qu’elle aurait préféré que Finn ne devienne pas le seul gardien de son secret. En réalité, ce secret, elle aurait aimé pouvoir le garder pour elle. Jusqu’à ce qu’elle, elle soit prête à en parler à quelqu’un, ou peut-être le garder à jamais. Le pauvre n’a rien demandé, et il se retrouve mêlé à tout cela alors qu’il est avant tout un ami d’Isabella. Et Peyton sait bien qu’au fond, cela doit être difficile à porter pour lui. Mais même si elle ne le montre pas, même si elle ne veut pas l’avouer, c’est aussi difficile pour elle. Seulement, la différence entre Peyton et Finn, c’est que ce sera encore bien plus dure à supporter pour Peyton si quelqu’un l’apprend. Elle n’est pas prête. Elle n’est pas prête à être traitée comme une malade, à vivre comme une malade. Même dans les yeux de Finn c’est difficile à voir, cette lueur, cette lueur d’inquiétude, alors dans les yeux de sa sœur, de son frère, elle ne pourrait pas le supporter. Et puis, leur famille a déjà dû affronter tellement de souffrances, de drames, de morts, qu’elle a peur que la famille ne s’en remette pas, cette fois. Pas après la mort de leur mère, pas après la mort de leur frère. C’est un mal-être qui grandit un peu plus chaque jour, chaque fois qu’elle se sent faiblir, en réalité. Mais elle a de plus en plus peur. Oui, plus elle attend, plus elle a peur. Et pourtant les médecins ne cessent de l’alarmer sur son état de santé. Ils l’ont même fait devant Finn, ce qui explique pourquoi il est si inquiet aujourd’hui. Elle aurait aimé pouvoir lui dire qu’il s’agissait d’un simple malaise. D’un moment d’étourdissement. Mais son état bien trop grave ne lui en a pas laissé l’occasion. Elle le regarde alors, de ses grands yeux bleus. Attendant qu’il ait fini son discours. Il n’y a que lorsqu’il parle d’un contact d’urgence, qu’elle reprend finalement la parole, un léger sourire sur les lèvres. Et bien, je peux te mettre toi, en contact d’urgence ? Elle le charrie, évidemment. Elle sait qu’il n’a aucune raison de veiller sur elle. Il en a déjà bien assez fait. Il l’a énormément aidé en appelant une ambulance, mais également en restant près d’elle à l’hôpital. L’hôpital, c’est un endroit que déteste Peyton. C’est très douloureux à chaque fois qu’elle y va. Elle repense à son frère, à toutes les fois où il a dû y aller, et lui, il est mort. Elle a peur qu’il lui arrive la même chose qu’à lui, voilà la vérité. Finn… Je sais que je t’ai mis dans une situation délicate… J’aurai préféré que ce ne soit pas le cas. Et crois-moi, je te suis extrêmement reconnaissante. Elle est soudainement beaucoup plus sérieuse, Peyton. Beaucoup plus touchée. Elle qui est si légère d’ordinaire. Et si on allait boire un verre ? Un tout petit et doux sourire s’installe sur son visage. Après tout, ils ne vont pas rester planter ici pour avoir une telle conversation. Et même pour la santé de Peyton. Puis… Elle apprécie Finn, Peyton. Elle l’aime beaucoup en réalité, même si elle le connait peut. Elle veut apprendre à le connaître davantage, découvrir qui est cet homme, son preux chevalier.

Elle sait combien cela peut être difficile à comprendre, Peyton. Elle le sait, et au fond, si sa sœur ou son frère venait à lui cacher quelque chose de si grave, elle le prendrait certainement très mal. Et Finn, il est adorable, c’est vraisemblablement un homme bien, mais il ignore tout de ce qu’a vécu la famille Cooper. Il ignore tout de toutes les souffrances qu’elle a dû traverser, elle, comme le reste de sa famille. La mort, la maladie, la douleur, c’est quelque chose qu’ils ne connaissent déjà que trop bien. Alors sa maladie à elle, cette insuffisance cardiaque, oui, elle espère pouvoir la garder un peu pour elle. Rien qu’encore un peu. Elle ne veut pas avoir à leur faire subir cela. Pas une fois de plus et surtout pas à cause d’elle. Ils se retrouvent, réellement, petit à petit. Ils retrouvent une relation forte et saine tous ensemble. Mais si elle venait à révéler soudainement qu’elle est malade, c’est tout leur équilibre qui en serait bouleversé. Et elle ne peut pas l’accepter. Comme elle ne peut pas accepter d’être traitée uniquement comme une malade. Elle aimerait que Finn puisse comprendre. Elle aimerait qu’il réalise que cela est mieux pour sa famille. Mais il s’inquiète pour elle. Il s’inquiète, et au fond c’est presque touchant. Il n’a aucune raison de le faire et pourtant il semble prendre sa santé tellement à cœur. Bien plus qu’elle-même.  La jolie brune esquisse un tout petit sourire en l’entendant lui dire qu’il ne rigole pas, mais à ses paroles suivantes, elle redevient plus sérieuse. Tu penses que c’est la première fois que ça m’arrive, Finn ? Je m’en suis toujours sortie, ne t’en fais pas pour moi. Et cela lui fait mal de l’admettre, mais c’est la réalité. Elle s’est déjà retrouvée faible dans la rue, plus d’une fois. Par chance elle a toujours trouvé quelqu’un pour l’aider. Elle a toujours su se débrouiller. Mais il n’a pas totalement tort sur une chose, elle est plus rassurée si c’est lui, qui est là. Mais pas seulement parce qu’il la connait, aussi parce qu’il sait se montrer rassurant. Elle ne l’admettra pas, Peyton, parce qu’elle ne veut pas paraître faible, pourtant, c’est la réalité. Souriant lorsqu’il accepte son invitation, elle se dirige avec lui jusqu’au café où elle s’installe. Elle espère pouvoir calmer ses craintes, mais il revient rapidement à la charge. Vas-y, je t’écoute… Oui, elle lui doit bien cela. C’est la moindre des choses. Alors elle ne se braque pas. Elle accepte la discussion, avec légèreté, comme toujours, mais elle accepte.

Lorsqu’elle surprend le regard de Finn, elle parvient à y lire deux choses, Peyton. La première, c’est son inquiétude. Son envie de l’aider et la protéger, sans raison apparente. Ou bien, peut-être que si. Peut-être que c’est uniquement pour Isabella qu’il le fait. Après tout, il est son ami à elle, et non le sien. Mais ce qu’elle peut lire aussi c’est à quel point il la trouve inconsciente. Et peut-être qu’elle l’est, un peu. Cependant, elle a parfaitement consciente qu’elle est malade. Elle n’est pas plongée dans un quelconque déni. Simplement, elle préfère minimiser cette maladie et les symptômes qui vont avec. Au fond, c’est parce qu’elle a peur. Peur de ce que cela voudrait dire si elle se mettait à accepter. Peur de la vie qu’elle devrait mener si elle se mettait à accepter. Une vie dont elle ne veut pas. Une personne qu’elle ne veut pas être, malade. Parce qu’en réalité, si son mode de vie devait changer, cela changerait également la personne qu’elle est. La personne qu’elle est devenue. Celle qu’elle a construite lors des dernières années passées à voyager, à voir le monde, à vivre, tout simplement. Mais la question du beau brun l’interpelle tout de même. - Finn, pour qui est-ce que tu me prends ? Dit-elle en ironisant légèrement la situation. Elle n’est pas non plus complètement folle. Elle sait très bien que dans son état, les visites à l’hôpital restent une nécessité. - Oui, je suis suivie. Cela ne veut pas dire qu’elle suit à la lettre ce que recommande les médecins, en réalité, c’est même tout le contraire. Elle a tendance à n’en faire qu’à sa tête. Elle a tendance à ne rien écouter. Parce qu’elle a peur d’être faible. Et elle ne réalise pas que c’est justement parce qu’elle ne fait pas attention qu’elle est de plus en plus faible. Puis Finn en vient à la question délicate. La question directe, celle sur sa maladie. Après tout, cela ne servirait à rien de lui mentir ou de lui cacher. Il est déjà au courant que quelque chose ne va pas. Que quelque chose de grave ne va pas. Alors détournant légèrement le regard, Peyton reprend finalement la parole. - J’ai une insuffisance cardiaque. Les mots résonnent dans son esprit. Elle se souvient encore lorsqu’elle l’a découvert, Peyton. Elle était à Las Vegas, elle menait une vie de rêve, une vie de folie qu’elle avait elle-même choisi. Et sa maladie est venue tout bouleverser, tout briser. Elle reste maintenant silencieuse. Le regard de Finn sur elle ne risque pas de changer, puisque de toute manière, il est déjà bien assez inquiet.

Le pire dans toute cette situation, c’est qu’elle a besoin de quelqu’un comme Finn dans sa vie, Peyton. Elle a besoin de quelqu’un qui ne baisse pas les bras, de quelqu’un qui ne la laisse pas s’enfoncer, de quelqu’un qui ne la laisse pas tomber. Elle a besoin que quelqu’un sache, parce qu’à tout moment, elle risque de s’effondrer. Seulement, elle ne l’avouera jamais. Non pas à lui, mais à elle-même. Elle ne se l’avouera jamais, parce qu’elle ne veut surtout pas être dépendante, elle qui est la définition propre de l’indépendance depuis toujours. Et elle ne veut pas lui infliger cela, pas à lui. Derrière cette nonchalance qu’elle affiche, elle a tout à fait conscience de la situation délicate dans lequel il va se retrouver, à cause d’elle. Et elle est loin d’être le genre de femme qui entraîne les autres dans ses problèmes, Peyton. De toute la fratrie Cooper, elle a toujours été celle qui parvenait à vivre sa vie, à la mener sans embuches. Mais aujourd’hui, tout change. Tout va changer. Parce qu’elle a encore toute la vie devant elle, et elle a pourtant le sentiment que se résoudre à accepter sa maladie serait comme mourir un peu.  Pourtant, elle joue la carte de l’honnêteté avec lui, parce qu’elle le lui doit. Elle lui doit beaucoup. - Depuis juillet. Je ne sais pas si Isa t’avait déjà parlé de moi, mais j’habitais à Las Vegas, avant. Je suis revenue quand je l’ai appris. Ce retour est une preuve que, malgré tout, elle a conscience de sa maladie. Elle a conscience qu’elle peut être grave, et elle ne voulait pas maintenant cette distance entre elle et les personnes qu’elle aime plus que tout au monde, Miles et Isabella. Les paroles suivantes de Finn viennent serrer son cœur. Demander de l’aide ? A qui ? Pourquoi ? Non, elle refuse d’attiser la pitié, elle refuse d’inquiéter ses proches, elle refuse de vivre comme une malade. - Non, ce n’est pas rien, je le sais. Et je le gère comme je peux. Elle détourne le regard, quelques secondes seulement, avant de le regarder à nouveau. Et d’une voix plus faible, elle reprend finalement la parole. - Je ne veux pas inquiéter tout le monde. C’est déjà assez difficile à vivre pour en plus les voir souffrir. Il ne sait pas ce qu’ils ont déjà dû affronter, les Cooper. Ils ont perdu leur mère, leur frère, et si maintenant c’est elle qui est se retrouve souffrante, elle a bien peur qu’Isa et Miles ne s’en remettent jamais.